Le Mal par le Mal

Blaise avait d'autres préoccupations, définitivement, qu'un entretien avec sa « cousine », ce soir de février ; et il avait d'autres problèmes que ceux qu'auguraient la missive de Megan, impérieuse et pressée. Aussi, avait insolence, il avait d'abord ignoré sa lettre, comme il ignorait les lettres de sa mère depuis quelques jours.

(Trésor, j'ai appris pour Scarlett. C'est terrible, vraiment, c'est une chose terrible -)

La mention narquoise de rumeurs, toutefois, l'avait résigné à répondre, vaguement irrité, à la manière dont un gamin renfrogné se résout à effectuer une ennuyeuse corvée sous la menace d'une punition. Et le 27 février, encore lesté de ses lourds grimoires de runes, il gagnait l'infirmerie sans enthousiasme - les pensées encore alourdies de traductions complexes, de tissages de raisonnements alambiqués, d'alphabets sibyllins aux lettres sophistiquées. Il s'était difficilement concentré sur ses cours, ces dernières semaines ; son esprit était incommodé par l'inquiétude, par l'espèce de tension glaciale qui, dans les moments d'accalmie, aussi soudainement qu'une migraine,  de manière aussi désagréable que la façon dont les os résonnent par le dessous des muscles après un coup brutal, lui rappelait brutalement les cris qui avaient déchirés le silence, le soir du 14 février, & le corps brisé de Scarlett Greengrass sur le pavement enneigé & les mains frémissantes d'Astoria Greengrass dans les artères nébuleuses de Pré-au-Lard & l'expression vide imprimée sur le visage Daphné Greengrass, lisse et équivoque comme la surface plane du lac noir.  

Non pas qu'il soit une personne nerveuse, pourtant ! Blaise n'était pas sujet aux angoisses, à l'anxiété ou même à « l'inquiétude ».  Comme il en avait l'habitude, il paressait avec indolent sur le sofa de la salle commune des Serpentard, à la manière dont les vipères offrent au soleil les perles brillantes de leurs écailles. Feuilletait Le Sorcier en Guerre d'un air absorbé. Se rendait aux entraînements de Quidditch avec un enthousiasme brûlant - un désir arrogant, impérieux, de se montrer & de montrer ce qu'il savait faire.  Et échangeait avec Drago des railleries amusées, dispensait Yvain de regards dédaigneux - rien qui soit anormal, vraiment..!  

Rien qui soit anormal. La mise consciencieuse en cette fin d'après-midi, Blaise portait l'uniforme estampillé serpentard, exhalait le parfum du karité…& offrait, éventuellement - à condition d'étudier suffisamment l'expression fière & insolente qu'il offrait au monde  - un visage imprimé de cernes noires, semblables à des vestiges d'hématomes, quand il pénétrait dans l'infirmerie pour y trouver Megan. L'air froissé & impudent de celui qui n'a pas de temps à perdre pour les choses futiles.

Il ne conservait pas de sa cousine de réels souvenirs - leurs familles respectives s'en étaient assurées; son nom pourtant lui était suffisamment connu pour qu'il ne s'embarrasse pas de déférence affectée à son égard - au contraire. L'évocation d'un grand-père commun l'avait laissé dubitatif, voir dédaigneux : car il s'agissait du tortueux & inextricable passé familial, sur lequel il était inconvenant de s'appesantir - sur lequel il ne comptait pas s'appesantir.

Elle avait un peu la tête ailleurs depuis qu'elle était revenu à Poudlard pour sa semaine de stage. L'ombre de l'événement d'Avalon planait sur elle, et même si elle prétendait le contraire, le traumatisme était bien là, réel. Comme cette fichue blessure qui était en fin de cicatrisation. La douleur était toujours bien présente, par moment plus forte qu'elle ne l'était habituellement, mais l'ancienne Gryffondor faisait avec, au moins elle était vivante.

Elle avait des traits tirés, dernières traces de ses nombreuses nuits d'insomnies depuis quinze jours. L'infirmière l'avait laissé tranquille cette semaine, de tout façon c'était bien mieux ainsi, Megan n'était pas vraiment d'humeur à supporter sermons et morales de la part de sa directrice de stage. C'était bien, de toute façon elle n'avait pas la tête à se prendre la tête avec l'infirmière. En plus de ses propres soucis, voilà que sa famille maternelle y mettait du sien. Megan avait toujours exprimer son détachement à l'encontre des Zabini, surtout depuis que sa mère l'avait lâchement abandonnée. Elle était très proche de son grand-père c'était vrai, mais pour le reste, il n'était rien de plus que des inconnus à ses yeux. Le harcèlement dont deux des membres de sa famille faisaient preuve eut dont de venir à bout de sa patience, déjà bien limitée. Désireuse de mettre un terme à ses échanges de correspondance, Megan avait pris son courage à deux mains et avait demander à son cousin de la rejoindre à l'infirmerie. Les cours avaient finis depuis peu, il serait bientôt là d'ailleurs.

La jeune femme est toujours en blouse de médicomage, ses cheveux blonds sont attachés en une queue de cheval, et ses yeux bleus sont posés sur la table de potions dont elle fait l'inventaire. L'infirmerie est plutôt calme, elle a fait fuir deux troisième année qui avait soit disant mal au ventre. Bien sur, c'était juste pour sécher le cours de défense et pas voir Rogue. A choisir entre Rogue et elle, ils ont choisis rapidement et ce n'est pas sans lui déplaire. Son sadisme a atteint une certaine réputation et ça lui plaît, même si pour la peine, je ne suis pas du tout les conseils de Quin pour mettre à l'aise mon patient. Mais c'est trooop bon !

La porte de l'infirmerie finit par s'ouvrir pour laisser l'héritier Zabini entrer. Elle a finit par relevé les yeux de ses potions et décide de les faire patienter. L'heure et maintenant venu d'affronter son inconnu de cousin. Elle le regarde quelques secondes. Rien à dire, c'est à se demander comment ils peuvent être de la même famille. Physiquement, ils n'ont strictement rien en commun. Elle sait qu'elle doit le mettre à l'aise, de toute façon, il n'y est pour rien dans tout ça. Alors autant ne pas déjà sortir la baguette de guerre...

-Salut.

C'est un début n'est-ce pas ? C'est sur qu'ils ne vont pas se mettre à checker et à se raconter leur life, mais au moins c'est neutre, légèrement familier et c'est une façon d'engager... la conversation ? Ou du moins de tenter de briser la glace. Bref c'est juste un début de quelque chose...

-Merci d'avoir accepté de venir.

Olala ! L'effort de fou que Megan fait. Non sérieusement, elle vient de le remercier ? Bon certes, elle l'a en quelques sortes, menacer pour qu'il vienne, mais bon, au moins il est là. C'est une bonne chose. Il a pas l'air dans son assiette, mais en soi, ça ne la regarde pas. Bon, d'un côté, s'il est malade, elle faillirait à son devoir alors bon.

-Tu as une tête à faire peur, t'es malade ?

Ouais bon, Il disait quoi déjà Fitzsimmons ? Mettre en confiance le patient, ne pas le faire s’inquiéter plus que de raison... bref, tout ce qu'elle vient de pas faire... Génial ! Heureusement qu'il est pas là celui-là, elle l'entendrait geindre derrière elle, et ça la saoulerait encore plus... Mais promis, demain Megan mettra en œuvre ce qu'elle a appris durant le cours particulier. Elle sera patiente et agréable avec ses patients... AHAHAHAH... non mais si! c'est sérieux là!

« Megan », la salua-t-il obligeamment. Emprunt de cette affabilité altière qui lui avait été enseigné - qu'il exploitait comme l'on exploite un outil ou une arme. Marquer une distance et affirmer son rang.

Blaise se souvenait l'avoir aperçu lors du bal - car il était toujours question de ce bal, évidemment : le 14 février comme un souvenir implacable & brûlant - le « bal de la St Valentin 1997 », qui avait recueilli des compliments fiévreux, les affirmations d'une satisfaction fervente & au sujet duquel se murmuraient encore avec fièvre des secrets d'alcôves...  Sans pouvoir s'assurer vraiment, s'il s'agissait bien de sa cousine qui dansait en compagnie de Severus Rogue ce soir-là. Avec hardiesse, elle avait définitivement entériné ses doutes au sein de sa lettre caustique. Impénitente et railleuse.

Megan portait une blouse médicale qui gratifiait d'une curieuse autorité celle qui avait longtemps été pour lui un vague souvenir d'enfance, la réminiscence d'un temps révolu - l'illustration du cours du temps, à l'image d'une vanité. Un crâne cireux, un bouquet de fleurs aux corolles frelatées...avec lequel il avait été nécessaire de conserver une distance précautionneuse. Les liens du sang étaient une chose bien abstraite ! Le couple disparate qu'ils offraient en était une illustration appropriée.  Il lui était difficile de déceler sur le visage de la jeune fille un regard ou un sourire familier ; la réminiscence d'un parent proche qui l'aurait peut-être dissuadé de faire preuve d'impertinence.
Rien d'autre que ce grand-père absent, un fantôme dont le patronyme, articulé avec mépris par ses aïeuls, avait hanté les premières années de sa vie avant de tout à fait s'effacer.

« Je t'en prie », feula-t-il : son ton était amusé, et son expression insolente. Plus que la courtoisie, c'était la menace de représailles qui l'avait résolu à se rendre à l'infirmerie, ce soir-là - ils en étaient tous les deux conscients. « Tout le plaisir est pour moi. »

Le sourire railleur avec lequel il la considérait se fanait brusquement, alors que sans égard elle s'enquérait au sujet de sa santé -  surpris & puis vexé peut-être ; il n'avait jamais été un bon menteur - trop assuré, trop confiant, pour vouloir prétendre être autre. Trop fiévreux pour dissimuler ses humeurs !...et puis jugeant inutile de le faire.

« Excuse-moi ? » se froissa-t-il, fronçant les sourcils, l'air offensé; « je me porte très bien, merci », assura-t-il. Machinalement, il parcourait du regard la pièce à la recherche d'un psyché pour s'assurer de l'élégance de sa mise - en vain. Aussi, portant la main à sa chevelure, il se contentait de machinalement se recoiffer.

Vexé.

« Si tu avais l'obligeance de le répéter à Zaccaria, soit dit en passant » hasarda-t-il distraitement, levant les yeux au ciel avec insolence, railleur et désinvolte comme il l'était souvent lorsqu'il s'agissait d'évoquer un sujet agaçant, enfiévré par la contrainte comme par un mors étroit dans sa bouche. S'enquit finalement - condescendant, haussant les sourcils d'un air de défi : « Quel est son problème, au juste ? »

Lui, il ne voyait pas de problème.  

L'hypocrisie était installée entre nous. C'était tellement lassant de devoir faire semblant, surtout avec quelqu'un dont je partageais un lien de sang. Je ne me voilais pas la face, Blaise avait peut-être autant envie que moi de cette rencontre et je ne doutais pas que la menace dont j'avais usée l'avait convaincu de me rejoindre.

-Ne te fatigue pas s'il te plaît, tu as autant envie que moi de cette rencontre.

Je ne suis pas une gryffondor pour rien, j'ai tendance à être un peu trop franche et je n'ai pas de raison de me la jouer hypocrite. Enfin peut-être que je me trompe, peut-être que Blaise est plus ouvert que je ne le pensais jusqu'à maintenant. Peut-être qu'au final, cette rencontre nous aura permis de nous connaître et qui sait, peut-être même de commencer une relation de cousin/cousine, aussi normale que les relations entre deux membres de la même famille doit être. En soi, je n'ai rien contre Blaise, ni même contre la famille Zabini en général. Il n'y a que contre ma mère que j'ai quelque chose.

Et il semble se vexer de ma remarque... Je me mets à rire doucement. C'est pas moqueur, mais sa réaction et mignonne.

-Relaxe, tu as juste l'air un peu fatigué...

Je tente d'arrondir les angles, même si c'est pas mon fort. Je pourrais lui jeter un sort aussi, mais j'espère qu'il appréciera les efforts que je fais pour être agréable envers lui, même si je doute fort qu'il essaye de faire de même de son côté. J'ai beau avoir quoi ? Deux ans de plus que lui ? Je ne suis pas du genre à être diplomate. D'ailleurs je me tends un peu lorsqu'il aborde le sujet de notre grand-père. Le ton qu'il prend et loin d'être apprécier de moi, mais je reste le plus calme possible, ça ne sert à rien de s'énerver pour le moment.

-J'ai déjà essayé de le lui faire comprendre... Sinon je ne serai pas là et toi non plus.

Je dis ça d'une voix calme et posée. Je tente de mesuré mes mots mais je ne suis pas particulièrement à l'aise.

-Ils sont inquiets pour toi, avec tout ce qui se passe en ce moment, ça peut se comprendre non ?

J'en appelle à son bon sens, et j'espère sincèrement qu'il en a un peu. Et puis, quitte à être réunis là tout les deux, autant lui dire ce que je pense, comme ça, il verra bien que je ne suis pas son ennemie.

-Je n'ai rien contre toi Blaise, on est cousins et on a pas eu l'occasion d'apprendre à se connaître. Je comprends que ça te gêne que je me mêle ainsi de ta vie, et j'en suis désolé. Je pense sincèrement que tu es assez grand pour gérer tes propres fréquentations, je t'assure. Mais j'en ai un peu marre de recevoir des lettres de grand-père et de ta mère pour que je te surveille. Ce n'est pas mon intention de t'épier.

Je le regarde droit dans les yeux en croisant les bras.

-En revanche, je trouve ça vraiment dommage qu'entre cousins, on agisse comme de parfait inconnus...

Sous entendu en gros, que j'apprécierais d'apprendre à le connaître, mais je ne vais pas le forcer non plus. S'il veut pas, je comprendrais et on assemblera une version pour satisfaire les adultes de la famille Zabini. Sinon je récolte des photos de Blaise en couche culotte et je les placarde partout sur les murs du château. Ahah ! L'idée est bonne !

Le sujet était sérieux, semblait-il; l'affabilité de Megan, qu'il considérait avec hésitation, tempérait sa défiance. Elle semblait à présent démunie de l'outrecuidance dont elle avait fait preuve dans sa lettre, et qui l'avait fait craindre de se trouver acculé. Mais elle était patiente et mesurée - il concéda, aussi, à délaisser son sourire arrogant alors qu'il posait sur un guéridon ses épais grimoires de runes : la conversation, devinait-il, résigné, allait se prolonger.

« Je ne le connais même pas », rétorqua-t-il, dubitatif - un peu méprisant, peut-être ; s'il avait gagné en sérieux, il secoua la tête, l'air moqueur. « Sérieusement, Megan. Je ne sais pas à quoi il ressemble. »

Les souvenirs qu'il extirpait de l'enfance demeuraient flous, souvent, aussi - il se souvenait de l'Italie, parce qu'il avait été « préférable » pour lui, longtemps, de "demeurer en Italie" - le temps que sa mère retrouve un équilibre -- Diane employait, elle, le terme « se ressourcer » pour évoquer ces langoureuses vacances qu'elle s'accordait ponctuellement - dès que les jours se faisaient froids, en réalité, et l'Europe « trop austère ». Ce grand-père qui avait quitté l'Europe - & au sujet duquel avaient été murmurés avec amertume & cruauté des condamnations sentencieuses - car il avait abandonné la famille -  il ne s'en souvenait pas ; ou bien, à la manière d'un écho déformé après un cri, il s'en souvenait mal.

« Très bien », concéda-t-il finalement alors qu'elle s'afférait à lui démontrer sa sincérité ; admit dans un haussement d'épaules distrait ; « Je gérerai ma mère - j'ai été un peu occupé, ces derniers temps »

(« Relax, tu as juste l'air un peu fatigué.» , avait-elle assuré un peu plus tôt; et s'il avait balayé d'un geste du menton la remarque, comme pour gracieusement consentir à lui accorder son indulgence, c'était la vérité. Il était -- fatigué & il était inquiet, dormait peu & toujours d'un sommeil lourd & compact comme les profondeurs d'un lac froid, et dont il s'extirpait mal, avec confusion, sans jamais le moindre rêve)

« Tu peux lui dire... » Commença-t-il, haussant les sourcils, perplexe,  avant de soupirer, frustré, pressant machinalement les paumes de ses doigts ourlés de lourdes bagues sur ses paupières, comme pour s'éveiller ; « Je ne sais pas. Qu'est-ce qui l'inquiète, exactement ? Sérieusement, je fréquente Westminbrook, je peux difficilement faire plus rassurant que ça.  

Car c'était la plus élémentaire des méthodes, lorsque, habituellement, il voulait rassurer ses proches. Émailler ses lettres de patronymes notoires - il jouait toujours au quidditch avec son meilleur ami, Drago Malefoy, et oui, il s'entendait à merveilles avec Daphné Greengrass - vraiment; s'entretenait occasionnellement avec les soeurs Carrow…se trouvait invité aux ponctuelles soirées d'Horace Slughorn, toujours.
Il semblait que pour Zaccaria, il allait devoir s'y prendre autrement, pourtant. L'idée qu'il se faisait des mauvaises fréquentations semblait tout-à-fait opposée à celle du reste de la famille.

(un renégat, disaient-ils.)


La contrition de Megan le surprit, et, après l'avoir un instant considéré avec confusion, il le lui concéda d'un hochement de tête.  « C'est exact » ; et, bientôt, il souriait de nouveau avec insolence ; « A ce sujet, si tu pouvais m'éclairer sur ta relation avec Rogue.... »

 

Je ne pouvais que comprendre Blaise. Il n'avait rien demandé et un parfait inconnu se mêler de vie, c'était quelque chose que moi-même je ne supporterai pas. Je ne sais pas trop comment réagir et encore moins comment en parler. Discuter n'a jamais été mon fort, je suis plutôt du genre à agir. Le problème c'est que je dois trouver les bons mots pour ne pas qu'il se braque. S'il a le tempérament des Zabini, il a un côté impulsif, c'est sur.

-Je sais Blaise, mais ce n'est pas parce qu'il ne te connaît pas qu'il ne se soucis pas de toi.

Puis qui sait, peut-être que Blaise acceptera peut-être de rencontrer grand-père. Je me fais pas beaucoup d'illusion, ils ont visiblement le même caractère, donc ça risque d'être explosif mais, j'ai bon espoir.

-Je pense que ce qui les inquiète, c'est le retour du Lord Noir et la possibilité que tu sois recruté dans ses rangs. On ne peut pas les blâmer pour ça, n'importe qui pourrait céder à la pression...

Je n'y vais pas par quatre chemin, ça ne sert à rien et puis, je ne sais pas faire semblant. Je fronce les sourcils. Westminbrook ? Il parle de Rowan ? En quoi cela serait rassurant ? Il est plus âgé que Blaise. Aaah... il fréquente ? ILS SONT ENSEMBLE ? Ooooh ça expliquerait l'air coincé de Rowan... Mais Blaise... Je croyais qu'il s'intéressait aux filles, enfin, du moins c'est ce que j'ai cru remarqué.... je me suis planté alors. Toutefois, mieux vaut éviter d'en parler à la famille Zabini, j'suis pas sur qu'ils le prennent bien.

-Je ne vois pas en quoi ton histoire avec Westminbrook les rassureraient. Je te rassure je n'ai rien contre deux hommes ensemble hein et Westminbrook est pas mal dans son genre, bien qu'un peu coincé... genre balai dans le cul... quoique, ça justifie peut-être ça... Enfin je m'éloigne, c'est juste que tu es un héritier... Ils risquent d'être déçu que tu soit de l'autre côté...

je reste quelques instants stupéfaite face au toupet de Blaise. Il me parle de Rogue et semble plutôt amusé. j'avais envie de lui faire ravaler son sourire plein d'arrogance. Un fin sourire s'étira sur mon visage alors que je réplique gaiement.

-On couche ensemble comme des bêtes !

Je regarde Blaise avant d'éclater de rire. J'espère qu'il ne m'a pas cru, sinon je suis dans la merde. Je doit lui sortir une excuse, celle qui me vient machinalement et qui est vraie, avec de nombreuses omissions cependant.

-Rogue m'a aidé a un moment décisif de ma vie et il continue a m'aider pour mes études. C'est un ami et mentor... ne te fais pas de films Blaise...

Je me mets à rire sur un ton léger, même si un jour ou l'autre, tout le monde saura, mieux vaut pas que ce soit maintenant, surtout avec Voldemort de retour, les risques sont tellement grands.

« Oh, je t'en prie », déplora-t-il paresseusement - levant les yeux au ciel. Le retour du Lord Noir demeurait un sujet brûlant et insidieux. Daphné l'avait mis en garde ; aborder la question lui était pénible, pourtant - comme s'il eût été possible de régler les réflexions qu'elle imposait en le révoquant machinalement d'un haussement de sourcil désinvolte.

La mention de son histoire avec Rowan Westminbrook lui arracha toutefois une expression confuse qui, brutalement, heurta tout-à-fait son masque d'insolence.

« Attends, attends, Megan, de quoi tu parles ?», s'offusqua-t-il, « Je ne suis pas - je veux dire, Rowan et moi, nous ne sommes pas - putain, laisse tomber. Je ne fréquente pas Westminbrook.  » Le fait de devoir le justifier lui semblait absurde - et puis blessait son fiévreux orgueil, emprunt de préjugés acerbes. Ceux qu'il avait longtemps asséné à Yvain Gallant, arrogant et railleur, au travers de remarques perfides - pétries des valeurs traditionnelles rigoureusement inculquées puis docilement assimilées.  
Sa défiance ne devait pas s'atténuer, toutefois - la réponse de Megan a sa question effrontée était au moins aussi troublante que l'hypothèse d'une romance avec Rowan Westminbrook.

(et comme cette hypothèse était troublante.)

Car Severus Rogue, sa silhouette altière, drapée de noir, les bandeaux lisses de cheveux brillants et l'austérité de son visage blafard, s'il intimait son respect, la déférence obligeante que l'on accorde au directeur de la maison Serpentard et à un professeur, un peu affectée parfois, empruntée, faisait également l'objet de ses regards prudents, teintés de mesure. La proximité, ou l'intimité avait cet homme sévère lui semblait absurde.

« Un ami ? » Répéta-t-il, dubitatif. « Sérieux, je dois faire attention à mes fréquentations, mais tu es l'amie de Rogue. »  

Il considéra, un instant, rire, car l'incongruité de la situation prêtait au rire, vraiment ; la gravité dissimulée par le dessous de la désinvolture de Megan, l'évocation sibylline, teintée de pudeur, d'un moment crucial le dissuadèrent, pourtant, de railler sa confession - elle le lui avait offert avec sincérité.  

« Je veux dire, tu fais ce que tu veux - c'est très bien si, tu sais, il t'aide.», admit-il dans un haussement d'épaules ; bientôt, il hasardait distraitement ; « C'est juste qu'il n'a pas exactement l'air le genre de personnes à avoir des amis - tu mentionnais Rowan, mais il est difficilement plus chaleureux que Rowan. »

S'il avait asséné dans un sourire moqueur sa remarque railleuse, il en réalisait bientôt les implications avec contrariété ;
 
« Et je ne suis pas en train de défendre Westminbrook. », précisa-t-il soudainement, « Je ne fréquente pas Westminbrook. Pas comme ça. Sérieusement. »    

Ah, visiblement je me suis planté sur toute la ligne. Blaise n'est pas gay. Enfin du moins veut-il me le faire croire, de toute façon, je m'en fiche un peu beaucoup même. Il fait ce qu'il veut avec son cul. Vu sa réaction vraiment tordante, j'ai envie de m'amuser un peu avec ça. Mais je suis pas vache et en plus, je ne sais pas s'il a vraiment le sens de l'humour. Ce serait franchement con que je le vexe pour une connerie, alors je prends la parole.

-ça va, pas la peine de te vexer, j'ai juste... mal interprété tes propos. Ton orientation sexuelle ne regarde que toi de toute façon...

Voilà, au moins le sujet est clos, du moins je l'espère. Parler sexualité avec lui est absolument pas mon intention, du moins pas en tant que cousine. Blaise me fait la réflexion sur Rogue, je sais très bien que ça peut choqué, et comme à chaque fois que Rogue est mentionnée, je prends sur moi et me montre beaucoup plus froide que je ne suis censé l'être. J'en ai un peu marre d'entendre des réflexions sur Severus, je sais comment il est autant dans le privé qu'en public, personne ne me l'apprendra. Blaise à du entendre parler de nos nombreuses querelles en cours, le moment le plus marquant fut lorsque je lui ai renversé un chaudron rempli sur la tête. Contre-tout attente, tout les camarades de classe présent n'en on pas dit un seul mot, comme si ce qui c'était passé dans la salle de classe ce 23 mars 1991 n'avait pas existé. A vrai dire, balancer ce qui c'était passé aux petits camarades qui n'avaient pas eu la joie d'assister à ça, c'était prendre le risque de s'attirer les foudres du maître des potions, un risque que même les plus audacieux n'avaient pas osé prendre.

-Tu crois qu'on s'affiche potes? Rogue est ce qu'il est certes... mais les apparences sont trompeuses n'est-ce pas ? par rapport au bal, il m'a juste permis, d'échapper à une question à laquelle je ne voulais pas répondre.

Azphel m'avait posé une question indiscrète alors que j'avais aperçu Lanalia. Les souvenirs douloureux de mon frère jumeau m'avait alors heurté, et parler de lui était vraiment difficile pour moi. Bien sur, Blaise l'ignorait et c'était pas plus mal. Un éclat de tristesse passe dans mon regard. Ca m'affecte malgré moi qu'on puisse penser du mal de Severus, même si c'est légitime de la part de Blaise d'avoir de telles pensées à l'égard de son professeur.

-Peut-être parce que j'expose mes fréquentations beaucoup moins que toi. Je veux dire, avant le bal, jamais tu n'aurais pu pensé que je puisse m'entendre avec le professeur Rogue n'est-ce pas ? Et encore moins imaginé que le professeur Rogue puisse paraître... amical.

Je soupire. En fait, les relations de Blaise inquiètent la famille, et j'ai bien ma petite idée du pourquoi. Je regarde mon cousin un instant, cherchant à trouver les mots justes pour ne pas le braquer. Et puis merde, j'suis pas psy, il fera avec...

-Je pense que c'est notamment ton amitié avec Drago Malefoy qui les inquiète. Son père est un mangemort et il a été enfermé à Azkaban récemment. D'après les rumeurs qui courent, Malefoy junior aurait pris la relève. Que ce soit vrai ou pas, ça peut inquiéter ta mère et le grand-père. Dans tout les cas, je dois leur répondre quelque chose. Tu veux qu'on te laisse tranquille avec tes fréquentations, et moi je veux qu'on me laisse tranquille aussi. Donc si on se met d'accord sur quoi raconter, je pense qu'on pourra être tranquille après...

Bon c'était un peu utopique. Connaissant Zaccaria, il risquait de lui demander de kidnapper Blaise et de l'emmener aux Etats-Unis, chez lui. Bref, ils en étaient pas là, fort heureusement. Et puis Blaise n'a pas l'air d'être un mangemort, en tout cas, il semble avoir d'autres elfes à fouetter que les missions mangemordesques.

-Donc je leur dis que tu fréquentes Westminbrook et après ? On leur dit que tu fréquentes un mec, si possible moldu? là au moins, ils nous foutraient la paix... enfin au moins grand-père, pour les autres j'en suis pas sur... Ils risquent pas d'apprécier et tu te feras harceler aussi...

A lui d'interpréter ça comme il veut, mais mon sourire moqueur c'est figée sur mon visage.

L'application avec laquelle Megan s'affairait à justifier sa relation avec Severus Rogue suggérait qu'il n'était pas exclusivement question d'amitié ; mais la conversation demeurait trop précaire pour se risquer à aborder le sujet, qui semblait nébuleux, impénétrable - comme le sont les secrets.

« C'est ça », concéda-t-il ; « Il est "loin de paraître amical".»  

Ce n'était pas la première fois qu'il était question de Drago Malefoy, ou des « dangers » qu'impliquait la fréquentation de Drago Malefoy depuis quelques mois ; celle de Théodore Nott, de Gregory Goyle, de Vincent Crabbe...et ne murmurait-on pas quelques indiscrétions au sujet du patriarche Westminbrook lui-même ? (car Blaise les avait entendues. Puis il les avait répétées.)  

« Je sais, Megan », acquiesça-t-il ; car il connaissait ce que Megan qualifiait pudiquement de rumeurs. « Préoccupantes », « inquiétantes. »  
(& était-il nécessaire pourtant de le répéter ? Blaise n'était pas sujet aux angoisses, à l'anxiété ou même à « l'inquiétude ».
Pas plus qu'il n'était de ces personnes suffisamment muées par un fiévreux sens de l'abnégation pour se vouer à une cause qui n'était pas la sienne.)

La gravité de sa cousine se muait bientôt en une chose différente - une plaisanterie distraite; une raillerie de connivence.

« Je - attends, non », protesta-t-il, offensé ; « C'est quoi ton problème, sérieux ?  » Un rictus de confusion étiré sur sa bouche, impatient, celui que l'on accorde à un interlocuteur auprès duquel s'efforcer d'être courtois est nécessaire mais fastidieux. L'audacieuse hypothèse qu'elle avançait en souriant, celle d'une "relation avec un moldu" lui arrachait un froncement de sourcil écoeuré, l'expression d'un malaise indicible ; il s'agissait aussi bien du mépris qu'il ressentait a l'égard des moldus que de son embarras face à des relations qu'il ne comprenait pas. Il lui était plus aisé de remettre en question les règles que les principes qui lui avaient été minutieusement  enseignés ; et, levant les yeux au ciel, comme las, il se résignait : « Laisse tomber. Parle leur de Daphné Greengrass. Dis-leur que je la fréquente.»

Il gardait en mémoire les titres de la Gazette du Sorcier -- la maisonnée Greengrass est-elle au cœur d'une tourmente sordide ? s'y interrogeait-on la veille, à l'occasion de la solennelle annonce de la rupture des fiançailles de Daphné Greengrass et de Rowan Westminbrook; et peut-être que le nom de Greengrass ne suffirait pas à rassurer, devinait-il, sans pouvoir définir ce qui suffirait.  Rares demeuraient les sang-pur au sujet desquels les rumeurs ne sifflaient pas encore ; comme s'ils eurent été ceinturés de serpents ruisselants de fiel, expectant une chute, le présent d'une peau nue et fragile, pour mordre avec violence.

« Et il y a…Evans, je crois, chez les Gryffondor ? "Cyril" ? » Pouvait-il exhumer une entité plus consensuelle que ce jeune homme courtois, ce garçon affable avec qui il partageait certain sde ses cours ? Un élève attentif et consciencieux - un gryffondor, l'ami de Jeremiah. « Les soeurs Carrow, aussi. Flora et celle qui est un peu...Hestia.  »

Cueillant avec minutie des noms comme des bijoux, une collecte vaine, vide de sens ; similaire à celle à laquelle se livrait minutieusement Horace Slughorn ; à l'image d'une pie voleuse, seuls les plus étincelants des patronymes suffiraient à rasséréner sa mère ; à tout-à-fait la satisfaire ; et après ça, devinait-il, elle pourrait retrouver la quiétude de ses vacances exotiques, repue de noms nitescents. Si elle avait feint la désapprobation après avoir recueilli distraitement les échos du banquet, la suggestion d'un scandale l'avait amusée  - Blaise, trésor, t'en prendre à l'héritier de la famille Westminbrook n'était pas la plus judicieuse de tes décisions. & tu sais pourtant combien je suis bienveillante.

(mais des « évènements tragiques » avaient étouffés cette saillie scandaleuse. Des cadavres brûlants, des éclaboussures de sang sur les nappes brodées.)

« Je veux dire, ça devrait être suffisant, exact ? J'étudie, je joue au Quidditch et je suis invité au Club de Slug ; je suis un héritier plutôt accommodant, en vérité. »

Une telle affirmation, arguée d'un air crâne, nécessitait de passer sous silence les multiples reproches d'arrogance, d'insolence ; les harassantes soirées occupées à nettoyer des trophées poussiéreux en compagnie de Jeremiah O'Connell suite à un « différend » puéril qui les aurait opposé - un différend violent qui aurait eu pour témoin un professeur irrité ; les fins d'après-midi passées dans une salle de classe vide en compagnie de la fiancée de Rowan Westminbrook - et puis il y avait les autres choses. Mentir à un Auror ; ôter le sang d'un pardessus de zibeline pour l'absoudre de preuve - il était plutôt accommodant.

Megan osa les épaules. Elle n’allait pas défendre Rogue sur les apparences qu’il donnait, elle-même n’avait pas apprécié l’homme qu’elle croyait qu’il était jusqu’à ce qu’elle le voit vraiment. Elle n’allait pas justifier sa relation avec Rogue, même si on la faisait chier avec ça. Par chance, Zaccaria n’en avait jamais rien su et son père non plus. C’était parfait comme ça.

La proposition que l’Abraxane lui fit suffit à outré Blaise, la faisant franchement rire. Toutefois elle notait bien dans un coin de sa tête qu’il n’appréciait pas du tout qu’on insinue qu’il était gay. C’était bon à savoir si vraiment il cherchait à lui causer du tort. Qui douterait d’une déclaration d’une cousine qui affirmerait des choses sur son cousin ? Heureusement pour lui qu’elle était une gryffondor, c’était bien pour cette raison qu’elle ne ferait pas ça… mais son âme serpentard lui suggérait bien de profiter de la situation peu commune. Greengrass ? La jeune femme fronça les sourcils.

-Celle dont la mère a été retrouvée morte et dont la sœur a mystérieusement disparu ?

La en revanche, il avait toute son attention, ce sujet l’intéressait grandement, et s’il avait des informations, la jeune femme apprécierait qu’il lui en fasse part, mais elle ne voulait pas le brusquer. Y aller en douceur, c’était pourtant pas son fort, mais elle devait essayer quand même, de façon si possible, subtile.

-c’est triste pour elle, on sait ce qui c’est passé ?

Elle affichait un air compatissant, celui là-même qu’on tous les gryffondors digne de ce nom.
Il lui cita des personnes qu’il avait croisé ou côtoyer et elle nota les noms dans un coin de sa tête, tout en acquiesçant.

-Je vais tenter une réponse avec tout ça, ça devrait suffire je pense. N’oublie pas d’inventer des histoires sur ces pseudos potes quand tu verras ta mère… Sait-on jamais…

J’allais pas non plus lui jouer un sale coup, donc j’allais arrangé ça à ma façon. Je ne pus m’empêcher de lui demander, un peu taquin.

-Et… y a quelque chose entre toi et Greengrass ?

Je souris un brin moqueur avant de rajouter.

-Quoi ? tu ne peux me le dire… je veuux savoir !

Je redevins finalement sérieuse, je vais tenter quelque chose, mais… j’espère qu’il ne va pas m’envoyer non plus promener.

-Si jamais tu as des problèmes Blaise, tu pourras venir me trouver… Je veux dire, tu es le seul Zabini avec Grand-père que je connais… maintenant… Et la famille ça reste important…

Je le regarde, espérant qu’il me croit. Certes, je hais ma mère, mais je n’ai rien contre lui, ni contre les autres Zabini en fait, c’est juste qu’ils me rappellent tous… ce que ma mère ma fait.

« Je - oui, c'est exact » , concéda-t-il, un peu perplexe ;  celle dont la mère a été retrouvée morte et dont la sœur a mystérieusement disparu ne lui était jamais apparu comme la plus emblématique des formules pour désigner Daphné ; pourtant, elle était celle qui faisait l'unanimité depuis quelques semaines. « Mais nous ne savons rien, pour l'instant. »

Et ce n'était même pas un mensonge -  car Blaise avait vu, définitivement ; le corps ensanglanté de Scarlett Greengrass, froissé sur le pavement humide à la manière d'une biche traquée par une battue féroce ; Astoria Greengrass, frémissante et muette, dont les doigts collants de sang estampillaient d'un sceau lugubre l'épaisse fourrure de son pardessus de zibeline ; la neige soyeuse, lisse & compacte comme un rêve ; mais il n'avait pas compris ; et ne savait rien.

« Daphné ? Non, c'est une amie. » Et c'était un mensonge.  Insolent, difficilement crédible : il ne se donnait même pas la peine de feindre l'innocence. « Tu sais, comme Rogue et toi. »

Il souriait effrontément - sans malveillance pourtant ; le miroir de l'expression amusé qui étirait la bouche de sa cousine.
Elle se froisserait, bientôt, empreinte de gravité, et il fronçait les sourcils - mais ce n'était pas un mauvais augure qu'elle articulait avec gravité.

L'alignement de Megan avec le patriarche désavoué s'alignait difficilement avec la politique familiale ; les murmures qu'il en avait entendu, des évocations nébuleuses, fielleuses de dédain, effilées comme des lames, demeuraient vaporeux, sibyllins, à la manière d'un écho déformé, dont l'acoustique aurait fait fondre entre elles les exactes paroles au profit d'un tissage compliqué. Précisément, il n'en subsistait qu'un mépris courroucé - similaire à celui avec lequel sa famille paternelle mentionnait sa mère ; et le fait que celle-ci se soit adressée à Megan n'était définitivement pas surprenant.

(Diane Zabini, souriante & charmante, sommant avec égards la ravissante - et opiniâtre - mademoiselle O'Neill de s'enquérir de  la santé de son fils depuis l'une des îles exotiques sur lesquelles elle aimait s'exiler lorsque l'hiver, en Europe, se faisait trop violent pour sa constitution délicate », ses « nerfs fragiles » et son « humeur sensible ». Car sa santé était inconstante, et que vraiment, le fait que son fils ne réponde pas à ses lettres la hantait terriblement et n'arrangeait guère la précarité de son état ; le garçon était adorable, un trésor, mais un peu désinvolte, comme le sont les adolescents.)

« Oui, je suppose » , acquiesça-t-il prudemment ; la franchise de Megan avait l'abandon d'une confession - mais elle se faisait presque hésitante. Aussi, il étayait bientôt, assuré, haussant les épaules alors qu'il posait sur elle un regard paisible : « C'est réciproque, d'accord ? Tu t'es occupée de tout ça, et je suis reconnaissant, en vérité. »  

Et ce n'était pas un mensonge. Megan avait probablement d'autres choses à faire que de rassurer sa mère ; il balayait l'infirmerie du regard. Le crépuscule arrachait à la fin d'après midi la lumière tenue de l'hiver et, machinalement, il pressait les paumes de ses mains contre ses paupières brûlantes.

« Tu étais là jusqu'à la fin du mois, c'est ça ? », s'enquit-il, désignant d'un mouvement du menton la salle. La lettre de Megan avait fait mention d'un stage qui devait se conduire jusqu'à la fin du mois de février ; s'il était habitué à croiser parmi les dédales de Poudlard les étudiants d'Haveirson - Clemens, qu'il ne manquait pas de saluer ; Isolde Mayer avec qui ses relations étaient plus tendues - le rythme auquel était régi leur présence à l'école demeurait nébuleux.

J'avais l'impression d'ennuyer Blaise avec mes questions, ou du moins le rendre mal à l'aise. Était-ce simplement les questions ou bien le fait que nous étions simplement des inconnus l'un pour l'autre ? Je ne pouvais pas le lui reprocher, moi-même je n'aurai pas apprécié qu'on se mêle ainsi de ma vie privée comme je venais de le faire avec lui.

-Je vois, et bien présente-lui mes condoléances, et j'espère que sa sœur sera retrouvée saine et sauve....

J'étais sincère. Le mystère de cette disparition était des plus troublantes. Personne ne savait ou était passé Astoria alors qu'elle était censé se trouver à Poudlard. La disparition de la cadette Greengrass ne devait pas être facile à vivre, et Megan ne pouvait que comprendre l'état d'esprit de Daphné. Après tout, elle aussi avait perdu son frère quelques années auparavant, et le lien qui les unissait n'était que plus puissant puisqu'ils étaient des jumeaux.

La réponse effrontée de Blaise me laissa sur les fesses. Je le regarde un instant, sans rien dire. C'était un regard pénétrant, comme si je cherchais à lire en lui, savoir s'il avait compris. Non, il ne pouvait pas avoir compris. Personne ne pouvait imaginé Severus Rogue avoir une liaison quelconque, et encore moins avec une ancienne Gryffondor, bien plus jeune que lui... C'était impossible. Et pourtant se sourire d'insolence, cette désinvolture provocante. Je souris, et lui dit.

-Tu crois que Rogue et moi on... je m'arrête en prenant un air choqué... Tu es sérieux ?

J'affichais un air ébahi, je ne pouvais pas lui dire quoique ce soit, trop d'enjeux en cours. Même si ce qu'il y avait eu avec Rogue avait été un pur accident. Personne ne le savait, pas même Dumbledore que nous côtoyons dans l'Ordre, alors comment Blaise pouvait être plus clairvoyant que lui ?

-En fait, je veux même pas imaginé...

Je grimaçe. C'est la réaction logique que n'importe qui aurait eu n'est-ce pas ? Et puis tout le monde à Poudlard connait l'animosité de Rogue envers les Gryffondor, et j'étais la plus pro-gryffondor jusqu'à l'année dernière, Blaise la bien vu durant toutes ses années, non ?

Je lui souris sincèrement, j'espère que nous pourrions vraiment avoir une relation de cousin-cousine, malgré nos différences. Il semble vouloir la même chose et je ne peux que vouloir l'aider à se débarrasser des regards inquisiteurs de la famille Zabini et de Diane... Il mérite bien de vivre son adolescence tranquillement, bien que tranquille ne soit pas le mot que j’emploierais.

-Oui je suis là jusqu'à la fin du mois, je reviens une semaine mi-mars, et je suis la pendant deux semaines en Avril, enfin du moins pour le moment, c'est les infos que j'ai...

A la base, ça fait une semaine que j'aurai du être à Poudlard, mais comme j'ai été blessé dans l'attaque d'Avalon, je n'avais pas d'autre choix que d'être hospitalisé à Ste Mangouste.

« Je lui dirai, merci », acquiesça-t-il distraitement. Aux hommages de Megan s'ajoutait les condoléances de sa mère, qui, dans ses lettres, déplorait une tragédie ; a l'occasion de l'enterrement de son amie intime, précieuse et chère, elle avait promptement écourté ses vacances, pour se rendre à la cérémonie, drapée de fourrure noire, voilée de crêpe.  

« Oh, il est simplement question d'amitié, Megan », hasarda-t-il distraitement, emprunt de l'expression innocente que l'on associait aux jeunes hommes les plus courtois ; déchirée, pourtant, d'un sourire moqueur ;  « Excuse-moi, j'ignorais que le sujet est - tu sais, sensible et tout ça. »

Car Megan était troublée, ou surprise, face à lui - avait tout-à-fait quitté la désinvolture avec laquelle elle plaisantait précédemment lorsque, pour railler sa curiosité, elle suggérait gaiement coucher avec Severus Rogue ; suffisamment pour qu'il s'interroge réellement sur la relation - obscure & nébuleuse - qui liait sa cousine à son austère enseignant de potions. Feindre l'incompréhension ou la dérision ou le mépris à l'occasion de suppositions aussi brûlantes : il savait le faire, lui aussi ; il l'avait fait & le faisait toujours - ignorait jusqu'à quand le ferait-il -  consciencieusement, à la manière dont l'on tisse une toile alambiquée (non, il ignorait où se trouvait Daphné, vraiment - il ne l'avait pas vu de la journée ; la bibliothèque, probablement ; Greengrass est toujours à la bibliothèque).

Elle demeurait souriante, pourtant ;  et s'il s'était montré défiant en pénétrant dans l'infirmerie silencieuse - farouche et prudent comme le sont les animaux acculés, dans une arène figée par le silence - la compagnie de Megan était lénifiante ; naturelle à la façon dont le sont les relations familiales, lorsqu'elles ne sont pas torturées par l'orgueil ou la malveillance, ou la jalousie - ou pire que ça ; et suffisamment pour qu'il suggère, après avoir brièvement étudié le programme qu'elle lui soumettait ;

« Alors nous pourrions nous revoir, si tu veux » Haussant les épaules, il précisa ; « Je ne peux pas quitter Pré-au-Lard, ceci dit.  »

Du dédain dans sa voix ; le mépris des règles, toujours, et la frustration avec laquelle il avait constaté que la sécurité avec été de nouveau renforcée, à Poudlard. Ce que les journaux qualifiaient avec délicatesse de terribles évènements, ces tragédies qui mûrissaient à l'instar de fruits empoisonnés, gorgés de fiel, dans le dédale du Royaume-Uni, inquiétaient ; et depuis quelques semaines, les Aurors ceinturaient la ville avec rigueur.

« Hey, au fait, Megan », ajouta-t-il distraitement - se remémorant, à la façon dont l'on se souvient arbitrairement des fragments d'un vieux rêve jusque là oublié, de la lettre reçue quelques jours auparavant ; « Si tu croises Amaranthe, à Haveirson - tu sais, Amaranthe Aislinn ? Avec des cheveux roux, super longs ? - pourrais-tu la remercier, pour le grimoire ? Elle m'en a offert un - je lui ai envoyé une lettre, mais elle doit être occupée, je suppose. »

Il s'agissait d'un lourd grimoire de runes, qui lui avait été offert par son instructrice - son professeur particulier, ainsi qu'il l'avait toujours désignée, non sans déchirer d'un éclat de rire la solennité de la formule; le manuel avait été joint d'une missive rédigée avec la sobriété conciliante qu'il associait toujours à Amaranthe - les runes sont associées à des sorts de protection et vu ce qui s'est passé à Poudlard à Noël, vous pourriez en avoir besoin, comme un augure sage.  Il ne l'avait pas vu depuis le mois de décembre, à présent - et le manque de rigueur avec lequel il tenait sa correspondance avait prévenu leur rencontre.

Je fronce les sourcils. Il se fout clairement de ma gueule. Il devrait plutôt être moins arrogant, il oublie que c'est moi qui vais rédiger la lettre pour rassurer sa mère, ainsi que notre grand-père, et vu que rien n'est posé sur le papier, je ferai peut-être moins le malin. Un sourire vient s'étirer sur mes lèvres alors que je m'amuse à toucher frotter mes doigts entre eux. Tout en regardant ma manucure très...authentique, je dis avec calme et sérieux.

-Aussi sensible que ça le sera pour toi lorsque ta mère et la famille Zabini t'interrogeras sur ta fréquentation, tu sais... Westminbrook...

Mon visage s'éclaire d'un sourire purement machiavélique. Le choixpeau avait hésité à m'envoyer à Serpentard, je comprends pourquoi... J'exagère, mais, je n'apprécie pas qu'on se paie ma tête, et encore moins les questions au sujet de Rogue. C'est un sujet très délicat à aborder et je ne suis pas à l'aise sur cette discussion. La proposition de Blaise me fit chaud au cœur, et je regrettais presque de l'avoir taquiné sur le sujet Westminbrook. Je lui souris, heureuse de ça démarche.

-Ce serait avec grand plaisir, Blaise...

Elle reconnaissait bien là, le caractère Zabini. Dédaigneux à tout ce qui pouvait entraver leurs plaisirs et leur liberté personnelle. Je ne peux m'empêcher de rire, tout en passant une de mes mains dans mes cheveux blonds, les repoussant vers l'arrière.

-Pré-Au-Lard serait parfait, ça fait longtemps que j'n'y suis pas allé... Et vue l'ambiance actuel dans le reste du pays, je pense qu'il est préférable de respecter, ce point là du règlement...

J'étais tout aussi dédaigneuse que lui lorsque j'avais mentionner le respect du règlement. C'était comme si ça m'écorcher la langue de l'admettre.

Et notre petite conversation finit par dévier, prenant une tournure pour le moins surprenante à mes yeux lorsque Blaise me parla d'Amaranthe. Je l'écoutais sans prononcer le moindre mot jusqu'à la fin. Il n'était peut-être pas au courant du deuil que traverser la jeune femme et je ne savais pas si je pouvais aborder le sujet avec lui. Je réfléchis longuement avant de prendre la parole.

-Je la connais oui, je partage ma chambre avec Amaranthe à l'académie d'Haveirson...

Je cherchais à aborder le sujet sans donner trop d'informations, ignorant si Ama aurait voulu que tout le monde sache qu'elle avait perdu un être cher.

-Elle... traverse une mauvaise passe en ce moment, elle s'est absenté de l'académie pour une période... indéterminée.

Tout ce qu'elle avait dit été vrai, elle avait juste garder pour elle ce qu'elle n'avait pas à dire. C'était à Amaranthe de décider avec qui en parler, et j’espérais que Blaise puisse comprendre et accepter de ne pas en apprendre plus – Encore fallait-il qu'il n'est pas hérité de la curiosité malsaine des Zabini -

-Mais je lui transmettrais tes remerciements dés que je la verrai...

Je regarde l'heure qui a avancé, et pour le moment, pas de Pomfresh sur le dos. Je savoure ce moment de calme. Aucun élève malade aujourd'hui – juste deux blessés après un cours de défense – et même si je soupçonne bien deux élèves de troisième années d'avoir essayé de simuler une maladie, ils ont décamper rapidement quand ils ont vus que j'étais là, et ça m'avait franchement fait rire.


-Oh, si tu veux on pourrait peut-être se faire un peu de quidditch un de ses quatre ? Tu peux voir avec tes amis s'ils sont partant... bien que... Je ne suis pas sur que Malefoy appréciera ma compagnie après notre dernière rencontre sur le stade...

J'éclate de rire, en me rappelant de ce moment ou je lui avais envoyé un cognard alors que le blondinet s'amuser à voler après le vif. Le cognard avait frôler le serpentard et ce dernier furieux, avait rejoint le sol en pestiférant puis était simplement parti sans demander son reste.

Il accueillit la mention de Westminbrook dans un rictus moqueur - présentant les paumes de ses mains nues pour signifier sa complète innocence ; le sujet de Severus Rogue, définitivement, était sensible.
Peut-être autant que celui d'Amaranthe - Megan s'était troublée à la mention de la jeune fille, et empruntait des formules sybillines, qu'il assimilait avec perplexité. L'air emprunté qui gagnait son visage lui était inconfortable, semblait-il  - la manifestation d'une réflexion grave et prudente ;  aussi sinistre qu'une ombrage, qu'un augure terrible. Elle articulait "une mauvaise passe", et la sentence était abstraite mais connotait des tourments nébuleux qui auraient pu signifier n'importe quoi, dans le miasme morose de la guerre. Blaise n'était pas certain de vouloir savoir, vraiment, ce dont il s'agissait ; car sa relation avec Amaranthe reposait sur une espèce de respect teinté de pudeur, une distance emplie d'égards - il ne la connaissait pas bien - pas intimement - en dépit des heures qu'ils avaient partagés dans la bibliothèque (silencieuse ; calme) de Poudlard, penchés sur des grimoires lourds aux couvertures ouvragées. Et ce n'était pas important, vraiment - parce qu'il la connaissait et l'estimait et c'était, finalement, une chose suffisante pour qu'il ne s'interroge, fronçant les sourcils d'un air indécis ;

« Est-ce que tu penses que ça va aller ? » La question, bien sûr, signifiait, par dessous la réserve ; est-ce grave ? sans qu'il ne soit nécessaire de formuler l'évidence ; l'hésitation matinée de réserve dans la voix de Megan était équivoque. Et la rapidité avec laquelle elle décidait d'éluder le sujet l'était tout autant - s'il demeurait circonspect, hésitant à extirper de sa cousine d'autres informations, il se résolut à se détourner obligeamment du sujet - comme l'on ignore un accident, des injures indicibles qui auraient été prononcées de manière imprudente.

Au profit d'une conversation plus consensuelle - moins solennelle ; et moins austère. Un sourire s'étirait de nouveau sur ses lèvres ; la suggestion de Megan était amusante et peut-être inquiétante.

« Tu joues au Quidditch ? » S'enquit-il avec intérêt ; ajoutant finalement, après avoir considéré dans un froncement de sourcil amusé, un peu irrésolu, son éclat de rire retors : « Attends, que s'est-il passé avec Drago ? »