[Concours] Le meilleur danseur d'Halloween.

Dwight sourit doucement en entendant l'annonce de celui qui avait été son ami durant de si longues années. Il s'était montré relativement discret lors de cette soirée - tout d'abord parce qu'il était arrivé singulièrement en retard pour cause de convocation urgente chez un homme dont l'importance ne permettait pas qu'on le fasse attendre, et ensuite parce que les invitations de cette soirée le laissaient relativement perplexe. Incontestablement, le tri n'avait pas été fait parmi les invités, quand on savait que la tristement célèbre Autumn Avery s'y trouvait elle-même. Heath et Scamander avaient-ils distribué les annonces au hasard, en dernière minute ou dans un état second ? Le rouquin s'interrogeait sincèrement. Une chose était sûre : en temps normal, il n'aurait pas dû être là. L'autrefois fier défenseur des Moldus, Poufsouffle, et d'origine sociale modeste qui plus est, n'avait certes pas été invité par Heath Kolagann, dont la sympathie à son égard ne s'était pas améliorée, et ce en dépit de leur toute fraiche et inattendue confrérie en commun. Quant à Scamander... Dwight avait été si lâche la dernière fois qu'il l'avait vu qu'il ne doutait pas de planer bien bas dans l'estime de son ami. L'ancienne fiancée de ce dernier venait de se faire congédier d'une main parfaitement typique de la façade qu'arborait celui-ci : courtoise mais froide, implacable. Aseptisée de tout sentiment. Pour peu qu'il se fasse remarquer, le même sort l'attendait aussi probablement. Pourtant... cela serait-il si dérangeant ? Il ne pouvait pas dire qu'il s'amusait particulièrement. Il se sentait comme une tâche sanglante sur une robe de soie blanche ; il y avait quelque chose de profondément postiche dans ce Dwight Mortimer tout de bleu et de dentelles paré, se tenant debout au bas de l'escalier de marbre, un verre de grande cuvée de Krug dans la main droite, faisant des signes de têtes, échangeant quelques mondanités sans grande profondeur, souriant à tout le monde, et ne souriant à personne.

Non. S'il devait partir, il partirait. Scamander lui avait confié à de maintes reprises ses aventures désastreuses avec son ancienne fiancée, sans doute s'était-il fait une joie d'avoir l'occasion de la mettre à la rue comme une malpropre. Mais s'il devait en arriver de même pour l'ancien Poufsouffle, au moins choisirait-il de partir de son propre chef. Il ne pouvait pas laisser passer sa chance. Se tournant vers une jeune fille non loin de lui alors que commençait une valse entraînante, il s'inclina légèrement et lui tendit la main.

- Demoiselle. M'accorderez-vous cette danse ?

Suite à l'acceptation de la jeune fille, il saisit sa main et l'entraîna sur la piste de danse, tout en passant un bras autour de sa taille. Un, deux, trois, un, deux, trois, un, deux, trois, un, deux, trois... Tout en échangeant des compliments de forme avec sa partenaire, l'Abraxans ferma ostensiblement les yeux, se laissant bercer par le rythme. Voilà trop longtemps qu'il ne s'était pas laissé aller à ses plaisirs personnels.

Un, deux, trois, un, deux, trois, un, deux, trois, en avant, attaque du pied avec le talon, et un, deux, trois, un, deux, trois, un, deux, trois, un, deux, trois... La danse. Le seul domaine où, à l'époque de Poudlard, Dwight aurait vraiment pu se déclarer imbattable, pour peu qu'il eût été moins modeste. C'était une réflexion qu'il s'était souvent faite. Ils avait toujours eu beaucoup d'amis, ou de gens qui l'appréciaient, et très peu d'ennemis. Pourquoi ?

"La peur attise la haine, et la haine la violence", songea-t-il, en se répétant son vieux mantra.

En arrière, attaque du pied en pointe, pied droit en avant, on rejoint, et pied droit en arrière, et un, deux, trois, un, deux, trois, un, deux, trois... Voilà pourquoi il n'avait jamais vraiment eu d'ennemis : il ne faisait peur à personne. L'ancien Poufsouffle était, par nature, un curieux et un touche à tout, mais pas assez talentueux pour développer, telle une tumeur flagrante, un don particulièrement notable dans un domaine. Il s'intéressait suffisamment pour que chacun puisse partager sa propre passion avec lui, mais n'était pas assez privilégié pour que ses interlocuteurs craignent qu'il puisse leur faire de l'ombre.

Un temps fort, deux temps faibles, et demi-tour. Un, deux, trois, un, deux trois, un, deux, trois, un, deux, trois. Il sourit poliment à sa cavalière, répondant à l'une de ses paroles gracieuses par une autre. Il en allait ainsi dans ses relations à la gent féminine en général : il n'était ni particulièrement beau, ni particulièrement sportif, ou grand, ou protecteur, ou charmeur. Ce qui avait pu expliquer que quelqu'un comme Flutis Jones ait éprouvé de la sympathie pour lui, par exemple. Flutis avait beau l'avoir aidé à prendre confiance en lui à l'époque, le jeune homme savait pertinemment qu'il avait accepté de le faire également parce qu'il voyait en lui quelqu'un qui ne deviendrait en aucun cas un concurrent potentiel à ses "terrains de chasse" comme pouvait l'être Heath Kolagann.

Personne n'avait jamais vu en Dwight la moindre menace, sur quel plan que ce fut. Ce soir-là, en dansant, et pour la première fois, il leur avait suggéré qu'ils avait peut-être eu tort.