Chère famille...

Les cours du mercredi après-midi venaient de se terminer ; il était seize heures. Griffonnant rapidement ses devoirs en sortilèges, Malva rangea ses affaires en quatrième vitesse avant de se précipiter hors de la salle de classe, comme s'il y avait un incendie dévastateur à l'extérieur.
Le mercredi, c'était le jour des lettres. Celui où elle écrivait à sa famille. Et la jeune Gryffondor ne manquait jamais, jamais à cette règle d'or. Courant presque, elle gravit les escaliers quatre à quatre. Jusqu'au cinquième étage, il y avait un bon bout de route, mais l'effort en valait la peine ; fort heureusement, à ces heures-là les escaliers et corridors étaient plutôt calmes, et avec un peu de chance elle n'aurait pas à demander son chemin à des fantômes ou des élèves plus anciens, potentiellement mal intentionnés.

Une fois arrivée en haut, essouflée, elle sortit une feuille de parchemin et son encrier de son sac, et alla s'installer à la table d'écriture mise à la disposition des élèves. Sous les ululements inquisiteurs des chouettes et hiboux, elle commença à écrire :

Chers parents,

C'est avec grand plaisir que j'ai reçu votre lettre ce matin. Ma première semaine à Poudlard ne se passe pas trop mal, Shell veille sur moi, mais ça ne diminue en rien l'inquiétude que j'ai pour vous. Alors comme ça, les aurors moldus sont venus perquisitionner chez nous hier... papa a bien fait de s'en occuper, j'espère que d'autres ne viendront pas à leur place. Peut-être devrait-on faire pareil avec tous les moldus qui vivent à proximité de chez nous ?... Les temps sont trop dangereux, de toute évidence chez gens ne nous veulent aucun bien, et...

- Zut !

Malva s'interrompit dans son écriture. Plus d'encre. Contrariée, elle fronça les sourcils et jeta un coup d'oeil aux alentours. La salle commune des Gryffondor n'était vraiment pas loin, cinq minutes à peine et elle serait de retour avec une nouvelle bouteille d'encre. Prenant sa décision, elle lança un regard d'avertissement aux volatiles pour éviter qu'ils ne se soulagent sur la lettre, puis s'éclipsa, laissant la missive sur la table.

Quand elle ouvrit la porte dix minutes plus tard, son coeur manqua un battement dans sa poitrine. Elle se figea sur le pas de la porte, aux aguets. Un instrus était là ; et cette personne avait lu la lettre.

Aux abois, Malva referma doucement la lourde porte en bois qui séparait la volière du reste du château, plus pour s'assurer que personne d'autre n'entrerait que pour empêcher les volatiles de circuler dans toute l'enceinte du château.
Elle eut un long moment de silence, se donnant le temps de la réflexion, puis s'approcha doucement de la table d'écriture, roula soigneusement la feuille de parchemin et la mit derrière son dos, comme si ça pouvait permettre d'effacer le mal déjà commis. Elle évita soigneusement le regard de la jeune fille en face d'elle : elle ne voulait pas lui montrer son trouble, elle devait jouer très prudemment désormais, réparer ce qui pouvait l'être.
La fille en face d'elle, qui venait de Poufsouffle, était incontestablement plus âgée qu'elle. Mieux valait éviter de la froisser, elle ne faisait pas le poids face à elle. Poufsouffle, qui plus est, était la maison de Poudlard qui regorgeait le plus de sorciers d'origine moldue. Il fallait être doublement prudente.

- Hum... qu'est-ce que tu as vu, au juste ? demanda-t-elle d'un ton distant, regardant toujours ses pieds avec obstination.

En entendant sa réponse, Malva blêmit et se mit à trembler. C'était trop, beaucoup, beaucoup trop. La jeune fille en face d'elle, une Poufsouffle, donc potentiellement d'origine moldue ou sympathisante, savait, à minimum, qu'elle considérait les moldus comme dangereux ; et que si elle les appelait ainsi, c'était également qu'elle avait des origines purement sorcières.
Elle se recula et s'appuya contre le mur de pierre, dégoûtant à cause des volatiles, pour se soutenir. Pour la première fois de sa vie, elle ne prit même pas gare à salir ses vêtements faits dans les tissus les plus luxueux possibles. Un grand trou, une immense plaie béante s'était creusée dans son estomac. Elle venait d'arriver à Poudlard depuis une semaine, et elle avait déjà trahi sa famille comme une idiote. Elle aurait donné tout, n'importe quoi, pour revenir un quart d'heure en arrière, et emporter la lettre avec elle avant de la laisser en plan... mais le mal était fait. Il ne lui restait plus qu'une seule solution envisageable.
Pour la première fois, elle leva son interlocutrice des yeux baignés de larmes. La jeune fille était assez mignonne, elle avait de grands yeux verts et un joli visage en forme de coeur encadré par des mèches de cheveux bruns qui lui tombaient souplement sur les épaules. Elle n'avait pas l'air méchante.

- S'il-te-plaît, murmura-t-elle les lèvres tremblantes en la fixant droit dans les yeux, s'il-te-plaît... ne parle de ça à personne... s'ils l'apprenaient, ils... ils...

Malva renifla et se passa la main sur les yeux pour les essuyer d'un geste furieux. Elle ne s'en était jamais autant voulu. Son interlocutrice était mal à l'aise, elle le sentait bien, et n'avait pas l'air méchante, mais comment s'assurer qu'elle pouvait réellement lui faire confiance ? Elle ne connaissait même pas son nom et venait tout juste de faire sa connaissance ! À l'heure actuelle, Hermione Granger était peut-être la personne avec qui elle avait le plus échangé à Poudlard, ce qui montrait à quel point Malva était solitaire puisqu'elle avait dû parler avec cette dernière une heure tout au plus, et elle lui avait à peine fait suffisamment confiance pour lui parler de sa collection de simples et de poudres. Personne à Poudlard n'était au courant de son ascendance, sauf, eh bien... cette inconnue. Les promesses signifiaient énormément aux yeux de la jeune Gryffondor, alors elle ne prenait pas ces paroles juste prononcées à la légère, mais qui lui disait que ce genre de promesses étaient aussi importantes aux yeux de la Poufsouffle ?

- Je... tes parents, ils sont... enfin, je veux dire... ils... tu as... quelles origines ?...

Une question que jamais Malva ne se serait permise de poser avant, parce qu'elle n'aimait pas qu'on la lui pose. Elle ne s'était jamais sentie aussi humiliée de toute sa vie, et aurait aimé que ses parents soient là pour lui dire quoi faire. C'était une situation beaucoup trop délicate.

- Je pense que je n'ai plus vraiment besoin de te le dire..., répondit-elle avec un sourire sans joie.

Cette situation avait beau la mettre mal à l'aise, curieusement elle éprouva un curieux sentiment de soulagement qui augmenta sa culpabilité ; pour la première fois qu'elle était arrivée ici, elle n'avait pas eu à inventer un prétexte foireux pour détourner la question. Dommage que ç'ait été avec une parfaite inconnue...
Elle ajouta, d'un ton sincèrement désolé :

- Je m'excuse, mais je ne peux pas te faire confiance. On ne se connaît même pas, et je pense que tu comprendras naturellement que ton ascendance représente un grand danger pour ma famille. Qui sait, peut-être que certains de tes proches éloignés sont en train de la menacer en ce moment même...

Malva fut désarçonnée par la franchise de son interlocutrice, mais elle l'apprécia également. Quelqu'un qui aurait voulu gagner sa confiance à tout prix aurait pu lui dire que sa famille ne risquait rien et que les moldus étaient tous gentils, mais la Poufsouffle elle avait opté pour l'honnêteté, et la jeune Gryffondor lui en savait gré.
Répondant à sa question, Malva eut un sourire forcé et désigna l'insigne cousu sur son uniforme d'un signe de tête.

- Mais le choixpeau a failli m'y envoyer, ajouta-t-elle. Pourquoi ?

De toutes les maisons, Malva avait l'impression que cette maison faisait énormément parler d'elle, et elle était curieuse de savoir pourquoi, d'autant plus qu'elle y serait déjà si elle ne s'était pas instinctivement tournée vers les Gryffondor, pour une raison qu'elle-même ignorait.

- Ah... peut-être que j'aurais eu ma place là-bas moi aussi, alors, répondit-elle simplement.

Malva songea qu'il était étrange de faire des maisons basées sur la naissance des élèves ; elle avait toujours entendu parler de Poudlard comme d'une école assez diversifiée et humaniste, et se rendait compte qu'en réalité il semblait y avoir des maisons prédestinées pour les sangs purs, comme Serpentard, et d'autres pour les sorciers ayant des origines moldues, comme Poufsouffle. Elle ne savait pas vraiment ce que valaient ces Serpentard, elle n'avait que passablement rencontré leur préfet, Draco Malefoy, et cela n'avait duré que quelques minutes à peines. Il avait paru étrange, relativement perturbé, mais n'avait pas été excessivement incorrect avec elle.

- Mais... ils sont vraiment tous comme tu le dis ?