Même heure, même endroit ? ♣ Hope & Jasper

Depuis quelques temps déjà, les sourires s'étaient effacés du côté des membres de familles de Sang Purs. Partout, le Ministère organisait des rafles et envoyait un par un les sorciers des plus éminentes familles jusqu'à Akaban. Les jadis si respectés magiciens nobles étaient devenu désormais les proies de tout une chasse par le gouvernement en place pour s'assurer le soutien des autres lignées. C'est du moins ce que pensait Jasper. Il n'avait pas l'arrogance de se croire supérieur à un autre parce que son sang était le résultat de milles mariages entre sorciers et savait pertinemment que la majorité des gens emprisonnés actuellement avaient eu affaire au Seigneur des Ténèbres mais les emprisonnements touchaient essentiellement ces familles, tout comme les massacres. Et cette sensation parfois que ces arrestations, sans preuves, tenait plus d'une envie politique du Ministère de rassurer le peuple qu'autre chose n'arrêtait pas de le tirailler. Il y avait d'abord eu Lilianor, les Carrow, les Rosier, et enfin... les Westminbrook. Cette dernière arrestation avait fini par ébranler Jasper plus que toutes les autres n'avaient pu le faire.

Mais le pire avait été pour Hope. Un à un, les Aristocrates de Poudlard avaient fini par voir les sourires des leurs s'évanouir, les visages se fermer mais Hope continuait d'apporter sa bonne humeur, sa joie malgré tout. Jasper savait sa propre famille hors de danger mais il avait commencé à douter de tout quand il avait vu la surprise puis la peur et enfin les larmes recouvrir le doux regard de sa meilleure amie à la lecture des Brèves Matinales et de la Gazette. Chaque semaine, les journaux ne cessaient de jeter l'opprobre sur chaque famille en pointant du doigt chacun de leurs membres et en questionnant leurs innocences. Par bonheur, les Greengrass n'avaient vu leur nom ne sortir que quelques fois pour des accusations totalement infondées et dont personne n'avait pris la peine de vérifier tant elles étaient ridicules mais lorsqu'on avait appris le sort réservé au père et l'oncle d'Hope... Ça avait été une autre paire de manche. La Gazette avait pris un malin plaisir à relier l'information plusieurs semaines durant en affublant leurs victimes de surnoms plus ironiques les uns que les autres. Jasper avait fini par prendre pour habitude de jeter avec rage son journal ou le brûler d'un coup de baguette avant de chercher sa confidente dans chaque recoin du château, la sachant en train de pleurer à la vue de l'article...

Ils n'avaient jamais été aussi souvent ensemble mais Jasper préférait, pendant ces moments, distraire Hope pour lui faire oublier un petit moment Azkaban et ses parents enfermés. Hélas, il la voyait souvent les yeux rougis par les larmes qu'elle versait, et chaque fois, il sentait son coeur se briser de se sentir ainsi impuissant. Quand elle le remercia cependant, il ne put sentir une bouffée de chaleur remonter jusqu'à ses joues et un peu de bonheur remuer son coeur.

- Je serais toujours là pour toi, Hope. On s'est fait la promesse de rester ensemble quoi que le destin nous prépare, tu t'en souviens ? On est frère et soeur de coeur, à défaut de l'être par le sang et crois moi, je ne me sens pas de t'abandonner, ni aujourd'hui, ni jamais...

Peut-être se confierait-elle ce soir, qu'en savait-il ? Ce lieu était le leur et il ne savait pourquoi mais ici, ils se sentaient tous deux toujours plus sereins, plus calmes, emplis d'une détermination à toute épreuve...

Jasper se sentait étrangement bien lorsqu'il était aux côtés de Hope. Sa sœur de cœur lui donnait l'impression d'avoir enfin trouvé sa place dans le monde… Avec elle, tout était si facile, si simple, si fluide, tout venait naturellement, coulait de source, tombait sous le coup. Le jeune Greengrass n'avait nul besoin de réfléchir à ses réponses, à ce qu'il souhaitait dire, à ce qui pouvait heurter son interlocutrice, rien n'était mesuré, calculé comme cela pouvait l'être avec Alycia où les deux tourtereaux s'amusaient à inoculer avec indolence l'amour dans l'âme de l'autre. Avec Hope, Jasper avait juste à être  lui-même, à ôter le masque qui était le sien le jour durant et l'étouffait lune après lune. Dire que les deux élèves étaient en tout point semblable aurait été faux et chacun le savait pertinemment. Ils étaient des âmes-sœurs, deux êtres, deux esprits, deux coeurs liés inextricablement, attirés par un mystère inexplicable et que rien n'aurait pu séparer. Les adolescents formaient une telle osmose qu'on aurait pu les croire tous deux le fruit direct du labeur d'une des plus grandes alchimistes de ce temps, la Nature. Ils s'aimaient. C'était un fait, mais pas de la manière attendue pour des élèves ayant sensiblement le même âge. L'amour était innocent, pur, l'amour était fraternel, immuable, fidèle, la loyauté était à toute épreuve. Ils étaient proches, si bien que quelques étudiants parlaient d'une certaine ambiguïté dans leur relation. A vrai dire, leur complicité était plus forte que les ragots, les commérages, les rumeurs et les murmures qui se faisaient entendre lorsqu'ils sautaient les bras l'un dans l'autre, qu'ils se faisaient un câlin ou qu'ils se tenaient la main. Ce qu'ils avaient façonné en quelques mois était si puissant, les souvenirs si présents tant ils avaient parlé, joué, partagé que la simple pensée de se quitter était douloureuse, en plus d'être impossible. L'entendre, cependant, formulée à voix haute, par celle de Hope avait apporté un immense soulagement à Jasper qui, après avoir dégluti, promit : «  Jamais »

Il était fils unique, seul descendant de sa branche de la famille Greengrass et malgré qu'il voit souvent ses cousines qu'il aimait tant, il se sentait seul. Terriblement seul… Une solitude qui enserrait sa gorge, l'enlaçait de ses bras charnus et anguleux et ne le lâchait qu’essoufflé, en larmes, l'esprit embrumé par un trop-plein d'idées noires. Cette solitude, aussi terrible fût-elle ne le lâcha pas non plus alors qu'il rentrait à Poudlard et qu'il partageait sa chambre avec Cyril, Andrew, etc. Elle l'accompagnait partout, comme son ombre, ne le lâchait jamais, soutenue par ses doutes qui ne cessaient de le ronger. Elle menaçait à tout instant de l'assaillir de nouveau, de le plonger dans ces crises où tout ce qu'il y avait de ténébreux en lui ressurgissait : ses peurs, ses remords, ses regrets, ses déceptions le submergeait. Il devenait froid, distant, n'était plus le même. Puis alors, il s'était confié à Hope, avait appris à la connaître, en même temps qu'il s'était dévoilé et comme une évidence, l'amitié était venu frapper à sa porte et avait signé un contrat à vie. Envolés l'amertume des vacances passées seul dans la chambre, à n'avoir personne à parler, car il savait alors qu'elle était là pour lui, qu'il était là pour elle, et que même si ils ne pouvaient se voir dans l'immédiat, l'année serait belle avec sa sœur de cœur à ses côtés. Sans elle, il se sentait faible, vulnérable comme un chien auquel on aurait affublé d'une muselière. « On se ressemble beaucoup à la différence que tu es dépourvu de tout ce que j'ai de sombre en moi. » Il lui sourit en retour. « Tu as fait bon nombre de choses qui m'est et me seront toujours impossibles. On se renvoie la pierre, chacun de nous a fait bon nombre de choses que n'importe qui dans la même situation aurait été incapable de faire. Être un Sang-Pur à Poudlard est bien plus compliqué que cela semble aux premiers abord, n'est-ce pas ? Les gens te jugent à ton nom, et si ils ne le font pas, du moins, restent-ils influencés par d'où tu viens… Ils te gardent à l'oeil, n'hésite pas à te pointer du doigt dès que tu fais une connerie mais les choses biens, ça… Personne les remarque jamais. Personne n'en parle, on préfère se souvenir de nous comme les gosses de riches un peu arrogants traînant en bande plutôt que tout ce qui fait qu'on se différencie de ces stéréotypes… » Son sourire s'était étiré en coin, son regard était devenu pétillant, son ton ironique tant ce qu'il disait sonner dur mais incroyablement vrai. C'était son ressenti mais aussi la dure règle qui subissait dans les couloirs de Poudlard et plus encore, dans le monde magique.

Ils étaient rentrés dans une conversation qui les impliquait tous deux et on sentait que chaque mot était pesé pour mieux décrire le ressenti qui était le leur. Jasper savait parfaitement que Hope avait du mal à se dévoiler, que plonger si loin dans ses sentiments et en faire part même à son meilleure ami, lui était douloureux. Il n'empêche, il savait qu'elle se libérerait ainsi un peu plus et que se remettre en question, qu'en parler à une oreille attentive lui serait bénéfique. «  Je fais partie d'une des branches les moins importantes de ma famille, toute l'attention est braquée sur Daphné, tu sais. Tout le monde se moque d'un héritier mineur de l'Aristocratie, encore plus quand il est qualifié par la moitié de sa famille comme une honte. (Sourire amer) Je me moque de ce que l'on attend de moi, des regards, et finalement, ma propre famille attend simplement de me renier pour repousser l'opprobre que je représente pour eux par rapport au fait que je traîne avec des nés-moldus ou même des Sang-Mêlés. Tu n'es pas lâche, tu ne veux juste pas décevoir tes parents, et ça se comprend. Mais, au final, j'ai arrêté de m'en soucier quand je me suis rendu compte que je n'étais pas moi-même et que ses contraintes étaient un obstacle à mon propre bonheur. Vouloir respecter les rêves des autres finit par te faire oublier les tiens. Ça semble égoïste de ma part mais pense à toi en premier. Au final, tu n'es pas si différente que moi, tu parles à tout plein de Nés-Moldus, sans compter tous ceux qui ne l'assume pas ou plus depuis que Le Seigneur des Ténèbres menace  le gouvernement mais tu le fais juste en secret, comme moi au début. Tu montres à plein de gens un modèle qu'ils n'ont pas en étant une élève intelligente, bien plus que moi, une personne ouverte, etc. Tu as une superbe influence sur moi, ma belle, tu m'as aidé à remonter la pente alors que j'étais au fond du gouffre... » A la fin de cette longue tirade et au souvenir de cette période de sa vie, il avait senti sa gorge se nouer, les larmes lui monter et avait déposé sa tête sur l'épaule de sa soeur.

Chaque nouveau rendez-vous se révélait toujours plein d'intérêt. Après des mois à renouveler cette rencontre chaque semaine, ils continuaient à se dévoiler mutuellement et à apprendre un peu plus de l'autre, que ce soit de son histoire ou de ses ressentis. Si les émotions et les réactions qu'ils avaient étaient souvent très proches, leurs histoires respectives ,quant à elle, étaient bien différentes. Jasper était proprement fasciné d'à quel point l'éducation entre des familles somme toute proches socialement pouvaient varier de si belle manière et influencer les choix des enfants. Stephen King dit qu'il est bien plus simple pour les parents d'écraser les rêves de leur descendance par leur propre envie plutôt que de les nourrir, et à ce niveau-là j'ai, personnellement, la même opinion. C'est exactement ce qu'avait ressenti Jasper en voyant les élèves de l'Aristocratie déambuler dans les couloirs du collège. Ils se balançaient d'un pied sur l'autre, le port haut, le torse bombé, les bras pendants le long du corps, le regard vitreux de s'être effacé à force de respecter les doctrines antiques des familles Sang-Purs. Des zombies, tous. Des sculptures de marbre, des statues de cire mouvantes, des pantomimes d'hommes forgés dans la même trempe que leurs parents par les mains avides de stagnation morale des us et coutumes. Hope commençait à lentement mais sûrement briser sa cellule sociale comme l'avait fait plus tôt son camarade...

Elle le rassurait toujours. L'amour rend aveugle et l'amitié bien souvent malvoyant. Jasper se savait possédé par une part ténébreuse, une part qui s'éveillait lorsqu'il était aux côtés d'Alycia. Une part davantage primaire, une part sauvage, primale, presque bestiale. Un instinct immémorial enfoui au plus profond de son être, de son histoire, des désirs remontant aux Premiers Âges, où la langue n'était qu'un dialecte fait de signes, de claquements de langue et de raclements de gorge. Mais comme d'habitude, elle ne voyait que le meilleur chez lui, la part la plus lumineuse, celle qu'il osait montrer au grand jour. Lui aussi portait un masque, un ornement facial immaculé alors que tout en lui criait être onyx, dévoré par un noir affamé d'être enfermé depuis trop longtemps. Quand elle lui avait dit, il s'était contenté d'acquiescer, sachant parfaitement que le monstre qui remuait au creux de son estomac ne serait pas repu longtemps et se délivrerait. « C'est le fardeau de toutes les bonnes personnes, la sévérité. Tu es bien plus sévère que n'importe qui ici parce que tu es meilleure que n'importe qui ici. » Il l'écoutait, avec une attention toute particulière, pensif. « C'est normal. En grandissant, on fait des expériences et on se détache de nos modèles. Nos modèles, ce sont nos parents, nos amis, notre famille. On ne veut les décevoir pour rien au monde et on suit leur exemple puis un jour, on se rend compte que sur plein de trucs, on s'est planté. On a l'impression que le monde nous tombe sur la tête alors que c'est notre tête qui vient de faire s'effondrer tout un monde de mensonges. Si j'ai eu ces idées plus tôt que toi, c'est que mes parents sont assez libres sur ce point, ils m'ont dit de faire ce que je voulais, tant que ça n'éclaboussait pas notre nom trop fort. J'ai fait coulé un peu d'encre mais l'encrier est plein et ne demande qu'à être renversé sur les branches quasi-vierges de nos familles respectives... » Pour lui, ça avait été comme un cas de conscience, une explosion philosophique, un désastre rédempteur où il s'était rendu compte que tout ce qu'on lui répétait depuis sa naissance n'étaient que des singeries de façade.

Il s'était alors efforcé de se détacher de tout ça, de considérer toute l'éducation qu'il avait reçu, le savoir qu'on lui avait transmis sur les Nés-Moldus, sur l'importance du Sang, sur le gouvernement, Poudlard, etc, complètement erroné. Tout n'était devenu qu'une vision altérée de la réalité, une déformation de la vérité afin de l’emmener à penser et faire comme on attendait qu'il pense et fasse. Un clone au cerveau matraqué par des idées ancestrales et qui n'était pas même les siennes, un mort-vivant à la solde d'un conformisme réducteur où être soi-même revenait à être banni et reclus. Banni et reclus, c'est ce qu'il était devenu. L'Aristocratie supportait mal la différence et était impitoyable contre ceux qui sortait un tant soit peu de ses rangs. Jasper sentait les regards se poser sur lui, les sourires narquois s'étirer sur les visages lors des buffets, et ne pouvait s'empêcher de penser que les bousculades soit disant involontaires des mêmes personnes tout au long des soirées étaient calculées. Il n'était ni aimé, ni souhaité parmi eux et c'était réciproque. Tout comme était réciproque l'amour qu'il portait à Hope. « Si seulement il n'y avait que ma famille… » Le constat était sans appel, il le savait, sa meilleur amie le savait, il avait été rejeté à l'instant même où il avait fréquenté ouvertement des Nés-Moldus, effronterie que même les plus téméraires ou les plus insouciants n'avaient jamais osé avouer. Et tout comme Hope s'en fichait désormais, lui s'en fichait depuis que tout lui était apparu clairement. Il devait avoir 10 ans à l'époque mais la rage qu'il entretenait envers tous ces bonimenteurs continuait de luire dans son coeur, comme une bougie le guidant vers son but ultime.

Il souriait. Il était fier. De lui, de sa meilleure amie, de la génération à venir. Depuis peu, les jeunes remettaient en question l'enseignement des anciens. Daphné, Astoria, Flora, Hestia, Cyril, Rowan, Hope, tous se détachaient et il sentait la révolte monter, petit à petit, ombre menaçante tapie dans les lumières ternes d'une Aristocratie vacillante.  « Ce que tu ressens, c'est ce qui fait que tu es toi. Le faire taire, c'est faire taire ta part d'humanité, ton bonheur, toi-même. C'est refuser de s'accepter en tant qu'être humain et accepter de refuser d'être joyeux. Si quelqu'un te demande ça, alors il n'est ni ton ami, ni ton parent. Il n'est qu'un profiteur, un marionnettiste mesquin souhaitant tirer les ficelles pour assouvir ses propres désirs. C'est dur à entendre mais… n'importe quel parent ne devrait jamais faire ça à son enfant, c'est pathétique...  » Même lui, en disant cela, grimaça. Il remontait en cause plus d'une dizaine de siècles, plus de centaines d'ancêtres, la vie de ses propres parents, ceux de Hope, de toutes les lignées de familles Sang-Pur. Cette simple phrase revenait à dire que le système était complètement pourri jusqu'à la moelle depuis le début et même si Jasper le savait, le formuler à voix haute rendait la chose plus solide, plus vraie… Et bien plus terrifiante. C'était remettre en question l'action de milliers d'individus, la base même de la société sorcière dont laquelle ils évoluaient. A cette idée, il s'appuya un peu plus contre Hope, et déglutit avec peine.

Elle avait détourné les yeux, gênée. Évidemment, Jasper savait de quoi elle souhaitait parler, c'était évident. Sa voix s'était faite basse, presque honteuse. Elle s'en voulait de ne rien lui avoir dit mais il s'en moquait. Les nouvelles allaient vite, presque plus vite parfois que les faits et ils n'étaient pas rares que le monde sorcier sache certaines choses sur des personnes qu'eux-même ignoraient… « Ils sont tous aveuglés et sans le bandeau qui leur masque la vue, ils seraient perdus mais les choses changent, la génération à venir bouge, je suis prêt à te parier que l'Aristocratie après notre passage sera différente, meilleure... » Son mariage avec Karkaroff la préoccupait, évidemment. N'importe quelle jeune fille aurait été complètement fixé sur son mariage mais en cet instant, alors que tout ce qu'elle pensait savoir était remis en question, ça la tracassait encore plus. Depuis des millénaires, les mariages arrangées, parfois incestueux, étaient le moyen le plus sûr de conserver le statut de Sang-Pur pour les générations à venir et de continuer à perpétuer son nom dans l'Histoire. C'était un mécanisme propre à l'Aristocratie, une technique de conservation où les sentiments étaient effacés face à l'envie parentale. « Je suis au courant, Hope, te prends pas la tête. » Il lui fit un clin d'oeil. «  Si tu penses te sentir heureuse avec ce garçon, ça me va. Je serais toujours là pour toi. Si tu lui fais confiance, je te ferais confiance. » Il la regarda alors, soucieux d'entendre tout ce qu'elle allait pouvoir lui dire après tout ce qu'il avait osé avouer.

Ainsi était le mal de Hope. L'infante n'avait de cesse banaliser l'extraordinaire quand elle en était à l'origine puis s'extasiait quand d'autre singeaient ce qu'elle faisait chaque jour. Aussi longtemps que remonte ma mémoire, tout Poudlard la trouvait formidable, à quelques exceptions près, évidemment. Elle était d'une nature douce, d'une gentillesse exquise. Ce n'était pas tant une marque de manque de confiance en soi qui encourageait ce comportement inconscient mais davantage une envie d'humilité presque touchante. A dire vrai, certains se demandaient même comment elle avait pu atterrir dans la maison des Serpentards qui, comme vous le savez, était le repaire des commères, des manipulateurs et des élèves froids et calculateurs. Des adolescents peu recommandables somme toute mais dont la jeune Westminbrook faisait partie malgré que par bien des aspects, elle brisât tous les codes et les stéréotypes affublés aux Verts et Argents. Jasper n'insisterait pas, elle ne se l'avouerait jamais, même si le monde lui clamait sa bonté. « C'est du moins ce que je pense, tu es la personne la plus adorable qui m'ait été donné de connaître. » Minimiser, c'était le mot. « Ce n'est pas toi qui me disait, il y a deux secondes, de pas me juger avec trop de sévérité ? Tu es différente des autres, Hope, on est différent des autres. On pense. On réfléchit. On agit. On sort du chemin tout tracé qu'on nous demande de suivre depuis notre enfance pour se créer le notre avec nos rêves, nos envies, nos objectifs. » Il pensait tout ce qu'il disait. Comme je vous le décrivais plus tôt, aux côtés de sa meilleure amie, le jeune Greengrass ne réfléchissait que très rarement à ce qu'il disait, tout lui venait naturellement, tout coulait de source. C'est cette facilité, cette fluidité et la complicité réciproque qui s'en dégageait qui faisait que les deux adolescents s'aimaient tant.

Il l'écoutait attentivement et souriait. Car ce qu'il entendait ce jour-là, de la bouche de son amie si chère, c'était le reflet de lui quelques années plus tôt. A cette époque, il n'avait personne à qui parler, personne à qui se confier. Il était rongé par les doutes alors que son monde s'écroulait. Il n'était qu'une ombre dans une miroir, comme tous les autres. Une ombre gesticulant, parlant, marchant, pensant, mais rien de plus qu'une ombre. Une ombre qui, quoi qu'elle fasse, rejoindrait le royaume des siens à la fin de son court périple sur Terre. « On ne peut pas se demander de juger nos parents, ça demande une certaine maturité et encore plus de maturité pour leur pardonner les erreurs qu'ils font ou qu'ils ont fait. Reconnaître qu'on s'est trompé en faisant confiance aveuglément à un groupe de personne, c'est la première étape. » Il lui adressa un clin d'oeil, sourire aux lèvres.

Dès lors que Jasper s'était démarqué des autres, avait sous-entendu qu'il n'admettrait plus qu'on le tienne en laisse, qu'on l'oblige à se marier non pas à qui il aimait mais à qui ses parents voulaient, qu'on lui indique à qui parler, qui ignorer, qui menacer, une grande partie de l'Aristocratie avait changé radicalement son comportement vis-à-vis de lui. Les courbettes s'étaient faites rigides, les sourires froids, presque moqueurs, les saluts étaient devenus durs, comme si une compétition s'était créé à qui ferait craquer le plus d'os. Avec le temps, le jeune métis, à ce jeu-là était devenu fort, fin, sournois. Les mains devenaient alors plus douces, plus apaisées, comme délivrées de l'esprit colérique qui les possédait. « Tout le monde est en droit de recevoir une éducation, de grands sorciers étaient des nés-moldus. Il y a de nombreux élèves brillantissimes qui sont issus de deux parents sans pouvoir. » Depuis trop longtemps, les sorciers se bernaient à se fier aux origines de leurs congénères plutôt qu'à leur talent et leur potentiel. C'était un constat désolant mais comme partout ailleurs, la marque du berceau restait ce qui définissait qui on allait être dans la vie future. « On est différents, sans nul doute. »  Il l'avait dit sans honte, sans vantardise, avec le sérieux d'un homme sachant ce qu'il affirme assurément vrai et n'en tirant aucun bénéfice moral.

Jasper était différent, point.

Mais il savait aussi qu'une partie de sa génération était complètement différente de leurs ancêtres.  Il suffisait de voir Rowan, de voir Hope, de voir Daphné, Astoria. C'était une jeunesse novatrice, avec des idées révolutionnaires qui seraient sans doute qualifiés d'anarchistes plus tard par le régime mis en place .  Je dis régime car l'Aristocratie n'était rien de plus qu'un jeu politique. Un jeu politique déguisé, camouflé mais qui n'arrivait pas entièrement à dissimuler les intrigues et les complots qui se tramait dans ses coulisses. Chacun souhaitait le trône, être au dessus, devenir supérieur à toutes les autres familles, dominer la caste des Sangs-Purs. Derrière les buffets ne se cachait que le désir irrépressible d'étaler ses richesses en faste grandiose, d'écraser les autres familles par le nombre de mets, leur qualité. On cherchait à plaire, à soudoyer, à corrompre. On cherchait le soutien des uns pour asseoir sa domination sur les autres. Ce qui se préparait, ce que Jasper savait se préparer, c'était un coup d'état qui ébranlerait à jamais le système pourri, faisandé jusqu'aux racines de l'Aristocratie. C'était le Renouveau. « Ils me connaissent, ils savent ce que je pense, ce que j'ai fait et ce que je continuerais de faire malgré tout ce qu'on pourra me dire. Ce n'est pas qu'ils ne savent pas qui je suis, ils me haïssent pour les valeurs que je représente. » Là aussi, il avait lâché ces quelques mots avec le même ton, la même sévérité froide qui ne laissait planer aucun doute sur les certitudes qu'il avait. Il ne cherchait pas à absolument être aimé, encore moins par des personnes qu'il n'appréciait pas et ne cherchait pas non plus à être haï mais il ne laissait jamais indifférent. Beaucoup l'aimait, beaucoup le détestait, personne ne restait de marbre. C'était mieux ainsi. Au moins, pensait-il, personne ne pouvait douter de sa sincérité. Être neutre, c'est n'être pour rien, c'est être inutile, c'est ne pas lever la main lors d'un vote, ou la lever deux fois. C'est ne pas faire avancer le schmilblick et voter pour la stagnation. « Ils leur manquent seulement des modèles à suivre. Regarde toi. Tu es le parfait exemple. Sans Rowan pour te guider, est-ce que tu penses que tu serais arrivé si vite, si ce n'est un jour, à la même conclusion ? Quand ils verront le mouvement en marche, le drapeau de la Nouvelle Aristocratie flotter à l'horizon, notre génération marcher sur les ruines d'une société antique, alors ils se joindront à notre cause car notre cause est juste. » Ils marcheraient côte à côte, main dans la main afin d'atteindre l'objectif commun.

Pour Stanislas et Hope, ce n'était plus un secret pour lui depuis quelques semaines déjà. A vrai dire,  ses parents avaient été au courant par une manière obscure et ils lui avaient dépêché l'information par lettre. Les missives de ses parents étaient rares alors, quand le hibou Grand-Duc de la famille avait débarqué dans un hululement joyeux parmi les autres oiseaux, Jasper n'avait pu cacher l'excitation fébrile qui s'était emparé de lui. Il avait décacheté la lettre après une caresse à Zyrion et avait parcouru à une vitesse effarante le papier bleu nuit des yeux. A dire vrai, il avait été un peu déçu, il ne savait pourquoi mais il avait imaginé quelque chose de plus grandiose, de plus grave ou de plus joyeux. Cependant, il avait remis la lettre dans son enveloppe, avait masqué sa déception et leur avait répondu le soir même, prenant soin de leur faire comprendre qu'il n'était pas nécessaire d'ébruiter davantage l'affaire si, toutefois, elle s'avérait fondée. Il venait d'en avoir la confirmation. « Mes parents m'ont averti… Je ne sais absolument pas comment ils l'ont su... Mais tu sais ce que c'est, les rumeurs, etc. Si ça se trouve, ils n'étaient sûrs de rien et ils se sont contentés de m'envoyer l'info parce qu'ils savaient qu'on est assez proches... » Il lui jeta un coup d’œil, attendant de voir sa réaction. « Et pour revenir à ta question, je connais Stanislas que de nom… Et de réputation. » Sur ces mots, il eut un petit rire en se rappelant des histoires qu'il avait entendu. Rien de méchant, Jasper restait toujours bienveillant dans ce genre de situations. « Il m'a l'air tout à fait acceptable, très gentil bien qu'un peu trop téméraire pour un Serpentard. » Il sourit à Hope, les yeux pétillants, le souvenir des péripéties de Stanislas encore en tête.

Hope était lente à lancer à la conversation, elle semblait vouloir repousser un maximum le moment d'en parler ou bien de préparer Jasper à ce qu'elle allait dire. Tout cela, quelle que soit sa raison n'augurait rien de bon. Soit elle doutait de quelque chose, soit elle savait quelque chose. Quelque chose de suffisamment grave pour que ça la tracasse au point qu'elle brise la promesse qu'elle avait faite à son fiancé. « Que ? » Elle haussa des épaule, déglutit, avant de baisser les yeux. Le jeune Greengrass était intrigué. « Tu sais que tu peux tout me dire. Je ne te jugerais jamais, quoi que tu dises, quoi que tu fasses ou aies fait. »   Et c'était vrai, jamais Jasper n'aurait osé trahir la confiance de sa meilleure amie, même si sa propre vie était en jeu. « C'est presque insultant que tu doutes de moi mais je te le promets. Sur tout ce à quoi je tiens sur Terre. » Son sourire s'était évaporé, elle parlait avec le ton grave du travailleur rapportant des faits de la plus haute importance. Quand elle lui avoua que c'était son parrain qui avait tout arrangé, Jasper haussa les sourcils et articula : « Ce n'est pas ta famille qui sont censé… ? » Elle le stoppa de la main puis lui demanda de l'écouter. Ses derniers mots le glacèrent d'effroi. « Tu veux dire que Phinéas tente d'écarter Rowan de… Je comprends pas très bien... C'est le statut d'héritier qu'est en jeu, non ? Mais pourquoi Phinéas ferait ça ? Je suis perdu... Puis les seuls moyens qu'un héritier ne le soit plus, c'est soit qu'il renonce à sa propre place et soit banni ou bien qu'il meurt. » Angoisse, incompréhension. « Rowan n'est pas menacé au moins ?! » Il ne comprenait plus rien, Hope avait sous-entendu tant de choses qu'il ne savait plus quoi penser…

Hope serait toujours derrière lui, c'était une promesse auquel il aimait croire. C'était la promesse qui le soutenait et le poussait chaque jour, quoiqu'il fasse, quoique les gens disent, quoique les autres pensent. Que sa meilleure ami le supporte dans chacune des actions et qu'il le sache, c'était la confirmation de la justesse de ses actes et de ses propos que ses parents et sa famille n'avaient jamais su, pu ou voulu lui donner. Aux côtés de Hope S. Westminbrook, Jasper L.Greengrass revivait. « J'en parlais à Perséphone. Les sorciers ont tellement de préjugés sur les capacités des autres selon leurs origines ou leur sexe, c'est vraiment… idiot et dérangeant. Non à vrai dire, je trouve ça complètement con. ». Il savait ou du moins, sentait que sa meilleure amie n'appréciait pas plus que ça Miss Rosenwood. Il ne les avait jamais réellement vu se parler mais son instinct le poussait à ne plus citer l'origine de quelques unes de ses idées dorénavant. Perséphone n'était pas particulièrement apprécié dans quelque maison que ce fut mais les Serpentards, comme pour la majorité des élèves des autres maisons, devaient lui vouer une haine viscérale. Lui-même, parfois, avait du mal à capter toutes les idées de son amie Serdaigle, qui ressemblait bien plus par moment à une extra-terrestre qu'une sorcière de septième cycle. « Ça montre bien leur ignorance. C'est ainsi que Celui-Dont-On-Ne-Doit-Prononcer-Le-Nom est monté aussi haut. Ils devraient le savoir… Par la peur et la crainte. De son pouvoir certes mais aussi de ses idées. Me mettre à l'écart, c'est me mettre sur un piédestal.  Me faire martyre était le meilleur moyen pour eux de faire connaître mes idées, nos idées, que chacun sache ce qu'on pense et puisse trouver ces idées justes à son tour. ». Ce qu'il ne laissait pas entendre, c'était l'autre côté de la balance. Ceux qui n'adhérerait pas aux principes qui étaient les leurs resteraient soudées. C'était la politique de l'ennemi commun, celle qui marquait de son empreinte sanglante les manuels d'Histoire de la magie ou moldue.

Un vent doux caressait désormais sa mâchoire de son souffle réconfortant. L'herbe ondulait telle une danseuse du ventre ondoyant au gré de la mélopée sifflante de la brise. «  Il a bien fait. Par bien des aspects, j'aimerais pouvoir être aussi précieux avec quelqu'un qu'il l'a été avec toi. J'ai l'impression d'être davantage une marionnette qu'un marionnettiste. » Il ne savait comment exprimer tout ça. Hope était vraiment la seule personne avec laquelle il arrivait à se dévoiler. Il avait simplement l'impression de n'être qu'un pion sur l'échiquier. Un pion basique, inutile, bon qu'à être sacrifié ou prendre les sacrifiés mais qui n'aurait aucun rôle dans aucune bataille majeure, quelle qu'elle soit, Il était le vassal de rois qui n'avait que faire de sa vie et de ses pensées, il devrait, toute sa morne existence, se contenter de faire ce que ses parents lui ordonneraient de faire. Chaque enfant Aristocrate naissait et était éduqué avec l'évidence qu'il prendrait le statut du patriarche et tenterait chaque jour de se hisser au sein des grandes familles de l'Angleterre. Cette perspective, plutôt que d'enchanter le jeune Greengrass le révulsait. Tout n'était que tromperies, tous portaient un masque macabre et n'hésitaient pas à comploter afin d'assouvir leur soif insatiable de pouvoir. Certains usaient de leurs atours, aussi bien matériels que physiques et bien qu'hypocrite, le jeu restait innocent, presque naïf quand on savait que la majorité ne refusait rien quand il était question d'acquérir plus de responsabilités. L'ascension vers la place si convoitée était lente, terriblement lente mais la chute quant à elle. Ah, la chute… Elle était douloureusement fulgurante, et n'avait nul pitié. C'était ces mesquineries, ces singeries politiques où tout un chacun se voilait la face pour mieux mutiler celle de l'autre que Jasper exécrait et espérait la ruine. « Malheureusement, je le crains Hope… Je ne veux pas mettre à feu et à cendres ce monde, notre monde mais… Mais il faudra remonter jusqu'à l'endroit où l'Aristocratie a commencé à vriller et j'ai bien peur que les bases mêmes du système soient pourries.  » Il ne voulait pas le dire, pas mettre des mots sur ce qui traversait son esprit et l'effrayait tant. Car les mots sont puissants, car les mots renferment sans doute la magie la plus ancienne et la plus puissante de toutes...  

C'était un fait. Il fallait tout détruire pour mieux reconstruire, des bases aux piliers jusqu'aux codes les plus élaborés. Le Gryffondor n'était pas dupe, le système actuellement était mauvais mais l'Anarchie n'était pas la solution. La révolution qui se préparait était sans aucun doute la plus simple des tâches qui attendait la nouvelle génération. Il faudrait créer quelque chose de viable, de solide, de fidèle aux attentes de chacun. En somme, pas une mince affaire. « Vous ave parlé du coup ? Dis moi, ce que t'as appris de lui te plaît ? » Jasper le savait, Stanislas était de loin le meilleur parti que pouvait espérer aussi bien Hope et sa famille. Karkaroff était une famille particulièrement puissante et sans doute l'une des lignées étrangères la plus célèbre. Et à ce qu'il avait entendu, Stanislas avait quelques réminiscences de Gryffondor dans son coeur de Serpentard et n'avait jamais fait preuve de méchanceté. Un brin taquin, sans doute. Cela suffisait à notre jeune héros cependant pour être persuadé que le futur fiancé de sa meilleure amie était ce qu'elle pouvait espérer de mieux en terme de Sang-Pur ces générations-ci. Elle lui fit la remarque d'ailleurs. « Les grands héritiers sont souvent des petits hommes dont les parents, trop occupés à parfaire leur éducation aristocratique, ont négligé de leur inculquer quelques notions de base d'humanités. De sombres idiots, de parfaits crétins pour la plupart, somme toute. Rien d'étonnant à ce qu'il s'accroche à leur richesse et leur prétendu statut de sang. Ils n'ont rien d'autre de quoi se vanter. » Stanislas, à vrai dire, semblait issu d'une toute autre trempe. Certes, il cultivait cette arrogance propre aux Hautes Lignées dont même Jasper n'avait pu se détacher et il n'était pas un Serpentard pour rien… Néanmoins, par bien des aspects, il semblait bienveillant et sincère au plus profond de lui. C'était suffisant.  « Il a quelque chose de Gryffondor de ce côté-là, c'est pas chez les Serpentard qu'on vous apprend à être comme ça. Bande de poules mouillées ! » Il avait parlé ironiquement et décocha un petit clin d'oeil à son amie, avant de lui tirer la langue. Il espérait lui décrocher un sourire car la conversation devenait insupportablement sérieuse et même si les sujets étaient forts intéressants, Jasper souhaitait détendre Hope et lui faire comprendre qu'elle n'avait rien à craindre à ses côtés.

Elle lui faisait confiance, c'était un fait mais qu'elle demande confirmation à Jasper l'avait surpris. Il avait répondu du tac au tac, puis s'était rendu compte qu'il l'avait déstabilisé bien plus qu'il ne l'avait voulu de base. Elle s'excusa, sa lèvre supérieure mordant l'autre. Le jeune Lion la trouva terriblement mignonne ainsi, mais il se reprit vite. Encore une part d'ombre que personne ne discernait. Elle était son amie, sa plus fidèle partenaire mais par moment, il se surprenait à penser à certaines choses… Il l'appelait le Monstre. Cette chose là. Au creux de son ventre qui parfois s'agitait et lui faisait penser des gens qu'il ne voulait pas penser.  « T'inquiètes, je serais toujours là, quoiqu'on dise, quoiqu'on fasse. C'est la promesse qu'on s'est faite la première fois et je la tiendrais, jusqu'au bout, dussé-je-t-elle m'emportait jusqu'à l'autre bout du monde ou aux frontières de la mort. » Cette dernière réplique la décontenança bien plus que n'importe quelle parole qu'il avait dit auparavant.  « Désolé… Poussée d'inspiration lyrique, ça m'arrive de temps en temps, désormais, je dois trop lire. » De nouveau, il lui fit un clin d'oeil suivi d'un sourire.

Ses pensées s'empilaient et s'enchaînaient à la vitesse folle d'un troupeau d'idées au galop à mesure que sa bouche les édictait et qu'il voyait petit à petit la stupeur de sa meilleure amie grandir. Elle agita les mains soudainement et il arrêta tant bien que mal le flot de questions qui se bousculaient dans sa tête. Là où Hope ne voyait que le bien chez les personnes, Jasper n'apercevait que le pire dans les sous-entendus et les histoires. Ainsi était son mal.  « Oh, excuse-moi, je me suis emballé, mais tu comprends, par rapport à ce que tu disais auparavant, j'ai cru que ça avait un lien et j'ai mis les deux bouts à bouts sans réfléchir. Vraiment, vraiment désolé. » Il baissa la tête, piteux. A dire vrai, il n'était pas sûr que Hope lui parlerait de ça si quelque chose d'aussi grave lui arrivait. Il avait parfois l'impression que les choses qui pesaient le plus dans le coeur de son amie étaient secrètement gardées dans un coffre scellé. Cependant, avec le temps, Jasper avait fini par se dire qu'ainsi devait être chaque relation, quelle qu'elle soit. Chacun se devait d'avoir ses secrets afin de préserver son intimité et son jardin secret. C'était un besoin plus qu'une marque de confiance et il fallait l'avoir ressenti pour le comprendre. « Mais Rowan est au courant ou pas ? Je veux dire, ça le concerne plus ou moins directement mais comme t'as des doutes, tu lui en as parlé, nan ? » Il connaissait assez Hope pour savoir qu'elle n'avait rien dit à son frère de peur de créer un conflit et de déplaire à son parrain, qu'importe les incertitudes qui s'imposaient à son esprit ces temps-ci. Cependant, si elle lui répondait par la négative, il ne relèverait pas, quoi que soit son mensonge.

Il l'écoutait désormais attentivement. Chaque mot qu'elle lui soufflait pénétrait son esprit et faisait jaillir mille et unes questions qui demeureraient pendant longtemps sans réponse. « Je n'ai jamais été très fan de cette vieille tradition de mariage arrangée, tu sais… Mais tu ne t'es jamais demandé si ce n'était pas ton père qui a demandé à ton parrain de faire ça en sentait qu'il encourrait peut-être le risque de finir par être emprisonné ? Après, peut-être que Phinéas a pris l'initiative lui-même car il connaissait les liens qu'avait ton père et que… bah, il sentait quelque chose arriver...  » Il pesait ses mots car il savait la douleur de la nouvelle de l'arrestation de son père par Hope encore présente et fraîche et il ne souhaitait pas la rouvrir. « Tu voudrais dire donc que Phinéas était au courant des agissements de ton père ?  » Il ne souhaitait plus trop s'avancer dans les suppositions de peur de semer le doute un peu plus dans le coeur de son amie. « Oh... » Le moment était venu. Il savait, irrémédiablement, qu'ils en viendraient là dès qu'elle avait prononcé le nom de Stanislas… « Écoute, Hope… Ce ne sont que des rumeurs. Mais tu sais ce que sont les rumeurs, bien souvent il y a une part de vérité et comme ça te concerne directement… Voilà quoi. A Gryffondor, il y a de nombreux membres de familles de sorciers très anciennes, même de nombreux Sang-Pur. Et disons que comme l'ont été les Crabbe, les Goyle, etc, bah, il y a beaucoup de ces élèves qui sont persuadés que les Karkaroff sont assez proches du Seigneur des Ténèbres et à dire vrai, je partage leur opinion. » Jasper vit le visage de Hope se déconfire. « Mais je ne dis pas que Stanislas le sait ou bien qu'il est affilé à toutes ces horreurs ! Nan, nan, nan. Mais ce que je dis, c'est que les Karkarroff sont réputés et connus pour être associés très souvent aux Mangemorts. Donc ce que tu dis, bah, ça m'a fait penser à ça, et je me dis que t'as pas tout à fait tort quoi... » Elle avait désormais le visage plaqué contre ses mains, ses cheveux soyeux tombant en cascade autour de sa tête et masquant sa réaction. « Ne t'inquiètes pas Hope, on va enquêter, on va voir. On est ensemble, tu te souviens ? A deux, on peut tout. » Il la prit dans ses bras, profondément secoué, lui-même par tout ce qu'il venait d'apprendre, d'entendre et par toutes les questions qui germaient et éclataient en milles autres doutes dans sa tête.

A dire vrai, depuis des années, Jasper se sentait affreusement seul. La solitude qui l'étreignait chaque jour, se faisait toujours un peu plus présente au creux de son estomac, continuant de siffloter continuellement sa litanie semeuse de doutes. Il n'avait ni sœur, ni frère sur qui compter. Ses parents, par bien des égards, se montraient davantage intéressés par la politique ou leur carrière que leur propre fils. Seules ses cousines lui avaient été d'un soutien précieux. Hélas, les buffets étaient rares et le jeune Greengrass se contentait donc de rester dans cette mélancolie sourde où seul l'espoir de les revoir lui permettait de ne pas fondre en larmes sans cesse. Avant d'arriver à Poudlard, il aurait sans doute répondu à Hope qu'il n'avait personne. Désormais, il avait une famille, un foyer, des amis au soutien indéfectible. Il était bien plus proche d'eux qu'il n'avait jamais pu l'être avec sa famille proche. L'occasion de revoir ses cousines si chères s'étaient faites communes mais la joie qu'il ressentait était resté inchangée. Poudlard était l'échappatoire qui lui avait permis de savoir enfin ce qu'était de se sentir aimer et d'aimer à son tour. Combien d'élèves de première année à la mine stressée à l'idée de faire leurs études dans la plus grande école de magie britannique s'étaient épanouis dans l'établissement ? Chacun dévoilait son vrai visage, arrachait ce masque aristocratique qui était le leur. Un masque fait de bienséance, de courtoisie, de distinction, d'hypocrisie, de faux… Un masque qui allait parfaitement à certains, se modelait selon les désirs carriéristes de son porteur mais qui chez Jasper, n'avait toujours représenté qu'une gêne, une enveloppe matérialiste lui collant à la peau et dont le port arrachait des cris spirituels douloureux. Désormais, cependant, il n'était plus seul, nombre de personnes lui étaient chères et il savait la réciproque vraie. Ils l'aimaient non pas pour ce qu'il représentait mais ce qu'il était vraiment, ils l'aimaient non pas pour un quelconque masque mais pour la personne qui se trouvait derrière cet ornement lugubre. Il savait quoi répondre, maintenant. Et il voyait aussi à quel point Poudlard et ses enseignements l'avait changé, l'avait bonifié avec le temps, tel un millésime. Il ne savait pourquoi, cependant, il avait peur de la réaction de Hope à sa réponse. « Il y a mes cousines. Astoria, Hestia, Flora, Daphné et puis, il y a… toi. » Le sourire qui étira ses lèvres était gêné, presque honteux. La vérité était là, pourtant, indubitablement. Sa meilleure amie était devenue précieuse pour lui et il savait qu'il la protégerait, quoi qu'il arrive. « Je t'ai déjà dit ce que je voulais faire après tout ça ? » Il montra le château, la Forêt Interdite , Pré-Au-Lard, les environs. « Après Poudlard, je veux dire ? » Il était presque sûr qu'ils n'avaient jamais eu cette conversation et cela lui semblait presque naturel tant les Aristocrates étaient dirigés vers les hautes places du Ministère.


Jasper, à mesure que les mots s'épanchaient de sa bouche pour former un flot continu de pensées révolutionnaires, se rendait compte du changement que cela représenterait pour leur monde, pour leur vie. Un changement si important, qu'il en était effrayant. Cela voudrait dire une réflexion totale du mode de vie de tout un chacun jusqu'à la pensée même du système politique en place. Puis, il n'était pas sûr que Hope elle-même se rende compte des privilèges qu'ils perdraient si ils demandaient une égalité complète entre les classes sociales. Quoi qu'il en soit, il doutait malgré tout que les familles sacrées d'Angleterre accepteraient sans broncher qu'on revoit leur statut. Aussi, il sourit lorsque Miss Westminbrook demanda si il n'y avait pas un meilleur moyen, plus pacifique. « J'espère… Mais je pense pas que nos familles acceptent de redescendre parmi la plèbe sans quelques grognements. » Le mot plèbe avait été accentué volontairement car c'était par ce mot que la majorité des patriarches aristocratiques appelaient les sorciers ne possédant pas cette pureté de sang si chère à leurs yeux. « Toutefois, si il y a moyen d'évoluer sur de bonnes bases sans tout remettre en question, on le fera, ne t'inquiète pas. » Ce combat semblait si loin, cependant. Si lointain dans le temps que Jasper, malgré tout ce qu'il pouvait ressentir vis-à-vis de cette situation était soulagé de se dire qu'il restait encore du temps. C'était sans doute un brin égoïste mais on ne pouvait demander à un adolescent de 16 ans de ne pas être ainsi à la veille de grandes choses qui changerait le monde tel qu'il le connaissait.

Stanislas Karkaroff était difficile à mettre dans des cases. Le rouge qui montait aux joues de Hope et en même temps, son regard perdu finit par confirmer la pensée du Lion. Il avait du courage et une certaine témérité qui transparaissait par ses actes mais Stanislas restait cependant un Serpentard d'âme et de coeur. Nombre de maisons étaient recouvertes du blason argent et vert de la maison de l'illustre Salazar. Comme d'habitude, Jasper y dérangeait mais pas de beaucoup… Car si Stanislas, par moment, trahissait son côté Gryffondor, le Rouge et Or, quant à lui, penchait bien plus vers les Serpentard que ne le faisait les autres élèves de sa maison. « C'est vrai, c'est une bonne idée mais sans ces héritiers, nombre de familles s'éteindraient et quoi que l'on dise, on fait partie d'un patrimoine qu'il faut faire perdurer. » L'histoire et la culture d'un monde parallèle à celui des moldus devaient être préservés afin que les générations qui suivent ne perpétuent pas les mêmes erreurs. Ils galéraient déjà avec un Voldemort alors suffit qu'un autre grand sorcier prometteur pète les plombs, et c'en était fini du Ministère, de Poudlard, etc. Tout serait mis à feu et à sang, tout ne serait plus que ruines… « Ouais, je le pense mais tout de manière, quoi qu'on dise, qu'importe la maison, on se ressemble tous un peu et dans une même maison, tout le monde est vachement différent… » C'était tout le paradoxe de Poudlard et ses maisons. Les Gryffondor avaient pour traits dominants le courage et la bravoure, les Serdaigle la sagesse et le savoir, les Serpentard l'intelligence et la ruse, et les Poufsouffle étaient… des Poufsouffle. Fidèles à eux-même, c'était un peu la catégorie Inclassables qu'on trouvait dans les bacs à musique de la médiathèque du coin de la rue. « Serais-tu en train de critiquer Miss McGonagall ? Je te rappelle qu'elle était à Gryffondor et que niveau organisation, intelligence et ruse, bah, on peut dire qu'elle concurrence sévèrement n'importe lequel des professeurs issus de Serpentard ! » Il sourit et lâcha un petit gloussement à l'idée de voir la professeur de Métamorphose affublé d'une robe verte et argent. Elle avait toutes les qualités d'une bonne Serpentard mais cela ne l'empêchait pas d'avoir étudié sous l'insigne des fiers Gryffondor.

Le quiproquo expliqué, Jasper s'était calmé. « J'imagine qu'ils l'ont appris dans un des buffets que donne mes oncles… Ces temps-ci, ils y vont beaucoup, ils doivent s'ennuyer dans  le manoir. Faut dire que ça faisait 11 ans qu'ils n'étaient plus seuls avant que je les lâche pour Poudlard. » Il lui sourit. Effectivement, cela devait faire bizarre. On élevait et éduquait un enfant pendant des années puis du jour au lendemain, il partait toute une année… Ils avaient dû ressentir le même dépaysement que Jasper alors qu'il passait sa première nuit dans sa chambre avec Andrew et Cyril, mais eux, sans même bouger de leur foyer. Le vide qui avait dû remplacer son absence avait dû être oppressant au début, à bien y penser. Pas étonnant que ses parents s'amusaient à écumer les galas depuis le début de ses études. « C'est vrai, les lettres pour parler sentiments, c'est vraiment pas le top. Puis, je sais pas, si j'avais un frère je veux dire, si je lui parlerais de tout ça… Ça dépendrait de comment je m'entends avec lui, je crois. » Ne pas avoir un frère ou une sœur était l'un des grands regrets qu'avait Jasper et qu'il aurait sans doute toute sa vie. Il avait vécu toute son enfance seule avec personne à tabasser avec personne avec qui parler, jouer, se confie Le manoir était si grand quand il était vide…

Le mariage arrangée avait toujours été l'une des traditions la plus révoltante qu'avait l'Aristocratie, selon le jeune Greengrass. « On est si jeunes et déjà promis à des gens pour garder le sang pur. Mes parents m'ont expliqué qu'ils ont appris à s'aimer après le mariage, que tout n'était qu'une question d'arrangement mais qu'avec le temps, il peut y avoir une complicité qui se forme et même des sentiments… Parfois, cependant, plein de couples s'occupent seulement de remplir leurs obligations conjugales et c'est tout. C'est assez triste de se le dire d'ailleurs. » Sa voix s'était enrouée sous l'émotion. Il avait si peur de faire face au même problème que Hope. Il n'aurait pas le courage, pas la patience, pas la foi. A cette idée, une larme s'échappa de son œil droit et traça un sillon humide le long de sa joue, glissant élégamment avant de s'écraser sur le sol. Il n'avait pas la larme facile mais cette conversation l'avait éprouvé… Il reprit cependant la voix un peu tremblante :« Tu sais quoi ? Je pense que tu devrais te faire ton propre avis. Il y a tellement de rumeurs fausses, de commérages inutiles… Pourquoi cette rumeur-là serait plus plausible qu'une autre ? Nan, je te dis, Hope, vois par toi-même et au-delà tout ce que les gens disent. Je te demande pas de pas douter mais de faire confiance. Tu l'as dit toi-même, il a été gentil et attentionné avec toi. C'est le plus important ! » Elle lui demande de parler d'autre chose. Pour elle aussi, la discussion avait été éprouvante et la remise en question qui s'en suivait plus encore. Elle se colla contre lui et ferma les yeux. Jasper lui murmura à l'oreille. « Très bien, ce que tu veux. Tes cours avec la petite Cataleya avancent bien ? » Et alors qu'il sentait le contact chaud de la peau douce de Hope contre la sienne, ses cheveux toucher son visage, et son souffle caresser sa nuque, une seconde larme perla du coin de son œil et s'écrasa contre sa main...

Hope et Jasper, durant ces quelques années où chaque semaine était ponctuée de ce même rendez-vous symbolique, avaient abordé bien des sujets mais très rarement leur propre avenir. A bien y penser, ils ne savaient rien des désirs de l'autre. Poudlard était le premier cycle d'étude de la magie mais une fois les BUSE passés, le Lion devrait s'orienter vers une carrière particulière. Ils pourraient ainsi poursuivre les cours désirés afin d'accomplir ses objectifs. Le jeune Greengrass, comme bon nombre de Gryffondor était un homme d'action et il ne semblait pas si étrange qu'il souhaita devenir Auror. Ses résultats étaient en tout point excellents et il avait toutes les capacités pour faire des grandes choses. Sa voie semblait toute tracée mais cependant, le jeune homme ne pouvait s'empêcher de se sentir mal à l'aise à l'idée de bosser toute sa vie pour le Ministère. Par bien des aspects, il n'était pas d'accord avec toutes les décisions et les actions mises en place par le gouvernement magique et il avait peur qu'arrive un moment où il ne pourrait pas s'empêcher de dévoiler son opinion politique. « J'aimerais bien devenir Auror… J'aime vraiment bien l'idée de passer ma vie à enquêter, à combattre les Forces du Mal, etc. Je veux dire, la Magie Noire m'intéresse mais plus par sa théorie et les… Comment dire ça ? Les rouages de cette magie. Enfin, tu sais, quand Mister Flitwick dit qu'il existe toujours une certaine logique dans la magie sous toutes ses formes et que trouver cette logique, c'est comprendre cette magie ? Bah là, c'est pareil. Je sais que c'est utilisé à des fins répugnantes mais moi, je veux pas m'en servir, je voudrais comprendre. Et combattre ceux qui l'utilise pour leurs propres fins. Et je me disais que devenir Auror, ça pouvait être un bon moyen… Tu comprends ce que je veux dire ? J'ai pas l'impression d'avoir été très clair. » Il soupira en souriant. C'était si compliqué d'expliquer tout cela. Il savait comprendre la magie plus que beaucoup d'élèves, même sans doute plus que n'importe quel élève de Poudlard mais mettre des mots sur ce qu'il souhaitait étudier, c'était un tout autre niveau. Tout était si abstrait en vrai mais clair dans sa tête… Si il en parlait à Hope, il était d'ailleurs à peu près sûr qu'elle le prendrait seulement pour un fou.

Il connaissait l'adoration qu'avait Hope pour Miss McGonagall et la Métamorphose. Aussi, quand il lui demanda si elle critiquait ouvertement son idole, il s'était attendu à son air effrayé et sa réaction immédiate. « Je préfère Rogue, moi… Il est si… Pédagogique avec les élèves. » Il gloussa. La haine qu'avait Monsieur Pinocchio envers les Rouges et Or étaient connus de tout le monde. Il y avait des choses qui ne changeaient pas à Poudlard, des histoires qui restaient et resteraient des siècles durant, telles des légendes. La Légende du « Mythe » de Andrew en faisait sans doute partie. L'histoire avait marqué les esprits et sans doute laissé des séquelles chez la plupart des personnes présentes ce jour-là. Non pas que la tentacule soit digne de celle du Calamar Géant du Lac mais tomber nez-à-nez avec deux élèves nus en pleine journée de cours restait assez anodin, dans quelque collège que ce soit, magique ou non. « Non, tu as raison. Miss Gonagall est particulièrement brillante comme professeur. J'aurais adoré être élève à l'époque où Albus Dumbledore enseignait. C'est un peu mon McGonagall à moi, tu vois... » Il lui fit un clin d'oeil, sourire aux lèvres.

Les traditions avaient la vie dure… Surtout dans l'Aristocratie ! Elles étaient les piliers même du système dans lequel ils avaient évolué tous deux. Il n'y avait pas dix mille moyens de garder le sang pur. Le mariage, arrangé la plupart des cas, forcé dans les autres, était la façon la plus sûre de préserver ce dogme génétique. L'éducation des jeunes bourgeois se faisait dans cette seule et unique optique : se marier, perpétuer la race sorcière pure et assurer ce devoir, quoi que l'on en pense, que l'on en dise, etc. « C'est aussi pour cela, qu'il faut changer les choses. Pas seulement pour échapper à nos obligations mais pour que les générations à venir n'aient pas non plus à les subir. » Il vit le regard de Hope se faire lointain. Deux secondes, suffisamment pour que son esprit divague et qu'il se surprenne à s'imaginer marié. Marié avec Alycia, avec Lilianor, avec Hope. Les visages changent vite, tournent, roulent, disparaissent, explosent dans un tourbillon, comme dans une loterie intensive. Mais le loto des visages s'arrête sur celui de Hope. Sa meilleure amie. Celle dont il sent la chaleur à ses côtés. Ce ne serait pas déplaisant. Bien moins déplaisant que finir marié avec une quasi-inconnue, comme cela était arrivé à ses parent, coomme cela arrivait maintenant à la Serpentard. Pour une fois, il ne s'en voulut pas, il n'eut ni honte, ni de remords. Il espérait que Stanislas s'occuperait bien de son amie mais il est vrai qu'en cet instant, il trouvait la tombola de la vie bien cruelle. Cela aurait été si simple pour eux que leurs parents s'accordent ensemble. A la place, Miss Wesminbrook devrait faire connaissance et assurait le devoir conjugal avec un inconnu. Jasper, à cette pensée, se fit une promesse. Une promesse secrète mais qui le guiderait quelques semaines plus tard alors que sa vie basculerait, à jamais.

La larme avait été essuyée. Un baiser déposé sur sa joue. Cela aurait pu certes ressembler à un conte de fée. L'histoire que je vous narre cependant n'est que la genèse d'une épopée épique. Car ces moments-là, aux côtés de Hope et de ses amis étaient destinés à devenir la flamme qui brûlerait chaque seconde de chaque jour de la vie de Jasper Greengrass. Le carburant que chaque homme possède et qui brille de milles feux lorsque celui-ci arrive à se perdre dans des contrées sombres et ténébreuses. Ou encore à le guider parmi ses peurs et ses doutes. « On doit espérer autre chose. » Hope, Rowan, Daphné, Alycia, Cyril, de leur vivant ou dans leur mort, ils avaient été le souffle vengeur qui avait transformé la flammèche éphémère qui habitait le Lion en un immense brasier éternel. Sa meilleure amie soupira.

Enfin, en un souffle, elle avait tout lâché. Le fardeau avait été porté trop longtemps, s'était avéré trop lourd et était désormais abandonné. Et chaque mot qui se déversait de sa bouche venait caresser les idées de Jasper et les confirmait. Son intuition était bonne. L'heure était venue. Ils étaient à l'aube d'un changement d'envergure. A l'aube d'une révolution. Le sentiment que décrivait la Verte et Argent était un sentiment partagé par Jasper, par Cyril, et sans doute partagé, de ce que le Gryffondor savait, par bien d'autres personnes. Ils avaient soif de liberté, soif de créer leur propre chemin. Elle disait tout cela avec le calme bien que sa voix s'anima par moment avec une détermination farouche, de celle qui annonce des promesses novatrices. Même dans sa colère, Hope restait calme, posée, réfléchie et Jasper trouvait cela presque plus effrayant qu'une élève d'un mètre quatre-vingt et quelques vociférant et gesticulant dans sa robe émeraude.

« On a tous été des marionnettes. La perversité de l'éducation que l'on nous donne, c'est justement que ça fasse directement partie de notre éducation. Dès qu'on souffle nos premières bougies, on nous apprend à se tenir ainsi, à se comporter ainsi, à penser, agir, parler, faire tout comme on nous le dit. Il n'y a aucune place pour la réflexion personnel, on se contente de suivre ce qui nous est demandé. On a pas le temps ni l'envie forcément de prendre le recul nécessaire. Mais une fois que c'est fait, notre vie ne semble pas valoir grand-chose, contrairement à tout ce qu'on nous rabâche en nous faisant croire que le fait de manger et boire des mets luxueux font de nous de meilleurs hommes que la racaille sorcière... » Le ras-le-bol de Hope arrivait plus tard que le sien mais les réactions étaient les mêmes. Seulement, elle comprenait davantage les idées qui lui effleurait l'esprit, bien qu'elle semblât perdue. Imaginez l'état du jeune enfant de dix ans qu'était Jasper à l'époque… Il se rendait compte doucement que sa vie n'était qu'un insidieux mensonge mais n'arrivait pas à mettre les mots sur son ressenti. Incapable de décrire son mal, il s'était tu mais désormais, sous la couronne de Hope, c'était comme si des parties oubliées de lui enfant était libéré… Cependant, en cet instant, ce fut le Jasper de seize ans qui se leva, qui aida à lever sa meilleure amie, joignit ses deux mains aux siennes et la regardant dans les mieux lui fit cette promesse, solennelle, d'une voix étrangement assurée, calme et puissante : « On mettra fin à tout cela, ensemble. Il est temps de faire tomber les masques et tous les liens qui nous empêchent d'avancer sur le chemin que l'on va se tracer nous-même. »

Ils commencèrent à marcher, sans doute las d'avoir été assis si longtemps. Bras l'un dessous l'autre, leurs pas marquaient la même cadence, le même rythme parfaitement orchestré. Je parlais plutôt de la symbiose qui existait entre les deux amis. Ce moment-là en était le parfait exemple. Ils ne s'étaient rien dits. Cependant, leurs pieds frappaient le sol au même moment, leurs gestes formaient une sorte de mélodie silencieuse magnifiquement interprétée qui faisait résonner de sa beauté les affres de leur amitié. Ils avaient été éprouvé tous deux par la conversation et un nouveau sujet, plus léger, s'était imposé de lui-même. Cataleya Galvão. « Je le disais avant, McGo est vraiment une professeur géniale, elle arrive à faire de ces choses avec une telle grâce, une telle élégance. Ses cours sont plus durs que la moyenne mais je n'ai jamais eu à me plaindre d'elle ou d'un sort que je n'arrivais pas et j'ai appris tant de choses ! » Mais en vérité, la petite Gryffondor n'était pas totalement inconnue au plus vieux Lion. Un sourire étira son visage. « Oui, oui, je la connais la petite Cata. Je te raconterais quelques histoires qui nous arrivé à tous les deux… Mais pas maintenant, un autre jour. » Il lui fit un clin d'oeil, les yeux pétillants, toute trace de larme effacée.