Nouvelle année

Klaus traversa le mur, poussant son chariot devant lui, et atterrit sur la voie 9 3/4. Il s'employa à chercher un compartiment vide dans le Poudlard Express, qui se remplissait peu à peu d'élèves en route pour une nouvelle année à l'école. Le jeune homme trouva finalement une place dans le dernier wagon et s'installa.

Klaus fut tiré de ses pensées par le bruit d'une porte qui s'ouvre, celle de son compartiment. Le jeune homme releva machinalement la tête, et croisa le regard de... son regard ? L'esprit de Klaus fit un effort monumental pour se tirer de l'engourdissement causé par le choc. Pouvait-ce être Johanna ? Non, impossible. Elle avait disparu, on la disait morte. Klaus fixa la jeune fille qui se trouvait devant lui, et qui ne semblait pas l'avoir reconnu. Aucun doute n'était permis, c'était elle ou bien son double. Klaus se gratta le front, perplexe, étourdi. Même dans ce monde-ci, voir des personnes mortes était le signe précurseur de la folie. Il n'y avait qu'un moyen de vérifier.

"Johanna ?" demanda-t-il presque en riant, non de bonheur, mais de nervosité, de l'absurdité de la situation.

Klaus ne répondit pas immédiatement. Le sourire qu'il avait voulu esquisser s'était transformé en grimace, et il ne savait comment réagir face à cette situation, perdu dans un tourbillon de pensées et de sentiments contradictoires. Johanna, Johanna qu'il avait tant chérie, et qui était partie sans laisser un mot, sans une explication, sans nouvelles pendant des mois, le laissant dans la plus totale confusion, souffrant des rumeurs qui la disaient morte, mais ne pouvant y croire complètement... Johanna qu'il avait aimée, détestée, puis refoulée dans un coin de son âme. Toute la souffrance endurée transforma soudain le visage de Klaus, qui devint fermé, presque glacial.

"Qu'est-ce qui t'a pris ?" Ce furent les seuls mots qu'il put prononcer, lourds de colère, d'incompréhension.

Klaus acquiesca d'un vague hochement de tête, sans cesser de fixer Johanna, qui semblait sincèrement navrée. Klaus se savait coupable également, elle ne serait jamais partie peut-être s'il avait été plus présent, plus à l'écoute. Mais il ne pouvait pas ne pas lui en vouloir. Les longs mois de souffrance et d'incompréhension étaient encore trop récents. Elle disait l'aimer trop pour vouloir le faire souffrir, elle l'avait fait pourtant... Klaus ne sut que répondre, partagé entre l'envie de se réjouir du retour de Johanna et celle de se lever et de changer de compartiment.

"Tout le monde te croyait morte..." dit-il finalement, son visage toujours froid et distant. "Tu aurais pu... Je sais pas... envoyer un hibou..."

Le train s'ébranla, les portant vers une nouvelle année à Poudlard. Klaus fixa les yeux d'amande de Johanna, troublé par cet hologramme de son amour d'autrefois, si similaire et à la fois si différent, image merveilleuse gâtée par la rancune.

"C'est de ma faute aussi, de ma faute surtout, peut-être... Le problème n'est pas là..."

Klaus savait qu'il parviendrait à pardonner à Johanna, mais retrouverait-il jamais la même tendresse envers elle ? Il avait passé des mois, mois d'insomnie et de torture, à tenter d'effacer son image qu'il voyait partout, à refouler ses sentiments, si bien qu'il y était plus ou moins arrivé.

Klaus se montra indifférent aux brusques signes de tendresse que Johanna manifestait, sans la repousser, mais sans y répondre. Tout cela était tellement confus. Il avait l'impression que ce qu'il vivait là n'était pas réel, car son esprit à lui raisonnait par la logique, et en toute logique Johanna ne pouvait être là près de lui, puisqu'elle était morte. Le jeune homme se dégagea le front d'un geste de la main, écartant les cheveux emmêlés qui lui tombaient devant les yeux, comme si cela aurait pu lui rendre les idées plus claires.

"Je pense qu'il vaut mieux qu'on ne se voie pas un moment, d'accord ?" dit-il sans brusquerie, plutôt en espérant que Johanna le comprendrait.

Klaus sentit son estomac se nouer. Il fut tenté de se lever, de prendre Johanna par les épaules et de lui dire qu'il était désolé, qu'il avait besoin de temps, qu'elle devait le pardonner. Il fut tenté même de la prendre dans ses bras, d'arrêter le temps et de la serrer contre lui, mais son esprit était comme englué dans du marshmallow. Dans un effort suprême, il parvint à détacher son dos de la banquette, et à se tourner vers Johanna qui s'apprêtait à sortir. Ses dents se déserrèrent comme pour dire quelque chose, mais il se fit violence. Il avait besoin d'un break. Finalement, il se rassit en se laissant aller en arrière, sans retenir Johanna.