Fidelitas - Orion T. Rosier.

Le 9 Juillet 1997, à 10h.

Les jours passés s'étaient enlisés dans les brumes infernales de la culpabilité et du deuil ; la lumière extérieure avait cessé de franchir les carreaux macabres et poussiéreux du manoir familial, de la même manière que le monde l'avait progressivement rejeté. Petit à petit, la justice magique s'était affirmée dans ses sanctions et les louanges du droit chemin – celui qu'il n'avait, hélas, pas suivi. Ses amis – les élus de son empathie, évidemment ; et les autres aussi – s'étaient éloignés dans les ombres avant de céder à la facilité de la disparition.

À Ravenheaven, le silence pesant du rédempteur s'était gravé dans les murs et l'atmosphère ; il y résonnait parfois en quelques ondulations aigus dans les toitures, ou encore dans les regards inquisiteurs de peintures surannées. Souvent, au détour de l'immense escalier, Rowan avait la singulière impression de voguer parmi les fantômes.

En vérité, les lourdes sanctions qui se profilaient, ne lui laissaient guère entrevoir de l'espoir. Les affiliés du Ministère, en dépit de ce qu'ils disaient d'une voix distante et mesurée, n'avaient que peu d'intérêt pour les raisons – légitimes ou non – de ses égarements.

De toute façon, il était seul. Les ténèbres lui avaient arraché ses parents. Le gouvernement, sa sœur. Les écueils de ses décisions, ses camarades. Et que dire de la gracile Slave ? Je reviendrai. Elle n'était jamais revenue. Il n'en restait que les murmures nocturnes des bois centenaires et les Aurors qui venaient vérifier sa présence aux heures attendues.

Liberté conditionnelle ; grâce à son acte de bravoure. L'ancien Serpentard esquissa un sourire pour le moins ironique : de tels mots n'étaient, à l'évidence, pas partagés par tous. Loin de là. Le procès à venir n'était-il pas une scénette visant à sa condamnation ? Ajouter au prix du sang, durement payé, celui d'une hypothétique justice ? Sans compter les prières de tous ceux qui espéraient sa mort ?

Or, ne souffrait-il pas déjà assez ? N'avait-il donc pas été abandonné de tous, ici bas ? Pendant que les uns pleuraient leurs morts – comme lui, finalement, quoi qu'on s'amusa à l'oublier – et les autres vibraient d'une victoire mérité.

La solitude avait manqué de le conduire vers des vertiges définitifs et foudroyants ; mais, ramené à la raison par l’Éros plus que par Thanatos, Rowan s'était désintéressé de la baie du troisième étage. De toute façon, il était bien trop pleutre pour de pareilles finalités. Quoi qu'elles n'avaient rien d’héroïques. Rien de grandiose. Elles résultaient seulement du refus d'un homme d'affronter ses erreurs.

En vérité, ces dernières étaient davantage celles de l'aristocratie que les siennes. Il eut un sourire pour le moins ironique à cette réflexion.

Au fil des jours, le désespoir moribond devint colère et fureur. Sa caste était enlisée dans la haine et le désaveu depuis des millénaires ; la pureté du sang n'y était qu'un sermon fallacieux, auteur de multiples massacres et d’ignominies. Il ne s'agissait plus seulement de sauver l'aristocratie. Au contraire. Elle méritait son extermination sous cet aspect peu reluisant : bien qu'une telle option, ne remportait guère l'unanimité dans son entourage.

Non. Désormais, il lui appartenait plutôt – avec sa sœur de cœur – de purger la chose. Mettre fin aux errements ancestraux de lignées détestées pour leur élitisme. Ceux qui conduisaient, faute de mieux, une jeunesse innocente à des choix regrettables.

Il lui faudrait en converser avec son cadet. Orion. En espérant que la raison soit encore sensible aux arguments du cœur plutôt que de la rage – en dépit que lui-même se laissa porter par une vindicte nouvelle contre ses aînés aveuglés. De tels maux devaient, de toute façon, être évoqués au plus vite. Pour s'extirper les humeurs souffreteuses de l'âme – Novenka ; Amaranthe ; Chris – loin de sa conscience avisée. Une chose à la fois. Les explications de si vives coupures seraient recherchées et identifiées après le procès – si on lui laissait le loisir de quérir du papier dans sa peine courroucée.

À l'heure dite, loin des tensions venimeuses de ses pensées, le jeune homme quitta le couvert de sa demeure pour gagner les environs mandés. Il y attendit son interlocuteur privilégié avec flegme – quoi qu'il vérifia régulièrement, avec anxiété, que personne ne s'intéressa à ses traits et à sa position. Au moins, les moldus s'avéraient plus distraits que les sorciers sur les conséquences de la bataille.