Graines de pavot et sirop d’hellébore

Sujet: Graines de pavot et sirop d’hellébore Mer 7 Oct 2015 - 17:50

HRP:

10 janvier 1997

« Okay. Un, deux, trois, quatre, cinq, eeeet six. »

Freya était penchée au-dessus d’un des deux chaudrons posés sur le feu, et comptait à voix hautes les graines de pavot qu’elle laissait tomber dans le liquide bleu pâle pour éviter d’en mettre trop. A la sixième graine, elle agita sa baguette au-dessus du chaudron dans un mouvement circulaire, tout en vérifiant que sa potion totalement expérimentale, de l’autre côté de la table, ne lui faisait pas de mauvaise surprises – en lui explosant à la figure et en contaminant donc le deuxième chaudron, par exemple.

« Bon bon bon., faut pas se rater là. »

Elle ajouta soigneusement le sirop d’hellébore à la goutte près, et pria pour que sa potion prenne la teinte violette voulue – un échantillon de potion de sommeil sans rêve trônait juste en face d’elle pour qu’elle puisse s’en assurer sans l’ombre d’un doute. Lire des descriptions des conséquences que ce type de potions pouvaient avoir sur le mental lorsqu’elles étaient mal préparées avait largement suffit à Freya. Il aurait été préférable qu’elle ne la fabrique pas elle-même, bien entendu, mais allez voir Fitzsimmons à chaque fois qu’elle faisait des cauchemars était hors de question, et elle n’était de toute façon pas certaine que prendre ce genre de potions de façon prolongée était très conseillé. Mais c’était soit ça, soit revoir encore et encore des images de son initiation toutes les nuits… Et ça la rendait suffisamment malade comme ça. Une potion de plus ou de moi ne pouvait pas l’empirer.

Un frisson parcourut son corps à cette pensée, et elle s’obligea à contempler sa potion virer lentement au violet désiré pour focaliser son esprit, et l’empêcher de s’éparpiller vers des souvenirs bien trop douloureux. Elle n’avait pas perdu la foi, bien au contraire – c’était juste… Qu’elle n’était pas certaine que la fin justifiait toujours les moyens.

D’où son expérimentation.

Après avoir soigneusement versé sa potion dans un flacon et l’avoir rangé dans un sac, elle put enfin reporter toute son attention sur sa potion Tue-Loup.

« Alors. L’Aconit est bien dosé, la valériane est bien dissoute… »

Elle lisait et relisait ses notes pour être certaine que tout allait bien. Si elle pouvait maîtriser cette potion, elle pourrait tenter de l’améliorer. Se transformer en loup inoffensif, c’était bien, mais bloquer complètement la métamorphose, c’était mieux. Et puis, l’Ordre de Merlin que cela lui vaudrait…

Malheureusement pour ses ambitions, le liquide ne tarda pas à se mettre à bouillir à grosses bulles, virant vers une couleur jaunâtre totalement inattendue – sans parler de la texture, beaucoup trop épaisse…

« Non non non non non ! » répéta-t-elle d’une voix désespérée, tout en rajoutant à la hâte du sang de Salamandre pour tenter d’enrayer le phénomène.

Raté. C’était encore pire. La potion était certes supposée fumer, mais pas d’un énorme panache d’une couleur indéfinie entre le rouge et le vert.

« Putain. »

Bon, ben, l’Ordre de Merlin, c’était pas pour la semaine prochaine.

Sujet: Re: Graines de pavot et sirop d’hellébore Mer 7 Oct 2015 - 19:28

Ah bah merde alors. Murphy était passé par là : c’était quand on avait désespérément besoin de quelque chose qu’on n’en avait plus. Pas que Quinlan ne sache pas en concocter lui-même, mais ça le saoulait un peu de descendre aux labos maintenant pour en refaire. Bon, après, la nuit était bien avancée et Clemens ne viendrait sûrement pas ce soir. Même s’ils étaient plus intenables qu’un couple de colibris nymphomanes sous amphétamines, il arrivait encore que le Sinistros passe la nuit dans son propre lit.

Pour sa propre petite soirée cinéma, Quinlan avait prévu une énième rediffusion du Rocky Horror Picture Show, et plutôt que de l’agrémenter avec une pizza et de la bière, il avait choisi l’option burger maison et coca. Mais ! Il comptait bien se faire un petit dessert, et avait été un peu dégoûté de voir qu’il avait fini ses dernières réserves… Ça datait, sûrement avant les vacances de Noël, ou alors à son retour du Pérou ? Quinn n’arrivait pas à se souvenir de quand il avait bu la dernière bouteille. Il espérait juste ne pas l’avoir filé sans le vouloir à Clemens…

Bref, ça n’allait pas repoper tout seul de toute façon. Passant une robe d’intérieur chaude par dessus son pyjama de soie — qu’il portait juste pour mater ses films dans le canapé, il mettait trop un point d’honneur à dormir nu — Quinlan quitta ses appartements. C’était un spectacle rare, Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs : le Quinlan sauvage dans ses chaussons rembourrés, son peignoir de velours violet sombre ondulant à ses chevilles, resserré à la taille par une large ceinture jaune cadmium d’inspiration japonaise. Encore une fantasie vestimentaire qu’il avait demandé à son père couturier, sûrement. À moins qu’il ne s’agisse de son cadeau d’anniversaire 1995.

Il débarqua dans le laboratoire de potions juste à temps pour se faire prendre les narines par la fumée âcre de la potion que quelqu’un venait de foirer. Quinn arqua un sourcil et s’approcha de l’étudiant…e qui avait transformé le labo en aquarium.

— C’est très joli mais ça pue.

Feignant l’indifférence, Quinlan se dirigea vers les armoires pour sélectionner les ingrédients nécessaires à son petit mélange. Hé, il savait aussi faire des cocktails ! Alors, jus de mandragore et sauge, le tout délié dans du lait de noisette et de l’essence de rose. Pour le goût.

— Besoin d’aide, sinon ?

Oh, il la reconnut enfin. Il avait oublié son nom, mais il savait qu’elle suivait des études de potions… Apparemment, même les meilleurs se plantent parfois.

Sujet: Re: Graines de pavot et sirop d’hellébore Mer 7 Oct 2015 - 21:01

Les poumons remplis d’une fumée qui lui piquait désagréablement la gorge, Freya tentait de la faire disparaître en lançant des Evanesco les uns après les autres. Ce ne fut que lorsque l’air fut enfin respirable qu’elle remarqua la présence de quelqu’un d’autre dans la pièce ; le professeur Fitzsimmons. Dont elle avait loupé le dernier cours avant les vacances, car elle s’était glorieusement endormie sur un livre de potions. Dommage. Mais, plus important encore, le professeur Fitzsimmons en peignoir violet, pyjama de soie et ceinture jaune. Et ça, c’était déconcertant.

« Euh, bonsoir » balbutia-t-elle. Vraiment déconcertant. « Non, non, tout est sous contrôle, merci ! »

Tu parles. Elle fit disparaître son échec cuisant d’un coup de baguette, et envisagea brièvement d’aller se coucher – mais tout de même, elle ne pouvait pas rester sur un tel échec… Avisant d’un coup d’œil si son chaudron était réutilisable, elle se dirigea à son tour vers l’armoire, son parchemin détaillant tous les ingrédients et étapes nécessaires à la Tue-Loup à la main. Elle dut faire plusieurs voyages tant le nombre d’ingrédient était élevé, mais ça valait le coup, elle en était persuadée.

Une fois attablée et ses ingrédients bien ordonnés et triés, elle s’intéressa à ce que son professeur de Médicomagie était en train de trafiquer ; il fallait avouer que c’était assez intriguant de le croiser à cette heure avancée de la soirée. Ou de la nuit. Elle avait perdu la notion du temps depuis un moment.

Mais bon, quand même, ça serait inconvenant de lui demander ce qu’il faisait, non ? Tout en pilant soigneusement ses scarabées, elle jetait des œillades vaguement discrètes sur le plan de travail du guérisseur ; elle pouvait facilement identifier le jus de mandragore de là où elle était ainsi que la sauge, mais les deux autres ingrédients… Essence de fleur, peut-être, à en juger par la bouteille. Cette composition ne lui disait absolument rien.

« Vous faites quoi ? »

Bon. La curiosité l’emportait toujours sur la retenue. Ce n’était peut-être pas pour rien qu’elle n’avait pas été répartie à Serpentard, en fait – son instinct de survie avait tendance à diminuer lorsqu’elle était face à un mystère intéressant.

« Pardon, curiosité professionnelle » s’excusa-t-elle presque aussitôt, consciente que le professeur était peut-être venu à cette heure-ci pour la même raison qu’elle – pour ne pas se faire choper et devoir répondre à des questions chiantes. « En quelques sortes. »

Après un échec aussi odorant, elle ne pouvait pas vraiment se prétendre professionnelle.

En parlant d'échec... Ses scarabées étaient bien réduits à la poudre fine qu’avait décrite le manuel avancé qu’elle avait pu dénicher, elle pouvait donc continuer. Elle glissa le contenu de son mortier dans son chaudron en faisant tout de même attention au temps et à la puissance de son feu – sérieusement, deux potions foirées dans la même soirée, ça lui ferait vraiment mal à l’égo. Surtout qu’elle était presque certaine qu’elle avait raté son premier essai car elle l'avait laissée reposer trop longtemps, son attention trop dispersée sur son deuxième chaudron pour s'en rendre compte.

Sujet: Re: Graines de pavot et sirop d’hellébore Jeu 8 Oct 2015 - 18:38

Oh, Quinlan avait bien capté que Freya avait loupé son cours d’avant les vacances, mais elle était assez grande pour assumer hein. C’était pas ses affaires. Là, de toute façon, il voulait juste se faire son petit cocktail perso, sans qu’on vienne l’embêter. Il n’allait donc pas l’embêter le premier. Le truc, c’était que sa potion avait quand même une gueule inquiétante. Posant ses ingrédients près d’un chaudron qu’il n’avait pas encore mis à chauffer, Quinlan se tourna vers elle.

Il remonta les manches de son peignoir d’un geste machinal, et en sortit deux cordelettes qu’il noua derrière sa nuque. D’inspiration japonaise, vous a-t-on dit ! C’était bien pratique, et ça tenait les manches assez haut pour qu’elles ne deviennent pas un danger pour le préparateur en potions.

— Vraiment ?

Ça n’avait pas l’air du tout sous contrôle mais à part ça… Quinn sourit en reconnaissant certains des ingrédients. Il aurait bien fait sa propre potions de sommeil sans rêves, mais il l’aurait foiré encore plus sûrement que Freya. Il ne valait mieux pas qu’il essaie. À la place, il avait son ‘mélange’. Il faudrait qu’il lui donne un nom un jour. Ah bah, allons-y. Appelons-le Janet. Voilà.

Il mit son chaudron avec un fond d’eau et de lait de noisette à bouillir, attendant un moment que la température soit exactement la bonne. Ce qu’il faisait… Hmpf. Comment expliquer ça de manière politiquement correcte…?

— C’est un petit relaxant de ma composition.

Relaxant… C’était vite dit quand même. Tout pouvait partir en live selon le contexte. Freya ne tarda pas à s’excuser pour sa question, arrachant un sourire à Quinlan.

— Ne vous excusez pas. C’est pas comme si j’avais pas déjà lorgné sur vos chaudrons. L’aconit, c’est pour du Debout les Morts j’espère ? Remarquez, l’utiliser en plus d’une potion de sommeil, c’est pas exactement conseillé.

Il rit doucement et revint à son lait de noisette. Il ne put s’empêcher de continuer à parler, alors qu’il commençait à y délayer la sauge des druides.

— Et si vous avez des soucis de crocs, je vous conseille quand même pas l’aconit. Ça ne s’appelle pas Tue-Loup pour rien.

Le guérisseur n’avait pas levé les yeux de son chaudron, où il versait maintenant quelques gouttes de jus de mandragore. Ce n’était que des paroles balancées comme ça, l’air de rien, sur un ton bien léger compte tenu de la teneur de ses paroles. Et aussi du fait que ce n’était pas ses affaires. Il en avait conscience mais si Freya avait ce genre de soucis mensuels, ça l’intéressait au plus haut point. D’autant plus que l’échange pouvait s’avérer mutuellement profitable. Il faudrait qu’il lui en parle de façon plus posée, quand même.

Enfin ça, ce ne serait pas pour ce soir. Il avait un peu zappé l’étape protection, et quand une large projection du liquide encore chaud et loin d’être assez dilué lui mordit l’avant-bras, il cria.

— Putain de merde !

Il eut le réflexe de plaquer son avant-bras sur sa robe de chambre — tant pis pour elle, de toute façon personne ne l’aime alors que le violet sombre et le jaune pâle ça claque sa mère — pour que le tissu absorbe un peu du liquide, mais ça ne suffit pas. Soudainement pris d’un fou rire, il sentait presque l’effet du jus de mandragore agir en temps réel sur son organisme. Il le sentait ramper sous sa peau, coloniser ses veines, envahir son bras, et assiéger ses os.

Comment un truc qu’il buvait pouvait se révéler aussi agressif alors qu’il n’avait eu seulement que sur la peau ? La question était stupide pour Quinlan, mais il ne pouvait s’empêcher de la poser. Le mélange n’avait pas bouilli assez longtemps, il n’avait pas décanté, il n’avait pas été dilué. Encore chaud, c’était d’ailleurs plus facile de passer dans le sang… Résultat, Quinn s’étala sur le sol, cherchant sa baguette, pris dans un drôle d’affrontement entre le rire et la colère.

Il leva un regard vers Freya dans un sursaut de lucidité.

— C’est pas bas…! J’vais m’en quitter tout moi…

Ne pouvant plus résister à l’appel délirant de la potion trop concentrée, Quinlan avait aussi zappé qu’un des effets secondaires était une fulgurante et heureusement très passagère aphasie de Wernicke. Rien de ce que dira Quinlan n’aura de sens désormais. Pour un temps très variable compris entre dix minutes et deux heures.

Sujet: Re: Graines de pavot et sirop d’hellébore Sam 10 Oct 2015 - 15:09

Un petit relaxant, hein ? Elle n’avait plus vraiment envie d’en savoir plus ; à la réflexion, sa potion était déjà assez délicate comme ça sans qu’elle ait besoin de se préoccuper de celles des autres. Les yeux de nouveau rivés vers les indications que Damoclès avait laissées, Freya attrapa avec détermination les brins de valériane. Cette fois, elle n’allait pas se foirer.

Tout en préparant sa plante, elle écouta avec attention ce que son professeur lui disait. Son allusion à la potion de sommeil la surprit tant qu’elle manqua d'abîmer les fleurs – elle était persuadée d’avoir rangée sa potion dans son sac avant qu’il n’arrive, pourtant. Son regard balaya son plan de travail pour trouver ce qui l’avait mis dans la voie, et un éclat violet lui donna la réponse. Elle n’avait pas rangé l’échantillon qu’elle avait pris comme modèle.

« Non, c’est pour une potion Tue-Loup. »

Elle glissa la valériane dans le chaudron, accompagnée d’une dose d’eau, et mit le feu au minimum. Prochaine étape : l’aconit. Et là, il valait mieux être concentré – il n’y avait qu’un pas entre potion et poison, avec ce genre d’ingrédients… Cependant, avant qu’elle ne puisse commencer, le professeur lui demanda si elle avait des soucis de crocs sur le même ton qu’il aurait employé pour lui demander quelle quantité de sang de salamandre il fallait mettre dans une solution de Force.

« Euh, non, non, tout va bien de ce côté-là. »

Très convaincant. Tant pis. Aconit, donc. Elle sépara délicatement les fleurs de la plante pour pouvoir les broyer plus facilement, tout en comptant machinalement leur nombre ; elle écartait les plus petites et celles qui étaient trop grandes, de peur que cela ne fausse la quantité qu’elle devait mettre dans la potion.

L’exclamation rageuse de Fitzsimmons lui fit perdre le compte. Elle jura avant de relever les yeux pour vérifier qu’il n’était pas en train de détruire tout le laboratoire, quand même. Mais non, il se tenait juste le bras et… riait comme un dément. Avant de s’écrouler par terre et de lui lancer une phrase totalement incohérente…

Ce fut cette dernière qui enclencha le déclic dans l’esprit de Freya – jus de mandragore non dilué.

« Putain. Sérieusement ? » marmonna-t-elle, blasée.

Même un bézoard ne servirait à rien, pour le coup. Il planait. Elle coupa le feu de leur deux chaudrons, abandonnant à regret sa future mine d’or et de gloire, et se dirigea le plus calmement possible vers son professeur pour ne pas qu’il panique, se sente attaqué ou Merlin savait quoi encore.

« Hé, doucement, vous allez vous faire mal ! »

Tenter de forcer le professeur à cesser de gigoter était un calvaire, étant donné qu'il faisait au moins une vingtaine de centimètres de plus qu’elle. D'autant plus qu'elle avait du enlever ses gants pour éviter que des résidus de l'aconit qu'elle avait manipulée avec entre en contact avec sa peau, et ne pouvait donc pas véritablement le toucher de peur que ce soit son jus de mandragore qui la contamine elle. Elle hésita brièvement à lui jeter un Incarcerem, mais elle serait bien fichue de le louper et en plus ça pourrait le foutre en rogne.

Bon.

Elle faisait quoi, maintenant, au juste ? Elle ne pouvait même pas l’emmener à l’infirmerie, vu que c’était lui, le fichu guérisseur.

« Allez, touuut va bien. »

Il n’y avait plus qu’à espérer qu’il n’aurait pas l’idée stupide d’attraper ses manches dans son délire, malgré la dose généreuse de fond de teint qu’elle s’était appliquée.

Et si elle l’assommait, tout simplement ?

Sujet: Re: Graines de pavot et sirop d’hellébore Lun 12 Oct 2015 - 17:31

Oui bon, c’était comme ça qu’il l’appelait devant tout le monde, un ‘relaxant’. Pour lui, c’était le Jabberwocky, en partie parce qu’il avait tendance à voir des dragons bizarres quand il en buvait. Une fois il avait essayer de le mélanger à un alcool, mais nan, le Jägerwocky c’était dégueulasse.

Hin hin. Du Tue-Loup hein ? Cette potion était une vraie merde, mais si elle voulait en faire, qu’elle y aille. Quinlan n’allait pas juger. Il ne put s’empêcher de la mettre en garde si c’était pour consommation personnelle, c’est tout. En fait, il aurait bien fait la conversation si seulement une projection assez impressionnante de jus de mandragore chauffé et quasi pur n’avait pas décidé d’élire domicile sur son bras. Brûlure alchimique ouais, et métaphorique aussi. Le cerveau de Quinn venait tout juste de griller.

Tout autour de lui, les lignes se flouaient, dansaient de façon obscène. Les bocaux renfermant les différents ingrédients se mirent à couler comme du chocolat fondu, alors que la paillasse sur laquelle il travaillait s’évaporait comme l’alcool au soleil. Et lui il était mort de rire, parce que c’était quand même vachement drôle de se rouler par terre dans le labo de potions en fait.

— Flexez-moi, je cours, je cours, c’est grand.

Mais il était toujours hilare sur le sol, et n’arrivait pas s’arrêter de bouger alors que Freya essayait tant bien que mal de lui venir en aide. Ce serait drôle qu’il se fasse mal en fait, parce qu’il devrait se soigner lui-même. D’ailleurs, il était blessé en fait ! Damn ! Il prit sa baguette — de l’aubépine, soit une TRÈS MAUVAISE IDÉE — la pointa sur son bras et se mit à baragouiner une incantation qui ne voulait rien dire, tout en essayant de ne pas rire trop fort. Manque de bol, il venait sûrement de tomber sur l’incantation secrète pour faire apparaître un gros tas de vers blancs de la taille d’un euh… d’une… d’un gros doigt. Genre un bon gros doigt. Sauf qu’il y en avait bien une cinquantaine qui rampaient maintenant partout dans la pièce.

Autre manque de bol, c’était l’une des rares phobies de Quinlan. Les voir comme ça, de près, de très près, le fit totalement paniquer. Il en avait même sur lui ! Quelle horreur ! Toujours sous le coup de l’euphorisant, il essaya de se relever. Incapable de contrôler son hilarité, il se mit à rire comme un dément. Il riait de peur, d’une peur panique. Et il continuait à lancer des sorts au pif. L’un d’eux fit neiger sur une table, l’autre lança des éclairs arc-en-ciel, et encore un autre explosa avec un grand boum près de Freya. Seul souci, c’est que dans le ‘boum’ du sort, il y avait de l’espèce d’ichor d’insecte, une substance visqueuse et puante. Et qu’elle en avait plein le dos…

Sûrement dans tous les sens du terme.

Sujet: Re: Graines de pavot et sirop d’hellébore Mar 13 Oct 2015 - 21:14

Okay.

Elle était couverte d’ichor d’insecte et de neige fondue, avait eu les yeux brûlés par ces éclairs atrocement colorés, des affreux vers blancs mutants gigotaient à ses pieds et son professeur était mort de rire. Elle. Perdait. Patience.

« STOOOOP ! »

Elle dégaina finalement sa baguette, et visa soigneusement la source de cette apocalypse magique.

« Expelliarmus ! »

Un tressautement, à peine. Non, sérieusement, il fallait faire cesser ce massacre de couleurs, sensations et surtout d’apparitions dégoûtantes. Tout de suite. Un ver était en train de ramper sur sa chaussure et elle n’était pas certaine de réussir à retenir la nausée qui lui prenait la gorge – elle devrait lui vomir dessus, il l’avait bien mérité. Sa conscience lui aurait peut-être rappelé qu’il était dans un tel état qu’on ne pouvait guère le considérer responsable de ses actes, mais la substance gluante qui coulait sur son dos ne lui donnait pas exactement envie d’être magnanime.

« Expelliarmus ! »

La baguette vola directement dans sa main, et elle s’accorda un bref instant de délectation pour avoir réussi ce maudit sortilège avant de repasser aux choses sérieuses. Un récurvite fit disparaître le plus gros de la substance d’insecte, et elle envoya les asticots valser un peu plus loin dans la pièce, n’arrivant pas à les faire disparaître – ils se dématérialiseraient sans doute tous seuls, au bout d’un moment.

« Désolée, mais là, c’est plus possible. Incarcerem ! »

Des liens jaillirent de sa baguette, mais si faiblards qu’elle du recommencer deux fois supplémentaires pour parvenir à immobiliser le professeur de façon satisfaisante. Bon. Et maintenant ? Elle n’avait aucune idée de la façon de guérir ce genre de problèmes, et les paroles totalement incohérentes que Fitzsimmons glissaient entre deux éclats de rire n’étaient pas d’une très grande aide. Un étudiant en Médicomagie saurait peut-être quoi faire, mais arriver avec un professeur ligoté n’était pas du meilleur goût… Et elle ne pouvait même pas le laisser seul le temps d’aller chercher à la bibliothèque des livres qui pourraient l’éclairer, des fois qu’il trouve un moyen de s’étouffer de rire pendant son absence.

Il ne lui restait plus qu’à attendre, donc. Les effets sur la parole n’étaient pas censés durer très longtemps, et il parviendrait peut-être à lui dire ce qu’il fallait qu’elle fasse à ce moment-là ?

Avec un soupire, elle poussa son professeur contre une des paillasses en faisant attention à ne toucher que les cordes, s'assit à ses côtés en appuyant son dos sur la paillasse juste en face et ses jambes sur son torse pour tenter de l'empêcher de bouger. Elle pensa même à conjurer des oreillers sous sa tête.

Si quelqu’un arrivait, cette situation serait encore plus gênante qu’elle ne l’était déjà. Genre. Vraiment.

Sujet: Re: Graines de pavot et sirop d’hellébore Lun 2 Nov 2015 - 18:52

Les minutes s’égrainèrent avec une lenteur terrible, alors que Quinlan gigotait et débitait ses paroles incohérentes à la pauvre étudiante en potions. Dix, quinze, vingt, trente minutes… Cinquante, avant qu’il ne se taise et plisse longuement les yeux. Les sourcils froncés comme s’il venait de sortir d’un tunnel particulièrement sombre, Quinn poussa un soupir rauque.

— Putaaaaaain de drooooooogue de meeeeeeeeerde !

En même temps, à qui d’autre que lui pouvait-il s’en prendre ? C’était lui, de son propre chef, qui avait décidé de descendre pour se refaire un peu de son Jabberwocky… Il devait maintenant en assumer les conséquences. Il tourna vers Freya un regard fatigué, et essaya de la rassurer.

— C’est bon, ça va… tu peux me détacher maintenant ? Ma potion est flinguée de toute façon. Ma soirée aussi.

Il ponctua sa phrase d’un gémissement de frustration, en attendant qu’on ne daigne le libérer de ses cordes. Finalement, l’étudiante avait eu d’excellents réflexes : l’attacher pour le maintenir immobile en attendant que les effets du jus de mandragore chaud ne s’atténuent. P’tain. Du jus de mandragore chaud. Non dilué, à même la peau. Fait chier, avec ça, c’était une chance s’il n’avait pas besoin d’une cure de désintox. Quinlan apportait un soin particulier à toujours rester en deçà de la dose qui rendait réellement accro, tout en sachant pertinemment qu’il aurait du mal à se passer de son Jabberwocky de façon définitive.

— Je suis resté dans les choux combien de temps ?

Ça, c’était une information capitale. S’il était resté trop longtemps sous l’emprise de la substance, c’était qu’il y en avait beaucoup trop dans son organisme, et qu’il allait galérer à s’en débarrasser. Quelle plaie ! Pourquoi est-ce que ça ne pouvait pas être bon ET inoffensif !? Quinn, pris dans sa rage envers le monde et surtout envers lui-même, en oublia presque l’essentiel.

— Oh, et merci. J’ai pas dû être facile à gérer, même si je me souviens pas vraiment.

Un effet secondaire ? L’amnésie partielle, oui. Super pratique… C’était aussi pour ça que les sorciers les plus mal intentionnés associaient le jus de mandragore à des substances calmantes voir aux effets dépresseurs pour créer un genre de GHB magique. Splendide, n’est-ce pas ?

Sujet: Re: Graines de pavot et sirop d’hellébore Jeu 5 Nov 2015 - 9:48

Les paroles incohérentes de Fitzsimmons étaient devenues depuis longtemps un fond sonore qu’elle s’appliquait à ignorer, acquiesçant machinalement à chaque fois qu’il semblait lui poser une question, son esprit entièrement dirigé vers sa potion Tue-Loup. Elle avait même fait venir à elle son livre de potions d’un accio un peu audacieux, renversant au passage l’échantillon de sa potion de sommeil sans rêves. Elle ne remarqua donc pas le soudain silence du guérisseur, trop concentrée sur le paragraphe qu’elle était en train d’annoter, et le cri qu’il poussa la fit sursauter.

« Putain ! » couina-t-elle, prise de court. Depuis quand les professeurs hurlaient à la drogue ?!

Elle se releva vivement et annula son sortilège, époussetant ses vêtements et serrant son livre contre sa poitrine. Ce prof était dingue, même sans jus de mandragore dilué, c’était la seule option possible qui lui venait à l’esprit.
Sa question la laisse pantoise quelques instants – elle n’avait absolument pas fait attention à l’heure. Elle dut donc jeter un coup d’œil à sa montre, tentant d’estimer le temps.

« Je dirais… une bonne heure ? Peut-être une heure et quart, quelque chose comme ça. »

Peu désireuse d’ajouter des détails, elle hocha la tête à la remarque du professeur – ces maudits vers gluants gigotaient encore dans sa mémoire, elle avait sacrément besoin d’une douche pour enlever tout cet ichor, et ce en dépit du recurvite.

« Bah, ça allait jusqu’à ce que vous commenciez à jeter des sorts partout… Ah, au fait ! »

Freya saisit la baguette qu’elle lui avait arrachée de force, soigneusement rangée dans une des poches de sa cape, avant de la lui tendre.

« Désolée, mais ce n’était vraiment pas une bonne idée de vous la laisser… »

En fait, elle n’avait peut être même pas besoin de lui expliquer pourquoi ; la dévastation qui régnait dans le laboratoire, vraisemblablement causée par des éclairs qui n’auraient jamais dû être conjurés dans un lieu clos et par une armée de vers mutants – qui, d’ailleurs, avaient bien fait de disparaître – était assez visible comme ça.

En parlant de ça – est-ce que son aconit était encore en état d’être utilisée ?! Elle se dirigea vers sa paillasse, relativement inquiète, et l’ichor gluant qui recouvrait sa plante et son chaudron eurent raison de sa patience. C’était véritablement une journée pourrie. Elle nettoya son plan de travail avec une grimace de dégoût, les gants soigneusement enfoncés pour que sa peau ne rentre en contact ni avec les plantes, ni avec cette substance décidément dégueulasse, et rangea avec soin les ingrédients qui pouvaient encore être sauvés.

« Bon, ben je crois que je vais aller dormir… » Putain, ce flot de paroles ininterrompu et halluciné l’avait exténuée. « Bonne nuit. »

D'abord des fées kidnappeuses, des cauchemars complètement délirants et maintenant un prof défoncé qui avait tenté de la tuer à coup d'éclairs rose fushia et vert anis... Y'avait un problème avec son karma, là. Définitivement.

Sujet: Re: Graines de pavot et sirop d’hellébore Sam 7 Nov 2015 - 15:05

Hé ben, pourquoi elle était si surprise ? Elle avait oublié sa présence ou quoi ? Pourtant, ce n’était pas faute de la rappeler à elle à grands coups d’élucubrations insensées et de phrases sans queue ni tête ! Quinlan sursauta quand elle poussa son juron, affichant une mine visiblement choquée. Quelle belle paire ils faisaient tiens !

Enfin, il y avait plus important. Combien de temps était-il resté en mode débilos à débiter des conneries ? Freya lui annonça un chiffre qui faisait froid dans le dos, même s’il était tristement réaliste. Ça lui apprendra à vouloir se confectionner un petit ‘remontant’ en étant aussi frais. Surtout qu’apparemment, vu l’état du laboratoire, il n’avait pas été vraiment sage pendant son délirium. Quinn esquissa un petit sourire désolé à Freya, qui lui rendit sa baguette au passage. Il défit les lanières de ses manches, et rangea sa baguette dans sa ceinture, tout en observant la jeune femme lui souhaiter bonne nuit.

— Attends… Si je peux faire quoi que ce soit pour toi, t’hésites pas. J’ai un hibou et il est fait pour ça. Je te dois bien ça, après un tel cirque…

Il rit doucement, toujours avec ce faux-air gêné. Il avait vécu tellement plus embarassant, en fait. Ça c’était un peu la loose, mais pas non plus la honte internationale. Il allait s’en remettre.

— Bonne nuit.

Regardant la jeune femme quitter le laboratoire, il jeta un coup d’œil alentour. Sacré bordel. Avec un soupir, il lança un sort pour ranger ce qui pouvait l’être, avant de quitter lui aussi la salle pour rejoindre ses appartements. Sans son Jabberwocky, et désormais trop las pour se poser devant un film, même si c’était le Rocky Horror. Quelle tristesse ! Quel désespoir !

Après, il pouvait toujours aller toquer chez Ruppie pour fumer avec lui, mais était-ce vraiment une si bonne idée que ça ? Il n’avait pas spécialement envie de se le faire, se languissant plutôt d’une fée hallucinée et calmante que d’un corps à étreindre. Non, c’était plus sage de rentrer directement chez lui.

Le Docteur l’attendait, de toute façon. Le fauve le toisait, impressionnant par sa taille et son poids. Il était seulement assis sur le canapé, pourtant… Son regard félin fixé sur la porte en disait long. ‘Je te juge, humain’, semblait-il crier. Levant les mains et les yeux au ciel, Quinlan s’avoua vaincu.

— Même toi…! Je te croyais fidèle !

S’avançant vers lui, il lui gratouilla le cou assez longtemps pour que toute trace de désapprobation ne s’efface de ses yeux, et qu’il se mette enfin à ronronner.

— Allez, on va se coucher.

En espérant ne pas faire de cauchemar auquel son sommeil aurait du mal à survivre.