SKYLAR ♦ I'm a young lover's rage

Maudite tignasse... Si elle les coupait aussi court que quand elle voyageait, elle serait moins embêtée... Elle se les attache rapidement en chignon, grogne en voyant les mèches bouclées qui en ressortent, et se fixe dans le miroir avec une expression à moitié consternée et à moitié blasée. Qu'importe, elle ne sort pas aujourd'hui. Helen va sûrement lui râler dessus, lui dire qu'il faut qu'elle sorte de son chagrin amoureux et arrête de manger autant. Il ne s'agirait pas qu'elle passe de sa taille moyenne à une taille plus élevée. Elle laisse échapper un soupire, réajuste la ceinture de son jean. Si elle se maquille légèrement, peut-être que cacher ses cernes et la pâleur de son tain suffira à calmer les reproches maternelles. Elle ajoute un trait de crayon au dessus de ses yeux vert d'eau ; le miroir de la salle de bain est bien trop haut, et elle doit se glisser sur la pointe des pieds pour l'atteindre. Pas sa faute si le reste de la famille ne fait pas 1 mètre 60. Elle sent les muscles de son dos protester. Trois mois plus tôt, elle aurait pu affirmer être une fille plutôt sportive, mais c'était Lydia qui la poussait à courir, à s'étirer et à se muscler jour après jour. Elle ne ressemble déjà plus à la baroudeuse énergique dont l'allemande était tombée amoureuse, mais plutôt à une adolescente moldue déprimée s'habillant comme un garçon...

Skylar est une rêveuse. Elle passe la plupart de ses journées à rêvasser, à lire, à dessiner ou à regarder les étoiles. Elle tombe régulièrement malade en restant trop longtemps dans son bain, perdue dans ses pensées. Plus jeune, beaucoup se moquaient de son air perdu et de son imagination excessive. Puis elle se mit à lire, et aucun livre d'astronomie ne lui échappa plus jamais. Quoi qu'un peu solitaire, le temps a en partie adouci ce coté de son tempérament.

Ce qui ne l'empêche pas d'être assez peu confortable en société. Sept années à n'avoir presque jamais d'autre compagnie que celle de sa petite amie l'ont rendu plus indépendante que jamais, et elle a perdu presque toutes les conventions sociales que sa mère lui avait soigneusement inculqué. Se tenir bien ? Oui, bon... Ne porter que des robes, et repassées de préférence ? Bof... La seule chose qui la pousse à avoir l'air distinguée est le désir de réussir sa carrière de professeur. Sweater et jeans, pour une prof, c'est moyen.

Skylar a en apparence le sang froid et le profil bas, mais il suffit de gratter un peu pour sentir qu'une autorité naturelle se dégage d'elle. Beaucoup sont surpris en remarquant son fort caractère et sa tendance à ne jamais se laisser faire, voir à faire ce qu'elle entend peu importe l'avis des autres. Quand le besoin se fait sentir que quelqu'un prenne une décision, elle est souvent la première à prendre le flambeau.

Le sentiment grisant de quitter Poudlard... et de démarrer une aventure telle qu'elle en a toujours rêvé. Un voyage d'une année à travers le monde, aux cotés de la spécialiste Lydia Kruger. Non pas qu'elle ait l'impression de ne pas déjà bien connaître le ciel, mais il reste toujours à apprendre et elle rêve de devenir à son tour une enseignante de renommée. Elle allait d'ailleurs sans doute en rencontrer beaucoup durant cette année...

La jeune fille ne se doutait guère qu'elle ne quitterait pas les bras de celle qui lui apprendrait tout sur les étoiles avant bien des années.


Ma chère Skylar,
Cela fait presque un an que tu n'es pas passée nous voir, et tu manques à toute la famille. Je sais que ce mode de vie te convient, mais je ne suis pas rassurée par les événements qui ont récemment bousculé notre monde. Je t'en prie, ne te mets pas en danger, et reviens nous voir dès que tu le peux. Ton père et moi, ainsi que Aaron, Sophia et Lucy, allons nous installer à Avalon, au nord du pays de Galles. J'y ai trouvé un poste de médicomage et ton père ne tardera sans doute pas à trouver du travail là-bas. Son collègue lui a dit qu'ils engageaient des enseignants au sein de l'université qui vient d'y ouvrir. Peut-être en as-tu entendu parler, il s'agit d'une académie nommée Haveirson. Ils cherchent sûrement un professeur d'astronomie. Réfléchis-y. Je sais que toi et ton amie n'aimez pas rester à un seul endroit pendant longtemps, mais je m’inquiète et je t'assure que nous sommes prêts à l'accepter parmi nous.
Je t'embrasse fort,
Helen

Elle tournait la lettre entre ses doigts encore et encore, ses pensées s'emmêlant au rythme de ses gestes. Elle aurait dû laisser le papier au fond de sac. Le jeter, le brûler, il y a longtemps. Le hibou était arrivé trois semaines plus tôt, alors qu'elles étaient en plein milieu du grand canyon. Elle avait envoyé une réponse vaguement rassurante, promettant de passer voir sa mère, puis avait laissé la lettre se perdre dans ses affaires. Elle regrettait désormais de l'avoir gardé, car l'idée commençait à la hanter : vivre sur les routes ne serait plus jamais aussi simple.

Elles en avaient fait les frais la veille, dans un petit village à cinquante kilomètres de Mexico. Les dangers de la rue, elles connaissaient, mais cette fois ça avait été différent. L'homme avait pris Skylar par surprise. Il avait réussi à l'assommer, et avant que Lydia ait le temps de réagit, avait voulu lui arracher ses vêtements. La réaction de la sorcière assistant à la scène avait été violente ; il avait volé au fond de la ruelle dans une gerbe de lumière. Mais Lydia tenait toujours sa baguette tendue dans sa direction lorsqu'elle s'était aperçue qu'un deuxième homme s'était trouvé dans la ruelle, et qu'il s'enfuyait désormais à toutes jambes.

« Il faut les brûler, comme dans l'ancien temps ! »

Les paroles des habitants résonnaient encore dans la tête de Skylar. Elles ne s'en étaient sorties qu'en transplanant, évitant de justesse la foule enragée qui s'était rassemblée très vite et les coups de fusil résonnant dans leur direction. Elle se rendit compte que ses mains tremblaient à nouveau et respira profondément pour se calmer. Lydia, assise de l'autre coté du poêle, leva les yeux de son livre et posa un regard transperçant sur elle.


« Ça ne va pas mieux, ma petite souris ? demanda-t-elle, faisant naître un sourire sur les lèvres de Skylar.
- Si, si. Je me demandais juste... est-ce qu'on ne devrait pas se poser pendant un temps ? Je sais que tu détestes ça, mais ça risque d'arriver à nouveau. Je veux dire, même en faisant attention. En plus, ils ont sans doute fait passer notre signalement et nous serons traqués-
-  Dans le monde entier ? l'interrompit Lydia avec un sourire moqueur.
- Non, bien sûr... Mais ça n'empêche que nous devrons constamment faire attention au moindre de nos gestes et de nos mots. Je n'ai pas exactement envie de vivre en ayant constamment peur qu'un moldu vienne nous tuer dans notre sommeil. »

Sa comparse leva les yeux au ciel, un sourire taquin aux lèvres. Elle se leva et s'approcha de Skylar d'un pas feutré. Sa stature était imposante, sa silhouette musclée, et elle baissa des yeux d'un bleu froid sur sa compagne, avant de se pencher pour déposer un baiser sur son front.

« Tu t’inquiètes beaucoup trop, petite souris. Mais si tu veux que nous retournions voir ta famille, alors je n'ai pas de problème avec ça. Et si tu préfères rester avec eux, alors je te suivrai. Tu m'as suivi bien assez longtemps. »

Skylar resta sans voix un moment, saisie par ces mots qu'elle ne s'attendait pas à entendre dans la bouche de sa compagne. Depuis sept ans, Skylar n'avait jamais réclamé quoi que ce soit, ne s'était jamais plainte du déplacement constant, de l'inconfort et des surprises qui jalonnaient leur mode de vie. Peut-être s'attendait-elle à être rejetée au moment même où elle souleverait le sujet. Elle se leva d'un bond, et embrassa Lydia sans retenue.

Un claquement caractéristique retentit dans la tante.

« Skylar Bennett, Lydia Kruger, vous êtes en état d'arrestation pour pratique de la magie en présence de témoins moldus et convoqués immédiatement au ministère de la magie » annonça l'homme qui venait de transplaner à un mètre d'elles.


Elle s'attendait à devenir la honte de la famille, pour la deuxième fois. Après qu'elle ait décidé de rester avec Lydia, ses parents avaient si mal réagi qu'elle avait cru qu'ils la renieraient totalement, mais au fil du temps ils avaient fini par l'accepter. Cette fois-ci, sa mère ne lui fit pas le moindre reproche. Elle passait en jugement pour un crime grave, mais Helen vint au procès et la serra dans ses bras avec une force surprenante, puis lui murmura des mots d'encouragements.

« On m'a raconté les circonstances de votre arrestation. Crois-moi, tout joue en votre faveur. Face à la haine des humains, ils ont été obligé d'utiliser un sérum de vérité sur celui vous ayant vu, et il n'y a aucune raison que vous soyez punies pour vous être défendues. »

Sur ce point, la mère de Skylar ne se trompait pas. Après un premier interrogatoire des deux femmes, on les relâcha avec un simple avertissement. Désormais, leur annonça le juge, il vous faudra être plus prudent que vous ne l'avez jamais été et plus discret que des souris.

« Ce ne sera pas trop dur pour toi » lui dit Lydia un peu plus tard, un demi-sourire aux lèvres.


Skylar pose sa valise un instant, juste pour reprendre son souffle. Le château n'était pourtant pas si loin de la route. Elle sent qu'elle n'a pas fait d’exercice physique depuis que Lydia est partie. Elle n'a plus vraiment la motivation, de la même manière qu'elle rechigne à observer les étoiles. Pourtant, il n'y a rien qui sache éveiller sa passion plus que le ciel et les secrets qu'il détient. Sauf peut-être deux yeux d'un bleu glacé.

Le sentiment de trahison n'est plus aussi insupportable que le premier jour. Au fond de la poche de son manteau, le bout de papier est toujours là. L'encre magique ne s’effacera probablement pas avant très longtemps, peut-être jamais. D'une certaine manière, elle comprend. Mais elle ne peut s'empêcher de se demander si toutes ces années, elle n'a été qu'un poids pour celle qu'elle aimait. Si à présent celle-ci est libre de vivre comme elle l'entend, sans petite souris la suivant.