Retrouvailles de rentrée - Libre

Le voyage dans le Poudlard Express avait apporté son lot de rencontres... surprenantes. Alexandre était resté seul dans sa cabine le début du trajet, comme s'il avait été convenu pour tout un chacun que l'éviter était le mot d'ordre pour la rentrée. Après tout ça n'aurait rien de surprenant. D'étranges rumeurs circulaient sur lui, son passé et les cicatrices que son corps portait. Il aurait aimé pouvoir couper court à tous ces bruits de couloirs, les faire taire mais la seule façon aurait été de... raconter la vérité. Et ça, à y réfléchir, c'était bien pire que d'entendre des élèves parler à propos de lui sans savoir. Mais la suite du voyage avait été plus mouvementé. Des élèves l'avaient rejoint dans son wagon et, si au départ il avait été trop prit au dépourvu pour répondre -admettons le, il était aussi intimidé par le caractère de se première visiteuse- il avait par la suite tenté de faire de son mieux pour paraître normal. Car c'est ce qu'il avait toujours désiré, au fond de lui. Sembler banal. Au point de se fondre dans la masse. Au point de disparaître et passer inaperçu, quand tant d'autres rêvaient de se démarquer et d'être reconnus. Dans l'ensemble, il jugeait ne pas s'en être trop mal sorti. Les cours n'avaient pas encore commencés et le jeune Poufsouffle avait déjà parlé à quelqu'un. A plusieurs personnes, même. C'était une avancée pour lui qui, l'année précédente, avait passé la première semaine sans prononcer un mot ou presque.

Une fois la voyage en train terminé, tous les élèves s'étaient réunis dans le hall. Cela semblait être la tradition, bien qu'il n'en soit pas bien sûr. Après tout, il n'était à Poudlard que pour la seconde année. La répartition des nouveaux élèves s'était déroulée et le polonais n'y avait pas prêté grande attention. Puis ensuite le repas. Alexandre était assis en bout de table, légèrement éloignés des conversations. Il avait tenté de manger sans culpabiliser mais le souvenir de son frère et de sa soeur était trop frais dans son esprit pour réussir. Certes, il aurait pu profiter du festin de la rentrée pour tisser de nouveaux liens mais il estimait avoir rempli son quota avec les élèves du Poudlard Express et que, pour cette raison, il pouvait s'accorder un peu de tranquillité.

Dès que quitter la table fut possible, le garçon se leva de son banc pour tenter d'être dans les premiers à se diriger vers la sortie mais de toute évidence, les autres étaient pressés, certainement envieux de découvrir les changements opérés dans le château depuis sa reconstruction. Lui voulait seulement retrouver le calme de son dortoir mais, devant l'agitation des Poufsouffle et des Serpentard se rendant dans les sous-sol, il préféra rester en retrait. Tant pis, il arriverait le dernier dans la salle commune mais au moins, il n'aurait pas à braver une marée humaine pour cela.

De longues minutes s'écoulèrent avant que enfin, le brouhaha s'apaise puis disparaisse enfin. Se levant de son abri de fortune, une marche sur laquelle il s'était assis, il s'étira et regarda autour de lui. Il était tard à présent, mieux valait ne pas traîner sous peine de recevoir une sanction. Dès le premier jour, c'était à éviter. Mais il aimait la quiétude qui régnait à présent dans le hall. Sans attendre plus longtemps, il prit enfin la direction de la salle commune des Poufsouffle. Le chemin et le mot de passe n'avaient pas changé, heureusement. Une fois à l'intérieur, l'élève se détendit quelque peu. Il avait beau ne pas se sentir chez lui à Poudlard, sa maison était tout de même un endroit agréable. On ne pouvait nier que les élèves, pour la plupart, faisaient preuve d'une bienveillance particulière et qu'ils étaient parmi les plus compréhensifs et patients. A choisir, il n'aurait pas pu espérer une meilleure répartition. Et, pour les qualités précédemment citées, il ne comprenait toujours pas comment il avait bien pu atterrir avec de tels élèves car ne leur ressemblaient pas, lâche et solitaire comme il était.

Mais à peine le temps de faire quelques pas qu'une vision du passé l'accueilli. Un passé pas si lointain. Cela remontait à la fin de l'année précédente. Elle se tenait là, dos à lui mais grâce, ou plutôt à cause de son reflet dans la vitre, il pouvait l'identifier. Meolian. A la sortie d'un cours -métamorphose, il me semble- cette dernière l'avait bousculé, le faisant trébucher lui et toutes ses affaires. Bien évidemment, il n'en avait pas fallu plus pour que les élèves rivent leur regard sur lui et commencent à chuchoter. Il avait été le centre de l'attention durant quelques secondes et ça, il ne pouvait le supporter car cela le gênait au plus haut point. Alexandre ne voulait pas qu'on le remarque ! Sur le coup, faute de meilleur coupable, il en avait voulu à la poufsouffle et ne s'était pas privé pour lui signaler, lui parlant méchamment. Alors qu'au fond, il savait qu'elle n'y était pour rien. Que ce n'était pas voulu. Mais tous ces regards sur lui, cette pression, l'impression d'être jugé... Il n'avait pas supporté.

Elle l'avait vu, il en était certain. Elle pouvait le voir dans la vitre aussi clairement qu'il l'a voyait. Même s'il avait envoyé une lettre pour lui demander pardon et qu'elle lui avait assuré qu'il n'y avait pas de problème, lui ne s'était toujours pas pardonné lui-même. Elle lui adressa la parole, d'un ton doux et ses mains devinrent moites. Elle ne lui en voulait vraiment pas. Une preuve encore, s'il en fallait, qu'il n'avait pas sa place chez les Poufsouffle. Il n'était pas comme eux. Pas aussi bienveillant.

« Mes vacances étaient agréables, merci. » Alexandre mentait, bien sûr. Ses vacances étaient bien loin d'avoir été ne serait-ce que sympathique. Retrouver son oncle avait été très difficile, même si revoir son frère et sa sœur avait été un grand bonheur. Mais Alexandre était passé maître dans l'art du mensonge et n'allait pas se priver de mentir à sa camarade pour protéger son secret. Encore une action loin des idéaux de Poufsouffle. « Et les tiennes ? »

Elle enchaina en lui parlant de sa réaction de l'année précédente et il serra les dents. C'était prévisible, il s'y attendait mais tout de même. Tenta de relâcher les muscles de sa mâchoire, il répondit.

« Ne t'en fais pas, je comprend parfaitement. C'est naturel. Encore une fois, j'en suis désolé. »

Toujours de dos, regardant dehors, Meolian sentait sa présence, il était toujours distant ; en la voyant, elle avait remarqué qu'il avait cesser d'avancer. Etait-ce de la crainte ? Elle ne pensait pas ;de la défiance ? Peut être ? Elle se forçait à se détendre ; ne pas montrer son malaise, tendre la main vers l'autre. Après tout... pourquoi pas. Il était bien étrange, toutefois il était dans la même famille qu'elle, les Poufsouffle, sa seconde famille.

Cet été, elle avait retrouvé son frère qui avait disparu après la querelle de trop avec leur père. L'improbable s'était produit, le retour du fils prodigue. Comme quoi tout était possible dans ce monde cruel. Elle avait perçu dans la voix d'Alexandre une hésitation toutefois au moment de ses réponses et ses mâchoires s'étaient contractées lors des excuses orales ; elle se retourna et lui dit « excuses acceptées, je tâcherai de ne plus te bousculer » avec un clin d'oeil. Sa voix était posée en prononçant ces mots ; elle l'avait dit d'un ton enjoué pour le persuader de cette vérité.

Elle même, cette rentrée, elle la prenait comme une nouvelle vie, un changement d'attitude, une prise de confiance en elle et un objectif à atteindre, vivre sa vie, aider les autres. A regarder Alexandre, il lui semblait toujours aussi distant, seul ; cette attitude était déstabilisante mais Meolian n'avait plus peur, pleine d'ambition et d'une volonté nouvelle retrouvée. Hormis cette bousculade à la sortie du cours de métamorphose, jamais ils ne s'étaient adressé la parole. Elle restait déstabilisée par son silence et sa solitude. Il se débrouillait en toutes circonstances pour se retrouver seul.

En quatre ans, elle en avait fait des maladresses, poser les questions trop tôt, déranger ses interlocuteurs. Cette rencontre impromptue dans la salle commune était probablement un signe pour elle. Elle ne voulait pas rendre Alexandre plus renfermé qu'il ne l'était déjà. Mais que lui dire pour le mettre en confiance, faire en sorte qu'il lui parle et qu'ils apprennent à se connaître ?

Elle le regarda dans les yeux et lui adressa un timide sourire ; « et si on redémarrait sur de bonnes bases ? On efface l'ardoise et on recommence ? » ; elle se dirigea vers d'autres plantes dont elle prenait soin. Ces dernières semblaient avoir ressenti le climat ambiant, la tension électrique présente dans la salle et peut être son malaise qu'elle cherchait à occulter. « tu sais Alexandre je ne te connais pas, j'ai intégré cette école il y a 4 ans, très maladroite tant en parole qu'en actes ; aujourd'hui mes défauts se corrigent petit à petit mais j'ai toujours quelques faiblesses. Mais je me pose la question, si elle te gêne dis le moi tout de suite, comment se fait il qu'en 4 ans je ne te connaisse pas ? »

Après tout, que risquait elle en posant cette question  ? Alexandre pouvait simplement lui répondre que ça ne la regardait pas et ils enchaîneraient sur un autre sujet ou retourneraient simplement dans leur dortoir respectif. Les mains de Meolian étaient moites, elle sentait une goutte de sueur perler dans son dos ; le silence dans la salle commune était pour ainsi dire cruel.

Elle avait nettoyé il lui semblait au premier abord tous les pots en cuivre de la salle. Prenant son courage à deux mains elle se plaça à quelques mètres d'Alexandre qui n'avait pas bougé. Les yeux bleus de Meolian se plantèrent alors fixement dans ceux d'Alexandre dans l'expectative d'une réponse. Autour d'eux plus un bruit, les autres élèves devaient tous être couchés ou pas loin d'y être, ils étaient seuls. Face à lui campée sur ses deux jambes, armée d'un courage qu'elle ne se connaissait pas elle attendait une réponse.