L'innocence incarnée | Lucy

L'information avait été assimilée avec beaucoup de difficultés, et si Charlie n'avait pas tout de suite voulut y croire, maintenant elle le savait.

Elle avait réussi ce que nulle autre n'avait totalement accompli. Il était enseveli depuis sa naissance sous une carapace de panoplies de visages d'indifférence qu'il s'efforçait à revêtir au moment même où la moindre émotion, qui pouvait être gênante ou qui pouvait éventuellement dévoiler des points faibles, tentait de se frayer un passage par delà son regard froid, son sourire arrogant, et ses battements contrôlés. Charlie l'avait peut-être fragilisée, cette armure invisible, avec le temps, en lui offrant son amour et sa plus complète confiance depuis quatre longues et tendres années.

Mais jamais elle n'avait vu le véritable Stanislas.

Digne de l'une des plus impitoyable des Serpentard, elle avait mal agi. Oh oui, elle avait mal agi. Charlie avait toujours cru que les Poufsouffle prônaient la dignité. Pourtant, Lucy Rosebury faisait honte à sa maison. L'innocence incarnée était donc une ordure. Elle avait fait preuve d'un égoïsme sans égal, ne se doutant même pas que Stan pouvait éprouver une once de remords face à la vérité.
C'était un exploit, en soit, elle avait pénétré dans son esprit à la manière d'une vipère en manque d'attention – on ne pouvait pas avoir une telle importance, lorsque l'on s'appelait Lucy Rosebury, que l'on était une Poufsouffle, et que l'on mentait sur sa propre identité. Elle avait alors profité de sa gentillesse, et de sa confiance, et l'avait abandonné. Stanislas avait été à de nombreuses reprises le prédateur, celui qui vous faisait chanter lorsqu'une info utile fuitait, prêt à mordre dans l'ombre. Mais jamais la proie.

Elle lui avait brisé le cœur.

Et, Charlie avait été là pour le réparer ; elle était toujours là pour Stanislas. Aidante à la façon d'une mère, encourageante à la façon d'une meilleure amie, la blonde s'était efforcée d'être présente pour lui – il avait beau juré que « tout allait bien », dans l'ambiance tendue de la demeure des Grant, Charlie le connaissait trop bien pour le croire. Ses yeux bleu marine où l'on se perdait autrefois, n'était qu'un gouffre sans fin, rempli de peine.

En vérité, ils s'étaient en quelques sortes réparés mutuellement, et ces quelques journées passées côté à côté en Amérique les avaient presque rafistolés.

Il était 14h, et les fleurs étaient ouvertes et colorées, dans le jardin public d'Avalon. Il avait plu, hier, comme pour annoncer la mauvaise idée d'un tel rendez-vous. De la fumée s'évadait des lèvres rouges de l'Américaine, assise sur l'un des siège, et les arbres faisaient un abris certain aux bancs alentours. Charlie n'était encore jamais venue, pourtant elle avait toujours souhaité voir à quoi ça ressemblait, ici. Elle n'était pas totalement déçue. Elle relâcha la tension dans ses bras, lorsqu'elle aperçut au loin Rosebury. Puis, finalement, elle arriva à sa hauteur.

« Salut » lui lança-t-elle froidement. Elle sentit la prudence dans sa carrure, et dans ses yeux légèrement maquillés. « Tu peux t'asseoir, tu sais, je vais pas te manger. » plaisanta-t-elle.

Elle était elle-même incapable de garantir que ce serait le cas.