After all this time

08/07/2016

After all this time
« Le 18 juillet 1997 – Sujet libre »

Elle avait erré dans les rues du petit village magique une bonne partie de l'après midi. Se délectant du soleil écossais et de quelques friandises achetées chez Honeydukes, elle avait profité de l'ambiance un peu plus calme des lieux. Après la Bataille, Pré-au-Lard s'était transformé en camp de réfugiés. Abritant les humains, d'abord, mais aussi les créatures que la célèbre école de magie ne pouvait plus abriter en son sein. Au lendemain de l'attaque, elle était venue, dès l'aube. Elle voulait savoir si elle pouvait faire quelque chose, n'importe quoi, pour aider. En vain. Alors elle était revenue, le jour suivant, et enfin on lui avait confié une tâche. Elle avait participé, même si ce n'était que de façon infime, à l'escorte des animaux auxquels le demi-géant accordait ses faveurs.

Elle avait connu Hagrid quand elle était élève, mais il n'était alors qu'un simple garde-chasse, un étrange bonhomme à qui l'on confiait les premières années impressionnables lors de leur première arrivée à Pré au Lard, lors de leur première soirée à Poudlard. Influencée par un frère et des amis à l'esprit étriqué, elle l'avait d'abord vu comme une espèce de bête de foire que l'on exhibe pour faire sensation, pour laisser les nés-moldus avoir une vague idée de ce que leur scolarité et le monde magique leur réservait. Un endroit particulier aux êtres extraordinaires. Son esprit grandissant, elle avait interprété cela comme un ersatz de tolérance. Une façon d'afficher la diversité de ce monde où chacun devait être bien à sa place. De donner l'impression que tout le monde était unique et important. Puis elle avait compris. Tout le monde avait une place à Poudlard. A l'extérieur malheureusement, trouver la sienne était bien plus complexe.

Maintenant, elle l'estimait, elle estimait son travail. Et lui être utile avait été quelque chose d’extrêmement valorisant pour elle, toujours un peu perdue. Approcher ces créatures, les frôler, les admirer... Adalina était revenue plusieurs fois à Pré-au-lard, et avait observé la métamorphose des lieux. De ce camp de fortune, hanté par des adultes hébétés et des enfants éplorés, on ne voyait plus grand chose. Tout était redevenu presque normal. Les parents rassurés ou au contraire, dévastés, avaient abandonné les rues. Les enfants étaient rentrés chez eux, et même quelques uns des réfugiés avaient débarrassé leurs affaires, maintenant que le Secret Magique était rétabli et que l'ombre de Poudlard ne semblait plus si protectrice. Mais plus on se rapprochait du château, plus on pouvait sentir ce parfum étrange de désastre et d’aberration.

Sur le chemin bordé de gerbes de fleurs et de bougies magiques, elle ramassa un bout de roche, certainement issu de l'un des murs du château. Elle revoyait encore les horreurs qui avaient fait de l'école leur théâtre, elle ne parvenait pas à oublier les expressions des adolescents étendus sur le sol jonchés de débris, figés dans la mort. Pas plus qu'elle n'oubliait ceux des enfants qui, plus chanceux, avaient pu quitter les lieux à temps et qui craignaient pour un ami, un frère, un cousin. Ses doigts caressèrent les aspérités de la pierre et elle marcha sans vraiment faire attention à ce qui pouvait l'entourer, songeuse. Lorsqu'elle arriva au bout du chemin, elle leva la tête. Poudlard.

Se tenant devant les grilles closes, Adalina contemplait le château – ou du moins ce qu'il en restait. De nombreux sorciers s'étaient attelés à la lourde tâche de sa reconstruction, et l'on disait qu'il serait prêt pour la rentrée. Si tout allait bien. Au premier septembre, les plaies béantes du vieux châteaux seraient refermées, il serait paré de ses plus beaux tableaux, comme avant. Ou presque. Adalina soupira. Est-ce qu'un jour le bâtiment serait comme avant ? Elle avait toujours eu l'impression qu'il avait une âme lui aussi, comme les êtres qui parcouraient ses longs couloirs. Pouvait-il alors se remettre du choc ? Il ne serait plus aussi droit, aussi fier. Il ne serait plus intouchable. Plus jamais. Et tous les sorciers qui reviendraient le faire vivre ne seraient plus les mêmes non plus. La vie pouvait-elle reprendre son cours, comme si de rien n'était ? En sortiraient-ils tous plus forts, ou bien simplement plus las ?

Ses yeux scrutaient le moindre détail, balayaient le parc silencieux, les pierres chaudes qui se tenaient encore à leur place originelle. Bientôt, si tout allait bien, elle foulerait de nouveau cette terre. Elle pousserait les portes redressés, caresserait les murs rebâtis. Cela faisait si longtemps... Absorbée dans sa contemplation, elle n'entendit pas aussitôt les bruits de pas qui se rapprochaient. Ce ne fut que lorsque leur claquement régulier s'interrompit qu'elle réalisa qu'elle n'était plus seule. Avec un sourire doux offert à l'inconnu, elle confia dans un souffle.

« Je me demande s'il y aura autant d'élèves que les autres années... »

HRP:

« L'innocence sauve du désespoir »
André Rochette

Hope avait pleuré toute la nuit, et toute la journée précédente. Si l'angoisse et l'appréhension avaient rendu son sommeil irrégulier depuis que le procès de Rowan avait été annoncé, à présent elle dormait encore plus mal qu'avant et ne mangeait pratiquement rien. Elle avait passé tout son temps à supplier pour voir son frère, mais à chaque fois on lui répondait que c'était impossible. Voilà deux jours que le procès de Rowan était terminé, et alors qu'il lui restait encore un peu d'espoir au fond de son coeur, le verdict avait fini d'anéantir toute trace d'espérance qu'il pouvait encore lui rester. Son frère pourtant toujours si prévenant et attentionné avait été jugé dangereux pour elle, et la garde de la jeune fille venait de lui être retirée. Cela lui semblait tellement absurde : il avait toujours été là pour elle si bien que jamais elle n'aurait pu espérer meilleur frère que lui. Ce n'était toutefois pas l'avis du Ministère, qui basait la décision sur son appartenance à un groupe bien sombre plutôt que sur ses réelles aptitudes.

Evidemment, Hope n'était peut-être pas très objective, et vu de l'extérieur, elle aurait sans doute pu faire des efforts pour comprendre ou du moins pour accepter la situation, mais cela lui était tout simplement impossible. Qu'importe les raisons évoquées et les erreurs de Rowan, cela ne pouvait pas, pour elle, justifier une telle sentence. Elle aurait pu accepter qu'on lui prenne n'importe qui, n'importe quoi, mais pas lui, pas son frère. Et surtout pas après tout ce qu'il leur était déjà arrivé. Peut-être que, dans le fond, elle était encore bien trop sous le choc de cette décision pour réaliser réellement tout ce qui se passait, ni même pour avoir un raisonnement ou des réactions cohérentes. Elle était comme sonnée, incapable de réagir de manière rationnelle.

Voilà quelques jours qu'elle ne s'était plus rendue à Sainte Mangouste afin d'aider avec ses faibles moyens, et aux vues de ce qui avait été décidé, il n'était nul doute qu'elle n'y retournerait pas pour le moment. En effet, à peine quelques heures plus tard elle quitterait le pays pour se rendre en Irlande, plus particulièrement encore à Dublin. Hope serait hébergée chez les Aislinn, la famille de sa très chère Amaranthe, pour une durée indéterminée. Ils étaient des personnes très gentilles et elle n'avait aucun doute quant au fait d'être bien chez eux... mais ils ne pourraient jamais remplacer son frère. Et elle avait grand besoin d'oublier tout pendant quelques heures au moins, se vider la tête.

Elle se promenait sans but dans les rues de Pré-au-Lard, vêtue de l'une de ses nombreuses robes noires, ses longs cheveux sombres cachant son visage bien plus pâle qu'il ne l'était d'habitude et, sans même s'en rendre compte, ses pas la conduisirent près des grilles de Poudlard. Hope n'osait même pas lever les yeux vers ce douloureux spectacle. Cependant, non loin de là, une femme observait les lieux. Bien malgré elle, Hope surprit ce qu'elle disait. « Bien des lits seront vides dans les dortoirs de Poudlard, cette année... », murmura-t-elle à l'adresse de cette femme. Et, tandis qu'elle poursuivait, sa voix se serra, étouffant un sanglot. « Je ne saurais dire si nous pouvons réellement espérer retourner à Poudlard à la rentrée. Il faudra du temps pour tout reconstruire. Pour nous reconstruire ».