Des retrouvailles pressenties

Ce n'était pas chose aisée que de se balader dans les rues de Londres le matin, de la sorte. Entre les gens trop éméchés et ceux dont on ne préfère pas croiser le chemin, il n'était pas très commode serein d'être au milieu de tout ça. Dean n'en démordait pas. Certains pubs n'avaient pas encore fermés. De toute façon, il avait un rendez-vous de la plus haute importance. Rogue avait enfin réussi à dénicher quelque chose sur le Joyau de Sherwood, qui avait l'objet de leur mission d'infiltration au Ministère de la Magie en janvier. Dean s'était porté volontaire pour aller plus en avant dans les investigations à suivre, notamment celles que Rogue lui avait confié il y a quelques jours.

En effet, il se remettait tranquillement de ses blessures, il allait vraiment de mieux en mieux. Et malgré la période d'examens, il continuait d'être assez actif au niveau de l'Ordre. D'où son activité à la minute courante. Heureusement, il n'avait pas d'épreuve le lendemain. C'était même d'ailleurs pour cette raison qu'il avait décidé de faire la mission ce soir-là. Car la personne qu'il devait rencontrer ne souhaitait le voir qu'au cours de la nuit. Dans l'Allée des Embrumes par dessus le marché. Dean ne gardait pas un excellent souvenir de son dernier passage dans la rue malfamée du quartier économique sorcier à Londres.

Une heure du matin. c'était l'heure qu'indiquait sa montre à gousset. Il la remit dans sa poche. Il était à l'heure au rendez-vous. Ce fut à ce moment précis qu'il le vit. Un homme de taille moyenne te très âgé s'avança vers lui. Ses cheveux étaient longs, cris et sales. Il avait le visage blafard et ridé. Il correspondait bien à la description que Rogue lui avait faite. Il le suivit, se tenant tout de même prêt à dégainer sa baguette. Pour dire vrai, il se tenait prêt à dégainer sa baguette depuis qu'il était arrivé à Londres. C'était son moyen de défense le plus efficace.

Une fois à l'abri des regards, Dean lui posa les questions que Rogue lui avait relayées et écouta attentivement les réponses. Il s'efforçait de bien tout retenir afin que cette visite ne se soit pas faite en vain. Le vieux sorcier avait décidé de les aider en échange d'une précieuse somme, que Dean avait apporté. Il ne savait pas comment Rogue avait obtenu le contact avec le sorcier mystérieux, ni même comment il avait réuni la somme, mais il effectuait la mission qu'on lui avait confiée. Rogue étant probablement surveillé par les Mangemorts, il ne pouvait se rendre au rendez-vous lui-même.

Lorsque vieil homme eut fini son discours, le français s'éloigna et prit la direction du Chemin de Traverse, ce qui le mènerait, par la suite, vers une zone de transplanage. Il irait alors au Quartier Général de l'Ordre du Phénix pour y faire un rapport de ce qu'il avait appris. Il s'en irait alors rejoindre Haveirson et les bras de Morphée.

Cependant, alors qu'il arrivait vers le Chemin de Traverse, il remarqua une ombre bizarre. Il se méfia mais continua sa route. Mais, lorsqu'il passa, il sentit et entendit l'ombre bouger. Il dégaina rapidement sa baguette et la pointa dans la direction obscure. Le bout de sa baguette éclaira la zone, dévoilant un visage qui ne lui était pas inconnu. Ce dernier lui était même plutôt familier. un visage qu'il n'avait, hélas, pas vu depuis longtemps, trop longtemps. Celui de son ami et mentor Théodore. Il n'avait pas eu de nouvelles de sa part depuis son tragique accident de Quidditch. Mais que faisait-il ici ? Il savait qu'il était venu s'installer à Londres, mais pourquoi diable se trouvait-il ici en cette heure tardive de la nuit ? Il baissa sa baguette, s'approcha de lui et le prit dans ses bras, comme on serre un ami, comme on serre un frère. Il était content de le revoir, même si les circonstances étaient particulières.

Tellement d'années avaient passé sans qu'il ne revoit son ami et mentor de Beauxbatons. Théodore était plus âgé que lui et avait terminé ses études depuis longtemps, surtout qu'il avait directement entamé une carrière professionnelle dans le Quidditch, tout comme sa talentueuse sœur. Il fallait croire que le Quidditch était de famille chez eux. Du moins, jusqu'à ce qu'il ait son fâcheux accident. Il n'avait pu savoir ce qu'il avait réellement, même Mathilde ne lui avait pas dit. Soit elle savait et ne voulait pas le dire pour préserver l'intimité de son frère, soit elle ne savait carrément pas parce que ce dernier ne lui aurait rien révélé. Où se tenait la vérité ?

Dean avait toujours apprécié les cours de Quidditch de son aîné, bien qu'il n'ait jamais montré le moindre talent pour le sport sorcier. Il arrivait à se débrouiller, mais il n'était pas véritablement capable de s'en sortir face à des joueurs professionnels, ou même face aux joueurs qui exerçaient à Poudlard ou Beauxbatons. Il n'était pas assez bon au Quidditch pour cela.

D'ailleurs, l'élève ne reconnaissait pas son maître. Il avait tant changé. Certes, l'âge y jouait pour quelque chose, mais là, il voyait bien que ce n'était pas l'unique raison, il y avait autre chose qui le rongeait. Et, d'après ce que lui disait son odorat, il pouvait reconnaître l'odeur de l'alcool dans l'haleine de son ami. Et, il commençait à se douter qu'il n'en était pas à sa première soirée éméchée. D'ailleurs, les propos qu'il tenait n'avaient aucun sens pour le plus jeune des deux. Dean ne comprenait pas pourquoi Théodore devait se trouver là en cet instant. Cela ne faisait pas sens, il ne comprenait pas la pensée de son ami. Etait-ce l'alcool qui jouait là-dedans ou bien son esprit ? Peut-être même les deux. Le français redoubla de concentration pour essayer de comprendre davantage son ancien mentor.

L'Abraxan regarda son ami faire les cent pas. Qu'avait-il donc ? Pourquoi faisait-il cela ? Dean ne quittait pas son ami des yeux tandis qu'il rengainait sa baguette dans sa manche gauche, dans son emplacement habituel, le rangement en cuir et ensorcelé qu'il avait d'attaché à l'avant-bras gauche. Théodore avait besoin de son aide pour ... une conspiration. Les yeux de Dean s'écarquillèrent. Mais de quoi parlait-il par Merlin ? C'était fichtrement incompréhensible ! Quelle conspiration ? Dans quel pétrin s'était-il fourré ? Et là, la phrase qui commença à alarmer le membre de l'Ordre du Phénix. Qui avait besoin de lui ? Qui était "elle" ? Pourquoi avait-elle besoin de lui ? La connaissait-il seulement ? Tant de questions qui se bousculaient dans son esprit. Il se concentra, essayant de faire la part des choses et, calme, il demanda à son ami :

- De qui parles-tu Théodore ? Qui a besoin de moi ? Et, surtout, pourquoi ? Qu'est-ce qui te tracasse de la sorte ? Dis moi tout, je peux peut-être t'aider.

D'un côté, Dean était ravi d'avoir retrouvé son ancien mentor de Beauxbatons, de l'autre, il était plutôt inquiet de son état. Il ne le pensait pas avide de boissons alcoolisées, sans parler de l'état psychologique dans lequel il se trouvait. Ses propos, son comportement, tout portait à croire qu'il s'était fichu dans un drôle de pétrin. Du moins, ce n'était pas forcément drôle. Dean tentait de comprendre son ami, mais ce dernier n'arrêtait pas de s'affoler, de gesticuler dans tous les sens. Il était vraiment tracassé par quelque chose.

Quand la nouvelle tomba, ce fut difficile à encaisser. Il avait répondu à Aliénor aussitôt qu'il était rentré à Haveirson après sa mission périlleuse auprès des loups-garous. Seulement quelques jours après la date d'envoi. Comment se faisait-il qu'elle ne l'ait pas reçue ? Mais ce qui suivit était encore plus effarant. Aliénor avait découvert un complot, une machination, un trafic organisé par une famille de Sang-Pur canadienne. Par Merlin, de quoi s'agissait-il ? Etait-ce la boisson qui lui faisait dire tout ceci ? Non, ça ne l'agiterait pas de la sorte. Ou alors hallucinait-il ? Non, Aliénor était peut-être véritablement en danger de mort. Mais pourquoi ne lui avait-elle pas parlé de tout ceci dans sa lettre ? Il aurait pu l'aider. Ou alors voulait-elle lui en parler mais souhaitait discuter un peu avant ? Peu importe ce qui se tramait, le français ne laisserait pas tomber sa meilleure amie. Peu importait s'il devait se rendre au Québec, peu importait la gravité de la situation, peu importait le danger, il irait l'aider, tout comme elle viendrait l'aider s'il était en danger.

Il n'eut pas le temps de poser de question supplémentaire que Théodore lâcha une partie du contenu de son estomac sur le sol. Heureusement qu'il s'était tourné au dernier moment. Dean agita sa baguette pour nettoyer les traces de vomi sur leurs vêtements, ainsi que sur le sol, et aida son ami à s'asseoir. Il en avait grand besoin étant donné son état. L'étudiant ne pouvait pas le ramener chez lui à Haveirson, ils devraient aller ailleurs. Mais ! Aliénor lui avait dit que Théodore s'était installé à Londres. Il devait donc avoir un appartement ou une maison ici. Dean, toujours abaissé au niveau de son ami, la main posé sur son épaule lui demanda :

- Théodore, tu habites où ? Je vais te ramener chez toi. Une fois là-bas, tu me raconteras tout en détails, tout ce que tu sais sur cette histoire, d'accord ? Si Aliénor est en danger, nous n'avons pas une minute à perdre. On doit aller l'aider ! Et toi, tu as besoin d'un peu de repos aussi.

Dean essayait de suivre son ami. Mais ce n'était pas tâche aisée, que ce soit physiquement ou mentalement. Ses propos n'étaient pas toujours des plus clairs, et il en était de même de sa démarche. Cela dit, il les emmenait dans une direction et ainsi le français suivait son compatriote éméché. Le chemin n'était pas bien long, mais ils étaient lents. L'Abraxan veillait à ce que son ancien mentor de Beauxbatons ne chute pas. Il porta une attention toute particulière au moment où ils durent monter des marches. Merlin savait comment un escalier pouvait s'avérer mortellement dangereux, même pour un sorcier.

Cependant, il ne put s'empêcher d'être amusé de voir la bête à poils qui accueillait son maître rentrer à la maison. Il appréciait les chiens et n'était pas indifférent à cette race, pour avoir grandi dans le coin d'où elle provient. Ces animaux n'étaient pas magiques mais, même dans leur monde, ils étaient appréciés et aimés. Après le partage d'amour entre les deux, ce fut son tour. Le français s'amusa et caressa le brave chien. Ils rentrèrent ensuite tous dans l'appartement. Il était à l'image de son ami. Dean se fraya un chemin à travers l'appartement, écoutant les propos de Théodore. Il sourit à l'annonce du nom du chien. Comment pouvait-il en être autrement ? Il n'était pas étonné du nom choisi par son compatriote. Son regard se porta sur le décor environnant. Décidément, ce n'était vraiment pas rangé. Entre les feuilles volantes sur le bureau, les livres qui trainaient par terre, rien ne semblait être à sa place. Où l'étaient-ils ? Il n'espérait sincèrement pas que Théodore ait choisi de vivre dans un tel appartement mais que ce dernier était plutôt le fruit d'une certaine négligence. Etait-il sûr que c'était Aliénor qui avait besoin d'aide ? Les cadavres de bouteilles de boissons alcoolisées étaient la meilleure preuve quant aux problèmes de Théodore. Il avait besoin d'aide et ça se voyait. Ce fut alors que son regard se posa sur un livre en particulier. Un livre sur le don de voyance. Dean le ramassa et commença à le feuilleter, tout en disant :

- Pourquoi tu as ce livre ? Tu t'intéresses au don de voyance ?

L'Abraxan trouvait de plus en plus curieux le comportement de son ami. Pourquoi, par Merlin, agissait-il de la sorte ? Il ne l'avait jamais vu ainsi. Certes, il l'avait déjà vu s'énerver lorsqu'ils étaient à Beauxbatons, mais jamais il ne l'avait vu se mettre dans de tels états. Était-ce lié à sa blessure ? A sa carrière morte à ses prémices ? Ou autre chose ? Il ne pouvait dire. Il n'en avait aucune idée, son ami avait toujours refusé de répondre à ses lettres depuis son accident. Le franco-britannique était vraiment triste de voir son ancien mentor de la sorte. C'était même douloureux de le voir souffrir ainsi. Il ne méritait pas cela. Personne ne méritait cela. Et lui encore moins. Il avait toujours été quelqu'un de très gentil, de très à l'écoute. Il ne vivait que pour sa passion, pour ce sport dont raffolent tant de sorciers. C'était d'autant plus triste que c'était ce qui faisait l'étoffe de grands joueurs, l'essence même de ces champions qui font rêver la foule. Tout ce qu'il, hélas, ne serait jamais aux yeux de la foule. Mais il était son champion à lui. Et il ne le laisserait pas tomber, il ne le laisserait pas sombrer sans rien faire. Pas maintenant qu'il en savait autant !

Ainsi, il ne prêta que peu attention aux significations de la réponse de son compatriote. Il n'y avait pas forcément grand chose à y comprendre d'ailleurs. Il ne savait pas s'il fallait attribuer ses paroles à l'abus de boisson ou à lui-même. Il en apprendrait plus sur ces troubles de voyance dont il semblait être victime plus tard. L'heure n'était pas aux questions. Théodore semblait éprouvé, en grand manque de repos, de sommeil réparateur. Dean ne se montrerait pas plus envahissant, pas ce soir. Il répondit à son ami :

- Merci pour la lettre, et pour le café. Ne t'en fais pas, je ne vais pas rester plus longtemps. Mais je reviendrai, Théodore, je suis là maintenant. D'accord ? Et puis, je n'ai pas vraiment eu le temps de faire connaissance avec Mr Bowman, dit-il amusé.

Il salua son ami et sortit en emportant la lettre d'Aliénor avec lui. Alors qu'il descendait les marches qui menaient au Chemin de Traverse, il se mit à déchiffrer la lettre. Il manquait certains mots, comme par hasard les plus importants. Il était difficile de pouvoir mettre des noms sur les personnes impliquées ou sur le lieu où se rendre. Et il ne pouvait pas vraiment compter sur ses connaissances géographiques ou historiques sur le Québec. Autant était-il intéressé par cette ancienne colonie française, perdue aux mains des Britanniques, mais était bien loin d'être connaisseur au point de reconnaître de tels détails. Il allait devoir faire des recherches, ou nettoyer la lettre. Il espérait sincèrement au fond de lui qu'il n'était rien arrivé de grave à Aliénor. Il priait Merlin pour qu'elle soit en sécurité. Il avait peur pour elle. Et le temps jouait contre eux ici. Il n'était clairement pas un allié, il était même plutôt un ennemi.

Il plia la lettre et la glissa dans sa poche alors qu'il arrivait sur le Chemin de Traverse. Tout d'abord, il terminerait ses examens - il avait déjà été assez "stupide" pour accepter cette mission en plein milieu de ceux-ci. Ensuite, il ferait ses préparatifs - très rapidement il espérait - et partirait rapidement vers le Québec pour aider son amie. Il profiterait de ses soirées pour faire des recherches à la bibliothèque d'Haveirson. Il devrait certainement y trouver de quoi résoudre cette énigme.