Quand la musique est la seule échappatoire...

La rage qu'elle ressentait en cet instant n'avait rien de comparable. Jamais elle n'avait été aussi en colère. Elle avait même fait peur à sa chouette qui était partie courroucée. Mais Calista n'en avait cure. Elle jeta la lettre qu'elle venait de recevoir à travers l'une des fenêtres du donjon avant de le regretter et de lancer un accio pour la récupérer. Elle parcourut de nouveau les lignes et froissa un peu plus la feuille. Des larmes se formèrent dans ses yeux. Son père... Non. C'était pire que tout. Il allait se remarier. Et il ne voulait plus d'elle chez lui. Il était en train de lui chercher une maison où il mettrait toutes ses affaires, pour qu'elle lui fiche la paix. Et qu'il puisse vivre avec sa nouvelle épouse. Il la rejetait. Pour de bon cette fois.
Sa tristesse la porta jusqu'à la salle de musique. Sans même qu'elle s'en rendes compte, elle avait ouvert la porte. Ce ne fut que lorsque celle-ci claqua en se refermant qu'elle sortit de sa torpeur.
La salle était magnifique. Comme le premier jour où elle l'avait vu, Calista fut de nouveau fascinée par tous les instruments, et plus que tout, par le piano. Elle en ouvrit le couvercle et s'installa sur le tabouret. La première fois qu'elle avait joué, elle avait huit ans. Son père lui avait payé un enseignant privé pour lui passer le temps et éviter qu'elle ne cherche à rester avec lui. Ses doigts s'écrasèrent avec fureur sur les touches à ce souvenir. Pendant longtemps elle avait cherché à lui plaire, à se rapprocher de lui. Mais jamais il n'avait pu lui pardonner d'être une sorcière. Jamais il ne lui avait pardonné le divorce de sa femme. Jamais. Et maintenant, il cherchait à couper les ponts. Ô, pas totalement, puisqu'il allait continuer à lui fournir tout l'argent qu'elle voulait, mais c'était simplement à cela que se résumeraient leurs échanges : des transactions financières. Tout ça pour être certain de la tenir éloignée.
Le « Moonlight Sonata » de Beethoven retentit dans la pièce. Lorsqu'elle eut finit de décharger sa colère dans le morceau, elle entonna alors son morceau préféré, le « River flows in you » de Yiruma. Le morceau avait un pouvoir apaisant sur elle, et, lorsqu'il s'acheva, elle resta là, attendant sans trop savoir quoi, peut-être de savoir quel morceau elle allait jouer ensuite, ses beaux yeux rouges d'avoir trop pleurés.

Musiques:

Ce devait être une blague. Une très mauvaise blague. Ou bien il était mort et son fantôme était venu la revoir. Mais lorsqu'il s'approcha à quelques centimètres à peine d'elle, elle fut certaine qu'il était bien vivant. Toujours les mêmes cheveux en bataille, les mêmes yeux bleus. Après des mois d'absence. Son meilleur ami, son rouquin préféré. Là, devant elle. Après des mois de silence.

-Dwight.

Elle avait retrouvé un calme inhabituel. Sous le choc, pendant quelques instants, elle ne dit rien, se contentant de le regarder, comme si elle avait peur qu'il ne s'échappe, qu'il ne disparaisse encore une fois...

-Mon père ? C'est tout ce que tu trouves à me dire ?

C'était à peine plus qu'un murmure. Une indignation cachant une colère bouillonnante. D'autant plus que, dommage pour lui, il n'était pas forcement arrivé au meilleur moment.

-Ça fait plus d'un an, IDIOT !

Elle se leva de son tabouret pour lui assener un coup de poing sur la poitrine. Sa main tremblait et ne dut pas faire beaucoup d'effet au jeune homme.

-COMBIEN DE HIBOUX T'AI-JE ENVOYÉ ? À COMBIEN AS-TU RÉPONDU ? AUCUN !

Elle voulait le frapper et le rendre misérable, tout comme elle voulait lui dire combien il lui avait manqué et le serrer dans ses bras. Elle était si heureuse de le savoir vivant, elle s'était imaginée toute sorte de scénario, même les pires. Et elle voulait en même temps lui montrer sa colère face à son attitude inexpliquée. Un hibou aurait suffi de temps en temps. Ne serait-ce qu'un par mois. Mais non. Monsieur avait décidé de ne plus lui parler du jour au lendemain. Alors elle avait repassé dans sa tête toutes les erreurs qu'elle avait pu avoir faite, sans en trouver une qui justifia cette attitude cependant. Alors elle avait hésité entre se blâmer elle-même et s'inquiéter pour Dwight. Au final, elle avait fait un peu des deux.

-T'AS INTÉRÊTS À AVOIR UNE BONNE EXPLICATION !

Elle lui lança un regard noir. Elle avait beau le détester, elle ne pouvait s'empêcher de songer à combien elle avait souffert de son absence soudaine et injustifiée. Intérieurement, elle voulait l'embrasser et rire avec lui. Mais ça, il était pour l'instant hors de questions qu'il le sache.

Plus que tout encore, son rire l'énerva. Il l'énerva parce qu'il n'avait pas lieu d'être. Il l'énerva parce qu'il était venu en réponse à la place d'une explication qu'elle n'attendait que trop. Il l'énerva parce qu'il lui remémorait tout un tas de bons souvenirs. Il l'énerva parce que c'était celui de Dwight, tout simplement.

-TU TE FOUS DE MOI ?

A sa droite, une guitare explosa. C'était le genre de choses qui arrivait parfois quand elle plus jeune et trop en colère, mais cela faisait des années que cela ne s'était pas reproduit et elle jeta un regard accusateur à Dwight, contre qui elle aurait bien lancé un oppugno ou deux.

-Puisque tu as tellement envie de rire, laisse-moi te raconter une histoire : c'est celle de la fille qui a perdu tout contact avec son meilleur ami qui l'a complètement abandonné sans aucune explication et qui revient comme une fleur, en espérant peut-être qu'elle ne lui pose aucune question et que tout recommence comme avant. À moins que le seul but de ce meilleur ami soit de se payer sa tête, chose qu'il fait à merveille. Quoi qu'il en soit, elle, ça ne la fait pas vraiment rire.

Jamais dans sa vie elle ne s'était adressée à quelqu'un avec un ton aussi froid. Jamais elle en avait autant voulu à une personne. Même pas à son père.

-Alors, avant que je ne m'énerve de manière radicale et que je ne perde totalement mon self-control, je vais te donner un conseil d'amie : tu te casses. Tu te casses et tu ne reviens jamais me voir. Tu te CASSES et t'arrêtes de te foutre de ma gueule. C'est  quoi ton problème, HEIN ? Ce n'était pas assez AMUSANT de se dire que JE m'inquiétais pour TOI alors que MONSIEUR n'en avait ABSOLUMENT RIEN À FAIRE de sa SUPPOSÉE MEILLEURE AMIE ?

Elle serra les poings pour tenter de se calmer et enfonça dans le même temps ses ongles dans la paume de sa main. Elle avait l'impression que l’aveu de son inquiétude était une erreur qu'elle n'aurait pas dû commettre. Moins les gens en savait sur ce qu'elle ressentait, mieux cela valait.

Elle ne pouvait pas rester insensible à ce qu'il venait de lui avouer. Certains s'en seraient peut-être moqués, mais pas elle. Au contraire, c'était sûrement son empathie, le soucis qu'elle se faisait pour ses proches qui l'avaient envoyé à Poufsouffle, autrefois.

-Dwight...

Elle le regarda ne sachant que dire. Elle restait toujours un peu en colère, mais le ton et les paroles de son ami l'avaient calmé. Il semblait sincère, et elle commençait à s'en vouloir pour s'être autant emporté. La main qu'il avait posée sur la poignée l'effraya soudain. Elle ne pouvait pas le laisser partir, finalement. Pas sans qu'ils se soient expliqués avant. C'était la pire des choses que de voir une porte se refermer sur quelqu'un d'aimé et de voir cette personne partir sans un mot, sans qu'elle ne nous donne aucune des réponses aux questions qui nous embrouille la cervelle. Cela lui était arrivé une fois. Elle avait perdu deux personnes ce jour-là. Aujourd'hui, elle n'en perdrait pas une de plus. Pas comme ça, en tout cas.

-Attend, reste.

Elle se pinça la lèvre. Voilà qu'elle lui demandait l'inverse de ce qu'elle lui avait dit quelques secondes plus tôt. Elle laissa échapper un petit rire face à la situation délicate. Il allait falloir qu'elle arrête d'être aussi lunatique.

- Je suis désolée... Vraiment. Je veux comprendre. Je peux. C'est pas comme si je me fichais totalement de ce qui t'es arrivé, osa-t-elle avouer. Tu es hors de danger au moins ?

Elle s'inquiétait, toujours. C'était son meilleur ami après tout.