Et s'il n'y avait que cela. [Matthew] [TERMINE]

Un temps parfait pour étudier dans l’herbe fraiche du parc de Poudlard. Les livres posées à côté d’elle, rien n’allait perturber sa concentration, encore moins avant une échéance si importante. Pour certains bons à rien, les B.U.S.E. n’étaient qu’une épreuve comme les autres qu’ils allaient rater et oublier dès la mauvaise nouvelle reçue. Triste vie que la leur, aucune ambition, aucune volonté. Ce n’est pas avec des gens comme cela que le monde se portera mieux, elle en était persuadée. Dans des moments de trouble comme ceux qui se déroulaient depuis de longs mois, seuls les gens cultivés et malins s’en sortiraient et auraient un avenir.

Son visage fin et doux plongé entre les gouttes de rosée qui recouvraient la pelouse, Anastasiya était plongée dans ses livres, ou du moins, elle les lisait en pensant à d’autres choses, comme d’habitude. Elle était tellement habituée à étudier que même sans se focaliser sur sa lecture, elle arriverait à retenir. Dans ces conditions, autant en profiter pour s’avancer dans le reste de son travail. Ses pensées organisaient déjà le reste de la journée, il fallait bien sinon elle n’aurait pas de bonnes notes à ses B.U.S.E., ça ne faisait pas de doute ! En réalité, elle avait tant d’avance dans ses cours qu’elle pouvait se permettre de ne rien faire jusqu’à ce que les examens arrivent mais cela l’aurait bien trop stressée.

Elle dormait mal ces derniers temps et ce n’était pas l’envie de sommeiller qui manquait : par moment, elle piquait du nez sur son livre avant de se ressaisir en se remémorant ses grandes ambitions. Cela lui permettait de résister encore un temps mais il n’y a pas meilleur antidote au sommeil que de s’y plonger ! Seulement, ses dernières nuits étaient troublées par des cauchemars la réveillant à ne plus pouvoir dormir. La sueur perlant sur son visage, les yeux horrifiés, elle se redressait d’un geste sec et l’insomnie la saisissait sans qu’elle ne puisse l’empêcher.

Sentant sa faiblesse s’amplifier, elle s’adossa à l’arbre qui l’abritait du soleil pour pouvoir se redresser et reprendre une position plus adaptée au travail. Elle en eut marre un instant, d’être là, à étudier, alors que d’autres s’amusaient à côté d’elle. Leur vie était sans doute plus simple, ils ne se prenaient pas la tête et vivaient au jour le jour. Quand ils étaient à Pré-Au-Lard à boire des bièraubeurres (qu’elle n’avait encore jamais gouté), Anastasiya était encore et toujours à étudier.

La passion reprit très vite le dessus. C’est qu’elle aimait cela. Rien n’était si puissant que la connaissance et l’élévation de l’esprit. Anastasiya n’avait pas peur de viser haut, au contraire, cela la motivait, la poussait à toujours faire mieux. Ce monde avait besoin d’autre chose que du blanc et du noir. Le monde n’avait aucune stabilité à cause de cette lutte des tons. Qu’il fallait être sot pour voir le monde de cette manière, la vie n’était faite que de nuance. Bien sûr, on pouvait trouver des qualités dans les deux camps. Toutefois, comment pouvait-on soutenir unilatéralement les actes de Voldemort, de Dumbledore ou de qui que ce soit d’autres ? Quelle tristesse de n’être qu’un autre membre du troupeau (ou de la meute, question de point de vue).

Elle les regardait, eux qui riaient, s’amusaient, oubliaient le monde qui les entoure. Son individualisme et son esprit contradictoire l’avaient souvent éloignée du monde commun, des autres, de tout. Parfois, elle ne pouvait le nier, cela lui manquait d’être comme tout le monde. Ca aurait été plus simple. Impossible pour autant de changer de trajectoire, elle ne reviendrait pas sur ses pas et ne céderait pas aux tentations. C’est dans l’épreuve et l’adversité qu’elle grandira et deviendra enfin ce qu’elle a toujours rêvé d’être.

Le temps ne passait pas assez vite à son goût, elle voulait d’ores et déjà accomplir de grandes choses mais pour le moment, elle n’était encore qu’une étudiante parmi tant d’autres. Et c’est ici, adossée à cette arbre, que commença sa journée.

Satané B.U.S.E. Pourquoi devait-on les passer ? Si seulement on les donnait directement à tout le monde et que le métier tombait sous les bras, ça aurait éviter un sacré moment de stress. Mais bon, c'était comme ça et la programmation de cet examen en fin d'année permettait à tous les élèves de réviser. Si Matthew était à la limite d'échouer toutes ces épreuves, c'est car il n'était qu'un gros feignant. Mais il est plus facile d'accuser le système plutôt que soi. Il recherchait toutes les notes qu'il avait pris en cours d'années et bien entendu, il mit plusieurs minutes avant de les trouver. Pourtant, quand il en avait pas besoin, il les trouvait directement.

Son objectif était de réussir toutes ces B.U.S.E. Tant qu'il les obtenait, même de justesse, ça lui suffisait. Mais bon, il n'aurait pas craché sur quelques bonnes notes. Ca lui aurait donné un peu de confiance en lui. Mais pour avoir des bonnes notes, il faut une bonne révision et l'atmosphère qui régnait dans la salle commune des Poufsouffle angoissait plus l'élève qu'autre chose. Il se sentait encore plus envahit par le stress. Il lui fallait de l'air. Il prit toutes ses notes et se dirigeait vers l'extérieur. Et si finalement il allait à la bibliothèque ? Non, ça reviendrait au même. C'était également une salle où plusieurs élèves devaient sûrement réviser au vu des examens. C'était décidé, Matthew allait dehors.

Duke n'avait aucune raison de paniquer à ce point. Il était arrivé où il en était sans trop de difficultés, du moins tant qu'il révisait un minimum. Il avait encore du temps pour réviser de manière d'avoir les résultats qu'il voulait et peut-être même un peu plus. Mais la nature du jeune Poufsouffle faisait qu'il paniquait souvent pour un rien. C'était comme ça. Il essayait de trouver un bon endroit pour bien réviser. Un endroit où il serait tranquille. Ce côté par exemple ? Non, il y avait trop de personnes qui profitaient du temps, s'amusaient ou révisaient. Trop de mouvements pour Matthew.

Il commençait à s'éloigner du monde quand il se rendit compte qu'une feuille volait devant lui. Aie, il s'agissait d'une feuille importante remplis des notes qu'il avait mis en place en cours d'année pour faciliter ses révisions. Il était hors de question de la laisser filer. Il lui courait après jusqu'à qu'il se rende compte qu'elle s'était posé sur les livres d'une fille. Aie aie aie ! Matthew n'était pas quelqu'un de vraiment sociable, surtout envers les personnes qu'il ne connaissait pas. Tant pis pour la feuille ? Non, il devait la récupérer à tout prix.

Il observait la jeune fille qui n'avait pas fait attention à la feuille qui venait de se poser tellement elle était concentré dans ses livres. Elle était jolie et la pensée de lui adresser la parole rendait tout rouge le jeune Duke. Comment allait-il s'y prendre ? Comment allait-elle réagir ? Stop y penser, parfois il faut agir avant de réfléchir ! Il prit un grand souffle et partit à la rencontre de la fille. Il était enfin à son niveau, elle était toujours plongé dans ses livres.

- Excuse moi, je prends juste cette feuille. Elle est à moi et  vient de tomber ici...

Il n'osait pas la regarder. Elle devait surement le trouver ridicule.  Il prit la feuille et se penchait un peu plus pour voir de quels livres il s'agissait. Il s'agissait du même programme qu'il avait suivi cette année ce qui signifiait que la belle demoiselle faisait sûrement parti de la même année que lui et allait également passer ses B.U.S.E. Pas de chance pour Matthew qui s'était trop pencher pour lire le contenu des livres, il tombait sur le côté. Quelle honte ! Non seulement c'était déjà dur de récupérer sa feuille mais en plus, il tombait juste à côté d'elle ! C'est le visage tout rouge et avec un air gêné qu'il tourna vers la fille.

- Je suis désolé... Je ne voulais pas te perturber dans tes révisions...

Il se mit en position assise tout en retirant l'herbe de sa tenue. Il se calmait un peu et regardait plus en détails la fille. Elle aussi était seule mais pour quelle raison ? Elle préférait peut-être la tranquillité ou était-elle timide elle aussi ? Plutôt que d'agir comme il l'aurait fait, Duke préféra rester avec cette fille.

- Tu révises pour les B.U.S.E. toi aussi ?

Le vent soufflait depuis le début de la matinée mais Anastasiya était habituée à laisser de côté ses sens pour se concentrer sur sa tâche première. Il n’y avait rien d’autres qui comptait, seulement sa lecture et ses réflexions. C’est ainsi qu’elle se retrouvait parfois sous un orage pluvieux, tambour battant, sans même s’en rendre compte ! Sa concentration ne se brisait que quand l’humidité venait fragiliser les feuilles ou encore que le froid la saisissait entre les côtes, la forçant à se réveiller de son songe pour s’abriter. Cette faculté acquise au fil du temps lui permettait de réviser en toute situation, peu importe les circonstances ! Bien sûr, elle recherchait tout de même les zones de tranquillité, pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?

C’est étrange comme elle avait sensation que le vent lui parlait, comme si une voix était emportée par les courants. Elle n’y prêta pas attention, à quoi bon ? Les quelques moments de rêverie n’étaient jamais assez intenses pour qu’elle s’échappe de ses révisions. Ce qui la troubla par contre, c’est la chute d’un corps qui renversa tous ses livres studieusement empilés ! Il ne fallait pas qu’ils soient de travers, ça l’agacerait. Les formes existent pour être respectées, pourquoi laisser de travers des manuels quand on peut les mettre les uns sur les autres de manière à former un tout uni ? Quoiqu’il en soit, elle ne comprit pas de suite ce qui lui arriva et son esprit fut frappé par cette interruption, cessant tout travail de concentration.

Elle prit un peu de recul tout en restant collée à l’arbre et vit qu’un garçon –un homme ?- était tombé juste à côté d’elle. Peut-être était-ce lui qui venait souffler dans le vent depuis tout à l’heure, cherchant à communiquer avec elle ? Son esprit était trop focalisé sur le livre qu’elle ne put le savoir. L’agacement la saisit et elle s’apprêtait à hurler sur le maladroit mais en voyant son visage déconfit, elle eut autant d’énervement que de pitié pour le pauvre étudiant qui se retrouvait dans une situation bien embarrassante. Anastasiya ne supportait pas les gens gauches qui cassaient tout là où ils passaient et pour cause, elle avait tendance à en être une, elle-même. Elle luttait depuis toujours pour éviter ces moments gênants mais impossible de les esquiver pour toujours !

Son visage était empourpré et elle ne put se résoudre à lui crier son agacement. Il lui parla, la questionna. Pour qui se prenait-il ? Ils ne se connaissaient pas, de quel droit il pouvait espérer une réponse ? Généralement, c’était elle qui posait les questions, pas l’inverse ! Dans son phrasé, elle put comprendre qu’il lui indiquait qu’il était, lui aussi, en cinquième année, prêt à passer ses B.U.S.E.. Cette simple idée l’angoissa, si elle ne travaillait pas, elle n’obtiendrait pas des Optimal dans chaque matière, une véritable honte. De toute manière, c’était trop tard. Le jeune homme l’avait complètement extraite de sa transe.

« Oui. »

Pour une fois, Anastasiya avait décidé d’être gentille ! Une réponse si courte et sèche n’est pas forcément interprétée dans ce sens-là mais pour la jeune fille, c’est un véritable effort. Il ne faut pas s’attendre à trop venant d’elle, si elle a de la discussion, elle la garde pour les gens qu’elle en estime digne. Avec son blaireau et son air niais, il ne faisait pas le meilleur départ mais elle avait appris par le passé que l’apparence ne fait pas tout, sa propre histoire en était un bel exemple !

Le garçon s’était assis à côté d’elle et cette proximité physique la perturba et la mit mal à l’aise. D’un geste à peine masqué, elle s’écarta et attrapa à la volée la feuille perdue par le jeune homme. Curieuse comme elle est, elle ne put s’empêcher de l’examiner. La prise de note était plutôt classique mais pour une élève qui étudie tant qu’Anastasiya, il manquait évidemment des connaissances externes à mettre en relation.

« T’as pas l’air d’être un grand érudit, une prise de note efficace mais peu de travail de fond, tu comptes les avoir mais l’excellence, c’est pas ton truc. Je me trompe ? »

Sa voix avait un ton cassant, presque condescendant. Malgré cela, l’intérêt qu’elle insuffla dans son ton laissait entendre une phrase plutôt nuancée qui se situait à la parfaite limite entre l’appel à la discussion et le jugement. Elle ne lâchait pas le jeune homme des yeux, elle, elle n’avait pas peur de parler à quelqu’un et aucun rougissement ne viendrait troubler la couleur de son visage.

Elle n'était pas obligé de répondre. D'ailleurs, c'était ce que Matthew espérait. Il venait d'être ridicule auprès d'elle et tout ce qu'il voulait, c'était fuir loin. Il n'avait pas engagé la conversation de sa propre volonté mais car il se sentait obligé de la faire. Il venait de déconcentrer la jeune fille, c'était certain. Malgré sa question, il pouvait encore fuir mais il était bloqué par l'étudiante. Et pourtant elle ne faisait rien de plus que de le regarder. Pourtant le regard ne semblait pas gentil. Plutôt agacé.  Et c'était normal, elle était sûrement dans sa bulle au moment où Duke avait fait son numéro de cirque. Mais ce regard, malgré qu'il le mettait mal à l'aise, ne le dérangeait pas. Il faut dire que ça lui donnait un sacré charme.

Un frisson lui parcourra le corps. Etait-ce dû au vent ou à une baisse de température ? Non, c'était bel et bien à cause de la fille. La peur de ses prochaines paroles. Du moins si elles arrivaient. Elle allait lui crier dessus et lui dire de dégager ou tout simplement replonger dans ses livres en mettant à gros vent au jeune Poufsouffle qui envisageait sérieusement que ce cas de figure serait le mieux qui puisse lui arriver. En aucun cas il pensait s'en tirer simplement avec un "c'est pas grave" suivi du nom de la jeune fille. Quel était son prénom d'ailleurs ? Serait-il aussi beau que son visage ? Enfin, ça ne servait à rien d'y penser, de toute façon. Matthew ne l'aurait jamais.

C'est d'une manière sèche et glaciale qu'un simple "oui" sortit de la bouche de la jeune demoiselle. On était pas dans l'engueulade que le pauvre Matthew eut droit des autres filles dans le passé mais on était pas non plus dans la grosse séduction. Enfin, pour le jeune poufsouffle, il s'en tirait très bien. Il faut dire que son passé avec les filles lui laissaient un gout amer. Longtemps moqué par elles à cause de son attitude bizarre et de son physique peu attirant de l'époque, il avait clairement perdu sa confiance en lui et perdait tout ses moyens quand il s'agissait de s'adresser à une fille.

Avec elle, c'était autrement. Malgré sa réponse froide, il n'y avait pas de ton moqueur. Il remarqua également qu'elle s'était légèrement écarté. Etait-ce dû au fait qu'elle le méprisait ? Ou tout comme le ton de sa réponse, c'était un moyen de défense pour masquer sa vulnérabilité ? Après tout, Matthew pensait qu'elle était comme lui mais que les deux avaient un moyens différents de se défendre. Cette fille devait montrer qu'elle était forte tandis que Matthew était plutôt dans l'inverse.

La voilà maintenant qu'elle lui prend sa feuille. Aie, Duke avait-il bien écrit ? Y avait-il des fautes ? Mais pourquoi Matthew s'inquiétait de ça ? Elle n'était rien pour lui. Pas une prof, pas une mère ni une copine. Et puis, c'était sa feuille la plus importante. Sa plus grande prise de note. Ce qui le rendait fier car plusieurs élèves auraient aimé avoir la même. Cependant, la suite de mots sorties par l'étudiante le remit droit dans la réalité.

Qu'en savait-elle si j'étais un grand érudit ou que je ne vise pas l'excellence ? Bon, elle n'avait pas tort dans le fond. Duke avait des facilités d'apprentissage mais il ne les exploitait clairement pas. Il n'aurait surement pas les mêmes notes que la jeune femme mais il aurait pu. Enfin, pas question de montrer de faiblesses à ses propos. Il décidait d'y répondre normalement.

- Tu as raison. Ce qui compte pour moi, c'est l'avoir. Que ce soit de justesse ou avec une très bonne note. Dans les deux cas, ça revient au même, non ?

Pas sûr qu'elle soit convaincu avec cette phrase. Elle avait plutôt d'être le genre de personne pour qui avoir moins qu'Optimal constituait être un véritable échec. Encore une fois, l'inverse de Matthew pour qui un Acceptable aurait fait l'affaire. Mais dans les deux situations, il fallait quand même obtenir toutes les B.U.S.E..

- Et toi, tu es une grande érudit qui compte avoir l'excellence dans toutes les matières ?

En un sens, cela l’amusait de voir comment les gens réagissaient face à elle, d’autant plus lorsqu’elle provoquait la gêne ou le malaise. Sans savoir pourquoi, cela lui donnait une certaine confiance en elle, après tout, elle l’intimidait, c’était clair comme de l’eau de roche. Du moins, la situation l’intimidait. Il ne semblait pas avoir une grande confiance en lui, cela provoquait un contraste étonnant avec Anastasiya qui, elle, faisait tout pour paraître sereine en toute situation. Le jour et la nuit se confrontaient et rien que pour cette incapacité à savoir où se mettre, le jeune homme divertissait la Serpentard.

Dit comme cela, Anastasiya ne parait pas très altruiste et pour cause, on ne peut pas dire qu’elle le soit. Ce n’est pas tant qu’elle cherchait à faire du mal aux autres, elle n’en avait juste rien à faire de les aider ou leur apporter de bonnes ondes. Les gens étaient là. Rien de plus. Tout comme la lune arrive après le soleil, ou l’été après le printemps. Il y avait des choses comme cela qu’on ne décidait pas. Anastasiya devait vivre avec les autres, non par choix mais par obligation. Toutefois, rien ne l’obligeait à adopter une attitude précise quand elle se retrouvait dans des discussions avec ses semblables.

Il la regardait comme un enfant regarde un adulte, avec méfiance mais intérêt. Cela ne faisait pas de doute qu’il examinait ses yeux pour tenter de percer au grand jour le fond de ses pensées. C’était peine perdue, Anastasiya n’allait rien lui montrer. Rien de plus que ce qu’elle souhaite montrer. Une maîtrise parfaite de ses pensées, de ses paroles et de son corps. Le secret pour rester maître de toutes les situations, notamment en société.

Elle aussi, elle jouait au même jeu. Elle cherchait à comprendre ce qu’il y avait dans la tête de ce surprenant Poufsouffle. Ses quelques mots avaient fait mouche et la réaction du jeune homme ne tarda pas. Intéressant, il était sur la défensive. Une désinvolture certaine et assumée mais pour autant, il s’interrogeait sur ses propres propos. Comme si ce qu’il pensait avait besoin d’être confirmé par Anastasiya qui se trouva parfaitement à son aise dans ce type d’échange. Ca ne faisait plus de doute, la confiance et lui, ça faisait deux.

En vérité, ses notes étaient tout à fait suffisantes pour réussir les B.U.S.E. avec une marge convenable mais la jeune fille ne pouvait pas se suffire de cela. Et se contenter d’un compliment, c’était loin d’être son genre. L’exigence était le maître mot de la réussite, se satisfaire de peu dans le travail, c’est se satisfaire de peu dans le résultat.

« A toi de voir. Pourquoi se contenter d’être médiocre quand on peut être bon ? »

Des questions, toujours des questions. Pas le même but. Si celles du Poufsouffle cherchait une confirmation dans les paroles de la Serpentard, les interrogations de cette dernière poussait l’autre à se questionner.

« Je ne compte pas avoir l’excellence dans toutes les matières. L’espoir, ça ne concerne que les gens qui laissent leur destin au hasard. Je sais que je l’aurai. Là est la différence. Libre à toi de jouer avec le feu au risque de ne rien valider, ça ne sera pas mon problème après tout. »

En effet, pourquoi s’intéressait-elle aux notes des autres ? Elle travaillait déjà bien assez dur pour elle-seule, elle n’avait pas le temps pour d’autre. Elle ne comprenait juste pas cette satisfaction du moins. Certaines personnes ne peuvent pas être bons, ils n’en ont pas les compétences naturelles et peu importe le travail, ils auront toujours plus de difficultés que d’autres. Aller à l’encontre de tout cela est du domaine du respectable. Toutefois, ceux dont les capacités leur permettent d’accomplir de grandes choses mais qui préfèrent perdre leur temps car « Etudier, c’est trop ennuyeux », elle peinait à avoir la moindre considération pour eux.

« Quand tu seras un énième pion de ce monde, tu regretteras peut-être. On vous fait croire qu’être partisan de Dumbledore ou de Voldemort suffit pour être un héros, soit, très bien pour vous. Quand est-il du futur ? Les beaux jours seront pour eux, l’Histoire sera pour eux. Et vous n’aurez rien fait d’autres de votre vie que suivre, écouter, obéir. »

Anastasiya avait laissé place à l’agacement, au détriment de la pitié qu’elle avait encore quelques secondes plus tôt. Il n’avait pas répondu comme elle l’aurait souhaité. Ses affaires dérangées furent rapidement remises en place et l’idée de s’éloigner grandit de seconde en seconde, à quoi bon s’attarder d’une personne sans la moindre ambition ?

Matthew trouvait le temps très long et pourtant, il était à côté de cette fille depuis moins de cinq minutes. A ce moment, il aurait préféré affronter un troll que de continuer ce dialogue. C'était peut-être son côté maso qui le faisait rester ici. Ou tout simplement car il pouvait continuer à contempler le visage de la jolie fille. Après tout, il n'y avait aucun mal à ça et c'est ce qu'il pouvait obtenir de mieux de cette fille, tellement elle paraissait être sur la défensive.

Cette fille faisait croire qu'elle ne vivait que pour ses notes. A tous les coups, elle devait avoir autre chose en tête et c'est cet autre chose qui intriguait le jeune Duke. En surmontant sa gêne et en poursuivant cette discussion, peut-être qu'il arrivera à faire en sorte que l'étudiante s'ouvre un peu plus. Il pouvait toujours espérer et qui ne tente rien a rien. Les deux s'observaient dans les yeux. Comme s'ils essayaient de se déchiffrer. Qui réussira le mieux l'exercice ? Matthew parfait avec un point faible. Il trouvait les yeux de la demoiselle très beaux ce qui le déconcentrait. Il se força à soutenir le regard de la Serpentard.

Que voulait-elle dire par être médiocre ? Duke lui parlait de réussir les examens et la voila qu'elle trouvait ça médiocre ? Il fallait vraiment être un perfectionniste pour dire ça. Dans réussir ces examens, il y avait bien le mot réussir. En quoi la réussite est synonyme de la médiocrité ? Et même si y avait un échec, il y avait toujours moyen de se rattraper. En aucun cas, cela constituait une médiocrité, du moins, c'est ce que pensait Matthew.

Il décida de ne pas se laisser déconcentrer par ses propos. Il se força à sourire à la demoiselle et trouvait que sa manière de penser était bien triste. Elle n'avait pas compris l'essentiel. Se compliquer la vie quand on pouvait la rendre simple n'était pas le meilleur choix à faire. Il pensa alors à sa propre situation et vit qu'il fit exactement l'inverse de sa propre pensée. Dommage pour Duke, il avait de bons conseils mais il ne les suivait pas lui même.

Pourquoi lui disait-il tout ça ? Si elle se foutait réellement des notes du Poufsouffle, elle n'aurait jamais dit ça. Il s'agissait presque d'une invitation à devenir un membre d'une élite. D'une élite où elle faisait sûrement partie et où elle se considérait seule. Il l'écoutait attentivement et eut un léger frisson en entendant le nom de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom. Entendre son nom lui rappelait à quel point un sorcier pouvait devenir épouvantable. A quoi bon être une personne ayant marqué l'histoire de la magie en programmant des assassinats à tout va ? Matthew ne comptait jamais suivre cette voie là. Du moins, c'est ce qu'il pensait actuellement.

Il n'y avait pas à dire. Cette fille avait du cran. Elle avait dit le nom avec un tel calme que ça en devenait gênant. Mais en aucun cas, le Poufsouffle allait lui montrer cette gêne. Il sourit aux noms du sorciers maléfiques pour la masquer. Il se dit que cette fille avait de sacrés ambitions pour tenir un tel discours. Être à ses côtés n'aurait pas fait de mal à Matthew, tant que celle ci ne lui demandait pas des choses atroces comme le célèbre sorcier demandait à ses mangemorts.

- On dirait que tu as prévu de belles choses. Que tu feras parti d'un nouvel ordre de sorciers qui changera ce monde.

Il avait dit ça avec beaucoup d'intérêts. Etait-ce parce qu'elle était jolie ou car elle manipulait la parole avec excellence ? Matthew était toujours resté dans l'ombre tandis que cette fille, il n'y avait aucun doute, elle voulait devenir une grande sorcière reconnu. Le jeune Poufsouffle était impressionné et pensait que d'essayer de la suivre dans ce parcours pouvait l'amener également à devenir une personne reconnue. Il rêvait de ça en cachette mais se sentait pas capable de l'être. Venait-il de trouver la personne qui lui fallait ? Ou tout ça n'était-ce que des fausses idées qui venaient et allaient partir de sa tête ?

- Je dois t'avoue que je suis vraiment intéressé par ce que tu dis.  Que tu veux devenir une grande personne et ça m'intrigue. Je sais que tu n'es pas obligé d'y répondre mais peux-tu me dire ce que tu comptes faire ?

Matthew se surpris à dire ces phrases. Lui qui s'était montré prudent pendant la discussion venait tout d'un coup de s'ouvrir. Etait-ce le charisme de l'étudiante qui l'avait poussé à parlé ? Son propre désir de réussite ? Un moyen de continuer à discuter avec elle ? Il continuait de regarder la jeune fille se demandant si elle allait le renseigner sur ses projets futurs.

Cela faisait toujours son petit effet. Voldemort ? Elle n’avait pas peur de lui. Anastasiya n’avait pas entendu parler de lui avant son entrée à Poudlard et avant cela, elle avait déjà connu bien des atrocités. Certains fils de sorciers entendaient parler de cet homme depuis leur plus tendre enfance. Elle trouvait ça d’un ridicule de l’appeler par des paraphrases, il faut appeler un chat un chat ! Et puis, il avait sans doute bien d’autres préoccupations qu’une jeune fille qui ose braver l’interdit. Anastasiya ne voulait pas obéir à cet être qui ne méritait pas, selon elle, tant d’effroi. Et puis, ça avait don d’intriguer les autres sorciers de son âge.

Et le jeune Poufsouffle tombait sous le charme de ses propos, elle le sentait et ne put s’empêcher d’esquisser un sourire sur son doux visage. Quoi de plus valorisant qu’attiser la curiosité d’autrui ? Elle était au centre de l’attention du jeune homme qui était prêt à boire toutes ses paroles et sa posture était, en plus, des plus ouvertes, prêt à se faire convertir à ces idées. Contrairement à beaucoup d’autres qui préféraient ne pas trop réfléchir à l’ordre de ce monde, le Poufsouffle semblait complètement captivé par ces paroles si ambitieuses et en voulait encore plus.
Il n’avait pas l’air d’avoir tant de compétences qu’elle mais peu importe, son intérêt faisait de lui un converti comme les autres. Elle ne cherchait pas à créer un nouveau groupe comme ils en existaient déjà, pour elle, il fallait justement briser cette notion d’affiliation. Chaque personne doit être indépendante et cultiver cette particularité. Voldemort assujettissait les hommes comme des pions, ne leur accordant aucun mérite. Dumbledore amenait ses fidèles là où il le voulait, prêchant un monde juste et bon qui n’existe que dans ses rêves les plus fous.
Elle, elle ne cherchait pas à recruter qui que ce soit pour prêcher sa bonne parole, Anastasiya cherchait juste à ouvrir l’esprit des gens et tenter de faire d’eux des gens meilleurs et plus libres. Plus qu’un groupe, c’était un nouveau mouvement qu’elle mettait en marche. Si les gens ouvraient leur esprit à cette nouvelle façon de penser, tant mieux pour eux, sinon tant pis. Elle ne se battrait pas pour cela, elle n’était pas un gourou comme pouvaient l’être Dumbledore ou Voldemort. Elle se fichait du sort des gens, seul le sien comptait.

« Pas un nouvel ordre. Assez de ces meneurs d’hommes qui dirigent dans l’unique but de servir leur cause, leur intérêt. Je ne veux pas être un dictateur de plus dans ce monde mais plutôt une inspiration. Si les gens pensaient par leur propre moyen et agissaient dans leur intérêt propre en se moquant des codes et de la société, le monde ne serait pas fou comme il l’est en ce moment. »

Sa voix était sûre, posée. Malgré la force de ses propos, elle ne tremblait pas, inébranlable. Pour convaincre quelqu’un d’autre, il fallait être soi-même une convaincue. Le jeune homme semblait réceptif à ses paroles, à la limite de la captivité.

« Je ne veux pas devenir une grande personne, je le serai par la force des choses. Depuis le jour où j’ai su que j’étais une sorcière, je suis… »

Elle se coupa net. Trop de confiance, petite Anastasiya, voulu ou non, il t’a eu. Elle évitait de dire qu’elle était née de parents moldus. Elle n’en avait pas particulièrement honte mais préférait ne pas donner d’informations sur son passé, encore moins sur des choses qui pourraient être vues comme des faiblesses. Faisant semblant d’être prise d’une quinte de toux, elle se retourna vers le jeune homme avec le visage froid et le regarda droit dans les yeux.

« Pardon. Je disais donc que oui, j’ai toujours voulu être une des grandes de ce monde. A force de travail et de détermination, j’arriverai à mes fins, ça ne fait pas de doute. Et toi, c’est quoi ton but dans la vie ? »

Elle ne s’intéressait pas tellement au jeune homme mais utilisait cette question pour s’éloigner un peu d’elle et surtout de la légère bourde qu’elle avait commise.

Matthew n'avait jamais pensé qu'il pouvait devenir quelqu'un de reconnu. Il s'agissait plus d'une utopie qu'il ne servait à rien de garder en tête. Obtenir la console de jeu parfaite était plus réalisable à ses yeux que cet objectif. Mais le fait de discuter avec cette fille avait bel et bien perturbé ses pensées. Et si en fin de compte, c'était lui qui faisait fausse route et que l'étudiante avait raison sur toute la ligne ? Que visait le minimum tant qu'on restait dans les normes n'était pas la solution mais de faire parti de l'excellence était la vraie raison de cette vie ? Il se frotta le menton en y pensant.

Il la regarda et la vit sourire. Pour quelle raison ? Avait-elle entendu quelque chose qui lui avait plu ? Elle, qui cherchait sûrement à lire en lui, avait réussi à déceler quel genre d'homme il était ? Ou était-ce un sourire car elle le trouvait mignon ? La probabilité que ce soit cela était proche de zéro mais y songer faisait du bien au moral. Il fallait dire que cette fille était plutôt jolie et encore plus quand elle souriait. Si seulement elle pouvait le faire plus souvent, ça changeait clairement de son air froid habituel.

Le jeune poufsouffle l'écoutait parler comme un enfant aurait écouté un professeur dans le cours qui l'intéressait le plus. Il était fasciné par le discours de la jeune fille. Être une bonne oratrice était clairement une de ses grandes qualités. Les mots étaient bien choisis et elle les disait d'une manière confiante. Elle était convaincue par ce qu'elle disait, cela ne faisait aucun doute. Elle ne montrait aucun signe pouvant montrer qu'elle cachait quelque chose d'autres jusqu'à qu'elle tousse. Une toux clairement pour arrêter net son discours. Elle en avait sûrement trop dit et Matthew ne put s'empêcher de sourire.

Duke savait qu'en continuant la discussion, elle allait s'ouvrir petit à petit et c'était ce qu'elle faisait... Enfin presque. Ce n'était sûrement pas prévu sinon elle ne se serait pas arrêté net. Qu'avait-elle voulue dire ? Qu'elle était née de parent moldu ? Qu'elle en avait honte ? Etait-ce cela qui la poussait à avoir un tel comportement ? Ca plus ses ambitions, c'était décidé. Matthew voulait en savoir plus !  

Avant même qu'il puisse dire quelque chose, elle enchaîna des mots. Elle était forte. Malgré le fait qu'elle ait fait une erreur, elle savait se ressaisir immédiatement en lançant un autre discours. Et ces nouvelles phrases, le jeune poufsouffle aurait aimé ne pas les entendre. Il n'aimait pas cette question. Ses propres ambitions. Le jeune homme n'aimait pas trop en parler puisqu'il en avait honte. C'était ce qu'il aimait pourtant mais il ne trouvait pas ça intéressant. Qu'allait-il lui répondre ? Un mensonge ? Non, cela aurait été flagrant. Mais en disant la vérité, elle allait peut-être le prendre réellement pour un débile profond sans intérêt. Tant pis, c'était comme ça qu'il était et c'était comme ça qu'il fallait le prendre.

- Tu vas surement te moquer de moi mais pour tout te dire, je pensais utiliser la magie pour fabriquer la console de jeux vidéos de mes rêves.

Il l'avait dit. Il était complètement gêné mais au moins, il n'avait pas menti. Il regardait la jeune fille en essayant de ne pas imaginer ce qu'elle pouvait penser à ce moment même. Déjà qu'il pensait cette ambition ridicule, discuter avec cette fille n'avait fait que de confirmer ses craintes.

- Enfin bon, je n'ai pas besoin de t'expliquer ce que sont les jeux vidéos. Tu es née de parents moldu toi aussi ?

Elle n’était plus aussi à l’aise qu’auparavant, cette petite gaffe avait gâché toute sa concentration et anima une source d’anxiété, comme une boule dans son ventre. Et l’idée qu’elle était en train de discuter au lieu de travailler n’aidait en rien. Elle agitait ses cheveux avec ses doigts mais s’arrêta rapidement, beaucoup interprèteraient cela comme une posture séduite et elle ne voulait surtout pas que le Poufsouffle puisse penser cela. Aussi discrètement que possible, elle replaçait ses livres, comme pour se rassurer, remettre les choses dans le droit chemin. La Serpentard fixait toujours les gens droit dans les yeux et cela ne changerait pas aujourd’hui, encore moins pour une petite erreur de sa part.

Elle fut soulagée lorsqu’elle entendit que lui aussi était né-moldus, il se sentirait encore plus proche d’elle et serait encore plus réceptif à ce qu’elle pouvait dire. Cela dit, grande stressée qu’elle était, cela n’enlèverait pas le stress qui était venu montrer le bout de son nez. Elle ne savait pas vraiment si cette dernière question était dans le but de la rassurer ou simplement pour être sûr qu’il avait bien compris. Dans les deux cas, ça ne lui plut guère, elle n’avait aucun besoin de reconfort de la part d’un inconnu et un interlocuteur incapable de comprendre des choses implicites présentait un intérêt limité.

Ses ambitions étaient tout à fait étonnantes mais après tout, pourquoi pas ? Anastasiya n’était pas du genre à juger les gens sur ce qu’ils voulaient faire, elle préférait des rêves fous à une satisfaction de peu. Elle était tout de même franchement étonnée, on ne lui avait encore jamais faite ! Des aurors, des médicomages ou des juges, ça, c’était tous les jours ! Mais alors une console de jeux-vidéos, ça laissait tout de même une drôle d’impression. Ca avait au moins le don de l’intriguer et son cerveau se mit à réfléchir à cette nouvelle idée.

Lié la magie et les jeux-vidéos moldus, ça avait le mérite d’être quelque chose de jamais vu ailleurs et ce gars-là avait peut-être eu une brillante idée ! Anastasiya n’était franchement pas branchée dans ce domaine, elle n’avait même jamais vraiment joué à ce genre de machines mais curieuse comme elle était, elle n’avait pas particulièrement de mauvais avis sur le sujet. Pourtant, dans la voix du jeune homme, cela n’avait pas l’air d’être quelque chose de particulièrement glorieux et semblait tout penaud.

« Me moquer ? J’en ai strictement rien à faire de tes ambitions. Peu importe que tu veuilles créer une machine de jeux-vidéos magique ou bien devenir champion de salsa, ça c’est ton souci et j’ai rien à dire sur le sujet. Mais bon, t’as pas l’air très motivé dans ton projet, t’y crois pas toi-même alors je me demande vraiment comment t’arriverais à vendre ton idée à d’autres personnes. »

Oups, c’était sorti tout seul. C’était vraiment des propos désagréables mais c’est ce qu’elle pensait au fond d’elle-même. C’est tellement stupide et dommage de ne pas croire à ses propres idées. Soit il veut vraiment que cette machine prenne vie, soit il arrêtait d’en parler. Etre entre deux eaux comme cela, ça n’avait vraiment pas de sens, cela donnait une image vraiment négative du jeune homme, comme s’il ne savait pas ce qu’il voulait, complètement instable.

« Qu’est-ce que ça peut bien te faire que je me moque de toi ? Je ne suis personne pour toi. Et c’est encore plus grave si tu parles de ton projet de cette manière à des gens que tu connais. S’il se moque de toi, je crois que tu ferais mieux de les éviter. Il ne me semble pas que votre définition de l’amitié inclue des moqueries sur les ambitions des copains. Enfin, ce n’est pas mon problème ça. T’as une idée originale, peut-être farfelue, mais au moins t’es pas complètement fade, profite-en plutôt que le cacher. »

Anastasiya avait tendance à être un peu donneuse de leçon mais après tout, c’est ce qu’il cherchait à lui demander son avis tout le temps.

Les gens s'étaient souvent moqués de Matthew quand il leur annonçait ce qu'il voulait faire dans la vie. La majorité trouvait ce projet immature et sans intérêts. Son père avait honte de ce projet et ne le cachait pas. Sa mère ne disait trop rien mais le jeune homme avait conscience qu'elle aurait préféré qu'il choisisse une autre voie. Ces avis avaient d'ailleurs poussé l'étudiant à abandonner. Enfin pas totalement car cette idée trottait toujours dans sa tête. Il ne pouvait pas le nier, il adorait les jeux vidéos et comptait bien réussir à faire quelque chose qui révolutionnerait le monde des jeux vidéos. Pourquoi pas la première console faite pour les sorciers avec des baguettes en guise de manette ?

Enfin, pour débuter ce projet, il fallait déjà qu'il y croit. La crainte même d'en parler et le manque de conviction quand il en parlait ne laissait pas bon présage. Comment réaliser quelque chose quand on le trouve totalement ridicule ? Il n'allait quand même pas le faire pour lui seul. Il l'aurait aimé mais il aurait préféré que d'autres personnes l'aiment. Mais il en avait déjà du mal à en parler alors en parler une fois fini, surtout une fois adulte. Qu'est-ce que ces anciens camarades diraient lors des prochaines réunions ? Qu'as-tu fait depuis dans la vie ? Bah j'ai crée une console seulement. C'était ce genre de situation future que Matthew redoutait.

Il regardait la demoiselle et vit bien qu'elle paraissait agacé. Cette expression lui rappelait son père. Lui aussi prenait ce genre d'expression quand il demandait le projet du jeune homme et qu'il lui répondait de cette manière. Ce n'était pas comme ça que le Poufsouffle gagnerait sa vie. Cependant, Duke se trompait. La Serpentard était bien agacée mais pas pour la même raison ce qui surpris le jeune homme.

Ce qui l'énervait, c'est que l'étudiant ne croyait pas en son projet. Lui qui s'attendait plutôt à des moqueries ou des critiques car ce n'était pas sérieux. Il regardait la fille avec de grands yeux surpris. Elle avait répondu d'une manière tellement sèche qu'il ne savait pas s'il devait s'énerver ou partir se réfugier dans un coin seul pour se remettre de ces mots. Ni l'un, ni l'autre, il décida de rester là et écouter les paroles. Après tout, elle avait raison. Ce projet ne concernait que le jeune homme. A la place de la jeune fille, il ne se serait ni moqué, ni aurait fait de critiques.

- Tu n'as pas tort. Tu sais, je me dis souvent la même chose mais bon...

Qu'est-ce qui le poussait à lui dire tout ça ? Après tout, il avait juste perdu sa feuille et devait juste la récupérer. Pourquoi se mettait-il à se confier auprès de cette fille ? Surtout qu'elle lui répondait assez sèchement. Mais bizarrement, le dialogue se poursuivait. Il continuait à lui demander son avis tandis qu'elle continuait à lui répondre. Elle avait beau répondre ainsi, elle continuait quand même à répondre à l'étudiant. Rien ne l'obligeait. Les deux auraient simplement pu en finir à la feuille perdue retrouvée. Mais non, ils avaient échangé des mots.

- J'aimerais vraiment avoir confiance en ce que je fais mais je n'y arrive pas. Ca arrivera surement avec le temps.

La confiance arrivera surement un jour. On le répétait souvent à Matthew mais il en devenait de moins en moins convaincu. Pourquoi certaines choses, si faciles pour certaines personnes, devenaient insurmontable pour lui ? Parfois, il aurait aimé être différent. Quelqu'un qui aurait pu répondre à ses projets futurs avec une véritable assurance.

- Merci quand même pour ton avis. Et pour cette discussion. Ca change d'autres personne avec qui j'ai déjà discuté. Au fait, moi c'est Matthew.

Comment diable pouvait-il survivre dans ce monde avec si peu de confiance en soi ? Alors que la guerre des egos avait lieu depuis des années dans le monde des sorciers, il restait là à se replier sur lui-même malgré des idées qui pourraient l’amener loin de la vie. Mais non, il préférait baisser la tête, rentrer les épaules et taire ce qui pourrait être un invention révolutionnaire. Ce gars-là avait besoin d’être secoué, que ses idées soient remises en place pour qu’il fasse quelque chose de sa vie. Anastasiya n’arrivait pas à comprendre cela, elle qui avait été plongée dans le grand bain dès son enfance où sa seule ambition était de survivre à la guerre, d’autres peinait à avoir de réelles ambitions ou à les assumer. Quand on a le luxe de pouvoir choisir ses propres objectifs, incompréhensible de ne pas en profiter ! Le jeune Poufsouffle agaçait Anastasiya, non pas par bêtise comme beaucoup d’autres mais plutôt parce qu’il était prêt à gâcher toute sa vie juste car il avait peur du regard des autres et de leur jugement. S’il y avait bien quelque chose dont elle était sûre c’est que les autres n’étaient là que pour nous freiner, tels des boulets.

« Pourquoi me parler de confiance ? Qu’est-ce que la confiance ? Je ne te parle pas de cela moi mais de fierté, d’honneur. Tu as l’intelligence d’avoir trouvé une voie qui t’était propre et tu préfères te mettre de côté car tu as peur des moqueries qu’on pourrait t’adresser. Ce ne sont pas les autres qui construiront ta vie, ce n’est que toi, toi et toi seul. »

Qu’est-ce que ça pouvait l’énerver ce genre de personnes qui ne prennent aucun risque, c’est sûr qu’en ne disant à personne ce qu’il souhaite faire de sa vie, il ne subirait aucune moquerie mais la vie est faite de risques et c’est en osant qu’on innove ! Pourquoi serait-il respecter si lui-même ne respecte pas ses propres idées ? Consciente que la situation allait vite l’amener à devenir désagréable, Anastasiya préférait s’éclipser. Tout en continuant à lui parler, elle rangeait ses affaires, prit ses livres et les enfila dans son sac de cours avant de s’élever et prendre ainsi de la hauteur sur son interlocuteur.

« J’ai des choses à faire, je te dis à une prochaine fois, éventuellement. »

Et sans s’encombrer de plus de bons mots pour amorcer sa sortie, elle se dirigea vers le château qui lui offrirait un repos certain et lui permettrait de travailler de nouveau car, oui, avec toutes ces histoires, elle prenait du retard et ce n’était pas bon pour ses études ! Elle, elle savait ce qu’elle voulait et ne se laisserait pas embêter par qui que ce soit. Des gens qui ne croyaient pas en elle, il y en avait bien assez comme ça. Et même ses pauvres parents ne pouvaient l’encourager tant il ne comprenait rien aux ambitions de leur fille. Elle était seule contre tous mais seule c’est déjà bien assez pour réussir ce qu’elle souhaitait.

Elle avait oublié une chose. Elle se retourna vers le jeune homme.

« Moi, c’est Anastasiya. »

Ainsi, les présentations étaient faites. Elle ne savait pas si elle aurait l’occasion de lui reparler un jour mais au fond, elle ne pouvait s’empêcher que cette rencontre ait pu un peu secouer le jeune homme qui n’avait besoin que de cela. Après tout, c’était ça ce nouvel ordre mondial qu’elle voulait inspirer, insuffler aux gens l’envie de se surpasser et d’atteindre leurs objectifs par eux-mêmes sans compter sur les autres.
Anastasiya lança un dernier regard vers le jeune Poufsouffle avant de se rediriger vers le château, un très léger sourire sur le coin des lèvres.