Dortoir des 4èmes années: Filles

Les malaises n'étaient plus si fréquents, depuis qu'elle avait refusé de suivre la femme aux cheveux blonds. Néanmoins, alors qu'elle versait enfin dans une forme de quiétude – comme si tout ceci était à présent derrière elle et qu'elle pouvait se concentrer sur les examens à venir – voilà qu'elle lui apparaissait en rêve. Et quel rêve ! Ce sentiment d'avoir été dépossédé entièrement de son corps, de son esprit, tout en restant consciente, était insupportable. Elle voulait fuir. Quitter son enveloppe charnelle. Ou bien la récupérer – sortir du sommeil.


Finalement, elle y parvenait, et rejoignait la douce voix qui l'appelait depuis la chambre. Hope.
Elle balbutiait un mensonge et s'installait confortablement afin de reprendre ses esprits. Elle avait une vilaine nausée, était épuisée et en nage. Sa voisine de chambrée la plaignait et n'était pas rassurée pour autant, sa concentration silencieuse en était un témoin. Assise, Hope détaillait les traits de la blonde aux yeux pâles. Et lui demanda alors si elle allait bien.
Mentir une fois de plus ? Hm, elle ne pouvait s'y résoudre. C'était idiot : il était clair qu'elle ne se sentait pas bien. « Non... Je, les examens sont bientôt, et il faut que je les réussisse parfaitement. Je crois que la pression ne me fait pas du bien » lâcha-t-elle avec un petit rire. « Enfin, ni plus ni moins que tout le monde, j'imagine. Ce rêve m'a un peu secouée, pardon. » soupira-t-elle une fois de plus.

Elle ne voulait pas attirer l'attention sur elle – il fallait que Hope détourne le regard et retrouve ses propres couvertures. La jeune fille blonde n'aimait pas parler d'elle et encore moins des problèmes qu'elle pouvait rencontrer. Son image lisse devait être maîtrisée, chaque aspérité contrôlée. Raison pour laquelle le fait d'être sous le joug d'une marionnettiste était aussi douloureux et terrifiant, pour elle.

Alors qu'elle offrait à Hope un sourire rassurant, une voix se fit entendre. Là, en face de son lit, une silhouette éthérée l'appelait. Harmony parvint à retenir un sursaut mais ses yeux s'écarquillaient tandis qu'elle déglutissait. La femme n'était jamais sortie de son esprit. Elle n'avait jamais réussi à se matérialiser face à elle. Devenait-t-elle plus puissante ? Et comment ? S'était-elle si bien installée dans les limbes de l'âme néo-zélandaise, qu'elle s'en nourrissait et pouvait à présent s'en extraire ? Et...
Submergée par le flux de questions, alors que la femme s'excusait, Harmony finit par se souvenir qu'elle n'était pas seule dans la pièce. Aussi, elle se tourna vers Hope, inquiète – la voyait-elle aussi ?

Mais elle continuait de parler. Harmony sentait la colère gronder – le spectre ne s'était jamais présenté, il n'avait jamais répondu à ses questions, mais continuait de pénétrer insidieusement dans son esprit. Et elle était désolée de l'avoir laissée tranquille ces derniers mois ? La blonde fronçait les sourcils, prête à vociférer. Mais elle ne pouvait pas. Hope était là. Hope la prendrait pour une folle si elle se mettait à hurler seule. Déjà que des rumeurs sur son état de santé avaient pu se propager à la suite de son malaise à la soirée de Nouvel An...

Mais voilà que la femme parlait d'un autre moyen. Une peinture. Au blason de Gryffondor. Son frère ? Mine de rien, ces informations titillaient la curiosité de la jeune Serpentarde. Alors qu'elle priait pour que cette émanation d'outre-tombe la laisse tranquille, elle trouvait finalement un intérêt renouvelé à communiquer avec elle.
Autant trouver le fin mot de l'histoire, maintenant qu'elle en avait souffert les conséquences !

Harmony réfléchit une petite seconde à la façon de répondre qui n'éveillerait pas les soupçons de sa camarade. Espoir. Elle finit par déclarer, doucement, face à elle : «Nous devons essayer de le trouver... » et elle se tourna avec un sourire vers sa camarade « un peu de sommeil, Hope, tu ne crois pas ? ».
Avec un peu de chance, la jeune fille laisserait tomber, ne remarquant rien de l'agitation nerveuse de son amie.

Le spectre se détachait enfin de sa chair et se présentait à elle. Toute cette histoire prenait enfin un semblant de sens, même si le soulagement se mêlait aux craintes les plus variées de celle qui avait été possédée, aliénée par cette espèce étrangère et intrusive. Elle ne savait pas plus ce que signifiait cette apparition. Si elle se tenait devant, c'était qu'elle avait gagné une énergie en résidant en son esprit et ce constat paniquait encore Harmony. Toutefois, les mois qui s'étaient déroulés, où la veilleuse était restée allumée, signe de la présence jamais altérée du souvenir, qui surgirait indubitablement, l'avaient liée à cet être intangible. Sa curiosité avait été piquée.
Et pour la résolution de cette affaire, elle irait jusqu'à fouiller les couloirs de Poudlard. Malgré sa colère. Malgré ses réticences à se voir manipuler par cet être. Car il fallait bien y mettre un terme. Et ainsi, elle obtiendrait une réponse à la foule de questions. Et le calme, bien sûr. Si cette âme en peine pouvait trouver un réceptacle dans une peinture, la Serpentarde serait enfin tranquille.

Aussi, elle tenta de lui confirmer sa venue, sans éveiller les soupçons de Hope. Alors qu'elle pensait pouvoir retrouver son oreiller et l'apaisement d'une nuit sans rêve, sa camarade de chambrée l'interpella. La blonde concentra tous les efforts pour rester impassible tandis que la jeune Westminbrook mentionnait l'étrangeté de sa requête à venir. Elle regardait alentour. Elle savait, n'est-ce pas ? Elle avait remarqué. La jeune femme ne se matérialisait donc pas uniquement pour sa seule vue. Cela ne pouvait donc pas être une hallucination de plus, une projection depuis son esprit torturé. Elle avait réellement gagné une épaisseur...
Hope, hésitante, poursuivait. Elle était certaine de quelque chose qu'elle refusait de nommer. Harmony aurait dû lui dire qu'elle ne voyait pas de quoi elle parlait. Elle aurait dû jouer l'ingénue et feindre de s'endormir après avoir rassurée Hope. Voyons, nous sommes dans une école de magie, après tout. Il se passe toujours quelque chose d'incompréhensible.

Elle voulait cependant être certaine de ce qui perturbait Hope. « Cela ? De quoi parles-tu, Hope ? » Elle jouait l'amie inquiète et fronçait les sourcils. « Que ressens-tu ? » Ensuite, elle la consolerait et se coucherait. Bien déterminée à dissiper tout le brouillard dans lequel elle avait été plongée.

Harmony avait mis de l'ordre dans ses couvertures et signifié à la présence d'éther sa volonté de la suivre, plus tard. Elle tentait de rassurer sa voisine de chambrée – ou plutôt, de nier toute perturbation extérieure. Elle observait Hope du coin de l'oeil. Elle semblait perplexe, sentant une distorsion du réel, sans savoir d'où lui venait cette intuition. La blonde se demandait si sa paranoïa ne lui jouait pas un tour. Hope n'avait pas vu la jeune femme, c'était impossible ! Autrement sa réaction n'aurait pas été celle-là. Non, simplement, son imagination lui jouait des troubles. Après tout, à Poudlard, ce qui semblait normal un jour serait chamboulé le lendemain et le redeviendrait le jour d'après.

Mais Harmony voulait comprendre ce à quoi Hope se référait. Elle s'inquiétait de l'idée que la jeune femme, sortie de son esprit, en illusionne d'autres. Ses craintes étaient multiples : soit elle passerait pour démente, de ne pas avoir mentionné plus tôt qu'un fantôme la hantait, soit elle perdrait ses forces au profit dudit fantôme, dont les plans étaient toujours inconnus. Les deux possibilités pouvaient d'ailleurs se cumuler.
Elle fronçait les sourcils. L'impression décrite par Hope était définitivement étrange, toutefois elle n'était pas sûre de pouvoir la lier à la présence de la jeune femme. A ce moment d'ailleurs, elle était incapable de dire si la silhouette était une projection ou bien si elle s'était effectivement détachée du cœur de ses pensées.

« Une oppression ? Eh bien... Non. Enfin, j'angoissais pour les échéances à venir. Mais rien de bien étrange. » Elle offrit un sourire désolé à sa colocataire. Il était rare que l'une se confie à l'autre, encore moins qu'Hope ne lui présente ses doutes. Elles mesuraient leurs paroles et si elles s'appréciaient, elles n'osaient s'exprimer autrement que par périphrases, sur des sujets bien délimités. « Ce n'est pas grave. Peut-être, j'ai aussi l'esprit embué. »
Elle ramena ses jambes et les glissa sous les couvertures et jeta un dernier coup d'oeil face à elle. La fille de la broche n'était plus là. Elle eut un soupir léger. « Oui, nous devrions dormir, autrement nous le regretterons demain. »

Elle s'allongea confortablement, tassant son oreiller, quand Hope lui adressa une dernière question. « Je vais bien, ne t'inquiète plus. Il me faut surtout du sommeil ! » Sur quoi, elle souhaita une bonne nuit à la jeune Westminbrook.
Elle pensait que la brune scandinave n'aurait pas alors remarqué son jet d'oeil intrigué au devant de son lit. De toute façon, qu'elle l'ait perçu ou non, elle oublierait bien vite cette anecdote anodine. N'est-ce pas ?