Mettre le nez ou il faut. Ou pas. [ Ouvert ]

Ce fût dans un silence quasi religieux, la ou on entendait le bruit rare, mais bien présent, des pages que l'on tournait ça et la, que Theodore fit son entrée. Discrète, silencieuse, tout comme elle se devait d'être, selon lui ici, dans ce lieu privilégié qu'il considérait comme l'un des endroits les plus importants d'une école. Un point névralgique, vital, qu'il se sentait obligé de consulter chaque jour, pour diverses raisons. Certains auraient dit qu'il s'agissait d'une habitude qu'il avait pris, d'autres auraient parlé de compulsion, que ce grand dadais blond avait besoin d'une fois par jour s'isoler avec un livre, ou de fouiller les étagères à la recherche d'ouvrages pour ses notes du jour.

C'était à la fois ces raisons, et d'autres, qui le poussaient à planter sa tente dans un lieu pareil. Le calme, la tranquillité, le savoir accumulé ici étaient pour lui autant une habitude, qu'un moyen normal d'épancher sa curiosité. Il n'avait, contrairement à d'autre élèves, pas toujours été un élève studieux, et pas toujours fort compétent. Nombre de ses premiers sorts et examens la première année n'avaient pas été aussi couronnés de succès que les suivantes, loin de la. Il s'était forgé, dès son second séjour à Poudlard, une volonté inextinguible d'obtenir ce savoir et ces compétences par lui même, et ce faisant, avait décrété que la bibliothèque serait son repaire.

L'odeur des parchemins, livres, et vélins, avait laissé en lui une empreinte qui resterait présente toute son existence, marque de cette transformation, cette maturation de son intellect, et paradoxalement, de son comportement.

Dans un geste fluide, naturel, sa main vint effleurer la tranche d'un vieil ouvrage qui trainait la, sur le bureau de la bibliothécaire. La sensation familière du cuir, courte, fit remonter de nombreux souvenir, marquant finalement son visage d'un bref sourire. Très bref.

« Je peux vous aider, jeune homme ? »

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Le bibliothécaire l'avait fait sursauter. Et pas qu'un peu. Il avait oublié, ces deux années durant à courir le monde avec son père, à quel point les bibliothécaires avaient une affinité si importante avec leur domaine qu'il leur était presque capable de surprendre n'importe qui, et de se déplacer en silence, sans même se faire remarquer, comme jaillissant d'une dimension B, propre à ceux de leur profession.

Au moins, il avait pu discuter avec celui ci de ce qu'il cherchait, ce qui trottait dans sa tête depuis sa courte, mais profondément instructive discussion avec William.

Qui est le comte ?

Cette question avait pris, dans son esprit, la forme d'un robinet. Ustensile clairement inadapté pour un Comte ... mais qui, de par son souci principal, était extrêmement adaptée.

Ce fichu robinet goutait. Ploc. Ploc. Ploc.

Personne, ou presque, ne semblait savoir qui était le mystérieux bienfaiteur d'Haveirson. Ce léger souci, à première vue ridicule, le perturbait grandement. Suffisament pour qu'il vienne s'isoler ici, demandant à la responsable d'avoir accès aux livres traitant du Pays de Galles, d'Haveirson, et de ce qui pourrait se rapporter à leur présence ici. Et par les dieux ... Il y en avait.

Grognant, il posa alors le tas de livre que le bibliothécaire lui avait entassé dans les bras, un à un, expirant longuement en tirant une chaise, sans la faire racler le sol, se laissant tomber sur celle ci, préparant son carnet de notes.

Seul, ce travail allait prendre des jours ...

Anna était encore perché sur l'une des échelles de la bibliothèque, saisissant à droite et à gauche les livres qui lui semblaient intéressants et il y en avait beaucoup. Elle avait déjà actuellement pas moins de cinq livres entre les mains et venait d'en repérer un sixième un peu plus loin sur sa droite. Trop obnubilée par sa petite trouvaille, elle ne tint pas compte de la distance qui la séparait de cette dernière et jouait désormais les équilibristes pour saisir "Etude de la peste noire dans le monde sorcier", écrit par un médecin contemporain de l'époque, une mine d'information très certainement. Elle tendit un peu plus le bras, et se retint de l'autre qui bloquait aussi les livres qu'elle avait déjà, réussit à toucher son butin convoité du bout des doigts, suffisamment pour qu'elle réussit à le faire glisser de sa place, pas assez pour le rattraper lorsqu'il chuta.

- Mince! sortie-t-elle pour elle-même.

Puis elle se dépêcha de descendre de son perchoir. Lorsqu'elle atterrit, elle aperçu le grand et costaud jeune homme qui s'était installé à la table à côté d'elle et qu'elle avait visiblement perturber. Il était vrai qu'elle ne participait pas réellement à la préservation de l'univers calme, silencieux et studieux qui aurait dû régner en maître sur le lieu. Elle s'excusa en chuchotant :

- Pardon... Je n'ai pas voulu qu'il tombe.

Puis elle remarqua l'un des livres qu'il avait devant lui. Elle l'avait lu à son arrivée afin de se familiariser avec le pays dans lequel elle venait de débarquer.

- Oh tu comptes lire ça? lui demanda-t-elle toujours sur le même ton. Il est très bien! Une bonne introduction sur le Pays de Galles, bien qu'un peu sommaire je trouve.

Prenant un livre, puis passant à un autre, Theodore ouvrait ceux ci pour parcourir rapidement les tables des matières et établir un tableau croisé des éléments à vérifier. Méthodique à l’extrême, il avait besoin, dans une circonstance qu'aurait pu comprendre un homme abandonné dans le noir, de se constituer son propre fil d'Ariane, un cheminement de pensée propre et directif qui lui permettrait - du moins il l'espérait - de sortir de ce labyrinthe obscur qui se présentait devant lui.

C'était probablement stupide, de se mettre le nez dans une chose qui n'avait aucun lien avec le diplôme qu'il espérait obtenir, mais ce léger détail avait tendance à lui porter sur les nerfs. Un peu comme jouer à l'équilibriste sur une corde. Suspendue dans le vide. Au dessus d'un nid de dragons affamés. Juste après l'éclosion d'une portée.

- "Mince !" *Sblam*

Arquant un sourcil, le grand blond tourna la tête et remarqua la jeune femme perchée sur une échelle, qui se dépêchait de descendre celle ci quatre à quatre. Le livre était à portée de main. Il se pencha, tendant la perche qui lui servait de bras, et saisit l'ouvrage, se redressant en observant la petite brune arriver au sol, plus gênée qu'autre chose.

- "Pardon... Je n'ai pas voulu qu'il tombe."

Clignant des yeux, Theodore tendit le livre à celle qui l'avait fait chuter, intérieurement amusé par la gêne de la jeune femme, faisant rapidement s'ourler le bord de ses lèvres dans une des rares manifestations physique de ses émotions, avant de prendre la parole brièvement, bassement, mais d'une voix claire et forte malgré le chuchotement.

- Si cela peut vous rassurer... Les livres sont bien plus souvent attirés par le sol dans les bibliothèques que par les mains de leur lecteur. Sans doute la gravité tend à accroitre la gravité d'un tel bruit.

- Oh tu comptes lire ça? lui demanda-t-elle toujours sur le même ton. Il est très bien! Une bonne introduction sur le Pays de Galles, bien qu'un peu sommaire je trouve.

Pinçant alors les lèvres, l'ancien Gryffondor cligna à nouveau des yeux alors que les rouages de son esprit se mirent en marche. Non pas concentrés sur les mots ... mais l'accent. Résolument pas anglaise. Probablement ... française ? Il avait passé, avec son père et sa mère, quelques mois en France, au cours des pérégrinations paternelles lors de deux années depuis son départ de Poudlard.

L'accent français avait résolument quelque chose d'acéré et de brut, d'entier, qui le changeait de l'anglais, assez doux ... Doux étant un terme somme toute assez relatif lorsque l'on est plus proche du viking que du britannique, mais Theodore n'en était pas au point de parler en hachant ses mots comme le ferait sa mère, lors de ses colères noires...

Dans un hochement de tête affirmatif et mesuré, le jeune homme fronça les sourcils, prenant la parole en conservant son ton posé, presque monocorde, mais contenant une sensation de calme, transparaissant dans ses mots.

- " Très sommaire, oui. C'est pour cela que je l'ai pris. Je cherche à faire des recoupements entre ce livre, et les autres que j'ai emprunté pour remonter la piste qui m'irrite depuis mon arrivée." articula t'il, se massant finalement le menton sans quitter Anna des yeux. Elle semblait ... active. Curieuse. Dans un tout autre registre que lui... Mais son intuition lui disait que cette curiosité trouverait, peut être, un écho à la sienne pour son but actuel.

- A dire vrai. C'est cette Académie. On ne sait pas qui l'a ouverte, pourquoi, et comment. C'est pour ça que je vais essayer de trouver des pistes dans le passé de la région.

Et brusquement, comme si une masse lui était tombé sur le crane, il reprit un air plus sérieux, et un brin désolé.

- "Excusez moi. J'en oublierais mes manières. Theodore Wellington. Enchanté."

Anna fut soulagée de voir que le jeune homme ne lui tenait visiblement pas rigueur de son manque de discrétion flagrant. Il lui rendit même son livre avec un sourire discret et furtif. Elle le lui rendit avec le sien, plus franc comme elle en avait l'habitude, et le remercia.

Puis elle observa plus attentivement le jeune homme, elle le vit froncer les sourcils lorsqu'elle reprit la parole, son accent devait encore être à couper au couteau. Elle avait décidé de ne plus faire attention aux rires ou même parfois aux moqueries qui pouvait surgir quand elle prenait la parole. Cela arrivait quand sa prononciation faisait se confondre un mot avec un autre et donnait à sa phrase un sens ridicule, ou loin de ce qu'elle voulait exprimé. Au moins eut-il l'air de la comprendre puisqu'il répondit à sa question avant de se présenter.

- Je suis Anna. Enchanté aussi. Theodore est un joli prénom. Ancien et grec. Il veut dire don de dieu si je me souviens bien.

Elle ne savait pas s'il était un don de dieu, mais en tout cas il aurait pu être sa force de frappe. Le jeune homme était impressionnant, surtout pour la petite Anna. Sa carrure, contrairement à son prénom méditerranéen, aurait pu faire penser à des origines germaniques ou du Nord de l'Europe, à moins que ce ne soit l'Ecosse. En tout cas il avait l'air bien plus grand qu'elle et ses épaules étaient aussi bien plus larges.

- J'aurais aimé pouvoir répondre à ta question. Malheureusement j'ai l'impression que plus je cherche à comprendre plus je me perds. J'ai tenté de trouver une explication au début sur qui, comment et surtout pourquoi? Mais je n'ai rien trouvé. Mais pas le début d'une piste... J'ai farfouillé un peu, mais il n'y a rien... Ce n'est pas une question d'origines puisque j'y ai été intégrée. L'institution étant récente, je n'ai trouvé aucun livre, les seuls qui existent parle de sa construction et de son architecture. Les articles rabâchent en boucle les mêmes informations que nous avons déjà. Enfin impossible de voir le conte, pour quelle raison d'ailleurs?

Anna s'était véritablement creusée les méninges pour trouver ne serait-ce qu'un indice, mais rien, elle n'avait rien. Elle ne désespérait pas d'y arriver un jour, mais elle soupçonnait que cela ne se passerait que lorsque le fameux conte l'aurait décidé. Elle était tout de même curieuse de savoir les résultats de la recherche du garçon.

- As-tu trouvé quelque chose toi?

Reculant sur sa chaise, Theodore joignit ses mains devant lui sans quitter Anna de son regard bleuté, penchant la tête finalement en se redressant, attentif à ses paroles. Pas étrange que d'autres personnes se soient posé des questions sur Haveirson. Sur le comte. Sur tout ce qui se passe. Et une fois de plus ... chou blanc. C'était même, à entendre la jeune brune devant lui, un champ de choux blancs.

Pour en arriver à un point ou ni les étudiants, ni le personnel qu'il avait rencontré n'aient eu le moindre contact avec le comte ... C'est qu'il y avait quelque chose d'étrange. Trop. Trop d'incohérences, trop de détails qui empêchaient les rouages de son esprit de tourner. Comme du sable, glissant entre les dents métalliques des engrenages, ralentissant sa reflexion, voire l'arrêtant.

Cela l'irritait profondément.

Il fronça à nouveau les sourcils, comme mu par une habitude qui semblait lui échapper, et laissa glisser une de ses mains calleuses sur le cuir de la couverture d'un grimoire. Geste simple, anodin. Mais apaisant. Il prit une légère inspiration, reprenant rapidement une contenance plus flegmatique et neutre, comme souvent, avant de fixer à nouveau Anna, inclinant la tête.

"Non. Je n'ai rien trouvé avant d'arriver ici ... d'où ma présence ici. Je vais m'attaquer à la construction, les précédents propriétaires ... et remonter les traces de leurs descendants. Il parait qu'il y a une section archive, également. Il y a sans doute moyen de remonter jusqu'au Comte ... Ou du moins à celui qui aurait pu vendre le Château à son propriétaire actuel. De plus ... j'aimerais savoir d'ou viennent les noms des salles, et de l'amphithéatre. Ca me perturbe, je vous avouerais."

Simple, efficace... et sans le moindre mensonge de sa part. A défaut d'avoir l'air doux... il avait l'air d'une sincérité à toute épreuve.

Jade était née pour lire. Bien avant de savoir, elle tentait d'épeler chaque lettre en se disant que les mots se formeraient d'eux-mêmes. Bien sûr...La première chose qu'elle fait en se levant le matin est de lire et la dernière chose aussi. Elle a toujours aimé se plonger dans des univers proches ou non de la réalité. Jade a toujours aimé rêver et s'identifier à des personnages et des situations. Elle adorait aller à la bibliothèque et continue encore aujourd'hui de le faire. Dès qu'elle a le temps, elle se rend à celle d'Haveirson.

Elle aimait déjà beaucoup celle de Poudlard mais celle-ci a tout son charme avec ses étagères en bois, son calme apparent. Elle a eu la chance de visiter Trinity College, une bibliothèque moldue en Irlande et Haveirson y ressemble beaucoup. Elle s'avança vers la bibliothécaire pour rendre ses livres et commença à se balader en quête de nouvelles histoires. Jade tourna à un angle, trouva un livre de contes anglais qui lui faisait de l'oeil depuis un moment et se retrouva près de quelques tables.

Elle vit au loin Anna qui était en grande conversation avec un jeune homme blond qu'elle voyait de dos. Elle décida d'aller à leur rencontre. Le jeune homme avait une pile de livres devant lui et Anna, comme à son habitude, 6 ou 7. Jade n'avait pas encore fait le tour de ce qu'elle cherchait et n'avait que son livre de contes à la main. Elle vit qu'Anna n'avait pas rangé son échelle le long des étagères et espérait que la bibliothécaire ne passerait pas dans le coin.

- Coucou Anna, ça va ? Qu'est-ce que vous faites de beau ? Bonjour ! chuchota-t-elle en se tournant vers le jeune homme.

Anna ne put empêcher à un petit rire de franchir ses lèvre lorsqu'elle observa l'agitation interne qui transparaissait tout de même du grand gaillard qu'elle avait devant elle. Ne pas savoir ces choses avait l'air de l'agacer plus qu'il ne voulait en laisser paraître mais ses expressions du visage et ses incessants questionnements l'indiquèrent très clairement à la jeune française.

- Tu es arrivé quand à Haveirson? Ta tête ne me rappelle rien, pourtant tu as l'air du genre à traîner dans le coin, or je passe un temps considérable de ma vie ici. J'ai aussi l'impression de me voir à mon arrivée. Tu verras on finit par s'y faire... sinon on devient fou. Enfin si jamais tu trouves quelque chose, même petite, fais moi signe, je reste très curieuse.

C'était un fait, Theodore n'était pas du genre à passer inaperçu, rien que par sa carrure et Anna était certaine de ne l'avoir jamais croisé.
Tandis qu'elle cherchait tout de même dans sa mémoire une fois où elle aurait pu le croiser mais sans succès, Jade arriva et les salua.

- Oh jade! ça va et toi? Voici Theodore. On fait trop de bruit? Le vieux hibou va débarquer?

Elle aimait beaucoup les bibliothécaires, mais il fallait avouer que ce n'était pas chose facile que de toujours apprécier leur caractère râleur. Elles avaient le chic pour être légèrement rabat-joie... Anna soupçonnait même que cela fût un critère de sélection à l'entrée de leur formation. Elle jeta un regard furtif autour d'elle, aperçu son échelle et glissa aux deux autres :

- Je reviens.

Puis elle alla rapidement la remettre à sa place, ce serait toujours ça de moins lorsqu'elles débarqueraient, car elle ne doutait pas qu'elles soient aussi dotées d'un radar qui leur permettait de détecter n'importe qu'elle activité illicite dans le rayon de la pièce entière.

-Excusez-moi. Bon j'étais en train de demander à Theo s'il venait d'arriver, je ne crois pas l'avoir déjà vu, reprit-elle.

Reportant son attention sur la jeune française, Theodore haussa un sourcil en l'entendant rire légèrement, pinçant les lèvres dans une moue ennuyée. C'était une fille étrange, mais loin d'être désagréable. D'une franchise désarmante, visiblement, et cette impression fut renforcée par les mots suivants qu'elle prononça rapidement, à voix basse, comme entre deux conspirateurs préparant un mauvais coup. Devenir fou à cause d'informations absentes...

Réprimant un sourire en gardant intact son expression neutre, Theodore inspira longuement et ramena son regard sur elle, avant d'expirer, prêt à répondre ... et étant coupé par l'arrivée d'une autre jeune femme.

Brune, différente de la jeune Anna ... Et définitivement britannique. La détaillant de la tête aux pieds, le grand blond chercha dans ses souvenirs si il ne l'avait pas déjà rencontrée. Sans doute Poudlard. Un visage dans la bibliothèque. Sa mémoire, pourtant d'habitude fort solide, lui faisait défaut, et il se trouva ainsi à plisser les yeux légèrement, laissant aller son regard d'Anna à Jade, avant que la jeune française s'éloigne pour ranger son échelle, le laissant seul avec l'ancienne Poufsouffle.

Une bibliothèque n'était pas censée être un lieu de calme ? De tranquilité ? Il faut croire que sa taille, à défaut d'autre chose, l'empêchait de passer inaperçu, et que la fatalité lui rappellait sans cesse cet état de fait. Ou le destin. Ou une autre déesse. En temps normal, un signe du destin se manifestait par une caresse, un mouvement à imprimer sur sa course pour la faire plier d'un côté ou de l'autre ... mais lui avait appris à vivre par les caprices des gifles du hasard... Et il avait mal aux joues, à force.

Expirant, le jeune homme se reprit et inclina la tête poliment en regardant la seconde femme brune, prenant à nouveau la parole d'une voix aussi douce et basse qu'a celle qu'il pouvait prétendre, alors qu'Anna revenait à leurs côtés.

- Théodore Wellington. Enchanté. Et non. Je suis arrivé ... aujourd'hui. Retard administratif. Un cadeau de fin d'année pour cette école, en quelque sorte.

Jade s'assit à côté d'Anna.

- Non, je ne pense pas qu'elle va débarquer. Vous ne faîtes pas trop de bruit non plus mais un rien l'énerve celle-là.

Anna se leva pour ranger son échelle. Le jeune homme continuait de la dévisager. Jade ne l'avait jamais vu et se demandait bien dans quelle section il était.

- Jade, enchantée ! Tu deviens d'arriver et tu es déjà dans la bibliothèque ? On dirait moi ! pouffa Jade dans sa manche.

Elle ne voulait pas que la bibliothécaire se ramène par ici. Elle l'avait vu réprimander des élèves plusieurs fois et elle ressemblait à un dragon. La bibliothèque est un lieu calme mais on peut quand même discuter un peu, rigoler un peu sans pour autant déranger tout le monde. Jade avait toujours vu ce lieu comme quelque chose de convivial, vivant avec une certaine sérénité quand même.

- Tu es dans quelle confrérie ? Tu t'es habitué aux lieux ? Je continue toujours de me perdre parfois.

Lorsqu'elle revint vers la table, elle eut la confirmation de sa supposition première. Il venait tout juste d'arriver.

- Je me disais aussi... Je me serais souvenue si je t'avais croisé. Tu n'es pas quelqu'un qui.... passe inaperçu.

Elle avait hésité sur ses dernières paroles, ne voulant pas vexé le jeune homme. Il était pourtant évident que son physique suffisait à le faire remarquer, bien qu'il eut l'air de vouloir se faire oublier par un calme maîtrisé.

- Jade, laisse-lui le temps d'arriver, rit-elle, c'est son premier jour. Les confréries et tout ça, il faut qu'il s'y habitue. Moi-même j'ai encore du mal à me repérer. D'ailleurs c'est curieux... Pourquoi tu arrives si tard? Nous avons reçu notre lettre pendant l'été... Le service scolarité aurait-il fait des erreurs?

Voilà qu'une nouvelle série de questions se soulevait face à cette arrivée imprévue. Avait-on fait une erreur dans les envois d'acceptation? Comment cela avait-il pu arriver? Qui s'en chargeait? Anna sentit son cerveau recommencer à tourner à plein régime. Il fallait qu'elle le calme. A son arrivée elle avait passé des semaines à chercher des réponses ici et s'était même risqué à se perdre dans les dédales du château malgré son sens de l'orientation défaillant afin de trouver rien qu'un début de réponse à l’énigme. Elle était du genre à vouloir comprendre, toujours comprendre et ici elle ne comprenait rien, ce qui était passablement agaçant à la longue. Elle ne comprenait pas la langue (bien que cela soit largement en voie d'amélioration), elle ne comprenait pas l'organisation des cours, elle ne comprenait toujours la culture anglo-saxonne et elle ne comprenait pas le but de leur présence ici. La petite française avait du faire un terrible effort sur elle même pour accepter cet état de fait. Elle avait dû se raisonner à laisser les choses lui échapper, mais des fois sa nature reprenait le dessus comme à cette instant et alors elle sentait son esprit s'emballer, la laissant étourdie par tant de pensées surgissant en même temps.
Elle s'appuya légèrement au dossier de la chaise devant laquelle elle se tenait, serrant ses doigts autour du bois et du cuire mêlé. La sensation d'une chose matérielle et solide, immuable, lui redonna la contenance dont elle avait besoin.
Elle décida de se recentrer sur les choses plus terre à terre, dont elle aurait la réponse rapidement.

- Tu arrives d'où du coup? Moi je viens de France et Jade est anglaise, elle était à Poudlard aussi, vous vous êtes peut être déjà vu?