[Libre] Noel approche, vide tes poches

HRP:

Quinlan détestait faire les boutiques. Il avait tendance à préférer tout commander, quitte à devoir se déplacer quand même pour récupérer les produits : au moins c’était rapide. Mais se promener et perdre une après-midi en ville à tourner en rond sans savoir où donner ses Gallions le mettait rarement en joie. On aurait pu croire qu’il était du genre à aimer faire les magasins de vêtements, mais en réalité il était trop habitué à ce qu’on les lui confectionne sur mesure. Le prêt-à-porter lui semblait ennuyeux et terne, en plus d’être souvent mal taillé. Bref, Quinn n’aimait pas se balader en ville.

Encore moins quand Noël approchait et que sa propre stupidité l’avait poussé à devoir chercher un autre cadeau pour Clemens. Il avait fait quelques recherches à la bibliothèque d’Haveirson et il avait donc quelques pistes, mais il savait aussi qu’il aurait certainement du mal à trouver ce qu’il cherchait. Cela dit, s’il n’essayait pas, il ne saurait jamais.

Il avait un temps hésité entre Avalon et le Chemin de Traverse avant de transplaner, et avait finalement préféré Londres. Plus central, ce qui voulait souvent dire plus de choix. Et dans le pire des cas, plus de possibilités d’obtenir ce qu’il souhaitait, même si ce n’était pas dans l’immédiat. Poussant la porte de Fleury & Bott, il fut assailli par la foule compacte qui s’y trouvait. Il grimpa rapidement aux étages, cherchant un rayon en langue étrangère. L’offre était bien évidemment limitée, et manquait d’originalité. Hmpf. Se prenant subitement au jeu, Quinlan laissa son regard vagabonder sur les tranches de cuir, une fois qu’il fut revenu dans un rayon anglophone.

La facilité aurait été de lui acheter un ouvrage traitant de métamorphose, mais ç’aurait été bien stupide aussi. Déjà, tout portait à croire qu’il l’aurait déjà lu ou en aurait déjà entendu parler. Ensuite, c’était trop peu… personnel. Quinlan voulait quelque chose de spécial, d’unique ou presque. Jetant un œil aux commerçants, il fut déçu de les voir toujours aux prises avec d’autres clients. Il pouvait attendre encore un peu. Tiens, un traité sur les maladies dégénératives magiques…? Étonnant, dans une librairie comme celle-ci. Quinn feuilleta l’ouvrage, lisant quelques passages, avant de le reposer.

Un autre regard en contrebas lui signifia qu’il pouvait descendre avec l’espoir de pouvoir parler à un des commerçants. Rapide, Quinlan fendit la foule pour tendre quelques notes prises sur un bout de parchemin.

— Pouvez-vous me trouver ce livre ?

Derrière ses lunettes, le sorcier fit la moue.

— Il est rare mais ça devrait être possible. Vous avez un budget ?

Surpris par la question, Quinlan haussa les sourcils. Il n’y avait pas vraiment pensé, c’était si cher que ça ?

— Dites-moi juste combien vous en voulez…

— Bien. Pour un exemplaire tel que celui-ci, peut-être même que je serais ouvert aux négociations.

Une bonne nouvelle, n’est-ce pas ? Ou alors, c’était que le livre en question coûtait vraiment la peau des fesses.

— Patientez ici s’il-vous-plaît. Je reviens dans quelques minutes.

Quinlan inclina docilement la tête, et laissa de nouveau son regard parcourir la salle et les livres qui l’encombraient. La plupart des clients n’avaient pas l’air de savoir ce qu’ils voulaient, et quelque part, Quinn trouvait ça plus beau. C’était si dommage de débarquer dans une librairie en sachant exactement ce que l’on veut, comme lui venait de le faire. S’il n’y avait pas autant de monde, lui aussi se prendrait au jeu. Ollivander disait que c’était la baguette qui choisissait le sorcier, et non l’inverse. Quelque part, c’était la même chose pour les livres.

— Monsieur ?

Le sorcier-libraire était revenu.

— Oui ?

— J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle. Nous avons le livre que vous désirez.

— Et la mauvaise, c’est qu’il va me coûter un bras, c’est ça ?

Le commerçant eut du mal à retenir un petit sourire, alors qu’il lui tendait ses notes, agrémentées d’un chiffre. Énorme. Voyant la mine décomposée de Quinlan, le libraire ne put s’empêcher de lui préciser :

— Vous avez demandé une édition originale. Sinon une copie, même ancienne, sera plus abordable. Alors, vous avez un budget ?

— Je crois que je n’ai pas le choix…

Quinn griffonna un chiffre sur le parchemin.

— Hmm. C’est possible.

Un nouveau griffonnage.

— C’est raisonnable. Quelle serait l’édition ?

— Une version spéciale de l’éditeur à l’annonce de la mort de l’auteur, avec une préface de Heine.

Quinn hocha en signe d’accord, et sortit de sa robe de sorcier une bourse à la taille impressionnante. Le libraire lui lança un grand sourire, et lui fit signe de le suivre jusque dans la réserve. Là, il entreprit de compter les Gallions dont il allait délester le guérisseur, et parti en quête de l’ouvrage en question. C’était un énorme livre de cuir et de velin, que le libraire enveloppa de papier de soie avant de le placer dans un carton.

— Ne le laissez pas à la lumière du soleil, et si vous avez un lutrin, ce serait l’idéal. Conservez-le au sec.

Alors qu’il notait mentalement les instructions, Quinlan reprit ce qui lui restait de Gallions — pas grand-chose — et emporta avec lui la boîte.

— Merci.

— Oh, merci à vous ! Et à bientôt !

Hmm… Quinn se demandait soudainement s’il ne s’était pas fait avoir. Bon, tant pis ! L’important c’était que ça plaise à Clemens… Remarquez, ça, c’était pas dit non plus. Visiblement satisfait, Quinlan se prit soudainement à vouloir boire un verre avant de repartir à Haveirson. Posant son paquet sur une table du Chaudron Baveur, il commanda une Biéraubeurre — ça faisait longtemps — et commença à la siroter avec un air un peu niais collé sur le visage.

Quinlan ne comprit pas tout de suite qu’on s’adressait à lui. Il était de bonne humeur, un peu trop pour réellement prêter attention à ce qu’il se passait autour de lui. Son esprit était ailleurs, perdu entre un regard bleu acier et des boucles d’un or cuivré. Ouais, il était foutu. Il le savait depuis longtemps, mais il avait l’impression qu’en se le répétant il pouvait regagner un peu de contrôle là-dessus. C’était totalement illusoire, un peu comme dire ‘j’arrête quand je veux’ alors qu’on était dépendant. M’enfin.

Quand les mots trouvèrent enfin son cerveau et le sortirent de sa veille, Quinn se tourna vers le jeune homme qui avait parlé. Sa tête lui disait quelque chose, et il était persuadé de l’avoir déjà rencontré. Après tout, il ne l’aurait pas appelé ‘Professeur’ s’il ne savait pas qui il était. Mais là, tout de suite, Quinlan avait un trou de mémoire.

— Escroqué… Ça dépend de la définition du mot, je pense.

Il vit alors que l’étudiant avait lui aussi acheté un livre. Quinn savait additionner 2+2 : soit le jeune homme avait eu une réduction suite à la bonne affaire du libraire, soit il avait suivi l’achat plutôt conséquent du prof. Que ce soit l’un ou l’autre importait peu. Quinlan haussa mentalement des épaules.

— J’ai payé peut-être plus cher que ce que j’aurais pu, mais je suis content. Apparemment, le libraire aussi, donc… Si ça va à tout le monde, où est le problème ?

Prenant une nouvelle gorgée de Biéraubeurre — mouais, pas trop de goût quand même — Quinlan chercha le nom de cet étudiant qu’il avait déjà croisé quelque part. Sûrement au Dark Night, maintenant qu’il y pensait. Ah… oui ! Ça lui revenait maintenant !

— Flu… Flutos Jim, c’est ça ? Étudiant à Haveirson. Comment va Luuna ?

On n’a jamais dit que Quinlan avait la mémoire des noms, n’est-ce pas ! Cela dit, il inclina la tête en signe de salut, et poussa un peu son carton pour faire de la place sur sa table.

— Quinlan Fitzsimmons, si jamais vous ne vous souvenez pas de mon nom.

Puis, il désigna du regard le livre de ‘Flutos’, apparemment bien parti pour faire la conversation, lui qui avait tellement tendance à la fuir. Il fallait croire qu’il était vraiment de bonne humeur.

— C’est un cadeau de Noël ?

Oui bon Quinlan avait du mal avec les noms, ça allait bien finir par se savoir. Il n’y avait bien que quelques exceptions qui n’avaient pas vu leur nom écorché par le médicomage, et malheureusement pour Flutis, il n’en faisait pas partie. Le ton glacial de l’étudiant ne passa pas inaperçu, et fut accueilli par des paroles douces… mais un regard agacé.

— Toutes mes excuses, Monsieur Jones.

On aurait dû t’appeler Indiana, comme le chien.

— Malheureusement non. Pas vraiment. Mais c’est une jeune femme qui m’a l’air très sympathique !

Quinlan savait très exactement où Flutis voulait en venir, et s’amusait de rentrer dans son petit jeu. Il n’avait rien d’autre à faire, après tout, et il était bien au courant de la réputation qu’il se tapait à Haveirson. S’il pouvait bien noyer le poisson un peu plus… Pourquoi pas ?

Quant au cadeau de Noël qu’avait acheté Flutis — un auto-cadeau, ce qui n’avait rien de honteux en soi — Quinn eut un sourire sincère en apprenant qu’il l’avait eu gratuitement. Pour la suite et ce petit réflexe hétérocentré, le guérisseur avait une réplique toute prête.

— Effectivement, mais je suis content que ça ait directement profité à quelqu’un d’autre. Je ne suis pas du genre rancunier, pas quand il s’agit de commerce… Et qui vous dit que c’est pour une femme ?

Quinlan arbora un petit sourire en coin, comme pour signifier à Flutis qu’il le menait en bateau. Il adorait mêler le vrai au faux et attendre de voir sur quelle conclusion hâtive son interlocuteur allait atterrir.

— Et vous, pour qui est votre cadeau ? Une femme ? Un homme ? Un membre de la famille ? Vous-même ?

Le problème quand on posait des questions, c’était qu’il était facile de vous les renvoyer à la figure. Oh, peut-être que ça ne gênerait pas Flutis le moins du monde, mais ce n’était clairement pas la préoccupation première de Quinlan de savoir à qui était destiné le livre que Flutis avait pu obtenir sans débourser un seul gallion.