Blessures, réveil et réalité

3 Juillet 97 – Aux alentours de 15h.

L’hôpital de Ste Mangouste n’avait rarement été aussi débordé que depuis cette semaine. La bataille qui avait fait rage à Poudlard avait marqué les esprits des sorciers, probablement à jamais. Comment avaient-ils pu s’attaquer à des enfants ? N’avaient-ils donc aucun honneur ? Aucune dignité ? Ceux qui avait choisi de soutenir le mage noir étaient à présent montrer du doigt, leur nom jeter dans la boue et les humiliations quotidiennes qu’ils subissaient n’enlever rien à la cruauté de leurs actions. Ça ne changerait rien à ce qu’il avait fait. Il y avait eu trop de mort, trop d’innocents tuer et les quelques survivants qui avait choisi l’autre chemin allait en payer les conséquences. Les conséquences de leur choix, de ce qu’ils avaient fait… mais aussi que ce que leurs « amis » avaient fait, ceux qui avait péris sous les explosions et les sorts.
Loin et en même temps proche de tout ça, Ste Mangouste était devenu un havre pour les survivants blessés. Comme une bulle loin des regards curieux. La presse, mais aussi les sorciers curieux étaient tenus à distance par des contrôles minutieux. Seul ceux qui avait assisté à la bataille et les familles des blessés, pouvaient accédés aux deux derniers étages de l’hôpital, réquisitionner exprès pour les blessés de la bataille.

Au dernier étage, dans la chambre C11, se trouvait l’une des blessés de la bataille. Couché sur un lit d’hôpital, dans les draps blancs,  les yeux clos et les traits tirés par la douleur malgré les potions anesthésiantes, Megan était toujours inconsciente. Elle ne s’était pas réveiller depuis la bataille et son dos, garderait à jamais les infâmes cicatrices que son grand cousin, Augustus Rockwood lui avait infligé, et ses dernières étaient loin d’être cicatrisées. Pour le reste, quelques écorchures en voie de cicatrisation avancés. Pour les guérisseurs, rien n’en pouvait justifier le manque de réaction de la jeune femme qui selon eux, aurait déjà du reprendre connaissance. Une situation inquiétante qui avait d’ailleurs fait venir son père des Etats-Unis, qui comprenait enfin ce que sa fille vivait en Angleterre. Il était resté à son chevet pendant 3 jours, et souhaitait voir sa fille transférée aux Etats-Unis et avait engagé un bras de fer avec les médicomages anglais. Le père de Megan venait toujours vers 16h, heure locale anglaise, il fallait dire qu’il avait des impératifs qui l’obligeaient à retourner tout les jours chez lui dans le Colorado.

Aujourd’hui, soit 8 jours après la bataille, la jeune femme ouvrit enfin les yeux aux alentours de 13h. Elle était désorientée, épuisée et souffrait atrocement à cause de son dos. Les médicomages s’étaient affréter autour d’elle pendant plus d’une heure avant de la laisser se reposer. Megan était seule dans sa chambre – pour le moment – et se souvenait de ce qui s’était produit. Une pointe de culpabilité s’empara d’elle. Elle avait cédé à la facilité, une fois de plus. Pour la bonne cause certes, mais elle avait fait preuve d’une violence effrayable face à Greyback et Yaxley. Le passé ne cesserait donc jamais de la rattraper malgré son désir d’aller de l’avant ? Fatiguée, elle repensa aussi à ses liens, Amaranthe qu’elle avait du effrayé par la violence de ses sorts, Siobhan allait-elle bien ? Et sa petite sœur, Mara était-elle sauve ? Clemens et Isolde était en stage à Poudlard au moment de l’attaque, avait-il pu s’enfuir ou faisait-il parti de la liste des victimes ? Et Dean? avait-il pris par au combat lui aussi? Etait-il vivant? Severus allait-il bien ? Etait-il vraiment du côté de Voldemort ? Même si elle ne pouvait pas se résoudre à y penser puisqu’il avait jurer de venger la mort de son unique amour et de protéger le fils de cette dernière. Oh, elle n’était pas vraiment jalouse, Ils n’avaient jamais eus de sentiment amoureux. A vrai dire, même s’ils s’appréciaient maintenant, il n’avait jamais été question d’amour entre eux, leur relation ayant juste évoluer par un accident de… potions… Elle priais pour qu’ils aillent bien, et laissa quelques larmes s’échappaient, faisant évacuer le stresse et l’angoisse qui l’habitait ainsi, ainsi que la douleur malgré les potions qu’on lui avait donné.
Il allait être quinze heures… Et elle était là, dans cette chambre blanche à penser à tout ça. A tout ce que ça impliquait maintenant, et ce qui en résultera plus tard…

Après s’être rendu au chevet de ses proches – et avoir été soumis à quelques vérifications quant au propre suivi de ses soins – Rowan se dirigea avec appréhension vers la chambre qu’il guettait depuis plusieurs jours. La dernière fois que ses pas l’avaient mené auprès de sa blonde camarade, l’absence ostensible de son esprit en ces lieux... L’avait légèrement bousculé.

Quelque part, au creux de sa conscience, il craignait de la perdre. Oh, peu importe qu’elle le détesta avec fermeté ; la haine n’était-elle pas un penchant refréné de l’attachement ? Tendresse stupide et volatile, à quoi pouvait-il bien songer ? Les relations n’étaient en rien des étaux manichéens ; tant bien même que certaines réflexions humaines le soient.

Avec prudence, il ouvrit la porte et se glissa dans la pièce. Du blanc. Encore. Toujours. De la même couleur que les pansements appliqués sur son torse et ses bras. Des cicatrices éternelles ; pourtant si superficielles en comparaison de ce qu’il avait mentalement vécu et enduré.

Le regard de l’ancien Serpentard s’arrêta sur la silhouette de Megan, dissimulée partiellement par les draps. Était-ce des larmes, le long de ses joues ? Un moment, il hésita, avant de murmurer. Troublé. « Megan... »

La douleur. L’inquiétude. Les larmes s’écoulaient sur mes joues sans que je n’essaye de les empêcher, sans que je ne veuille les retenir. De toute façon j’en avais plus la force. J’étais fatiguée physiquement, épuisée moralement. Lasse de tout garder pour moi, de prendre sur moi comme je l’avais fait jusqu’à maintenant. Et puis, j’avais tué, encore , me répétais-je obstinément. Outre le fait que Greyback est Yaxley avaient péris de ma baguette, je ne pouvais qu’être horrifié de n’avoir rien ressenti, comme si j’avais fais d’un acte abominable, un acte normal. Yaxley la vieille avait donc gagné ?

J’avais envie de partir, loin. Les médicomages m’avaient prévenu que mon père viendrait. Il venait toujours vers seize heures selon eux, avec le décalage horaire et le fait qu’il devait confier les garçons à quelqu’un. Les garçons. Si j’en avais eu la force, je me serai levé pour partir les retrouver, là maintenant. J’avais besoin d’eux. Ils étaient la raison de ma participation à cette bataille. Alors que mes pensées se bousculaient dans ma tête, et que mes larmes glissaient le long de mes joues, j’entendis une voix m’appeler. Sur le coup, je ne l’avais pas reconnu. Un peu déboussolée, je tournais la tête pour voir le nouvel arrivant et mon cœur manqua un battement.

Je tournais aussitôt la tête, m’essuyant les larmes d’un revers de bras avant de le regarder à nouveau, tentant de prendre un masque, et une voix glaciale « Qu’est-ce que tu fais là ? » demandais-je aussi durement que possible. Je me doutais bien que l’effet devait être lamentable. J’étais allongé sur un lit d’hôpital, le teint blafard et en plus… il m’avait vu pleuré. Non décidément, c’était le jeu de Merlin de me foutre dans ce genre de situation, ça devait bien le faire marrer.

Dans cet écrin de blancheur presque maladive, sa blonde camarade lui paraissait singulièrement pâle. Diaphane. Infiniment fragile. Alors qu’il l’avait toujours aperçu telle une guerrière ; de ses ardentes dames ailées, à la chevelure de nacre tressée et au bouclier divin. Une combattante comme on en voyait peu ; dévouée à sa cause et hargneuse. Une Gryffondor dans toute sa splendeur.

Les yeux teintés de larmes nouvelles et impossibles. De celles qui lui semblaient, pour le coup, difficiles à assimiler. À appréhender. Même la plus grande des reines qu’il puisse connaître en ce monde, portait son étendard de souffrance. Quel qu’il fut ; il était. C’était un fait. Tout et rien à la fois.

À la voir ainsi, plus humaine que jamais, il se sentit mal à l’aise. Il ne méritait guère d’assister à cette réalité somme toute vacillante ; au contraire, il y éprouvait un regret piquant. Comme si, en pénétrant dans ce havre, il salissait quelque chose.

Il volait une vérité. Un secret ?

Son hésitation vaincue par la peine – et l’empathie, cette affreuse faiblesse de son âme – Rowan se retrouva face à la vindicte légitime de son interlocutrice. Qu’est-ce que tu fais là ? Une interrogation cohérente et logique. Bien plus que sa propre démarche en cet instant, davantage portée par l’attachement que par la raison. Pourquoi s’était-il présenté à sa chambre ? L’inquiétude guidait irrémédiablement une part de sa décision ; la tendresse, une autre.

Qu’est-ce que tu fais là ? Cependant, il n’avait pas à se tenir dans cet endroit. Pas après leur échange pressant et tendu entre les murs de Haveirson. Pas avec la marque qui brûlait désormais son bras d’un culpabilité évidente.

Il eut un pauvre sourire. De ceux que l’on daigne afficher lors d’une défaite, face au triomphe de l’adversaire. Empreint d’humilité et de douceur. De bien piètres sentiments, lorsque l’on connaissait la teneur de ce qui flamboyait au-delà du masque. Cette lueur entêtante qui poussait chacun de ses pas vers autrui, peu en importe les écueils, les manquements et les hésitations. Continuellement.

« Tu me manques. » La longue absence de sa camarade l’avait rappelé à la fragilité de son humanité. La sienne, autant que celle de ses pairs. « Et je m’inquiète pour toi, Megan. » Des mots ; abandonnés au temps et à leurs consciences. Lâchés comme des larmes sur les plaies béantes d’un massacre effroyable.

Dire que j’étais ravie de le voir n’était pas tout à fait exact et je ne comprenais rien à sa présence ici. Il n’était pas sans savoir ma haine envers ceux qui avait l’ignominie sur leur bras. Et il l’avait. Je vivais son aveu comme un poison. Trahison. C’était le mot qui convenait. Je lui avais accordé ma confiance. J’avais baissé ma garde auprès de lui, et je m’étais pris son aveu comme une gifle. Non, un coup de poing. Certes, il était venu me prévenir des intentions de Voldemort, ainsi il avait trahi le Lord, mais ça ne changer rien au fait qu’il avait la marque sur le bras. Qu’il avait partagé les mêmes convictions que ses montres sans états d’âmes, et ça, c’était bien ce qui était impardonnable. Et aujourd'hui, il était là devant moi, droit comme un I, comme tout aristocrate qui se respectait, et il était... debout. indemne? Plus que ceux qui avait péri sous le joug de Voldemort et de ses fidèles en tout cas.

Mon regard durcit autant que je le pouvais malgré mon état et malgré la douleur qui me transpercée le dos. J’écoutais ses quelques mots lâchés. « tu me manques ». J’aurai aimé y croire, mais ma conscience me criait inlassablement ‘Mensonge’. Nous n’étions pas particulièrement proche pourtant, mais nous avions partagés certains moments difficiles qui soudés bien plus qu’il n’était donné de le dire. «  Et je m’inquiète pour toi, Megan » , nerveusement, je laissais partir un léger rire sans joie, à la limite d’un ricanement cynique. "Tu t'inquiètes pour moi?" répétai-je avec sarcasme. C’était une plaisanterie n’est-ce pas ? De très mauvais goût il fallait le reconnaître. Mon rire terne cesse alors que mes mains se crispent au drap tandis que mes doigts l’enserrent avec force. Une grimace de douleur traverse mon visage alors que mes yeux se ferment pour la contrôler. J’ai mal. J’évite de bouger, et la douleur s’atténue doucement. Ce n’est pas encore l’heure de boire ma potion calmante, je dois être patiente.

Mes yeux se rouvrent, et je regarde à nouveau Rowan. « Tu étais déjà l’un des leurs lorsqu’on est allé dans le labyrinthe ? » demandai-je durement.  J’avais besoin de savoir. J’avais besoin de savoir jusqu’ou j’avais pu être aveugle à ce point. Et de ce fait, une autre question me trotter dans la tête. Une question dont la réponse m’effrayait que j’osais à peine songer à la poser. Mais je devais savoir. Mes yeux sont une fois de plus embués de larmes, mais cette fois-ci, ce n’est pas à cause d’une douleur physique. Cette fois-ci, ce sont des larmes de tristesse, de colère, et de peur. Jusqu’ou avais-je été trompé ? « Est-ce que… » Oserai-je continuer ? Je marquais un temps d’hésitation, redoutant la réponse. Je cherchais le courage de poser cette question et je fermais les yeux  avant de lui demander « Est-ce que Clemens le savait ? ».

Et alors qu’un rire singulier venait inonder la pièce, la noyer dans un malaise toujours plus palpable, Rowan porta instinctivement ses doigts aux pansements soigneusement apposés contre son torse. Ce seul mouvement tira sur ses muscles défaillants, l’obligeant à se tendre davantage sans toutefois oser l’afficher. Au-delà des étoffes sobres et soigneusement coupées qu’il s’échinait à porter, les stigmates de la bataille persistaient. S’imprégnaient de sa peau et de son sang.

Elles seraient éternelles. Un rappel perpétuel de ses fautes. De ses égarements. À la manière d’une croix d’ébène, portée sur son épaule tout le long du chemin.

En silence, l’ancien Serpentard observa sa camarade lui répondre : puis souffrir. Il voulut s’avancer – mais quelque chose d’indistinct le retint. Ce n’était pas à lui de se tenir présentement aux côtés de sa blonde comparse. Ni maintenant, ni jamais. Il ne put que constater les dégâts infligés par Rookwood. Flagellum.

Un sortilège qu’il n’était pas prêt d’oublier, malheureusement. « Oui. Je... » Ses iris pâles et désolées glissèrent vers les bandages visibles. « Lorsque Rookwood a mené l’assaut contre toi, j’ai été le mettre hors d’état de nuire à la manière des anciens. » Avec une précision désagréable, il se souvenait de la chose. « Je regrette seulement que mon coup de genou n’ait pas été suffisamment rapide pour t’épargner davantage de souffrance. »

Il se tut un court moment, une main toujours posée contre sa propre poitrine. Suivant, indolente, le rythme lent de ses respirations. Un balancement à peine perturbé par la nouvelle interrogation. « On m’a infligé la marque en décembre, alors... Elle dévorait déjà mon bras lorsque nous sommes descendus dans le labyrinthe. Effectivement. » Y songer, aujourd’hui, lui paraissait être une épreuve souffreteuse.

Se remémorer sa mère ; son père ; son parrain ; lui déchirait le cœur. Les décès des siens s’imbibaient de son sang et de ses décisions. Leurs exécutions n’étaient ni plus ni moins que son fait. Le prix de sa trahison. Le début.

Clemens ? « Il a essayé de me tuer lorsque qu’il l’a découvert. »

Je le dévisageais avec une amertume non contenue sur le visage, observant chacun de ses gestes malgré mes yeux humides. Il était tellement égal à lui-même que ça me dépassait. Je me doutais qu’il n’était pas en forme, malgré les apparences trompeuses. Je me souvenais vaguement avoir vu ses vêtements sobre et luxueux en lambeau dans le hall, et du sang qui s’échappait de multiples plaies qu’il avait hérité d’un probable maléfice. Je ne doutais pas qu’il avait du souffrir, et qu’il souffrait encore malgré son air stoïque et droit.
Si la situation avait été différente, je me serais aussitôt enquise de son état de santé, parce qu’au fond, je m’inquiétais quand même pour lui, un peu… Mais je chassais ma compassion avec violence, me souvenait de ce qu’il était vraiment. Un mangemort. Je restais donc immobile à le regarder, durement, froidement. Mes mains posées doucement sur mes jambes que je ne sentais plus.

Il m’apprit malgré lui que Rockwood était responsable de mon état actuel, et je m’en voulu de ne pas l’avoir achevé dans les couloirs, lorsque l’occasion s’était présenté et que j’avais la situation en main. J’aurai du le tuer quand je le pouvais. Toutefois, je n’eus guère le temps d’y penser plus, puisqu’il m’avouait s’être battu à mains nues avec le mangemort. J’écarquillais les yeux de stupeur. « Tu l’as frappé ? A mains nues ? » lui demandai-je complètement stupéfaite. Pourquoi ne lui avait-il pas simplement jeter un sort comme tout le monde ? Je ne comprenais pas vraiment, ni le pourquoi, ni le comment, mais je n’en restais pas moins stupéfaite. Rowan se battre au corps à corps c’était tellement irréaliste, surtout face à une carrure comme Augustus.
Je l’aurai sans doute félicité si une fois de plus, la situation avait été différente. Malgré son cte de bravoure (Ou de stupidité selon les points de vue), cela n’enlevait à rien le sentiment de trahison que j’éprouvais depuis qu’il m’avait révélé ce qu’il était. Je lui avais accordé ma confiance, malgré le nom qu’il portait, malgré son rang. J’avais fais confiance au jugement de Clemens et j’avais voulu croire en Rowan. Je l’appréciais vraiment, et le sentiment de colère n’en était que plus grand. La sensation que l’histoire se répétait m’apparaissait être une évidence. Et je me sentais une fois de plus, complètement perdue.

J’avais été dupée depuis si longtemps. J’avais mis ma vie entre ses mains, aveuglement même, lorsque nous nous étions aventurés dans le labyrinthe. Je me sentis mal rien qu’à l’idée que j’avais pu lui donner ma confiance. J’aurai voulu lui faire payer ça, mais je restais immobile, une fois de plus. Et Clemens l’avait su ? Mon sang se glaça. Clemens savait. Et il m’avait laissé dans l’ignorance. Les paroles de Rowan furent pire qu’un venin et je fermais les yeux, souhaitant que tout ceci de soit qu’une vaste comédie. La douleur psychologique que j’éprouvais surpassé même la douleur lacérant de mon dos, vestige des affrontements de la bataille. « On ne peut pas dire qu’il a été efficace, tu es toujours vivant » constatais-je froidement. « Et dire que je pensais que tu étais différent au point de t'accorder ma confiance…Tu as de la chance que je ne puisse plus marcher, sinon je me serai fais une joie de te botter le cul. » ajoutai-je durement en plantant mon regard aussi coléreux que triste dans les iris céruléennes de l’aristocrate. « Pourquoi tu es venu me trouver à Haveirson ? Comment savais-tu que je faisais parti de l’Ordre du Phenix ?» finis-je par demander curieusement me demandant si un certain professeur n’était pas responsable de l’aveu. Après tout, je n’en avais jamais parlé à Clemens, ni à lui, alors c’était étrange. Même s'il connaissait mon côté un peu casse-cou, je ne voyais pas pour quelle raison il était venu me chercher moi et Ama, plutôt que quelqu'un d'autre.

« En effet, je l’ai fait. » Une telle chose, venant de sa part, lui semblait être toujours aussi impromptue. Singulière. Déconcertante. Et, en toute lucidité, clairement inhabituelle. Lui, l’héritier idéal et – autrefois – idéalisé de l’aristocratie sorcière, s’était laissé gagner par une vindicte instinctive et risible. Certes, certains coups avaient été parés par son cruel aîné ; mais ils n’avaient pas empêchés l’ultime sentence.

Le souvenir parvint à l’extirper temporairement du malaise ambiant. Oh, il ne s’agissait guère d’enorgueillir la violence. Seulement... Elle avait été libératrice, pour le coup. Cathartique. « Je dois t’avouer que je n’ai pas l’habitude d’user ainsi de mon genou. » Et, de voir ensuite Amaranthe mener la fronde contre l’attaquant. Le frapper. Le mettre hors d’état de nuire.

La dureté des traits de sa blonde comparse le ramena à la réalité de leur entrevue. Quoi qu’elle n’en était pas réellement, maintenant qu’il s’intéressait à la chose. Elle ne l’avait jamais convié. Au contraire. Il s’était purement et simplement invité pour l’observer. Réfléchir. Prier, également. Peu en importe les dieux acclamés en silence.

Tu es toujours vivant. Rowan se contenta de plisser ses lèvres en une fine ligne. Regrets et appréhensions mêlés ; sans pour autant se vouer définitivement à la culpabilité. Il avait fait ce qu’il fallait, selon lui. Le prix avait été chèrement jeté à son visage – et il attendait désormais de faire face au reste. Le procès.

Au moins n’avait-il tué personne. C’en était une lumière réconfortante, lorsqu’il devait calmer ses angoisses et les cauchemars purement épouvantables de ses nuits. « Mieux vaut que les choses soient telles qu’elles sont. Ma mort aurait été bien trop coûteuse pour nous tous. » Il avait fauté ; mais le sang sur ses doigts n’étaient pas de sa volonté. Le carmin déplorable était davantage le résultat de sa trahison que de ses sortilèges. Quant au reste... Décédé, il douta sincèrement de son utilité.

Effectivement. Il devait s’accrocher à cette pensée avec fermeté ; la vie lui était infiniment préférable aux méandres inconnus de l’au-delà.

Sans ciller, Rowan écouta le long flot des accusations de sa camarade. Il n’y trouva rien à redire ; jusqu’à la nouvelle interrogation. « Je le sais depuis un certain temps, à dire vrai. Si ma mémoire ne me fait pas défaut, tu as attaqué mon parrain, en janvier. » Il se tut, soudainement. Un élancement souffreteux vint taquiner sa constance à la mention du disparu. Ni le premier, ni le dernier, hélas. « Je ne connaissais pas les détails de la mission. Je ne m’en suis même pas mêlé... Toutefois, tu as été reconnue par les participants. Et... Le sortilège que tu as employé... »

En un geste las, ses doigts quittèrent la proximité de ses bandages pour venir quérir son front. « Je pensais qu’ils déliraient, très sérieusement. Je n’ai jamais entendu parler d’un pareil maléfice. Pourtant, sur Yaxley... C’était bien le même, n’est-ce pas ? » Il soupira, éreinté par ce qui le poussait à dépasser outrageusement les limites qu’il s’était initialement fixé. « De toute façon, cela n’a plus d’importance. Ils sont tous décédés. »

Son regard pâle et tourmenté quitta sa retraite pour détailler l’hostilité extatique de Megan. « Je préfère me consacrer au pardon plutôt que la vengeance. D’autant que je... Commence à comprendre pourquoi tu as employé cette mystérieuse magie. »

Rowan avait toujours eu cette retenue, ce côté intouchable presque inébranlable que dégageait la noblesse sorcière. Il n’avait jamais une parole plus haute que l’autre. Chaque geste semblait précis, méticuleusement pensé, comme si le hasard n’avait pas sa place dans ce monde ou seul les apparences importaient. Alors l’imaginait jeter cette partie de lui aux oubliettes et laisser l’instinct primaire prendre le dessus, c’était aussi surprenant que… touchant. Et puis … Quoi ?! J’avais bien entendu ? Je le regardais complètement ébahie par sa révélation. Il avait usé d’un coup de genou, dans les bijoux de familles si précieux aux sang-purs ? J’en restais muette d’admiration et de stupéfaction. Si j’avais pu me lever, je l’aurais sans doute embrassé. Contrairement à ce qu’on pouvait penser, donner un coup de genou aux endroits stratégiques n’étaient jamais simple – Mais je ne partirais pas sur des explications par A + B, parce que sinon on y sera encore demain - . « Tu lui as donné un coup de genoux dans les… » je m’arrêtais, n’arrivant vraiment pas à y croire. Rowan avait bien trop de retenue et d’éducation pour en arriver à ce niveau de violence, n’est-ce pas ? Mais visiblement, il ne plaisantait pas.

Je ne répondis rien au sujet de ça possible mort. Je lui en voulais tellement, mais en même temps, est-ce que je souhaitais pour autant sa mort ? Il s’était retourné contre les mangemorts avant la bataille, peut-être était-ce une raison pour lui pardonner son secret ? Je ne savais clairement pas quoi pensé, et les calmant des potions qui faisait effet m’empêcher de penser le plus correctement possible.

Il me parla de l’attaque de janvier. Krockwell. Nous avions été interrogés sur sa mort par les aurors au début du mois de juin, Quinlan et moi. Des soupçons s’étaient portés sur nous mais nous nous en étions sortis sans trop de dommage. Il faisait parti des mangemorts qui nous avaient attaqués à 5 ou six contre deux ? Mes poings se serrèrent avec force en me rappelant de cette attaque. « Jusqu’à preuve du contraire, c’est eux qui nous ont attaqués, à 5 contre 2… » dis-je durement. Mais je me tus. Le sortilège que j’avais employé. Le sectusempra. Un sort extrêmement violent, cruel même.
Le rapprochement qu’il avait fait à propos du sort qu’avait reçu Yaxley me rappela que trop bien ce que j’avais fais. J’acquiesçais d’un signe de tête, le regard fixant un point invisible derrière Rowan en repensant au sang que j’avais sur les mains. « C’est le même » admis-je dans un murmure.

Tous décédés ? Mes yeux se fermèrent face à l’horreur de ses mots, me rappelant fatalement à quel point j’avais pu perdre le contrôle de moi-même. A quel point la violence qui m’habitait avait gagnée. Les dernières paroles de Rowan me firent rouvrir les yeux pour plongé mon regard azuré embués de larmes dans les iris sombres du Sinistros.
« Tu comprends ? Vraiment ? Alors explique-moi pourquoi ? Parce que ça me dépasse moi-même ! » dis-je simplement en tentant vainement de retenir mes larmes.

Je détournais le regard, honteuse de me laisser aller ainsi, surtout devant lui. Je ressentais le besoin de me justifier, même si rien n’en pourrait excuser l’usage des sorts que j’avais employé.

« Je suis capable de loupé un simple leviosa alors que je ne rate jamais le maléfice qui a privé Yaxley de sa vie. C’est pas faute d’avoir essayé de changer… Même Fitzsimmons a essayé de m’aider à… utiliser des sorts normaux… Mais… Dans les situations extrêmes, comme l’autre jour… Je n’y arrive pas. Je cède toujours à… la facilité, ça me demande moins d’énergie, moins de concentration et moins de réflexion. C’est… instinctif. » soufflais-je doucement. « Mais ce n’est pas compréhensif Rowan. Ca ne peut pas l’être. » Le pardon, la vengeance ? Des mots qui rythmés ma vie depuis que j’avais huit ans. « Le pardon ? Est-ce que… tu t’es pardonné à toi-même ? » Lui demandai-je doucement.

Je bougeais en m’appuyant sur les mains pour éviter le frottement du dos alors que mes jambes demeuraient malgré moi, immobile et je m’arrachais quand même une grimace de douleur. Malgré tout je ne le comprenais pas. Il était pourtant pas le sang-pur dans toute sa splendeur. Il en avait peut-être l’éducation mais il m’avait semblé qu’il n’avait aucunement adhérés aux principes de la pureté du sang, alors… pourquoi ?

« Pourquoi Rowan ? Pourquoi as-tu la marque ? Pourquoi les as-tu rejoins? Tu crois vraiment à la supériorité de ton sang ?» m'enquis-je non sans une certaine appréhension de la réponse.

« Oui. » Et, il avait beau se sentir bercé par un malaise certain, la formulation employée par sa blonde camarade l’obligea à sourire. Exprimer, ce qui semblait être, une once d’égayement contenue à ce souvenir pour le moins décadent et bestial. En effet, il n’en éprouvait aucune fierté : la violence avait toujours été un outil fallacieux et d’une bassesse incomparable à ses yeux inquisiteurs.

Néanmoins, la situation ne lui avait pas laissé le choix. Sa baguette d’orme se mourrait – et était aujourd’hui définitivement éteinte – et il n’avait guère le temps d’appeler à l’aide ses aînés. Sans compter qu’il se mouvait, à ce moment précis, grâce à l’adrénaline. En dépit de la souffrance et de l’épuisement, c’était elle qui guidait ses pas et ses décisions ; c’était elle, plus que la raison, qui l’avait mené à affronter Rookwood au corps-à-corps.

En venir aux mains était une marque de faiblesse indicible. Pourtant, quelque part, l’ancien Serpentard trouvait le paradoxe agréablement ironique. De ceux, complètement invraisemblables, qu’il se voyait mal soutenir face à ses pairs aristocrates – quoi que la rudesse de ces derniers était désormais condamnée à l’extinction. N’est-ce pas ?

Peu à peu, il revint à sa position quiète et attentive ; prêtant attention aux propos de sa comparse, tant vis-à-vis de l’escarmouche de janvier que de ce qu’il soupçonnait.

Un sortilège épouvantable, aussi pernicieux et effrayant que bien d’autres maléfices tirés des méandres noirs de la magie. C’est le même. Il acquiesça en retour, silencieux dans l’ondulation soutenue de ses réflexions. Il ne connaissait pas exactement l’incantation employée – à dire vrai, il ne l’avait jamais lu dans un seul ouvrage. Ni entendu dans la bouche des mangemorts. Cependant, les plaies soudaines et sanguinolentes de Yaxley restaient gravées en un coin de sa conscience.

Un tel sortilège devait être d’une rareté incomparable.

« De ce que je vois, tu agis de sorte à préserver ta vie. C’est  une réaction somme toute logique et légitime. Et face à des disciples des Ténèbres... Sachant ce dont ils sont capables, je comprends. Je comprends et je ne juge pas. » Une interrogation vive et piquante lui brûla les lèvres : comment connaissait-elle une magie si destructrice ? Elle, une si jeune étudiante en médicomagie ? Il s’approcha, prudemment. Tout en l’écoutant.

Il s’immobilisa à la mention de son propre regard sur ses actes. En effet. « Beaucoup de culpabilité brûle en moi, vis-à-vis des choix que j’ai fais. Malheureusement, je ne peux pas changer le passé... Alors j’essaie de me concentrer sur le présent. » Il pensait pouvoir se jouer du Seigneur des Ténèbres ; il avait eu tort. Et ceux qu’il avait souhaité préserver... Étaient morts, pour la plupart. Exécutés par les mangemorts.

Le prix de la trahison.

Pourquoi ? Il s’extirpa avec difficulté de ses regrets. « Non. J’ai cessé de croire à la pureté du sang... Il y a déjà plusieurs années. » Et le sourire bienveillant de sa génitrice, en pleine consultation de médecine moldue, lui revint. Une image diaphane. Lointaine. Définitivement arrachée au monde par un sombre assassinat. « C’est assez déconcertant d’y penser, en vérité. Tout le monde est persuadé du contraire, à mon sujet. Pourtant... Je crois que j’ai bel et bien aimé Anna Delflandre. » Pandore ; il avait enfin ouvert la boîte. Il avait enfin accepté la souffrance engrangée par l’abandon ; et il la laissait s’estomper, désormais. « Autant que je suis attaché à Novenka. » D’un geste lent, ses doigts glissèrent précautionneusement vers sa manche dissimulant le sceau de l’infamie. « Il serait aisé de dire que je n’ai pas eu le choix. Que j’ai été capturé et traîné tel un prisonnier vers leur repaire. Même si de tels faits sont vrais, la réalité est plus implacable : entre être exécuté ou survivre coûte que coûte, j’ai choisi ce qui me paraissait être le meilleur chemin à suivre. » La marque des Ténèbres. « Je n’ai pas eu le courage de me sacrifier. J’ai préféré, lâchement, rester en vie pour tenter de protéger mes proches. »

Il détourna le regard. « Ils ont remarqué, assez vite, la médiocrité que j’avais à employer la magie noire. J’en ai été incapable. » Pas même un doloris. « J’ai eu l’audace de croire qu’ils se laisseraient berner. Je me suis fourvoyé, hélas. Car, dès ma trahison, ils ont exécuté plusieurs membres de ma famille. Ils se doutaient du vacillement de mon allégeance. » Il se tût, un instant. « J’ai été sot de croire être en mesure de ruser plus finement que le Seigneur des Ténèbres. »

J’avais beau l’avoir entendu, je n’arrivais simplement pas à l’imaginer. Rowan Westminbrook jeter aux oubliettes son éducation et sa retenue et laisser l’instinct prendre le dessus. Alors oui, savoir que Rowan était simplement comme n’importe quel autre jeune homme était dés plus troublants mais pas moins normal. Je le regardai, comme si c’était la première fois que je le voyais vraiment.

Ses paroles m’atteignirent vraiment. Plus que je ne l’aurais pensé d’ailleurs. Il faisait preuve d’une ouverture d’esprit incomparable. En un sens, je l’admirai. Il pouvait pardonner avec aisance alors que j’en étais totalement incapable. Du moins pas avec aussi peu de recul. Et puis, j’allais vivre avec ce que j’avais fait sur la conscience.

« Je devrais regretter ce que j’ai fais à Yaxley pourtant… C’est pas le cas… » avouai-je à mi-mots. « En un sens, c’est plutôt ironique ce qui lui est arrivé… » ajoutai-je avec l’esquisse d’un sourire sans saveur. « C’est lui et sa sœur qui… M’ont appris la plupart des sorts que je connais. » admis-je douloureusement.

J’avais payé le prix de la trahison de ma mère. Sara Zabini avait été une mangemort avant qu’elle ne tombe enceinte. Son mariage avec Jonathan O’Neill, bien qu’arrangé, lui avait permis de revenir dans le droit chemin, du moins durant un temps. Il avait suffit de la disparition de Charlie pour faire voler en éclat toute une famille.

J’écoutais Rowan me parlait d’Anna, puis de Novenka. Il me semblait qu’Anna était une né-moldue quant-à Novenka, elle était présidente de la confrérie d’Abraxan, bien que je ne la connaisse pas. Je n’étais pas du genre à m’intéresser à ce genre d’élection bidon et sans intérêt et je ne voyais pas en quoi être président de confrérie avait de l’importance pour plus tard.

Et je commençais à comprendre pourquoi Rowan était devenu l’un des leurs.

« - Ta famille ? Ils ont tués tes parents ? » m’enquis-je aussitôt.

Je soupire. Rowan n’a pas eu une année tranquille lui non plus.

«-Aucun sort de magie noire ? Tu n’en connais pas ou bien tu n’arrives pas… » demandai-je doucement, bien que j’optais pour la seconde solution.

Duper le seigneur des ténèbres. Il avait de la chance d’être toujours vivant. La dernière personne qui avait tenté de doubler le seigneur des ténèbres pour devenir le nouveau mage noir n’avait pas eu cette chance. A cette pensée, mes doigts se crispèrent au drap. Tigurius.

« -Tu as fais ce qui te semblait le mieux sur le moment. » lui dis-je, « Et on ne peut pas te blâmer d’avoir un instinct de survie » ajoutai-je doucement.

Je n’en restai pas moins amère. Loin de le blâmer pour avoir survécu, je le blâmais pour ma faiblesse. Celle de lui avoir fait confiance alors qu’il avait la marque et de ne m’être aperçu de rien. J’avais tellement envie d’apprendre à être normale, que j’avais baissé ma garde et donner ma confiance à quelqu’un qui m’avait dupé.

Après avoir lâché – petit à petit – ses propres aveux dans l'atmosphère malaisée et chancelante de la chambre ; des confessions qui lui brûlaient la langue tant il s'était enlisé et perdu dans des écueils grandiloquents ; il se rendit compte que cet échange tournait progressivement vers quelque chose d'imprévu.

Ses écarts n'étaient plus seuls à être nommés, ici bas. Ceux de sa blonde camarade, qu'il se refusait définitivement à juger, se joignaient aux siens. Yaxley. L'ancien Serpentard se contenta d'observer son interlocutrice en silence, le temps d'assimiler les propos menés à mi-voix. « Je ne pense pas... Que les regrets soient de mise, pour le dénommé Yaxley. » Et, alors qu'il s'échinait à insuffler un peu de douceur à son ton, une énième information vint frapper sa conscience.

Que devait-il réellement déduire des allégations de Megan ? Une ondée singulière s’immisça en lui, tandis que les rouages de son esprit tournaient avec vélocité. Les pièces qui s’emboîtaient désormais dans l'immense fresque qu'il se représentait, ne laissaient présager que des ombres et des malheurs. N'est-ce pas ? « Tu as fais ce qu'il te paraissait juste. Plus personne n'aura jamais à souffrir de ses enseignements. » Quels qu'ils soient.

Ils ont tués tes parents. En lui, son sang se tordit dans la douleur ; mais Rowan se refusa à l'afficher. À se laisser gagner par les larmes amères et furtives qui fuyaient ses joues en des heures plus nocturnes. Il ne put que baisser le regard – et s’astreindre à un néant réconfortant. « Ils ont été assassinés, oui. » Et, en vérité, il avait beau vouloir se montrer résilient : sa bouche tremblait avec la souffrance d'un enfant, dès lors qu'il en venait à prononcer de tels mots.

Assassinés. Une trahison, envers le Seigneur des Ténèbres, payée au prix fort. Celui du sang. Toujours.

Une nouvelle interrogation glissa entre eux, il voulut se reprendre brièvement ; mais il n'y parvint guère. Fixer le vide. Encore. Contenir les images, les pleurs et les condoléances loin du présent. Bon sang, il ne devait pas se laisser corrompre par le malheur – trop de choses dépendaient de lui. Il soupira, secoua la tête et tenta de se reprendre. « J'en connais, en effet. Seulement... Je suis incapable d'exécuter de véritables maléfices. » Il se tut un court instant. « Dès lors qu'ils visent à blesser intentionnellement quelqu'un, ma propre magie... Je ne peux pas. Je n'y arrive pas. Megan C'est au-delà de ce que je suis capable de tolérer. »

Détruire. Déchiqueter. Anéantir. Même les entraînements avec son défunt parrain n'avaient pas été concluants. De telles horreurs... Son empathie ne pouvait pas s'en accommoder. Un long moment, il s'abandonna aux langueurs de ses réflexions. Jusqu'aux paroles de grâce de sa camarade.

Rowan acquiesça. « Nous avons beaucoup de choses à blâmer pour obliger notre jeunesse à  se diriger vers de telles décisions. » Et, distraitement, il songea à ses plans. À ses longues conversations avec sa sœur – Daphné. L'aristocratie était moribonde et insalubre ; gavée à s'en étouffer de la haine. La sauver ne suffirait peut-être pas. Carwood n'avait-il pas eu raison, après tout ? « Seule la justice en décidera. Toutefois... Je t'en remercie, Megan. »

Ses iris céruléennes quittèrent leur retraite pour se poser sur les traits éprouvés de sa blonde comparse. Pourvu qu'ils puissent changer l'avenir de leur peuple.

Pas de regrets ? C’était facile pour lui de dire ça, il n’était pas responsable de sa mort. Autant je ne regrettais pas, autant la culpabilité m’assaillait quand même, sournoise et implacable. S’il y avait une chose dont j’étais certaine, c’est que j’aurai aussi culpabilisé si je l’avais épargné parce que je savais ce dont il était capable de faire, et je ne voulais pas que quelqu’un d’autre vive ce que j’ai vécu. Il ne restait plus que la vieille Yaxley, la sœur aînée maintenant et ce n’était pas non plus un cadeau. C’était elle qui tirait les ficelles, vicelarde et démoniaque comme elle était et j’avais deux solutions qui s’offrait à moi. Soit je la dénonçais aux aurors aux risques de m’attirer les soupçons d’eux, soit je m’occupais moi-même de la vieille. Deux options peu réjouissantes, alors je me donnais le temps de réflexion. De toute façon, la seule option que je pouvais utilisé pour le moment était la première, la seconde était impossible tant que je serai paralysé.

-Oui, c’est déjà ça.

Rowan avait raison, personne d’autres n’aurait à subir ses enseignements, et c’était toujours ça de gagné qui allégeait un peu la culpabilité qui me tiraillait quand même. Mais aussi étrange qu’il était de se confier à mi-mots l’un à l’autre – Je n’avais pas oublié qu’il s’était bien foutu de moi -, j’en retenais qu’on avait malgré nous, quelque chose en commun. Celui d’avoir subi , plus que vécu l’année qui s’était écoulée, voir même bien plus…

-Mes condoléances pour tes parents…

Je n’étais pas vraiment douée pour exprimé ce qui ressemblait à des sentiments ou de la compassion. J’avais toujours eu pour principe de ne rien montrer, de peur de ne plus me contrôler. Ecouter Rowan sur ses capacités me broyait pourtant le cœur. De savoir qu’il avait accepté la marque, mais qu’il n’était pas capable de faire le moindre mal, c’était tellement contre-nature. Et je le jalousais un peu d’avoir ce genre de limite, moi qui en était totalement dépourvue.

-Si tu connaissais tes limites… pourquoi n’es-tu pas allé trouver Dumbledore ? Il t’aurai aidé…

Je haïssais Dumbledore. Beaucoup. Et dans ma voix, cela se ressentait. Pourtant s’il y avait quelqu’un qui aurait pu lui venir en aide, c’était bien ce vieux dingo. Et Rowan ne pouvait pas l’ignorer. Tout le monde savait que Voldemort avait peur de Dumbledore – Même si ça l’a pas empêché de se pointer à Poudlard et de démolir le château et ses occupants – alors je comprenais pas comment Rowan avait pu accepter ça.

-La justice ?

Qu’entendait-il par là exactement ? j’avais été dans le coma pendant plus d’une semaine, et je m’étais réveillé seulement quelques heures auparavant et malgré la fatigue qui s’emparait de moi, je voulais comprendre. Les deux heures qui avait suivi mon réveil je n’avais pas pu posé beaucoup de question, puisque les médicomages étaient occupés à me faire des examens pour en conclure que j’étais paralysée.

-Tu vas être jugé ? comment ça ce fait?

Je n’étais pas certaine de vouloir connaître la réponse, mas ma curiosité gardé quand même le dessus et mon inquiétude pour lui – Et aussi pour moi il fallait le reconnaitre – n’était que grandissante.

HRP:

C'est déjà ça. Il acquiesça avec une douceur évidente vers sa blonde camarade. Loin de se douter des réflexions houleuses de cette dernière – lui-même ayant déjà fort à faire avec les siennes. Les choses étaient loin d'être aisées à considérer désormais, quoi qu'il s'échina à ne pas s'affliger une culpabilité trop lourde. Celle évoquée précédemment ; et qui s'abattrait sur lui quelques semaines plus tard. Imprévisible et écrasante.

Main céleste de la justice et de la pénible quittance de ses écueils.

Condoléances. Instinctivement, il détourna le regard. La plaie était encore vive et suintante d'une souffrance grinçante. Ses parents, fauchés par la haine démesurée des ténèbres dans le même temps que son parrain. Une leçon, détestable mais nécessaire, pour qu'il ne s'ose plus jamais à de pareils égarements. Un camouflet du destin – bien plus comparable à un coup-de-poing, en vérité – amplement mérité.

Rowan haïssait cette idée ; néanmoins, elle n'était pas complètement fausse. Le prix à payer était lourd – il l'avait toujours su, même dans sa tentative presque désespérée de tromper Celui-Dont-On-Ne-Prononce-Plus-Le-Nom.

« Je t'en remercie. » Et il murmurait, bas et tremblant en dépit de son armature nonchalante. « Ils reposent en paix, désormais. » Je me réconforte de la sorte. Au moins.

Le néant ne manquait pas de se magnifier comme un refuge révéré ; toutefois, Megan en revenait aux questions intempestives. Logiques. Cohérentes. Notamment par le biais de celle qu'il redoutait plus que les autres. Dumbledore. « Je... Je ne sais pas. Je n'ai pas osé, je crois. » Il avait été bien trop présomptueux. Assuré de triompher dans cette valse lugubre et vacillante. À tort. « Je me suis comporté tel un idiot, je pense. »

Même si de tels mots prêtaient à sourire, la réalité derrière ne l'était pas. Il soupira, las. C'est là qu'ils en revinrent aux derniers propos avancés. Le procès. Autant se montrer honnête et conclure sur cette affaire-là. Le temps ne lui appartenait décemment plus... Et il risquait de lui manquer sous peu. « En effet. Je me suis rendu aux autorités sorcières, après la bataille. Toute cette mascarade … Il était temps que cela cesse, Megan. Le mensonge est un outil formidable, j'en conviens... Mais lorsqu'il s'apparente à de la traîtrise, il se pare d'une indécence abjecte. Je n'en veux plus. » En converser s'avérait délicat. Douloureux.

De nouveau, Rowan se tut. Cette fois-ci, son regard pâle quitta sa retraite pour se porter vers l'Abraxan. « J'espère que tout ira pour le mieux, de ton côté. Tu mérites amplement la paix et la quiétude, Megan. » Et, petit à petit, il s'arracha fermement à cette contemplation. Mieux valait se retirer tant qu'il lui restait suffisamment de distance. « Si j'en ai l'occasion, je te porterai des fleurs avant ton départ de Sainte-Mangouste. » Il s'éloigna, lentement, vers la porte. Fuir était une optique peu reluisante ; tout comme  faire tourner court cet échange. Mais il n'avait pas le choix. Il n'était pas encore prêt à tout se dire – à tout entendre. Et il ne souhaitait guère encombrer l'espace pour la visite suivante. « Reposes-toi. »

Avant de quitter la pièce, il esquissa un pauvre sourire. Pardon mêlé de tendresse. « A bientôt, Megan. »

Puis il se déroba à la vue de sa blonde camarade.

J’avais de la peine pour Rowan. Il subissait malheureusement les conséquences de ses choix volontaire ou non. J’ignorai ce qui devait être le pire pour lui. Être dans l’attente sans savoir ce qu’il adviendra, ou voir toute cette affaire étaler en public, parce que c’était certains, le nom des Westminbrook allait être traîné dans la boue, par la presse, mais aussi par toute la communauté sorcière.

Ses parents avaient étés des victimes de la folie de Voldemort, mais n’avaient-ils donc jamais été complices ? Rowan pouvait peut-être vouloir sauver l’honneur de son défunt père ou sa défunte mère. Cela en valait-il la peine ? Ou peut-être que ses parents n’avaient rien à voir avec les agissements des mangemorts, mais j’en doutais fortement. Ils réposent en paix, a moins qu’ils étaient coupables d’abominables actes et le paieraient dans l’au-delà. Je m’abstiens toutefois de lui en faire la remarque, jugeant qu’il n’avait pas besoin de ça.

Je ne disais rien, me contentant d’écouter Rowan. Il aurait pu aller trouver Dumbledore lorsqu’il était dans l’impasse, mais n’en avait rien fait. Il savait que j’étais une membre de l’Ordre depuis des mois et n’était jamais venu me trouver. Pourtant ce n’était pas les occasions qui avaient manquées puisqu’on s’était retrouvé plusieurs fois seuls à seuls. Cela ne fit que raviver ce sentiment de trahison que j’avais éprouvé au début, lorsque Rowan m’avait annoncé brusquement son appartenance. Et même si j’étais compréhensive sur ce qu’il vivait, je lui en voulais quand même. Rowan s’apprêter à prendre congé lorsque je pris la parole.

-Non Rowan, j’aimerai que tu ne reviennes pas.

C’était dit. J’avais besoin de prendre de la distance avec lui. Il connaissait mon appartenance à l’Ordre depuis des mois et je lui avais accordé une confiance aveugle. Je m’étais fait avoir. Il s’était bien joué de moi, et je me sentais stupide de ne rien avoir vu. J’en voulais autant à Rowan qu’à moi-même. Je me tournais donc vers la fenêtre, laissant Rowan quitter la pièce.