Rendez-vous avec une passionnée de botanique (1er post isolde)

Deux chutes dans la terre gelée et une esquive particulièrement chanceuse de poussière de fée plus tard, Freya avait enfin réussi à les semer. Pestant, tentant de reprendre son souffle et frottant la joue qui s’était étalée au sol pour en enlever la poussière et l’herbe, elle revient prudemment sur ses pas, espérant croiser Isolde et Amaranthe. Au bout d’une minute ou deux de marche, elle dut se rendre à l’évidence ; soit elle s’était perdue – ce qui était impossible, car elle pouvait voir la trouée que formait la clairière au loin – soit ses camarades étaient parties dans un tout autre sens. Et ça, ça serait gênant. Elle ne comptait pas crapahuter dans la forêt tout l’après-midi, mais elle ne pouvait pas non plus partir sans vérifier qu’Isolde avait bien pu porter secours à Amaranthe, quand même…

« Isolde ? »

Sa voix, à peine plus haute qu’un murmure, n’engendra aucune réponse. Evidemment. Elle s’avança un peu plus, les sens aux aguets, et était si concentrée sur la clairière qu’elle manqua de ne pas remarquer la chevelure rousse qui, pourtant, jurait assez violemment avec la terre, la neige et les feuilles qui l’entouraient. Elle jura bruyamment, cette fois, et se dirigea vers la jeune femme, son regard cherchant avec fébrilité une quelconque blessure, sans rien pouvoir déceler du premier coup d’œil.

« Hé, Amaranthe ? Ça va ? »

Elle était encore faible, et Freya doutait très sérieusement de pouvoir la porter jusqu’à Haveirson… Cela étant dit, elle avait une liste longue comme son bras d’autres problèmes, le principal étant qu’Isolde n’était pas là. Cela ne pouvait augurer que des putains de problèmes supplémentaires.

Sérieusement, elle aurait mieux faire de rester endormie.

« Bon, attends là, je vais essayer de trouver Isolde, okay ? »

Elle n’attendit pas sa réponse, pressée de se sortir de cette situation incroyablement désagréable, et s'avança de quelques pas avant de sortir sa baguette.

« Hominum revelio ! »

Isolde était là, tout près, elle pouvait le sentir. Elle se mit à avancer dans la direction que lui indiquait le sortilège, et ne s’arrêta que lorsqu’elle fut à la lisière de cette maudite clairière. Elle relança le sortilège, fit le tour de la clairière, mais rien à faire ; il indiquait toujours ce maudit arbre.

Revenant sur ses pas, elle s’agneouilla auprès d’Amaranthe.

« Bon. Je sais où est Isolde. On a un problème. »

D’un mouvement de tête, elle désigna l’arbre des fées.

Moyennement convaincue à l’idée que son ancienne camarade de maison se relève, elle obéit toutefois et la hissa à la force presque inexistante de ses bras, son esprit, lui, analysait avec attention les éléments qu’Amaranthe ajoutait à cette situation déjà catastrophique.

« Euh, ouais, mais j’ai aucune idée de comment faire ça moi… » marmonna-t-elle, légèrement paniquée.

Faire diversion, okay. Courir, s’étaler par terre, se faire poursuivre par une armée de fées en furie, pourquoi pas. Mais aller récupérer quelque chose dans l’arbre des fées ? Non. Surement pas. Il y avait forcément un autre moyen d’aider Isolde. Un autre moyen qui n’impliquait pas de s’exposer une nouvelle fois à la furie des fées, de préférence. Ce n’était pas qu’elle ne souhaitait pas aider Isolde, bien entendu – mais se retrouver aussi démunie face à une telle situation était dérangeant et la terrifiait. Qui se jetterait délibérément au cœur du danger sans prendre le temps d’y réfléchir quelques instants, hein ? A part un Gryffondor, bien sûr. Ce qu’elle n’était définitivement pas.

« Attends, tu sais ce que tu fais au moins ?! » demanda-t-elle en la conduisant à la lisière de la clairière, sa voix s’égarant dans des notes aiguës inhabituelles pour sa voix éraillée.

La détermination d’Amaranthe était aussi admirable qu’intrigante aux yeux de Freya ; elle était dans un état pas possible, et pourtant elle était debout pour trouver une solution. La perspective d’affronter à nouveau ses kidnappeurs ne semblait pas l’effrayer, bien au contraire. Bon. Elle n’avait plus qu’à se tenir dans son sillage, alors – vraiment, si le problème avait touché des plantes ou les potions ou même un maudit sortilège, elle aurait répondu présente. Mais des fées. Sérieusement. Elle jetait l’éponge.

« Bon, je te suis, hein… »

Isolde mit quelques secondes à réaliser ce qui s’était passé. Les fées étaient parties… et l’avaient abandonnée en haut de l’arbre, loin de la vue de toute personne qui se baladerait dans la clairière. Elle voulut crier, bouger, mais aucun son, aucun mouvement n’était possible. Tout son corps était pris d’un engourdissement semblable à celui qui nous guette avant le sommeil, mais son intensité était décuplée par la magie des petites créatures.

Respire, calme toi.

Les fées avaient jeté sa baguette dans l’herbe avant d’emporter la jeune femme. Isolde se trouvait totalement démunie, et la panique commençait à la gagner. Ses sens n’étaient pas altérés et elle pouvait très bien sentir le froid qui mordait impitoyablement son corps immobile et les branches qui lui griffaient le dos. L’engourdissement lui semblait devenir plus pesant aussi… Involontairement, ses paupières se fermèrent, l’espace d’une seconde. Isolde lutta aussitôt pour les réouvrir. Ne surtout pas dormir. Elle ne savait pas ce que les fées avaient mis dans leurs fléchettes, mais elle pressentait que se laisser aller au sommeil serait une très mauvaise idée. Avec un peu de chance, si elle réussissait à se maintenir éveillée, l’effet du poison disparaîtrait de lui-même…

La panique la gagnait lentement. Et si les fées revenaient et décidaient de l’emmener plus loin encore avec elles dans la forêt ? Combien de temps faudrait-il à quelqu’un pour la retrouver ? Des voix se firent entendre, loin en-dessous de la Phénix, la tirant de ces pensées alarmantes. Amaranthe et Freya ! Elle avaient retrouvé la clairière ! Isolde essaya de révéler sa présence de toutes ses forces, mais ses membres refusaient toujours de lui répondre. La hauteur de son perchoir l’empêchait de distinguer les paroles des jeunes femmes, mais au moins, elles étaient là et ne semblaient pas vouloir partir tout de suite.

Par un suprême effort de concentration, elle réussit, l’espace d’une seconde, à faire bouger son pied. Les feuilles qui le supportaient bruissèrent légèrement, et Isolde pria pour que ses camarades aient perçu le bruit. Mais l’engourdissement revint de plus belle, tentant toujours d’envelopper la jeune allemande dans son étreinte si douce et agréable. Son corps lourd s’enfonçait dans les feuilles comme dans un lit, et elle ne sentait même plus les branches sous elle. Lutter était si difficile… Ses yeux se fermèrent malgré elle, sa tête roula sur le côté, et son esprit s’envola loin du bois où son corps était étendu.

Rives du Loch Ness, début août 1996. Isolde avait installé son campement pour la nuit sur l’herbe humide des bords du lac. Rien ni personne aux alentours. Elle était seule, comme souvent lors de ses baroudages. Elle avait passé la journée à croquer des nouvelles plantes, marcher, et s’était assise pour profiter du coucher de soleil, qui tombait toujours trop tôt à son goût en Ecosse. Elle aurait pu passer pour une parfaite touriste moldue, n’avait été cet hibou. Il avait parcouru le pays pour la trouver et lui apporter une étrange lettre. Une lettre qui lui offrait une place dans une nouvelle académie, fraîchement ouverte au Pays de Galles. L’idée était terriblement tentante. Mais elle ne pouvait retenir une pointe de méfiance envers tant de générosité, alors que le monde autour d’eux se déchirait. Elle se devait d’être méfiante, de toute façon. Même si partir seule dans un endroit reculé n’était pas vraiment ce qu’on aurait pu qualifier de “méfiant” ; elle se sentait plus en sécurité ici que perdue dans la foule d’une grande ville.

Elle ne se doutait pas que le hibou n’était pas passé inaperçu auprès des moldus locaux, qui, sans les évènements de fin juillet, auraient sûrement ignoré l’animal. Mais la présence d’un parchemin enroulé sur sa patte les avait intrigués. Et effrayés. Et un petit groupe de gens effrayé est parfois plus dangereux qu’une foule indécise.

1h du matin. Isolde dormait paisiblement, enroulée dans son sac de couchage, sous sa tente sombre et presqu’invisible dans la noirceur nocturne. Soudain, une lumière perça la nuit. Bientôt rejointe par une deuxième, portée plus prêt du sol, tenue par un enfant. Puis deux autres, éclairant une petit famille tout à fait banale. Moins banales, étaient les briquets allumés qu’ils tenaient dans leurs mains. Et qu’ils jetèrent avec une férocité manifeste sur la tente de la jeune endormie.

Isolde se réveilla en panique, le feu atteignant presque son duvet. La fumée emplissait déjà la tente et lui piquait les yeux et la gorge. Suffoquant à moitié, elle se rua vers l’ouverture, attrapant ses habits, son sac et sa baguette au passage… pour se rendre compte que la fermeture était bloquée. Elle tira dessus de toutes ses forces, arrachant presque la toile. Sans résultats. Elle sortit alors sa baguette et la pointa devant elle.

- Diffindo !

Le tissu se déchira sur toute sa longueur, laissant une ouverture béante à la jeune qui sortit aussitôt du brasier. Et c’est à ce moment qu’elle les vit.

- SORCIERE !

Le mot avait été hurlé comme une insulte par un des enfants. Stupéfaite, Isolde le regarda, aucun mot ne sortant de sa bouche. Elle leva les yeux vers la mère, qui avait encore un briquet non utilisé en main. Tant de haine dans leurs regards… Mais pourquoi ? Ils ne la connaissaient même pas. Des larmes roulèrent sur ses joues, de peur, de colère. La petite famille s’avança vers elle, toujours plus menaçante, continuant de lancer des insultes. Transie de peur, Isolde n’eut qu’un réflexe : transplaner.

A ce moment là, un détail, produit par l’esprit embrouillé d’Isolde, se rajouta à la scène réellement vécue. La silhouette d’une jeune femme apparut soudain prêt des agresseurs ; une jeune femme noire, aux cheveux frisés. Impossible de dire si elle était de leur côté ou alors l’autre cible de leurs cris. Mais elle se tenait droite, près de la tente, évitant le regard d’Isolde. Au moment même où cette dernière transplana, elle la vit.

- Fanny !

Ce n’était pas possible, elle n’était pas là ! Isolde se débattit, essayant de s’empêcher de quitter la scène, accrochant ses pieds au sol et tendant ses bras vers la silhouette pour l’attraper. En vain… La scène disparut et Isolde se retrouva seule dans une forêt inconnue.

Son corps, lui, était resté immobile. Puis, soudain, à la vision de Fanny, ses pieds battirent les feuilles et brisèrent une branche sous elle, la faisant glisser plus loin du tronc, en équilibre précaire au-dessus du vide. Elle retomba alors dans sa léthargie, sa tête basculée en arrière et un bras pendant dans le vide dangereusement proche.

Des gemmes magiques, une plante arc-en-ciel… Jusque-là, elle pouvait suivre la logique de la chose. De toutes manières, que pouvait-elle faire d’autre ?

« Bon, je m’occupe de la plante, alors. » Autant donner dans le familier. « J’ai un gros bocal dans mon sac, ça devrait suffire. »

S’assurant d’une œillade qu’Amaranthe n’allait pas s’écrouler, elle se dirigea à pas vifs vers les buissons les plus proches – étant donné que les couleurs de la plante n’étaient pas flagrantes au premier coup d’œil, elle était vraisemblablement dissimulée au milieu d’arbustes ou recouverte de neige. Elle prit ses gants en peau de dragon dans son sac et les enfila au cas où, avant de commencer à écarter branchages et tiges à la recherche d’un éclat coloré. Son cœur battait fort, dopé par l’adrénaline et par la peur qu’il arrive quelque chose à sa camarade – elles avaient beau ne pas être proches, la disparition d’Isolde l’inquiétait. Beaucoup.

Freya s’avança, ses yeux noirs à l’affût, son esprit embrouillé ; elle avait fréquenté l’Allée des Embrumes pendant des semaines, des mois et rien de fâcheux ne lui était arrivé, alors qu’en l’espace de quelques dizaines de minutes, deux de ses camarades s’étaient fait enlever par des putains de fées au sein même de l’Académie. Y’avait un souci, là.

« Au fait, qu’est-ce que vous faisiez – AH ! »

Un pétale bleu venait d’attirer son regard, l’interrompant dans ses questionnements. Elle se précipita  vers lui, et poussa les feuillages pour que la plante tant désirée apparaisse. Elle possédait plusieurs tiges, enroulées les unes autour des autres, chacune donnant naissance à un bouton d’une couleur différente ; Freya s’arrêta le temps de quelques respirations, la contemplant, immobile.

« Allez ma jolie, à nous deux » marmonna-t-elle finalement, les dents serrées.

Elle effectua des mouvements souples, sa baguette de sycomore en main, et fit lentement s’élever le plant entier en dehors de la terre gelée ; de sa main droite, elle sortit le bocal de son sac, et y déposa avec douceur la fleur. Freya se redressa à la hâte, et rejoignit Amaranthe à grands pas, ses pieds faisant craquer le verglas et manquant un peu plus de glisser à chaque fois.

« C’est bon, je l’aie. On y va ? »

Au loin, il lui semblait voir quelque chose dépasser de l’arbre. Et ce quelque chose avait l’air particulièrement humain et instable. Il fallait faire vite.

Freya avisa la boue qui tâchait ses vêtements, la couleur – rose – du bonnet qui dissimulait les épis de ses cheveux non coiffés, et les égratignures qui ornaient sa joue, souvenir douloureux de sa chute contre la terre gelée quelques minutes auparavant. Pour l’effort sur l’apparence, ce n’était pas gagné… Et lorsqu’Amaranthe lui tendit une couronne de roses blanches, elle retira avec douleur son bonnet, dévoilant un désastre capillaire tel qu’elle n’en avait jamais révélés. Les fleurs étaient si grosses, cependant, qu’elles semblaient dissimuler avantageusement les épis qui ornaient sa chevelure. Elle répara ensuite la cape de sa camarade d’un mouvement de baguette nonchalant, et entreprit de s’arranger elle aussi.

« Bon, ben, allons-y… »

Elle écouta en silence les vers de sa condisciple d’Haveirson, ses yeux noirs avisant avec inquiétude ce qu’elle pensait être Isolde, perchée en haut de cet arbre. Foutues fées.

« Ca me parait super, oui » répondit-elle avec rapidité.

Les deux anciennes Serdaigle se rapprochèrent ensuite de l’immense arbre, mais les fées semblaient s’agiter au fur et à mesure – et on ne pouvait pas dire que cela rassurait particulièrement Freya, qui les trouvait déjà flippantes lorsqu’elles décoraient un arbre de Noël. Quand l’une d’entre elle griffa la joue d’Amaranthe, elle s’obligea à ne pas intervenir, bouillonnant silencieusement d’un mélange de colère et de peur – elles se prenaient pour qui, au juste ? A partir du moment où on accepte de servir de décoration des arbres de Noël, la dignité, hein… Et puis, leurs petits doigts crochus n’avaient pas l’air très amicaux.

Amaranthe reprit ensuite la parole, déclamant des vers d’excuses et sortant les gemmes de sa poche pour les présenter respectueusement. Les fées ne tardèrent pas à venir s’en saisir, admirant au passage leur reflet dans les pierres. Freya ne tenta même pas de dissimuler le sourire narquois qui s’afficha clairement sur ses lèvres, et tendit à son tour son offrande en silence, la tête baissée pour que le bas de son visage soit dissimulé dans son épaisse écharpe.

De nouvelles fées virent la récupérer avec précaution, se mettant à plusieurs pour emporter le bocal dans lequel reposait la fleur qu’elle avait soigneusement déterrée. Deux lueurs, plus vives que les autres, s’imposèrent à elle, sortant de leur antre ; deux fées, beaucoup plus calmes et distinguées que les autres, s’approchèrent d’elle dans des battements d’ailes.

Au bout de longues secondes de contemplation silencieuse, les fées que Freya identifiaient comme étant les fameux Titania et Obéron – d’ailleurs, c’était quoi, ces noms pourris ? – firent un mouvement vers l’arbre ; des lianes semblèrent s’enrouler autour des membres d’Isolde, la faisant lentement glisser au sol. Lorsqu’elle fut enfin à terre, Titania leur jeta un regard équivoque – prenez-la et allez-vous en sans jamais revenir.

Pas besoin de le dire deux fois.

« Allez, on s’arrache » marmonna-t-elle à l’attention d’Amaranthe, chargeant Isolde sur son dos avec une grimace – non, vraiment, il FALLAIT se mettre au sport un jour ou l’autre.

Isolde était restée endormie pendant tout le temps de la tractation, et c’était bien heureux ; se retrouver brutalement à moitié dans le vide n’aurait pas aidé son équilibre déjà fragile. Elle sentit à peine les lianes s’enrouler autour d’elle et la faire descendre plus ou moins délicatement. Les fées n’étaient pas contentes qu’on ait pénétré leur antre et ne lui firent pas la gracieuseté de la sortir de ses songes. Elles la laissèrent donc tomber comme un poids mort au pieds d’Amaranthe et Freya, indiquant à ces dernières de partir sans plus de cérémonie.

Isolde commença à émerger lorsque Freya la hissa sur ses épaules. Son corps était toujours paralysé mais les brumes enveloppant son cerveau commençaient à se dissiper ; à travers ses yeux mi-clos, elle voyait de nouveau les arbres entre les mèches désordonnées de Freya. Ses membres ne lui répondaient toujours pas, mais son oreille interne était bien fonctionnelle et les secousses de la marche commençaient sérieusement à lui donner la nausée. D’une voix faible, elle réussit à murmurer :

- Freya, pose moi s’il te plaît…

Elle se retrouva de nouveau allongée, mais sur la terre ferme cette fois. Elle respira profondément, laissant les sensations revenir progressivement dans son corps. Sa tête lui tournait affreusement et elle ferma les yeux de nouveau. Elle resta ainsi quelques instants, immobile et silencieuse, puis fit lentement bouger chacun de ses membres avant de tenter de se remettre debout. Le premier essai lui valu de s’effondrer à moitié sur Amaranthe mais au second, elle tint bon sur ses jambes. Toujours sans un mot, elle indiqua à ses camarades qu’elle pouvaient repartir. Inutile de traîner si près de la clairière.

Alors que les jeunes femmes marchaient vers le parc, Isolde jeta un coup d’oeil à la Sinistros. Ses joues étaient méchamment griffées et de la terre maculait ses habits. Isolde ressentit une bouffée de gratitude envers elle. Malgré leur inimitié, enfin au moins celle qu’Isolde lui témoignait, elle n’avait pas hésité à l’aider. Elle lui en devait une… Peut-être s’étaient-elle simplement rencontrées à une mauvaise période ? Les questions de Freya avaient été trop intrusives pour une Isolde qui commençait déjà à s’éloigner de ses racines moldues. Et par-dessus tout, elle détestait qu’on lui tire les vers du nez, ce que Freya avait essayé de faire sans trop de tact pendant un moment.

Quant à Amaranthe… elle n’était pas vraiment en meilleure forme. Isolde hésitait à lui demander ce qu’elle avait vu en songe ; un souvenir comme elle, une réminiscence de cet “Edward” qu’elle avait appelé si désesperemment ? Elle sentait qu’elle serait intrusive à son tour, que la jeune femme, qui tenait tant à mettre des distances entre elles et les autres étudiants, ne se confierait pas si facilement. Mieux valait attendre un autre jour, plus paisible, pour aborder le sujet. Elle avait apprécié leur conversation et comptait bien rester en contact avec l’Abraxan de toute façon. Après quelques minutes d’une marche muette, sa voix s’éleva de nouveau, plus assurément.

- Merci de m’avoir aidée. Je vous offre ce que vous voulez au Parker’s Coffee la prochaine fois que vous y venez.

Machinalement, elle attrapa une branche qu’elle fit tourner entre ses doigts.

- Vous savez si c’est arrivé à d’autres gens ? Je savais pas que les fées faisaient ce genre de choses, c’est carrément dangereux si on se balade seul. Je vais aller faire un tour à l’infirmerie d’ailleurs, je m’inquiète un peu de savoir ce qu’il y avait dans leurs poisons. Tu te sens comment Amaranthe ?

Tous leurs sens aux aguets, les jeunes femmes atteignirent le plus vite possible l’orée de la forêt, désireuses de mettre la plus grande distance possible entre elles et les créatures ailées. Mais ces dernières ne les avaient pas totalement quittées… Trois minuscules fléchettes argentées filèrent dans leur direction alors qu’elle franchissaient la limite des bois. Les flèches étaient si petites que leur impact fut aussi léger que celui d’un flocon. Leurs cibles atteintes, les fées retournèrent au cœur de la forêt, sans même qu’une ombre ne trahisse leur présence.

Le dernier poison des créatures étaient pour elles le plus important ; les étudiantes devaient oublier ce qui venait de leur arriver. Mais dans leur précipitation, elles n’avaient pas remarqué que la flèche destinée à Freya avait manqué sa cible. A chacun de leurs pas, Amaranthe et Isolde oubliaient un détail de leur aventure, jusqu’à ce qu’elles croient avoir seulement marché dans les bois, sans autre embûche que le froid et la neige qui cachait à moitié le sentier. Arrivées au château, leur aventure était déjà assez loin de leurs esprits pour qu’elles ne jugent plus utile de passer par l’infirmerie. Mais dans la tête de la Sinistros, tout restait clair et vivace.

Les fées n’en avaient pas fini pour autant. La clairière ne manquerait pas de se rappeler aux bons souvenirs des deux jeunes femmes touchées par le poison. Leurs péripéties n’étaient pas effacées de leurs mémoires, et elles y retourneraient bientôt… pas consciemment, mais dans leurs songes. Plutôt ironique, pour des fées finalement très rancunières…