Les ailes de l'Aigle... (Partie II) [ft. Orion T. Rosier]

Les chaises et les bancs raclèrent le sol de tout Poudlard, quasi simultanément. Le ballet d'élèves dans les couloirs commencerait bientôt. D'une minute à l'autre. C'était comme ça qu'on clôturait une journée ; en faisant la même chose que tout le monde. Alors, la tête farcie, Mara ramassa sa plume, roula ses parchemins. Ses mains dansaient vivement de sa table à son sac. Pressée de mettre un point final à aujourd'hui. Mais lassée de devoir ouvrir les guillemets à la ligne pour demain. Les examens débutaient à peine, ça la gonflait déjà. Modèle géant, en plus. Elle aurait voulu faire un bond dans les couloirs du temps. Pourtant la Botanique s'était franchement bien passée. Ce qui passait moins bien, c'était les Sortilèges. Allez, il en restait que trois. Sigh.

D'une lenteur alourdie, la blonde avait gravit les escaliers jusqu'à sa tour. Elle se jeta en soufflant sur son lit. Les tissus de velours bleu qui l'encadraient se soulevèrent. Eh même si c'était un poids plume, on la sentait passer ! Elle resta étendue là quelques minutes, le poignet gauche sur le front, les yeux éteints. Faire le vide, c'était ce qu'elle essayait de faire. Mais comment c'était possible avec des nanas qui piaillaient sur les épreuves à côté ? L'air mauvais, la Kvelgen se leva, et son pied buta contre quelque chose de dur. C'était l’Éclair de Feu qui prenait la poussière sous son lit. Elle poussa une sorte de grognement avant de tourner les talons. Sa fierté vint alors toquer à la porte de sa conscience ; elle fit volte-face, jaugeant le balai du regard comme si il était vivant. Pourquoi pas.

Pour un élève normal, c'était l'heure d'aller se sustenter dans la Grande Salle. Pour l'Aigle, c'était l'heure parfaite pour affronter son égo. Une bonne fois pour toutes, elle serait fixée. Elle lançait des regards intrigués au balai qu'elle tenait. Ça faisait quelques jours qu'elle en était encombrée, ne sachant pas quoi en faire. Au début, elle avait cru à une mauvaise blague... en fait non. Tout au contraire, il venait de ses propres parents. Elle roula ses yeux dans ses orbites ; comme si elle avait que ça à foutre, faire des loopings sur un balai ! Piquée au vif, elle l'avait rageusement condamné à la perpétuité sous son matelas. Et voilà qu'elle traversait le parc du château, Éclair de Feu en main. Avec la ferme intention de s'en servir.

Le soleil tirait sur des teintes orangées tout en s'effaçant derrière d'épais nuages. Bizarrement, le terrain de Quidditch était encore bien éclairé. La lumière de fin de journée, on faisait pas mieux. Le fond de l'air était frais, une légère brise fit voler quelques cheveux autour de son visage. Mara était seule, au milieu du terrain. Seule avec sa curiosité. Bon, maintenant qu'elle était là, autant le faire pour de vrai, non ? Et puis, y avait personne. Personne pourrait la juger, l'encourager, ou même la dissuader. Respire à fond. Droite, à côté du balai, elle tendit la main au-dessus de lui et prononça distinctement :

« - Debout. »

Comme attiré par sa chair, l'engin se colla à sa paume. Surprise, abasourdie même d'un tel résultat, elle regarda autour d'elle. Est-ce-que quelqu'un a vu ça ? Ah bah non, c'est vrai. Sans se l'avouer complètement, elle se sentait fière. Elle avait eu peur de pas y arriver, de subir un autre échec du monde sorcier. Déjà la magie c'était pas ça, on pouvait décidément pas tout lui enlever. Ragaillardie, elle chevaucha le morceau de bois magique. Elle ramena le manche trop brusquement vers elle, et s'éleva à une vingtaine de mettre au-dessus du sol, en chandelle. Et à une vitesse vertigineuse. Sans faire exprès, elle avait lâché un petit cri. Calmons-nous, il s'agissait de pas paniquer... Cramponnée à l'Eclair de Feu, elle hurla :

« - A L'AIDE ! »

21/02/2016

Allongé sur les gradins du stade de Quidditch, j’étais de ceux qui révisaient à la dernière minute. Seules la peur de l’échec et l’angoisse du jour J arrivaient à dépasser ma paresse et à me motiver suffisamment pour être capable de parcourir des dizaines de fois les mêmes notes, les mêmes formules, les mêmes schémas et les retenir par cœur avec une facilité incroyable et déconcertante. Ma situation familiale étant ce qu’elle est, avec mon père et mon grand-père, mes modèles de vie, mes références, en garde à vue, je n’avais pas abordé les premiers examens du meilleur état d’esprit possible ; néanmoins, j’étais tout à fait satisfait de mes prestations, même si, évidemment et comme toujours, j’aurais pu faire mieux. Mais pas de beaucoup, soyons honnête.

Allongé sur les gradins du stade de Quidditch, j’étais justement en train de me plaindre que le bois qui constituait les bancs tout en longueur n’était pas des plus confortables, mais que le soleil de juin, lui, était des plus rassérénants – sa douceur orangée et sa chaleur atténuée me rappelaient qu’il y avait plus important dans la vie que les piliers d’une famille qui s’écroulaient et que des examens, fussent ces deux événements malheureux en même temps.

Allongé sur les gradins du stade de Quidditch, je parcourais sans faiblir mes parchemins d’Astronomie. Une carte complète du ciel d’été, les lunes de Saturne, les recensements des éclipses ; tant de noms et de dates qui ne s’imprégnaient que maintenant dans mon cerveau sous pression. De temps en temps, je levais les yeux vers le ciel dégradé qui servait de plafond à ma salle de révisions ; tous les élèves étaient en train de manger ou de s’enfermer à l’intérieur pour relire leurs cours, quel dommage. J’aimais sentir l’air chassé du couloir aérien créé par un balai rapide qui me venait en plein visage, qui secouait mes cheveux et soulevait ma cape. Ce soir, seule une brise éthérée venait perturber l’air chaud qui réchauffait le sol ; bien piètre rafraîchissement pour les températures qui ne s’arrêtaient plus de grimper.

Dans le silence pesant, j’entendis quelqu’un pousser un petit cri, là-bas, au milieu du stade. Puis appeler à l’aide. Je me redressai immédiatement, alerté, pour voir une jeune femme – mais j’en étais incertain, au vu de la distance qui nous séparait ; seul le son aigu de sa voix me le soufflait – se cramponner à son balai, là-haut, si haut. Rassemblant mes notes en désordre, j’en fis un petit paquet approximatif et me jetai hors du banc, courant du mieux que je pouvais en direction des vestiaires. Une fois arrivé, je posai mon cours d’Astronomie – professeur Sinistra, si vous me voyez du haut de votre tour, sachez que j’en suis profondément désolé – sur le parquet usé par des centaines de matches passés et saisis le premier balai qui daigna me tomber sous la main – oh, chouette, celui-ci devait être aussi vieux que ne le serait mon arrière-grand-père, me dis-je d’un ton parfaitement ironique. N’ayant pas le temps de procéder à un choix plus rationnel que le hasard, je grimpai sans attendre sur ce beau spécimen de Brossdur 3 et filai en direction du balai récalcitrant.

Oh, tiens, Mara Kvelgen ! Sur un Éclair de feu. Un Éclair de feu, quoi !

« Hey, salut ! Appuie bien sur tes pieds pour t’asseoir avec le bassin en arrière et sans bouger tes bras, surtout, tu vas te redresser jusqu’à être bien droite ! Le balai devrait suivre et se mettre en position horizontale bien tranquillement, mais surtout, ne bouge pas tes bras puisque les Éclairs de feu sont très sensibles », conseillai-je à Mara depuis mon balai, qui n’était presque bon qu’à faire la poussière, une fois que je me fus approché suffisamment d’elle pour qu’elle puisse m’entendre sans problème – ce n’était pas le moment de confondre deux verbes d’action complètement différents mais proches de sonorité à cause du vent tournant !

On n'avait jamais rien vu d'aussi risible. Ridicule, même. Une Aigle, en plein malaise dans les hauteurs du ciel. Eh, ça devrait être son élément, pourtant. Complètement prostrée, elle s'accrochait au manche comme à sa vie. En même temps, si elle le lâchait, y avait moyen que ça joue sur sa longévité. Enfin sauf si vous avez une recette pour survivre à une chute de plus de vingt mètres. Je suis preneuse ! Mara aurait du se forcer à regarder l'horizon, loin devant elle. Au lieu de ça, elle pouvait pas décrocher ses billes bleues du vide béant. C'était comme si il l'aspirait peu à peu. Sans déconner, qu'est-ce-qui lui avait pris ? Alors elle se fit une promesse. Plus jamais elle remettrait son instinct en question, non. Une fois, mais pas deux.

Une voix lui fit tourner la tête. Par la même occasion, la détourna de son angoisse grandissante. Sans même qu'elle ait capté, ses narines dilatées par la peur avaient augmenté le flux d'oxygène. Son palpitant palpitait, c'était le cas de le dire. Et tout son corps était parcouru de tremblements imperceptibles. Bref, elle balisait carrément et faisait pas la fière. D'habitude, elle aurait envoyé promener n'importe qui. J'peux me débrouiller, tire-toi pour voir ? Sauf que là, elle avait vraiment pas le choix. Alors n'importe qui était le bienvenu pour la sortir de là. Même... Merlin. Même le jumeau de Rosier.

« - O-Okay... Attends, donne-moi deux s'condes. La blonde ferma les yeux un instant, et les rouvrit. Okay, ça va... Elle s'exécuta lentement, mais sûrement aux conseils d'Orion. Voilà, on y est presque, bien droite... C'est bon comme ça ? »

Elle se sentait mieux. En tout cas, son estomac avait arrêté de lui envoyer des remontées acides. C'était plutôt bon signe. Prudemment, elle vola plus près de son messie, et balbutia une sorte de remerciement un peu gêné. Admettre avoir eu besoin d'aide, c'était déjà un pas énorme pour la Kvelgen. Donc vous pensez bien que se répandre en niaiseries, c'était pas encore possible. Un jour peut-être, qui sait ! Et puis vous oubliez un minuscule détail ; c'était le frangin de l'autre Serpentarde. Mara l'observait avec méfiance, et savait pas trop quoi lui dire. Soyons logiques ; pourquoi il l'aurait aidé si il soutenait sa peste de sœur ? Il aurait tout aussi bien pu la faire tomber de son balai. Et hop, rideau.

« - T'es plus sympa que ta sœur, tu sais. Elle arrêta de fuir son regard, et posa enfin les yeux sur lui. Tu crois que... t'pourrais m'aider à maîtriser mon balai ? »