Blonde un jour, blonde toujours...

Les cours de la journée étaient terminés depuis plusieurs heures, et le couvre-feu venait tout juste de sonner, lorsque Clara se rendit compte qu'elle avait oublié sa baguette magique en cours de potions.

Franchement, il y avait de quoi se frapper la tête contre un mur. Clara se savait étourdie, certes - bon ok, très, très, très étourdie - mais là, quand même... Oublier de racheter des rouleaux de parchemins, c'était de l'étourderie, oublier de souhaiter son anniversaire à quelqu'un, c'était de l'étourderie, oublier de mettre sa culotte, c'était de l'étourderie ; oublier sa baguette magique, c'était comme oublier d'emporter son cerveau, ce n'était plus de l'étourderie, mais une tentative de suicide. Surtout en des temps pareils. Les nerfs en pelotte, croisant les doigts jusqu'à s'en faire mal, pour que personne n'ait eu l'idée d'emporter sa baguette magique - ce qui revenait à exiger un miracle - Clara descendit les escaliers le plus vite possible en direction des cachots, tentant en même temps de faire le moins de bruit possible, car à cette heure-ci et depuis le nouveau règlement de Rogue, les élèves étaient censés être dans leurs dortoirs, sous peine de sanction.

En arrivant dans les cachots, Clara se dirigea vers la porte de la salle de cours et poussa la poignée. Par bonheur, la salle était ouverte et vide. Etouffant un soupir de soulagement, Clara aperçut sa baguette magique posée sur le bureau du professeur. Mais alors qu'elle s'apprêtait à aller la chercher, un rire moqueur retentit derrière elle, et Clara sentit son corps se refroidir tout d'un coup. Peeves venait de la traverser, et avant que la jeune Gryffondor ait pu faire un geste, il avait récupéré sa baguette magique et jonglait avec, affichant son air le plus goguenard.

"PEEVES ! RENDS-MOI CA TOUT DE SUITE !" cria Clara, que la colère avait fait rougir jusqu'aux oreilles.

Frank se retourna en entendant un cri. La voix lui rappelait quelqu'un, et elle venait de la salle de classe de potion. Frank hésita quelques secondes à aller voir, premièrement le bruit provenait peut-être d'un professeur, et deuxièmement, il avait peut-être alerté également d'autres personnes. Mais quelque chose qui ne changerait jamais chez Frank était son incroyable curiosité, et son envie de tout savoir. Le Poufsouffle vérifia que son sortilège de désillusion était bien en place et il courut vers la classe. Il n'était pas très loin, et ça ne lui prit pas longtemps pour atteindre l'endroit et découvrir ce qui se passait.

Il se figea un moment, devinant ou il avait déjà entendu la voix. C'était Clara Sawyer, celle qui avait faillit le tuer. Depuis l'incident, il ne l'avait pas revu, et c'était peut-être mieux comme ça. Il ne savait pas trop ce qu'elle pensait de lui, si elle lui en voulait pour le duel et l'incident du placard. En tout cas, Frank s'en voulait un peu. Il avait compris que c'était de sa propre faute si Clara l'avait attaqué, et il espérait plutôt repartir à zéro. Avec ces bonnes résolutions, il pointa Peeves.

« Accio baguette »

La baguette vola jusqu'à lui, alors que Peeves semblait assez mécontent. Frank la lança vers Clara, tout en gardant sa baguette vers le spectre. Après tout, il était assez difficile de se débarasser de Peeves. Frank tentait de fixer Clara le moins possible, ils avaient des choses à se dire, mais plus tard.

« Dégage Peeves, sinon tu risquerais de le regretter. »

Clara crut qu'elle allait exploser. Ses joues s'étaient embrasées, et son regard bouillait de cette rage typique de l'impuissance, sans cesse grandissante à mesure qu'elle voyait Peeves jubiler. Non seulement elle en aurait pour des heures de trappe-trappe avant de récupérer sa baguette - en admettant qu'elle la récupère un jour - mais en plus, Peeves ne manquerait pas de réveiller tout le château pour dénoncer sa petite promenade nocturne. Au bord de la crise de nerfs, Clara, dont il fallait bien admettre qu'elle n'avait pas une once de patience, s'apprêtait à prendre de dépit le premier objet qui lui passerait sous la main pour le lancer à la figure goguenarde de Peeves - ce qui serait non seulement tout à fait inutile, mais ne ferait qu'augmenter le plaisir sadique du fantôme - lorsque soudain, la baguette magique s'envola des mains de Peeves. Clara tourna alors la tête et aperçut... Frank Evans. Evidemment. A chaque fois qu'elle était dans une situation délicate et humiliante, il était forcément là. Mais alors que la jeune Gryffondor s'attendait à ce que Frank en profite amplement pour la narguer, celui-ci lui envoya sa baguette magique, sans cependant lui lancer un regard. Surprise, Clara l'attrappa au vol, et vit avec de plus en plus d'ahurissement que Frank cherchait à chasser Peeves. Probablement dans le but de l'humilier encore davantage. Bien sûr, Clara ne pouvait nier que cette fois-ci, il avait pour cela des raisons parfaitement compréhensibles. Après tout, elle avait tenté de le tuer. Il n'empêche que si Frank avait eu la moindre petite idée des remords lancinants et insupportables qui l'avaient consumée depuis, il aurait probablement vu qu'il n'avait même pas à se donner la peine de la punir.

Alors que Peeves partait d'un nouveau rire moqueur, visiblement de plus en plus amusé de la situation - car après tout, il lui suffirait de crier pour les dénoncer tous les deux - Clara poussa un soupir exaspéré et pointa sa baguette magique fraîchement récupérée sur lui.

"Oh, la ferme... Silencio !"

Le rire de l'esprit frappeur s'évanouit dans le vide et il porta les mains à sa gorge transparente. Visiblement, ce sortilège-là fonctionnait très bien sur les fantômes. Peeves jeta un regard noir aux deux jeunes gens et s'enfuit en traversant un mur. Un silence marmoréen se fit dans la salle, Clara fixant le sol avec une attention toute particulière. Ce fut elle qui rompit le silence en premier, en toussotant.

"Hm. Je crois qu'on devrait partir d'ici, il ne va pas tarder à revenir avec le concierge..." fit-elle froidement, sans pouvoir se résoudre à regarder Frank.

Clara ne semblait pas non plus vouloir le regarder. C'était impossible de savoir si elle était en colère contre lui ou non, même après le départ de l'esprit frappeur, car elle regardait fixement le sol. Un silence s'installa dans la salle, que Frank ne réussit pas à briser. Il ne savait pas du tout quoi dire à Clara, par ou commencer. La Gryffondor lui fit remarquer qu'ils devraient s'en aller, sans toutefois le regarder. Frank ne se dirigea pas vers la porte, il fixait Clara avec insistance, pour qu'elle comprenne qu'il voulait lui parler. Finalement, il fit quelques pas en directions de la porte avant de se retourner. Tant pis pour Rusard, il ne viendrait sans doute pas.

« Tu sais, je voulais te dire que... Je suis désolé. »

Bon, c'était un bon début. Et Clara devait sûrement comprendre maintenant ce qu'il voulait dire. Ce qui ne l'empêchait pas de sentir mal à l'aise, malgré la détermination qu'il avait à avoir cette discussion avec Clara. C'était certainement la dernière discussion qu'ils auraient avant un moment, alors Clara devait savoir qu'il ne lui en voulait pas. Bon, il avait eu peur sur le coup, mais c'était évident qu'elle n'avait jamais voulu le tuer.

« Pour tout, tu sais : Pré au lard, le duel, le placard, le gâteau... Je n'ai pas été toujours été très juste avec toi, et je voulais m'en excuser. Je crois qu'on fond, on se ressemble assez toi et moi, et c'est pourquoi on a de la difficulté à bien s'entendre. »

Frank faisait évidemment référence au caractère bouillant de Clara et de sa témérité. Il y a quelques années, Frank était en tout point identique, sinon pire. Heureusement, il s'était calmé et était maintenant assez responsable pour prendre du recul dans ce genre de situation. Bien que Clara n'avait pas toujours eu un comportement exemplaire, il n'avait pas été mieux, et ça le tuait de l'admettre. Frank tentait maintenant de fixer les yeux de Clara, afin de voir sa réaction.

« Je te propose de faire la paix. »

Un nouveau silence s'installa, sans qu'aucun des deux jeunes gens ne fit un pas pour s'en aller. Evidemment, Frank s'attendait probablement à ce qu'elle lui fasse des excuses, pour la dernière fois, dans les cuisines. Il ne manquerait plus que ça. Non, il pouvait toujours attendre, elle ne lui ferait pas ce plaisir, jamais.

C'est alors que Frank prit la parole. Et ce qu'il dit surprit si grandement Clara qu'elle se demanda sérieusement si elle n'était pas tout simplement en train de rêver. Que Frank s'excuse, c'était une chose. Que Frank lui fasse des excuses à elle, à la limite, c'était encore plausible. Mais qu'il s'excuse pour des choses dont la faute leur revenait à tous les deux, et qui n'étaient de toute façon rien, comparé à ce qu'elle lui avait fait, c'était au-delà de ce qu'elle aurait pu imaginer, même dans un rêve des plus fous. Et Clara eut tellement honte soudain qu'elle se prit à souhaiter de toutes ses forces qu'il ne s'agissait réellement que d'un rêve, qu'elle allait se réveiller très bientôt. Dire qu'elle avait évité Frank dans tout le château pour épargner à son orgueil de devoir lui présenter des excuses, dire que même alors qu'il venait de l'aider contre Peeves, non seulement elle ne le remerciait pas, mais en plus, elle trouvait encore le moyen d'éviter de s'excuser. Elle était indigne d'une Gryffondor, indigne encore plus des excuses que Frank lui présentait, de la paix qu'il lui proposait.

"Non... Evans... C'est à moi de m'excuser..." fit-elle enfin, les joues rouges, son bel orgueil rentré dans sa tanière la queue entre les pattes. "Et j'aurais dû le faire depuis longtemps... Je n'ai aucune excuse." dit-elle, fixant toujours le sol avec intensité.

Elle n'avait guère l'habitude de parler en toute sincérité. Mais alors, pas du tout. Il lui fallut encore quelques secondes avant de craquer enfin.

"Je suis tellement désolée !" dit-elle, secouant la tête. "Je te jure, pas une seconde, jamais, je n'ai sérieusement envisagé et souhaité ta mort, jamais..." dit-elle, et le souvenir de Frank étendu sur le sol, les yeux dans le vide, lui donna un frisson. "J'étais déja à bout avant même que tu n'arrives, et le gâteau..." fit-elle en lui jetant un regard noir, "Peu importe. J'ai eu si peur..."

Sa voix avait progressivement pris un ton tremblant qui l'aurait surprise elle-même, si elle avait été en état de réfléchir. La dernière fois qu'elle avait ainsi déballé ce qu'elle avait sur le coeur remontait à... très, très loin. Bien sûr qu'elle avait eu peur, aussi difficile que c'était de se l'admettre à elle-même. Pas peur de finir ses jours à Azkaban, ni d'être vue pour toujours par ses proches comme un assassin, ni d'être consumée de regrets jusqu'à la mort. La première chose qui lui était venue à l'esprit quand elle avait cru qu'elle avait tué Frank, c'était "je ne le reverrai plus jamais...".