Dégrisée. | Libre

29/07/2016

C’est fou comme une vie pouvait être bouleversée par la simple présence d’un être qui devenait cher. Personne n’est jamais préparé pour ce genre de rencontres, ça nous tombe sur le coin du nez, notre cœur est désigné, pesé, emballé. Oh bien sûr, certains le vivent très bien et profitent pleinement des amitiés et amours qu’ils lient à longueur d’année. Anastasiya, non. C’était toujours un calvaire de savoir comment réagir, elle n’était pas faite pour maîtriser ce type d’émotions, la peur et la haine, ça oui, prendre soin de quelqu’un, c’est autre chose. Tout ça, c’était nouveau pour elle, elle était perdue, comme une enfant qui sentait son cœur battre pour la première fois. Elle n’avait jamais eu de frères, ni de sœurs, elle ne savait pas ce que c’était de tenir à quelqu’un et de vouloir la protéger quoiqu’il arrive.

Et puis, Harmony.

Elle était arrivée dans sa vie, du jour au lendemain. Elles s’étaient rapidement adoptées l’une et l’autre, comme deux sœurs retrouvées. Chaque jour était une nouvelle expérience pour Anastasiya et elle était malgré tout heureuse de les vivres avec Harmony.

A ce moment très précis, elle ne contrôlait plus rien de ce qui lui arrivait. Son cœur s’emballait, ses mains étaient fragiles et tout ce qu’elle disait ne passait plus par l’antichambre de son cerveau. Le fleuve de ses émotions débordait, se déversant dans ses mots, sa manière d’agir. Tout était mis en place pour qu’elle puisse paraître la plus assurée possible mais au fond d’elle, c’était la panique. Tout en gardant son regard ferme mais tendre sur Harmony, elle cherchait à reprendre une respiration normale, déglutissait pour reprendre ses esprits. Elle ne savait plus quoi faire. Toutes les ressentis qu’elle gardait pour elle depuis ces longues semaines, ils avaient implosé à l’instant où elles s’étaient vues.

Et ce n’était pas la seule à vivre un moment particulièrement perturbant, Harmony était à la limite du point de non-retour, elle le percevait et en fut peinée, profondément. Son cœur se resserra, elle n’avait jamais vu son amie dans un tel état. Elle voulait la réconforter, la prendre dans ses bras, lui faire comprendre qu’elle était là et que plus jamais elle ne la laisserait. Ses bras se dirigèrent vers elle mais elle ne put simplement pas. C’était plus fort qu’elle. Un tel contact physique, elle s’en pensait incapable. Pourtant, elle voulait lui donner cette assurance, cette idée que rien ne les séparerait et que peu importe ses choix, elle la protégerait. Malgré tout, Anastasiya ne pouvait s’empêcher de s’en vouloir, elle l’avait abandonné et aurait pu la laisser se faire tuer, tout simplement. Une autre part de son esprit alimentait la rancune contre Harmony, en colère contre elle d’avoir été si naive, elle avait été tellement dans l’erreur qu’elle aurait pu en mourir.

Tout se chamboulait, se contredisait et Anastasiya assistait impuissante face à la douleur de son amie.

Elle lui saisit la main.

De ses longs doigts fins, elle pressait la paume de son amie, elle ne la lâchait pas. Cette fermeté, cette assurance, c’était comme une promesse. Peut-être que je ne suis pas assez bien pour te prendre dans mes bras et sécher tes larmes mais je serai toujours là quand tu en auras besoin. C’était dur pour Anastasiya de voir Harmony retenir ses larmes. Et puis, aussi fière qu’elle était, Harmony devait savoir qu’elle n’avait pas besoin de jouer un rôle ou de maintenir une illusion. Si elle avait besoin de relâcher sa peine, l’épaule d’Anastasiya serait toujours là pour elle.
Reste qu’une gêne palpable s’était installée dans l’esprit d’Anastasiya. Pas par rapport à Harmony où ce qui lui arrivait, cela pouvait arriver. Non, elle était simplement incapable d’ôter la tristesse de plus en plus apparente dans l’attitude d’Harmony. Tous les mots qui lui venaient étaient dérisoires et rien n’avait plus de sens. Son arme si aiguisée n’avait aucun intérêt, elle ne pourrait défaire ce qui a été fait.

Harmony était dure avec elle-même, elle n’y allait pas par quatre chemins et avouait sa faute, son erreur, à son amie. La culpabilité qu’elle ressentait déchirait le cœur d’Anastasiya, c’est elle qui créait tout cela. Bien sûr, si Harmony l’avait écoutée, tout aurait été différent. Seulement, c’était arrivé et imaginer le malaise que pouvait ressentir la jeune fille à l’idée de se retrouver dans Anastasiya qui lui avait tout prédit et qu’elle avait pourtant décidé d’ignorer devait être une véritable torture. C’était insupportable, Anastasiya n’en avait rien à faire de savoir si elle avait raison ou pas, elle aurait presque préféré se tromper et éviter tant de douleur et de peine.

« Harmony. Je suis désolée. »

Elle ne put dire que cela. C’était sorti clairement mais avec une voix plus éteinte. Elle était désolée pour tant de choses. Ce qu’elle avait fait, ce qu’elle n’avait pas fait, ce qui était arrivé, ce qu’Harmony avait perdu. Pourquoi ressentait-elle tout cela ? Elle devrait être heureuse d’avoir eu raison depuis le début. La vérité, c’est elle qui la détenait et grand mal arrive à tous les gens qui ne l’avaient pas écouté. C’est ce qui aurait dû arriver mais elle était pourtant là, maintenant la main d’Harmony comme si jamais elle n’allait la laisser partir.

« Je ne te laisserai pas. Je ne te laisserai plus. Tu n’es pas coupable de cette guerre. Tu n’es pas coupable de ce qui est arrivé. Il va falloir que tu te libères de cette culpabilité que tu n’as pas car les choses ne vont pas s’arranger maintenant. On est ensembles, Harmony, ensemble. Je ne suis peut-être pas l’amie parfaite. Je suis parfois sévère voire cassante. Seulement, je n’ai que toi. »

Elle n’avait plus aucune barrière entre elle et son amie, c’était le seul moyen pour elle de lui montrer qu’elle comptait, qu’elle n’était pas comme les autres. Si physiquement elle ne parvenait pas à briser cette distance pour la prendre dans ses bras, elle lui avait offert bien plus que cela. Ces quelques mots, des phrases jetées dans le vide, c’était tellement important pour Anastasiya et si dur à dire.

« Je suis là. »

Trois mots, une promesse.

08/06/2015

Harmony n'avait pas tant de mal que ça à se faire des amis, croyait-elle. Elle était relativement sociable, parlait facilement avec ses camarades de Serpentard, pouvait même se dérider à l'occasion. Certes, elle était froide, peu tactile, timide ; mais elle s'entendait bien avec un bon nombre de personnes. Elle songeait à Daphné, à Hope ou même cette boule d'énergie de Mysie. Avant cette sordide histoire de trahison, elle avait même été proche de Blaise Zabini ! Malgré les masques, elle avait noué une amitié avec Alycia McWood, avec Drago Malfoy et Gabrielle Rosier. Ce n'était pas de la simple solidarité : ils s'entendaient bien. Mais tous ces gens étaient disparus. Quant à Yvain et Cyril, eh bien, elle chérissait le peu de souvenirs qu'elle avait d'eux. Un dessin, une boussole marquée de runes et une broche.

Elle avait été entourée et se fondait facilement dans la masse – quand on ne lui reprochait pas son sérieux. Mais désormais, quoi ? Avec la distance, avec la souffrance de l'incertitude, parquée, protégée, à Pré-au-Lard, elle avait réalisé bien malgré elle qui comptait vraiment. A l'écho des battement de cœur frénétiques se répétaient en boucle trois prénoms. Yvain. Cyril. Anastasiya.
Au lendemain de l'attaque, apprenant les nouvelles, elle avait tout perdu. Car Ana, sa douce Ana, la si brillante et impérieuse Ana ne lui pardonnerait jamais. Elle avait erré dans les couloirs de Sainte-Mangouste, alors que sa sœur la réprimandait, que son frère parvenait de moins en moins à conserver une forme de bienveillance à son égard. Seule. Elle était parfaitement seule.

Les larmes n'avaient jamais roulé sur ses joues, ses cils n'avaient eu besoin de les retenir qu'à deux reprises. Face à William, dans cette chambre aseptisée. Et devant Ana, au-dessus d'une table graisseuse. Elle avait enfoui si profond son chagrin, somatisant, que la sensation de ses yeux humides la surprit.
Elle savait qu'elle n'allait pas bien. Mais elle tentait comme elle pouvait de le dissimuler – prétextant toute sorte de chose pour éviter de se servir de sa Baguette. « Mais Maman, tu sais, avec le retour au Secret, ils ont certainement renforcé la Trace. Et puis, devant les clients, je vais plutôt passer le chiffon ! »
Car comme les plafonds dans le hall, sa magie s'était écroulée ; sa vie était devenue un tâtonnement aveugle. Elle avait juré de suivre son aimé, de l'aider, de le soutenir : de le protéger, comme il l'avait fait lors du Banquet. Avec sa mort, tout volait en éclats.

Et la main d'Ana se posait sur la sienne. La douce tiédeur de ce contact la fit frissonner. Ana était comme elle : elle ne touchait pas les gens. Elle les jaugeait, les observait, les intimidaient parfois et souvent les poussait dans leurs derniers retranchements. Ana était celle qui ne tremblait pas : la Née-Moldue des cachots. Elle était celle dont l'esprit bouillonnait en permanence ; exigeante, brillante, elle l'attirait dans son sillage, vers les sommets.
Elle lui avait fait confiance, avait offert son amitié à sa cadette. Et elle, qu'avait-elle fait pour Ana ? Elle avait tenté de la corrompre, brandissant l'étendard de l'union de tous les sorciers dans un secret protecteur. Elle s'était associée à ces gens pathétiques qui crachaient sur les sang-de-Bourbe et s'enorgueillissaient de ce qui coulait dans leur veine, plutôt que dans leurs capacités personnelles. Ils étaient nés dans le luxe, dans de fastueuses demeures à la porte desquelles des précepteurs sonnaient régulièrement pour les préparer à renouveler la suprématie de leur caste. Qu'étaient-ils, face à Ana, qui avait tout appris entre ces murs ?

Pourtant c'était bien avec eux qu'Harmony se réunissait, dans la salle n°11. Et ils avaient participé à cette boucherie consistant à se dépecer les uns les autres, dans un château qui fut autrefois leur foyer. Ils ne valaient rien de plus que l'engeance qu'ils disaient combattre. Et Harmony non plus.
Elle avait trahi Ana. Elle l'avait déçue. Au nom d'une Cause qui l'avait obnubilée au point de ne plus saisir les subtilités d'une réalité complexe.
Alors quand son aînée lui avoua être désolée, elle était abasourdie. Elle plongeait son regard clair dans les yeux de son amie – celle dont elle attendait une nouvelle sentence, bien consciente que sa bêtise et son zèle la rendait coupable, par non-assistance à personne en danger, dans cette tragédie. Les mots de sa sœur lui revenaient : pourquoi n'avait-elle pas prévenu les professeurs ? Parce qu'Yvain lui avait dit de s'enfuir immédiatement. Sans hésiter une seconde, elle avait suivi cette nouvelle directive. Quand bien même grondait en elle le devoir de le suivre et de lui servir de bouclier.

Elle ne méritait pas cette compassion. Pas de la part de celle qui avait toujours eu raison. Pourquoi ? Pour quelle raison était-elle si généreuse avec elle ? Cela ne lui ressemblait pas. Ana n'était pas une gentille. Elle ne se faisait pas marcher sur les pieds, elle ignorait les imbéciles après les avoir taillés en pièces de trois phrases bien senties. Et elle aurait eu raison, une fois de plus, de faire de même avec sa cadette.
Mais Ana reprenait, tenant toujours la main froide de la blonde. Elle refusait de la juger coupable. Au contraire, elle lui offrait une seconde chance. Plus encore : elle ne la mettait pas à l'épreuve. Elle l'acceptait simplement, comme s'il ne s'était jamais rien passé. Comme si rien n'était détruit. Comme s'il ne fallait que colmater une brèche, là où, en réalité, les fondations ne tenaient plus.
Était-elle devenue aveugle, elle aussi ?

« Ana. Je... » Elle tentait de la couper, d'une voix faible, car, enfin, sa culpabilité était réelle. Mais elle se tut alors que la brune décrivait ses défauts. Qu'était-elle, si Ana n'était pas une amie parfaite ? Elle-même pouvait se montrer extrêmement condescendante et froide. Mais Anastasiya Styrbjörn se trouvait là – par hasard, certes, mais elle n'avait pas fui. Et c'était la seule qui était présente. Elle était la seule. La seule personne avec qui elle avait jamais noué de lien si intense.
Qu'avait connu Yvain d'elle ? Ils s'étaient liés – alliés, dans un objectif commun les animant d'une attirance méphitique (sans qu'elle se soit, au demeurant, jamais pleinement réalisée), mais pris dans le torrent des intrigues, n'avaient rien construit de si fort. Ils n'en avaient pas eu le temps.
De même pour Cyril. A l'image de la jeune fille à l'oiseau, leur relation resterait définitivement à l'état d'esquisse.
Ana était la seule.

« … Merci. Je.. Je ne pense pas le mériter. Ton amitié. Ton... pardon. Tu avais raison dès le début et tu aurais pu partir, me laisser à cette table : je ne t'en aurais pas voulu. Tu... comptes beaucoup, tu sais. Et je ne pourrais avoir de meilleure amie que celle qui me tient la main alors qu'elle aurait tous les droits de m'envoyer balader comme on déboute un gnome de son jardin. » Harmony baissa la tête, confuse. Ana n'avait qu'elle, disait-elle.
La joie d'une amitié retrouvée, l'ivresse des sentiments livrés aurait dû alléger son cœur et vriller ses sens. Mais c'était trop crucial, pour quitter l'air grave qu'elle arborait. Ses traits étaient trop figés pour sourire. Ses muscles tendus, comme ceux de l'alpiniste se tenant fermement à la corde qu'on lui avait lancé, alors que la pierre où reposait son pied menaçait de céder.

« Je n'ai que toi, moi aussi. » Et elle était celle qui, en haut de la falaise, tenait l'autre extrémité du cordage.

29/07/2016

Ce contact était si léger et pourtant si fort, du bout de ses doigts enfoncés avec tendresse dans les cillements de la paume de son amie, elle pouvait ressentir chaque palpitation. Chaque fébrilité, elle pouvait la percevoir et resserrer sa main pour montrer qu’elle était là, cette force inaltérée qu’elle lui offrait à tout moment, c’était ça leur pouvoir. Anastasiya le sentait, son amie allait mal, très mal, et il y avait de quoi. Elle avait tant perdu et prise dans cette croyance idiote en ce seigneur de la mort, elle en avait oublié que dans son surnom même se concluait tous les espoirs. Tout était tellement compliqué pour Anastasiya qui était tiraillée entre le plaisir évident d’une telle révélation et la peine sans fond qu’elle partageait avec son amie.

Les plus vieux souvenirs d’Anastasiya n’évoquaient que le thème de la mort et la destruction. D’aussi loin qu’elle se souvienne, elle avait tout perdu. La mort, elle l’avait vu droit dans les yeux et elle l’avait acceptée sans même y réfléchir. Les balles avaient fusé avant de s’arrêter devant elle. Elle ne l’avait pas cueillie ce jour-là. Alors qu’elle aurait pu laisser la fragilité de sa jeunesse et la tristesse du désespoir l’envahir, Anastasiya avait survécu. La mort ne l’avait pas tentée au point d’y céder. Depuis lors, elle n’avait plus peur de confronter cette tentation inefficace. Même sa plus grande faiblesse, son ambition, ne la faisait pas fléchir dans ce duel inéluctable entre la vie et la mort. Cet être misérable qui allait maintenant pouvoir pourrir au plus grand bonheur de la planète la laissait indifférente.

Voldemort. Elle ne comprenait pas comment une personne sensée pouvait se laisser séduire par un tel épouvantail. Bien sûr qu’il était dangereux, un vrai aliéné prêt à tout pour détruire. Elle devait reconnaitre qu’il était des plus déterminés de ce monde, cela ne la gênait pas de l’admettre. Toutefois, il représentait tant de faiblesses d’esprit, il n’était plus qu’une ombre de lui-même. Il ne lui restait rien de son être originel, ses rêves fous l’avait déshumanisé, il n’était plus qu’un symbole et ce symbole était maintenant effacé.

Du moins, c’est ce qu’Anastasiya espérait.

Après les évènements de Poudlard, la jeune fille était confiante que beaucoup de choses se débloqueraient et que, finalement, la majorité ouvrirait les yeux sur la réalité tragique de ce monde. Le monde n’était pas fait de deux couleurs qui s’opposaient, c’était bien plus complexe. Chaque personne sur cette planète avait le choix d’être une nuance unique dans cet éventail de couleurs infinies qu'offrait le monde. Anastasiya voulait changer les choses, ouvrir les consciences… A commencer par celle de son amie.

C’était le moment où jamais, elle pouvait sombrer dans des choses bien pires si elle restait dans cette solitude et cette douleur ineffaçable que représentait le souvenir de la bataille de Poudlard. Anastasiya ne la laisserait pas se perdre dans les méandres de sa tristesse, elle serait là, elle l’avait dit. La jeune fille avait assez de détermination pour deux et elle remonterait Harmony de ce gouffre coûte que coûte.

Chaque regard d’Harmony venait transpercer Anastasiya, c’était une véritable torture mais elle était prête à l’endurer. C’était un choix fort mais maintenant qu’il était pris, elle ne reviendrait pas dessus. Elle avait décidé d’unir son chemin avec celui d’Harmony et si elle devait trébucher, elle l’aiderait à se relever. Ce n’était pas si clair que cela dans la tête d’Anastasiya jusqu’à ce jour, elle était perdue après cette déception. A aucun moment, elle ne parvenait à se fixer sur une posture à adopter face à Harmony, bienveillante ? Sèche ? L’oublier ?

Pourtant ce jour-là, elle n’eut pas besoin d’y réfléchir pendant des heures tant tout lui paraissait si soudainement évident. En voyant la détresse d’Harmony, elle comprit que c’était impossible pour elle de la laisser de côté et de ne pas communier ensemble. L’eau trouble s’était éclaircie et plus aucune zone d’ombre ne perdurait désormais. Bien sûr, Anastasiya était boulversée, elle ne savait décidemment pas s’y prendre pour consoler quelqu’un et ce, même si c’était une personne qui lui était chère. On ne lui avait jamais appris et elle ne comptait, en réalité, jamais l’apprendre. Pourtant, elle en avait besoin aujourd’hui mais c’était peine perdue, tout ce qu’elle pouvait tenter ne serait que ridicule ou déplacé, elle en était persuadée.

Son amie peinait à lui parler, elle souffrait et toute l’aisance habituelle d’Harmony n’était qu’un vague souvenir à cet instant précis. Pourtant, Anastasiya la comprenait, aussi étrange que cela puisse paraître, elle ressentait tout son mal et cela ne lui donnait que plus de force à engager dans le sauvetage de son amie. Anastasiya ne croyait pas en l’amitié, les humains n’étaient faits que pour s’allier dans l’unique objectif de se trahir une fois que les gains seront suffisants. La guerre et la discorde régnaient en maîtresses sur le monde depuis la nuit des temps et cela n’était pas prêt de changer. Rien ne lui semblait innocent, les gens donnaient de leur temps, de leur argent ou de leur énergie mais attendaient toujours quelque chose en retour. Elle la première. Les humains ne sont que des outils pour les humains, elle en était persuadée. Si les gens donnent du pain aux mendiants dans la rue, est-ce par réelle générosité ou pour se donner bonne conscience ? Se donner une chance d’atteindre un paradis qu’ils n’atteindront sans doute jamais, faute d’existence. Quand un élève de Poudlard proposait son aide à un autre, n’était-ce pas par curiosité de l’autre ? Pour apprendre à le connaître plus que pour lui apporter des bonnes notes ?

C’était inévitable, nous n’étions que les pions d’une partie qui n’était pas la nôtre. Et malgré toutes ces certitudes qu’Anastasiya cultivait depuis toujours au fond de son esprit, elle se retrouvait dans une impasse. Evidemment, elle parlait à Harmony par curiosité de la connaître plus, par plaisir de l’entendre elle et son éloquence ou même par intérêt intellectuel. Pourtant, elle était là, dans ce bar poisseux, à lui tenir la main comme le fruit d’un câlin raté. Elle n’avait rien à gagner. A part l’affection d’Harmony, une affection qu’elle n’aurait pas dû apprécier, ni vouloir. Or, cela lui plaisait, elle aimait l’entendre dire de si belles choses, elle se sentait proche d’elle. Anastasiya souffrait de ce moment, son cœur était déchiré de voir Harmony dans un tel état et c’était impossible pour elle de comprendre pourquoi elle ressentait tout cela mais le déni la répugnait, elle ne pouvait que ressentir ce qui lui était donné de vivre.

Et son amie parlait, mettant des mots sur tout ce qu’il se passait entre les deux jeunes filles depuis tant de temps. Tout ce qui était si dur à prononcer, à concevoir, elle lui offrait. Plus fort que cela encore, elles n’étaient que deux. Harmony l’avait clairement dit et c’était simplissime de deviner que c’était réciproque pour Anastasiya. Elle ne s’était jamais attaché à quelqu’un de la sorte et ne risquait pas de reproduire cela avant un long moment.

Pour tout dire, cela lui convenait parfaitement. Anastasiya préférait n’avoir qu’une personne qui comptait mais pour qui elle donnerait tout qu’en avoir cent inutiles. Cela collait parfaitement avec sa personnalité, elle était entière, indivisible. Et il y avait de fortes chances qu’elle soit de même avec Harmony, elle n’avait pas besoin de plusieurs personnes quand elle pouvait l’avoir elle.

Elle laissa un temps de silence, juste pour regarder Harmony. Elle s’était calmée, son cœur battait moins vite et elle était maintenant persuadée de ce qu’il fallait faire. Adieu la panique des premières minutes, Anastasiya était redevenue elle-même et avait ingéré l’idée que son destin était lié à celui d’Harmony. Cette peur panique de l’inconnue, elle avait réussi à la maitriser. La tristesse inconsolable d’Harmony l’avait poussé à réagir dignement. Elle avait dû être là pour elle, elle ne pouvait être faible, auquel cas, c’était un véritable abandon. Ce sentiment de limpidité donnait de l’élan à Anastasiya, elle n’avait plus de raison d’avoir peur et pouvait maintenant parler avec son aisance habituelle et véritable.

Le jeu était terminé, les masques étaient tombé. Anastasiya serait vraie, c’était le seul moyen d’exister dans cette relation si forte qui les unissait. Elle n’avait pas à lui mentir de toute manière, quel intérêt ? Tout ça n’avait plus d’importance, ce moment qu’elle vivait en la compagnie d’Harmony était d’une intensité rare et la marquerait sans aucun doute à tout jamais. Elle venait d’ouvrir son âme à quelqu’un d’autre qu’elle-même.

« Ne parle pas trop vite, je peux encore te débouter comme un gnome… »

Il n’y avait plus de raison d’alourdir la situation, cette comparaison devait être le premier pas d’un moment meilleur, Harmony avait assez souffert.

« … Surtout si tu continues à t’excuser sans cesse sans la moindre raison. Je ne cesse de te répéter que tu es l’unique maîtresse de ton âme. Tu as fait une erreur, c’était ton choix, c’est fait. Je te respecte, Harmony. Et tu sais quelle importance ont ces mots. Je ne veux plus t’entendre parler de mérite avec moi. Ma présence à tes côtés n’a rien à voir avec tout ça. Si je suis avec toi en ce moment, c’est uniquement parce que je le veux, du plus profond de mon être. Je ne te laisserai pas. »

Elle ne voulait pas entendre de toutes ces notions, son amitié ne se valait pas au mérite. Elle n’était pas Voldemort, ou même Dumbledore. Le mérite, c’était pour ce type de personnes qui ne donnaient pas, ils récompensaient.
Harmony était libre de faire ce qu’elle voulait, avec Anastasiya compris. Rien ne lui serait réclamé, elle ferait tout de bon cœur ou elle ne le ferait pas. Ainsi, il n’y aura jamais de système de récompense dans leur relation, par logique, il n’y aura pas d’idée de mérite non plus. Anastasiya lui offrait ce qu’elle était, c’était à elle d’en faire ce qu’elle voulait. Se lier à quelqu’un, c’était aussi prendre des risques. Le risque d’être déçu, d’être blessé. C’était un choix lourd mais Anastasiya était décidée à le prendre. Il n’arrive rien aux gens qui ne prennent pas de risque dans la vie, elle ne cessait de le répéter.

Avec Harmony, c’était un risque fort, certes, elle s’ouvrait à quelqu’un pour la première fois et allait s’en doute se retrouver à des états d’âmes qu’elle ne connaissait pas et n’aurait jamais eu dans d’autres circonstances. Pourtant, au fond d’elle-même, elle n’avait pas peur, son choix était mesuré. Une confiance avait grandi entre les deux jeunes filles et Anastasiya savait déjà qu’elle pouvait compter sur Harmony, elle le pensait en tout cas.
Leur mésentente au sujet de Voldemort avait tout failli gâcher, ça ne fait pas de doute, mais seules les choses positives peuvent être gâchées. Les deux jeunes filles s’étaient déjà trouvées avant tout cela et pour si peu de choses, tout aurait pu être différent. Harmony avait choisi la mauvaise voie mais le destin avait fait en sorte de la rapprocher d’Anastasiya à nouveau.

Elle s’en remettrait, ça ne fait pas de doute. Elle était forte et bien plus douée que beaucoup d’autres sorciers de sa génération, elle n’avait rien à envier à qui que ce soit. Cette erreur serait une force pour son avenir, c’était évident aux yeux d’Anastasiya qui ne pouvait s’empêcher d’admirer le potentiel magique et humain d’Harmony. Son but dans la vie était de devenir une des plus grandes sorcières de sa génération et de l’histoire, elle aurait pu être jalouse d’Harmony, potentielle rivale dans sa quête.

Pourtant, elle ne cessait de lui souhaiter le meilleur et si elle devait devenir une grande sorcière, nul doute que ça serait en sa compagnie.

Elles étaient deux face au monde entier, deux jeunes filles aux ambitions démesurées. Deux Serpentard se retrouvant après des jours si longs à leurs yeux dans un bar peu recommandable.

Anastasiya se fichait de tout cela. Peu importe l’adversité, à elles-deux rien ne leur résisterait, le monde entier n’était pas suffisait pour les arrêter.

08/06/2015

La paume sur reposée sur ses phalanges, dans un contact ténu, contrastait avec la surface poisseuse de la table qui servait de rade à leur amitié. Les deux jeunes filles s'étaient retrouvées, éreintées l'une tout autant que l'autre – probablement – par la tension arrivée à son apogée deux mois auparavant.
La gorge sèche, Harmony ne touchait plus à son jus ; le goût métallique contre ses lèvres éteignait la douceur de la citrouille. De leurs échanges, naissaient tremblements et craintes mâtinées d'espoir. Dans le regard mordoré de son amie, elle trouvait quelque réconfort et une certitude qu'elle ne savait nommer.

Harmony était une enfant rationnelle, qui fonctionnait selon une mécanique parfaitement huilée, dans un espace restreint. Elle réfléchissait selon une méthode éprouvée et ne comprenait que ce qu'elle connaissait. En dehors de la logique qu'elle était parvenue à construire, malgré les fondations de sable qu'offraient le monde sorcier à son esprit cloisonné, elle saisissait mal les singularités du genre humain. L'indicible lui était insondable ; elle n'apprenait pas par l'expérience auprès de ses semblables, qui, souvent, avaient des gestes désordonnés , des réactions épidermiques. Elle hochait la tête et passait à la suite.

Elle n'interrogeait pas ses sentiments. Au mieux, elle les reconnaissait et les enfouissait.

Cependant, en l'occurence, cette démarche consistant à imiter un Melofors sur son propre crâne, face à un déferlement sensoriel, intangible, était vouée à l'échec. Car elle était descendue au plus bas, au cours de l'été. Elle s'était retenue de tout questionnement, fixant, le vague à l'âme, un dessin non animé, caressant distraitement les gravures d'une boussole. Elle jetait parfois un coup d'oeil à la couverture d'un grimoire ornementé, dont l'épaisseur suggérait le nombre de marques-pages insérés, qu'elle n'avait plus le courage d'ouvrir.
Et elle s'emplissait la tête de détails, occupait ses mains inlassablement.

Mais l'attachement aussi soudainement remémoré, qu'elle éprouvait pour son aînée, ponçait les couches de cire appliquée sur ses plaies. La brèche apparaissait ; elle bégayait.

Son regard pâle fut ébranlé avant de venir trouver le sourire en coin de son amie – elle ne pensait pas vraiment la débouter de son jardin, n'est-ce pas ? Ana se montrait ferme, claire : elle ne devait se renfermer sur elle-même et une culpabilité qu'elle ne portait pas, en réalité. Elle refusait toute notion de mérite – et Harmony perdait le fil.
Elle ne pouvait simplement se donner ainsi. Ana était intelligente, ambitieuse : il n'était pas cohérent qu'elle agisse de façon désintéressée.

Alors qu'elle l'écoutait, hébétée, Harmony croyait commencer à comprendre. Si elle lui offrait son pardon, alors elle devait assurée de sa loyauté. Ce n'était pas une folie, mais un investissement ; d'ailleurs elle lui disait bien avoir besoin d'elle.
Lentement rassérénée par les mots de son amie, elle acquiesçait. Leur amitié avait déjà fructifié par le passé. Renvoyer sa cadette aurait été pour Ana la perte d'une alliée intéressante, qui savait la questionner pertinemment et bientôt atteindrait son niveau de compétences – pour peu qu'elle retrouve le contrôle de sa férule. Ainsi, elle lui faisait confiance.

Harmony survolait délibérément les expressions qui la dépassaient – ces paroles était pour elle babillage devant orner un contenu que la bienséance aurait jugé trop cru, livré seul. Elle acceptait les mots de réconfort et hochait la tête.
« C'est ton choix, je... Je fais confiance en ton jugement. Et, merci, Ana. »
Elle retournait doucement sa main pour presser celle de son amie dans un geste reconnaissant.

Qu'importe qu'elle ne puisse être en mesure de comprendre pourquoi elle vacillait en cet instant, ses épaules se relâchant, son souffle s'assouplissant. Ses yeux n'étaient couverts d'aucun voile quand elle regardait Anastasiya.

PS:

29/07/2016

Les choses étaient dites et les cartes directement posées sur table, il n’y avait plus de secret. Du moins, si, bien sûr qu’il restait de nombreux secrets mais elles n’auraient plus aucune raison de se les cacher l’une à l’autre. Le monde ne pourrait leur opposer assez de résistance, elles étaient invincibles tant leur lien était fort et pur. Loin des sentiments passagers et construits à la va-vite, elles s’étaient cherchées et c’est dans l’adversité et la douleur qu’Anastasiya et Harmony avaient fini par se trouver, se réunir. Anastasiya savait qu’elle faisait le bon choix, tout cela était nouveau pour elle mais le risque de s’engager dans une relation aussi unique lui semblait moindre à côté de tout ce qu’elle avait à y gagner. La déception d’hier n’était que la force de demain.

Anastasiya n’était pas sûre d’avoir été bien comprise, ses mots lui venaient du cœur et étaient si durs à prononcer, elle aurait tout donné pour qu’Harmony puisse lire dans son esprit au moins l’espace d’un cillement. Cette peur d’être incomprise la rebutait, jamais elle n’avait eu à faire à cela, exprimer des sentiment. Débattre et argumenter sur des convictions, elle avait appris au cours des années à exceller dans ces domaines, c’était son milieu. Tout cela, ce capharnaüm qui grandissant dans son cerveau, elle s’y enlisait.

Le simple fait de repenser à ses incompétences sociales vint troubler la sérénité de ses sentiments purs. Heureusement que c’était Harmony, elle méritait tout ça, toutes ses complications, et puis, ça ne devait pas être très agréable pour elle non plus, surtout après ce qu’il lui était arrivé. Anastasiya n’osait pas parler de tout cela avec son amie, après tout si elle souhait discuter de ce qu’elle avait vécu elle le ferait quand bon lui plaira.

Anastasiya devait se ressaisir, il le fallait sinon elle perdrait vite pied, la discussion avait déjà trop duré pour son pauvre esprit novice en la matière. Toutefois, elle ne pouvait se résoudre à brusquer son amie et ne savait pas vraiment sur quel pied danser, c’était un véritable parcours du combattant peut-être même plus compliqué dans la pensée d’Anastasiya que dans la réalité. Peut-être que les choses étaient plus simples et qu’elle avait juste besoin d’être elle-même pour suffire aux yeux d’Harmony mais c’était une idée trop compliquée à concevoir. Depuis toujours, elle s’était méfiée du regard des autres comme de la peste et jusqu’ici elle ne s’en portait pas plus mal. Les gens ne vivaient que par la mort des autres, leur bonheur grandissait aux malheurs du voisin, c’était un monde sans pitié et la meilleure défense qu’elle s’était trouvée n’était autre qu’un masque imperceptible et impénétrable.

Le vrai regard d’Anastasiya, c’était celui qu’elle adressait maintenant à Harmony. Il n’y avait plus d’artifices, ce n’était plus nécessaire. Son sort était lié à elle et la décision étant prise, elle n’avait plus qu’à assumer les dangers de son exposition. Prise par la force de l’anxiété et de toutes ces émotions, la bouche d’Anastasiya était toute pateuse. Transition si peu discrète par rapport à ses habitudes, elle lâcha la main d’Harmony qui lui répondait enfin pour se diriger au bar et y commander une boisson sucrée comme elle en avait besoin. Bien sûr, Anastasiya savait qu’elle laissait Harmony dans une situation gênante, elle aurait bien assez de temps pour réfléchir aux paroles de son ainée. De son côté, Anastasiya reprenait ses esprits, soufflant et se répétant des phrases stupides dans sa tête, phrases ayant pour but de relativiser la situation.

Son verre à la cerise dans la main, elle se dirigeait vers Harmony, la rejoignant de la même manière dont elle l’avait quitté : muette.

Pourtant, elle dégageait une joie nouvelle, presque jouée. La vie n’était que folie, c’était une certitude pour Anastasiya qui n’avait toujours connu que cela. Seulement, elle avait maîtrisé cette folie et quitte à vivre dans cette atmosphère, autant jouer avec. Peu importe la situation, la vie les animait toujours alors autant profiter de cette amitié unique.

08/06/2015

Anastasiya finit par briser le lien de leurs mains enlacées et se leva pour commander une boisson. L'observant se diriger vers le bar, Harmony tentait de faire le tri dans ses pensées. Tour à tour s'étaient égrainées la peur panique de perdre pied, de perdre son amie, la culpabilité brûlante, la colère face à l'étalage de ses erreurs, de sa bêtise. Les remords. Le chagrin. Et puis l'euphorie d'une amitié retrouvée, en dépit de tout bon sens.

Elle voulait tirer au clair les raisons qui poussaient Anastasiya à lui offrir cette seconde chance inespérée. Finalement, elle en conclut qu'il s'agissait là, non pas d'un acte gratuit, mais d'un investissement. Leurs besoins s'accordaient, elles avaient toutes deux des ressources et Ana prenait un risque en connaissant les qualités de la personne en laquelle elle plaçait cette confiance. Elle devait également savoir qu'Harmony était de nature loyale. Quiconque lui tendait la main était ajouté à la liste de ceux auprès de qui elle était endettée. Elle ne manquerait pas de lui renvoyer l'ascenseur.

Le geste incompréhensible décortiqué, Harmony se sentait un peu mieux.
Néanmoins, elle était encore déboussolée par le déferlement d'émotions qu'elle avait pu ressentir ces dernières minutes. Elle avait failli craquer. Elle avait failli laisser s'échapper un sanglot. Sa tristesse indicible trouvait enfin un semblant d'expression. Peut-être pourrait-elle avancer.
Sortir du déni. Saisir enfin ce que signifiait pour elle l'absence d'Yvain, de Cyril, de ses amis perdus au combat, broyés sous le labour d'un Maître aveuglé par sa soif de puissance, là où ces jeunes esprits visaient une Cause louable.

En attendant, cependant, de remuer à nouveau dans la vase de sa souffrance dissimulée, elle voulait reposer son esprit. Et son cœur. Elle réalisa que ses épaules étaient surélevées, figées, raidies. Harmony se détendit, resserrant ses mains autour de sa coupe.
Elle prit une nouvelle gorgée. Elle ne sentait toujours que l'étain contre ses lèvres.

La blonde finit par s'extraire de la torpeur qui réduisait les deux Serpentardes au mutisme. Elle soupira, regarda son amie dans les yeux. Comment reprendre le cours d'une conversation normale ? Aucune d'entre elle ne voulait continuer sur cette voie de l'étalage de maladresses larmoyantes. Ce n'était pas dans leur caractère. Elles étaient fortes, intelligentes, stoïques.

Aussi, après une ou deux hésitations, elle finit par choisir une question banale parmi celles qui lui traversaient l'esprit. La moins idiote, de préférence. La plus évidente, au final.
« Comment se sont passées tes vacances ? Tu as voyagé, un peu ? » finit-elle par demander sur un ton qu'elle voulait égal, distrait. L'intensité de son regard, néanmoins, suggérait l'importance du lien ainsi renoué. Elle mettait dans le marbre leur conversation : elles avaient forgé un pont au dessus du fleuve morbide de ce printemps.

Elles s'attarderaient plus tard pour contempler ce que convoyait le Styx. Ce n'était pas le moment. Elles avaient désormais traversé. Sur l'autre rive, une friche les accueillait. Il faudrait débroussailler et se frayer un chemin à deux. Mais elles y étaient parvenues ensemble.
Et c'était bien ensemble qu'elles excellaient.

29/07/2016

La vie avait cessé pendant ces longs mois, le temps s’était ralenti jusqu’à atteindre une lenteur mortelle et inaltérable. Anastasiya tuait le temps comme elle le pouvait mais il n’y avait pas une seule journée qui se passait sans penser à cette bataille. C’était impossible de prendre des vacances, de voyager ou même profiter de la vie. Elle n’avait plus le goût à vivre, c’était devenu quelque chose de tellement impensable pour elle, Anastasiya avait pourtant tout prévu, elle n’était pas surprise loin de là. Cette malheureuse prophétie étudiée depuis bien longtemps et fruit de convictions fortes ne suffisait pas à retirer la douleur que ressentait la jeune fille. Ce monde sorcier qui avait été tant touché par cet évènement, elle en faisait partie quoiqu’elle dise, et voir ses semblables s’entretuer sans aucune raison, semer la douleur dans le monde, cela la dégoûtait de tout existence.

Le voyage était impossible, elle ne pouvait fuir devant quelque chose de si important, sa place n’était pas à l’autre bout du monde, elle le sentait. Si Anastasiya souhaitait changer la face du monde, cela devait commencer dès maintenant, le monde avait assez souffert. Comme à chaque fois lorsque l’envie de tout mourrait, la Serpentard se plongeait dans le travail, elle étudiait et réfléchissait à toutes les problématiques que soulevaient cette guerre mais aussi la mort de ce soi-disant Seigneur des Ténèbres qui les avait rejoint, apparemment, pour toujours. La théorie d’un monde nouveau trouvait là un terrain fertile, déblayé par cette lutte d’idéaux létale. Toutes les questions que cela soulevait venaient inonder l’esprit d’Anastasiya qui peinait à s’en sortir. Elle était prévoyante, trop, son projet, ses idées ne pouvaient être sans fond, il fallait penser à tout.

Tout dépendrait de la situation, bien sûr, elle était incapable de prévoir les réactions des Mangemorts, se rallieraient-ils à un nouveau chef ou abandonneraient-ils ce groupuscule néfaste au monde dont ils étaient peut-être, pour certains, liés de force ? La question valait la peine d’être posée, Anastasiya était persuadée que tous n’étaient pas à jeter dans cette masse grouillante de noirceur, certains pouvaient être repêchés et le s’en sortiraient, profitant de la chute de Voldemort. Malhereuseument, d’autres prendraient sa place et seraient prêts à relancer une nouvelle machine infernale se dirigeant vers les mêmes atrocités.

L’état de santé de Dumbledore mettait aussi beaucoup de choses en suspend, c’était un meneur d’hommes naturel et tout aussi adulé qu’il soit, l’élu Harry Potter n’avait pas les épaules assez solides pour soutenir un tel mouvement. Une chose était sûre pour Anastasiya, c’était le moment idéal pour inspirer les gens à se battre pour leurs propres idéaux et arrêter de se rallier à des mouvements stupides qui n’avaient de vertueux que l’allure. L’être humain était assez exceptionnel pour être maître de son propre chemin, nul n’était fait d’une seule couleur qui affronterait son opposée de manière naturelle.

Anastasiya décortiquait toutes ses questions au fond de son crane pendant ces longues semaines et commençait à imaginer des réunions ou conférences pour propager ses idées, tenter de rallier à sa cause d’autres sorciers qui seraient séduits par une indépendance qu’il saisirait à la sueur de leur propre fond. Elle voulait éveiller les consciences, peu importe que les gens lui soient reconnaissants s’ils pouvaient l’aider à construire un monde meilleur. La reconnaissance viendrait d’elle-même, son but était avant tout de changer les esprits et de faire avancer le monde sorcier mais aussi l’humain, de manière plus générale.

Elle ouvrit les yeux en grand, elle venait visiblement de se perdre dans toutes ces pensées et visiblement, elle ne se doutait pas vraiment du temps qui avait pu passer depuis la question de son amie. Anastasiya se ressaisit rapidement et ouvrit la bouche pour prendre la parole et répondre enfin. Elle ne pouvait pas simplement dire tout ce qui venait de défiler dans son esprit, ça aurait été trop long et ce n’était pas forcément le moment. Encore une fois elle allait devoir faire confiance à sa répartie.

« J’ai été trop occupé pour voyager. Toutes ses choses m’ont… Stimulé, je dirais. Le monde va changer et je veux en faire partie. Peut-être que je prendrai la parole, l’année prochaine. Le sang a assez coulé. »

Elle eut le tact de ne pas renvoyer la question à sa cadette, encore une fois, Harmony en parlerait si elle le souhaitait. Ce n’était pas forcément le bon moment, ni le bon endroit, pour qu’elle puisse se confesser, il valait mieux repartir sur une conversation nouvelle.

Peut-être qu’au fond d’elle, Anastasiya espérait attirer l’attention d’Harmony sur ses travaux et éventuellement la pousser à y trouver de l’intérêt et s’y investir…

08/06/2015

Devraient-elles redoubler d'efforts pour s'apprivoiser, au milieu du grand chambardement ? A moins que l'instabilité régnante ne rende plus faciles leurs tâtonnements. Elles étaient toutes deux fières, droites et refuseraient toujours de balbutier. Les difficultés qu'avait Harmony à s'exprimer, ce jour-là, étaient singulières et témoignaient de la confiance qu'elle offrait à son amie. Elle se livrait, relâchant ses efforts permanents depuis cette nuit du 25 juin. La main tremblante d'Anastasiya en était un écho.
La tension et l'importance du moment était palpable et enfermait les deux adolescentes dans une bulle que le brouhaha des habitués du pub ne savait percer.

Finalement, elles ressentirent elles-mêmes le besoin de briser cet échange. Il était bien trop exigeant et éprouvant. Anastasiya se leva pour commander une boisson et Harmony pouvait songer à retrouver le cours normal de ses pensées. Elle balayait dans un coin les émotions partagées et la puissance du lien nouvellement forgé qu'elle ne pouvait accueillir sereinement.
Une fois la brune de retour, elle tenta l'approche classique et ennuyeuse de l'échange de banalités. Ainsi elle s'enquit du déroulement des vacances de son aînée. Bien entendu, il n'était pas possible de parler de la pluie et du beau temps avec Anastasiya Styrbjörn. A peine la réponse donnée, un sujet plus grave était abordé.

Cela n'étonnait guère la blonde, qui se surpris à sourire : c'était cette Ana là qui lui avait tant manqué. Elle hocha la tête et la questionna davantage, intriguée. « Qu'est-ce que tu entends par, prendre la parole ? » Elle connaissait plus ou moins les penchants politiques d'Anastasiya – du moins, ses exigences et ses valeurs. Ce qui interrogeait Harmony était la manière dont sa vision avait pu décanter au cours de l'été. Si Ana avait un projet, elle souhaitait en être la première au courant. « Que souhaites-tu dire ? »
Harmony ne désespérait pas de faire comprendre à son amie la menace que représentaient les Moldus pour leur communauté et peut-être, de le lui faire intégrer dans son positionnement politique. Après tout, Ana venait d'une région qui avait bien souffert de la monstruosité de ces êtres : elle devait bien saisir tout cela. Ensemble, elles étaient capables de tout. Elles en avaient le génie et sauraient être précautionneuses. Harmony le garantirait.

Par ailleurs, elle éprouvait beaucoup de curiosité pour le raisonnement auquel Ana était arrivée. Une pointe de jalousie émaillait son intérêt. A l'inverse de la brune, elle avait passé l'été à se remplir le cerveau d'occupations primaires, superficielles, pour éviter de questionner ses choix, ses regrets qui l'empêchaient déjà d'activer sa baguette magique. Elle avait, sans le concevoir, tiré un voile opaque sur un avenir qu'elle refusait de définir. Elle ne voulait pas calculer la répartition des forces résiduelles, hiérarchiser les objectifs ou envisager le nouveau chemin à tracer. Elle s'enfermait dans un quotidien sourd et imbécile, afin de trouver un peu de tranquillité.
La détermination et la sagacité d'Anastasiya soulignait sa dérobade et son manque d'aplomb. Ce n'était pas digne d'elle. En son cœur une once de culpabilité et d'envie mitigeait sa fièvre avide.

29/07/2016

La flamme avait été soufflée. Son amie avait disparu le temps d’un été, elle n’était plus que le simulacre, tout ce qui faisait d’elle un être si unique s’était dérobé pour laisser place au fantôme de démons qui la tourmentaient depuis bien trop longtemps. Malheureusement, c’était bien souvent dans les déchirures que naissaient les vérités, l’être humain était ainsi, sa soif insatiable l’aveuglait jusqu’à percer la cornée de ses pensées et les corrompre à la source. Boom. Tout explosait et toute la matière noire s’exfiltrait, son coulis putride venant pervertir l’âme de l’être qui refusait d’accepter sa présence et qui, plutôt qu’admettre son erreur, préférait se laisser consumer et devenir un énième être de haine, rejeton du mal qui viendrait retransmettre cette maladie incurable à grandes injections de malheurs et d’idées terrifiantes. Seuls les plus forts se paraient d’un ultime bouclier, secrétaient cet antidote inespéré qui avait un prix bien futile pour tout être qui n’était pas humain. Pour se protéger du venin, il fallait accepter son erreur et aller de l’avant.

Anastasiya souffla. Toute cette tension l’avait séparé le temps d’un instant des problèmes primitifs de la vie, ceux du corps. Se tenir dans ce genre d’endroit provoquait toujours une gêne, elle n’était pas dans son élément et toute accoutumance qu’elle tentait de créer ne venait en rien atténuer la souffrance, certes vivable, mais pesante qui la traversait. Les exclamations bruyantes des voisins de table et des entrechocs de leurs bières goulûment remplies rebondissaient dans toutes les parois fragilisées de son cerveau, venant se mêler au chaos de ses pensées et l’intensifiant. C’était sans même parler de l’odeur de sueur qui était grande amie de tout bar qui se respecte, il était normalement temps pour Anastasiya de retourner à sa vie plus tranquille et reculée de tous ces inconveniants de la vie en société.

C’était impossible, elle devait insuffler cette force à son amie. Ce qui n’était plus aujourd’hui ne faisait que laisser place à quelque chose de meilleur, c’était le terreau providentiel. Dans la décomposition inespérée de toutes ces idées de destruction, de nouvelles idées verraient le jour dans de biens meilleures conditions. Anastasiya le savait, pour inspirer le monde et éveiller les esprits à de nouvelles façons de penser, elle aurait besoin d’être aidée, accompagnée. En aucun cas son idée de sensibiliser les gens à leurs propres intérêts ne devait interférer avec d’éventuelles amitiés ou solidarité, les gens étaient libres de faire ce qu’ils souhaitaient et si cela devait passer par ces liens si forts, c’était très bien, c’était leur choix.

« Ne crois-tu pas qu’il est temps d’ouvrir le monde vers de nouvelles aires ? L’esprit des gens est confiné depuis tant de temps pour des luttes de pouvoir qui n’en terminent pas. Nous devons être lucides, tout recommencera, comme toujours. Il faut savoir rester cohérent et croire que nous pourrons supprimer le mal de cette terre, cela serait insensé. Bien sûr que de nouveaux meneurs d’hommes viendront, évidemment qu’ils seront suivis par des moutons égarés. Mon but n’est pas d’empêcher cela. L’avenir meilleur passe par la pensée, pas par la violence. Il n’y a qu’une chose qui peut changer le monde. L’Eveil. »

Ce mot lui plaisait, il représentait tant de choses à ses yeux. Tout s’accordait parfaitement avec ce qu’elle souhaitait au monde. Le monde allait devoir cesser de se bercer d’illusions, éveil. Il fallait que le monde commence à réfléchir par ses propres moyens et repousser les limites de son esprit, éveil. Il était grand temps de grandir, de sortir de cet état renfermé dans lequel nous plongeait les biens penseurs, éveil.
Le chemin était tracé.

« Je veux parler aux gens, leur montrer que le monde n’est pas fait de deux couleurs. Je ne suis pas la plus maligne, la plus douée ou la plus éloquente des sorcières de ce monde. Je ne me posterai pas devant eux de la sorte. Chacun pourra s’exprimer comme il le souhaite, plus ils me contrediront, plus j’en serai satisfaite. Je ne veux pas que les gens soient d’accord avec moi, je veux qu’ils parviennent à se détacher de mes idées pour développer les leurs et devenir des gens entiers. Voilà ce que je veux dire par « prendre la parole ». »

Il n’y avait aucune raison de cacher le fond de sa pensée, encore moins à ce qui était aujourd’hui son amie.

08/06/2015

Le rideau qu'elle avait tiré sur le pas de sa conscience, en ultime rempart contre la désagrégation de son esprit, de son cœur malmenés par les événements qui s'éloignaient enfin, sans qu'elle puisse sans distancer réellement, appelait à être levé à nouveau. Le cocon rassurant des tâches quotidiennes, de la fadeur d'une vie faussement tranquille tombait en lambeaux – le ver grisâtre avait maturé et les contours de la noctuelle se distinguaient au travers. A la rentrée, elle ne pourrait plus faire mine de n'avoir rien ressenti, n'est-ce pas ? Ses connaissances viendraient lui remémorer Yvain, peut-être même se souviendraient-ils de sa proximité avec Cyril ou encore Gabrielle. Les procès étaient passés, cette fois. Son frère l'assurait d'une tendresse maladroite et mal accueillie, par l'enfant qui se refusait à souffrir, une nouvelle fois.
Ana était comme sa sœur, celle qu'elle s'était choisie. Et ses mots, à peine formulés, par ce qu'ils charriaient de sincérité et d'attention, bousculaient Harmony. Quelque chose avait actionné le déclic.

Et le projet d'Ana, à peine esquissé, lui donnait alors quelque chose à quoi se raccrocher. Elle ne pouvait exister hors d'un cadre établi, Harmony. Elle ne trouvait sa place dans aucun chaos. L'incompréhensible était pour elle d'une violence inouïe. Elle ne pouvait suivre sa propre baguette dans la nuit opaque. Il lui fallait des éléments solides, stables, pour s'y adapter, s'y couler et avancer.
Heureusement pour elle, son amie n'était pas comme cela. Sans dire pour autant qu'Harmony était idiote, ce n'est pas de cela qu'il s'agit, Anastasiya disposait d'un esprit libre et créatif, capable d'analyser au-delà du brouillard des incertitudes et de proposer des solutions, malgré tout. La blonde le lui enviait certainement et l'admirait tout autant. Aussi elle était animée d'une curiosité incompressible. Ana était une personne de confiance et ce qu'elle lui offrirait en lui expliquant ses ambitions, serait exactement ce dont sa cadette avait besoin.

Elle l'écouta avec attention, grimaça seulement quand Ana mentionna les nouveaux meneurs d'hommes. Elle eut ce rictus qui signifiait que par la position qu'elle s'attribuait, Anastasiya serait comptée parmi eux. Certains avaient tout simplement besoin de seconder, dans l'ombre. Ce n'était pas pour autant qu'ils manquaient de lucidité. Parfois, on s'en rendait seulement compte trop tard, une fois que la machine était lancée, ses rouages activés.
Elle fronçait les sourcils, son esprit embrumé et cotonneux depuis deux mois tentant de suivre le flot de paroles. La pensée, non la violence. Les deux étaient-ils contradictoires ? C'était bien là l'enjeu, non ?
« L'Eveil ? C'est... le nom que tu donnes à ton projet ? » demanda-t-elle, bien incapable de critiquer pour l'instant les plans de son amie. Elle ne le voulait d'ailleurs pas. Pas encore. Ce ne serait qu'une fois que sa place serait assurée au cœur de ce mouvement qu'Harmony avancerait ses pions.

Elle poursuivait, contredisait à voix haute ce que songeait la blonde. Harmony sourit. « Il te faudra des alliés. Des gens qui voient que la défaite de Voldemort ne suppose pas l'acquis sans questionnement de l'idéologie des vainqueurs. » Elle pencha la tête. « D'ailleurs, on est revenu au Secret. Pour le mieux, selon moi – on était pas prêt. Mais l'obscurantisme n'est pas loin, du coup. La démocratie sorcière, ça n'existe pas. » Elle était péremptoire, mais ne faisait que compléter, entrer dans le schéma de pensée de son interlocutrice. « Pas encore. C'est un beau projet. » concluait-elle en souriant. Idéaliste, certes, mais sans doute réalisable.

Anastasiya pourrait compter sur elle. Harmony apprenait de ses erreurs. Il le fallait, pour devenir parfaite et s'élever dans les arcanes de cette société – ou la suivante. S'attacher aux précurseurs, garantir leur réussite. Harmony avait trop perdu pour encore s'éclipser et elle ne pouvait lâcher, au-delà de ses vanités, sa seule véritable amie. C'était inconcevable.

29/07/2016

A mesure que ses mots sortaient de sa bouche, Anastasiya s’animait et engendrait de nouvelles phrases, prise dans l’élan de ses idées et de sa volonté. Il aurait fallu être aveugle pour ne pas percevoir l’énergie qu’elle transmettait à ses propos, elle y croyait, ça ne faisait aucun doute. De toute manière, son projet était trop grand pour se suffire de frêles épaules et de convictions friables. C’était pourtant la première fois qu’elle exposait réellement ses pensées, qu’elle matérialisait le souhait de lancer un véritable mouvement avec des événements qui en découleraient. Tout cela n’avait été que des idées s’accumulant dans le coin de sa tête, il était évident que cela finisse par exploser. C’était arrivé bien plus tôt que prévu, Anastasiya n’avait pas anticipé cette charge émotionnelle, ni même son ampleur.

Maintenant que les mots avaient été prononcés, elle ne pouvait plus reculer, la machine était en route. Au fond d’elle, Anastasiya ne doutait pas une seule seconde de ce qu’elle venait de faire : bien sûr c’était tout à fait effrayant de se lancer dans de tels projets, pour autant, l’annoncer à Harmony rendait les choses concrètes, ce n’était plus des simples divagations d’adolescente. C’était d’autant plus vrai que les propos de son amie allait dans son sens, comme prévu elle soulevait des problématiques qui devaient être abordées et, si possible, résolues. L’Eveil ne devait être fragile, il devait être évident et implacable : une véritable tempête qui viendrait emporter au loin toutes les conditionnements antérieurs pour faire placer aux rayons de la supériorité humaine et sa capacité à agir par ses propres moyens pour ses propres intérêts. Une ouverture d’esprit nouvelle qui ferait oublier tous ces groupuscules qui régnaient sur le monde.

« Je crois que cela correspond pleinement à ce que je suis et aux idées que je veux véhiculer à travers mes actions. »

Le nom lui-même était une évidence, elle n’en voyait pas d’autre. Pour tout dire, Anastasiya n’avait pas passé des heures sur la question. Si elle savait que c’était d’une importance capitale pour marquer les esprits, cela relevait simplement de la superficialité à ses yeux et pouvait donc attendre. Si changements il y avait à faire, elle préférait que cela soit dans les détails plutôt que dans le fondement même de l’Eveil.

Les réactions d’Harmony étaient exactement celles attendues par Anastasiya : elle était brillante. En quelques mots et un œil vif, elle avait convaincu son aînée : lui révéler son projet avait été une bonne chose. C’était la personne parfaite pour l’épauler, elle en était maintenant persuadée.

Au fond des yeux d’Harmony brûlait une flamme qu’Anastasiya se plaisait à observer lors de longues discussions. A ce moment très précis, elle s’y perdait et n’écoutait plus vraiment ce que lui répondait son amie. La journée n’avait pas été si mauvaise après tout. C’était un jour qu’elle n’oublierait pas et avec un peu de chance, ça serait le monde entier qui serait marqué par cette rencontre inattendue entre deux jeunes filles aux ambitions démesurées et à la volonté de fer.