Métamorphose, Magie et Méditations [PV Clemens]

Alors qu'il avait lui-même réclamé cette rencontre, Clemens avait hésité un moment avant de s'y rendre. D'une part parce qu'il s'était attendu à recevoir un rendez-vous bien clair, d'autre part parce qu'il avait été perplexe en lisant cette invitation à se rendre spontanément dans les appartements du professeur Fitzsimmons. Il se sentait déjà suffisamment mal à l'aise durant ses entrevues avec McGonagall dans un simple bureau...  Comme souvent, il avait agi dans le feu de l'enthousiasme. Quelques minutes seulement après avoir eu l'idée de solliciter un rendez-vous avec le botaniste, il avait rédigé sa lettre et l'avait envoyée. Dans les heures qui avaient suivi, il avait commencé à se demander si c'était bien malin. Après tout, la seule matière qui lui avait posé le plus de difficulté que la botanique, avait été la divination. Quand on savait que ses échecs tenaient surtout au fait qu'il avait la fâcheuse tendance à s'endormir devant Trelawney... On comprenait mieux à quelle point la science végétale lui restait obscure. Finalement, après trois jours de tergiversations, il avait passé une fin d'après-midi à réviser un peu ses connaissances en botanique et il s'était décidé.

Vingt heures sonnaient tout juste lorsqu'il se présenta dans l'aile réservée aux enseignants. Pour une raison évidente, il ne s'y était jamais rendu et fut contraint d'évoluer dans le couloir d'un air pendant quelques minutes remplies de perplexité avant de trouver sa destination. A nouveau un peu tendu, comme s'il se rendait à un entretien d'embauche, Clemens se planta devant la porte, prit une inspiration et leva la main... qui ne rencontra jamais le battant. Sans doute alerté par sa présence grâce à un quelconque moyen d'alerte magique, Fitzsimmons avait déverrouillé son entrée et sa voix l'accueillit de l'intérieur.

Le jeune homme pénétra dans la pièce avec à présent un air curieux sur le visage. Il aurait fallu être idiot pour ne pas comprendre qu'elle était la spécialiste de la personne qui vivait là. Des plantes grimpaient, pendaient, se déplaçaient de manière complètement spontanée, comme si elles tentaient de recréer leur propre microcosme dans cette atmosphère humaine. Cela le détendit alors que les paroles de Isolde lui revenait en mémoire, dessinant un léger sourire sur son visage. De toute évidence, le botaniste n’exerçait pas son métier par dépit, mais bel et bien par passion; Clemens reconnaissait dans l'agencement de la pièce le besoin d'être en tout moment bercé par sa matière. En ça, il ne pouvait manquer de reconnaître un parallèle avec sa propre chambre. Ses diverses expérimentations faisaient de ses quartiers un véritable champ de bataille où se déplaçaient plumes, chaises et chaussettes... sans compter les diverses affaires qui apparaissaient et disparaissaient à intervalles réguliers. Et ce, au grand désespoir de son colocataire.

" Bonsoir Professeur. Merci d'avoir accédé à ma demande. "

Contrairement à la familiarité qu'il s'était permise lors de la soirée aux Trois Balais, le Sinistros retomba spontanément dans une expression plus formelle. Il espérait être invité au tutoiement, afin de se sentir à nouveau plus libre dans la conversation. Néanmoins il préférait rester prudent d'entrée; son attitude légèrement provocatrice et insolente avait fait mouche avec l'aîné, mais Clemens n'était pas convaincu de pouvoir danser avec le même pied avec le plus jeune des deux enseignants.

A présent planté à côté de Fitzsimmons qui lui tournait toujours le dos, l'étudiant laissa son regard vagabonder sur le bureau avec curiosité. Les traités se mêlaient aux plantes tandis qu'un chat, dont la vie semblait disparaître sous la couche de poil, le vrillait de ses yeux ostensiblement ennuyés. Il ne put s'empêcher de sourire en silence.

Avec un léger sourire, Clemens serra la main du professeur avec franchise. Intriguer, c'était en effet souvent l'effet qu'il faisait aux gens. Avec le temps, il avait appris - ou était-ce du à une certaine assurance naturelle ? - à aller taper là où on ne l'attendait pas, révélant plus chez ses interlocuteurs, donnant de la richesse à chaque échange. Cet aveu lui donnait à présent une certaine liberté de mouvement qui contribua à renforcer sa confiance. Pendant un moment, il avait craint de voir sa demande acceptée par simple politesse. Après tout, un botaniste n'avait pas forcément un intérêt à chercher dans une discussion avec un spécialiste de la métamorphose. Néanmoins, cela confirmait ses premières déductions à propos de Fitzsimmons; comme l'arrangement de la pièce en témoignait, il était passionné... et sa curiosité probablement chatouillée.

L'Allemand s'installa en silence dans un fauteuil, les yeux fixés sur le chat qui tournait autour de lui. Qu'avait donc ces botanistes avec les chats ? Depuis qu'elle était à Haveirson, Isolde avait aussi constamment un félin entre les pattes. Cela ne le dérangeait pas, en soit, mais il avait toujours l'impression d'être jugé et observé par ces bestioles bien plus intelligentes qu'elles ne voulaient le laisser paraître. D'une main distraite, il dispensa quelques grattes au Maître, amusé par ce nom peu banal. Cependant, son attention se détourna rapidement. Comme toujours, sa concentration sautait d'une idée à l'autre et le temps de la découverte était passé. Son regard bleu se braqua sur Fitzsimmons, témoignant de cette espièglerie inconsciente camouflée derrière l"intérêt professionnel. Par politesse, Clemens laissa son hôte entamer la discussion et l'écouta sagement, un nouveau sourire équivoque aux lèvres. Enfin, il se redressa et commença à dévoiler ses idées.

" Je suis depuis longtemps convaincu que la magie est présente de façon latente dans le monde. Elle accompagne le quotidien des moldus, aussi bien que des sorciers, à la différence que les premiers n'ont pas les capacités ou la sensibilité pour la manipuler. Ce constat m'est venu en parallèle à mon intérêt pour la métamorphose. Elle est une caractéristique essentielle de la vie même. "

Il fit une pause pour boire une gorgée de thé, signifiant son appétence d'un signe de tête, avant de reprendre.

" La botanique n'est clairement pas ma matière de prédilection, je ne vais même pas essayer de vous le cacher. J'ai poursuivi l'apprentissage jusqu'aux ASPICs par fierté, mais je n'ai jamais réussi à développer un quelconque atome crochu avec les plantes. Néanmoins, il y a quelques jours, Isolde m'a parlé de votre discussion... Si j'ai bien compris ce qu'elle m'a relaté, vous considérez que chaque plante contient en elle une propriété magique et qu'il n'appartient qu'au sorcier de la découvrir et de l'exploiter. Je ne sais pas pourquoi je n'y ai pas pensé plus tôt, mais j'aurais clairement du faire le parallèle entre la botanique et la métamorphose à ce niveau. "

Au fur et à mesure que Clemens parlait, sa voix se faisait plus claire, son attitude plus assurée. Tout en gardant une certaine formalité dans son comportement, il ne pouvait empêcher l'ambition de percer dans son expression. Il était venu chez Fitzsimmons pour repartir enrichi, grandit et il ne pouvait cacher cet état de fait. Après les éloges entendues de la bouche de son amie pour ce nouveau professeur, il se sentait d'humeur exigeante avec lui. Comme souvent quand la passion et un intérêt exacerbé dictait ses mots, l'échange risquait de tourner en une sorte de joute verbale.

" A Poudlard, on nous présente les différentes matières comme complètement indépendantes, cloisonnées. On peut évidemment faire quelques liens entre la botanique et les potions, ou encore les sortilèges et la défense contre les forces du mal... Mais pourquoi se limiter à ces associations simplistes ? Plus j'avance dans mon apprentissage de la métamorphose, plus j'en vois des ramifications que je n'aurais pas imaginées au départ. La connexion avec les potions me semble déjà depuis un moment évidente... maintenant, je m'intéresse à la botanique. "

Le jeune homme se détendit à nouveau un peu, reprenant une attitude plus nonchalante à l'invite de ce fauteuil confortable. Ses yeux brillants n'avaient cependant pas lâché son interlocuteur une seule seconde.

Son regard se fit un peu plus lointain, alors que son esprit commençait à disséquer cette idée de flux. La métaphore lui plaisait. Voir la magique de cette façon permettait de la considérer comme une sorte de vague qui allait et venait à cette guise, parfois présente à certains endroits, parfois moindre. L'idée corroborait magnifiquement bien à tous les domaines de la magie, du moins, à ce qu'il pouvait en dire après une courte réflexion spontanée. Cela expliquait notamment pourquoi certaines potions étaient plus efficaces lorsque préparées à la pleine lune, ou pourquoi certains sortilèges restaient voués à l'échec lorsqu'ils étaient exécutes dans l'alignement de certains planètes… Ou encore pourquoi certains êtres y étaient plus sensibles que d'autres.

Clemens laissa échapper un rire en réponse à la confidence. Quelle drôle de paire il faisait là, le spécialiste de la métamorphose qui ne savait pas différencier un plant de menthe d'un d'origan et le botaniste qui n'en touchait pas une dans l'art de la transformation. L'étudiant laissa voguer son regard de la tasse en question vers Fitzsimmons, puis vers la tasse à nouveau. La pique le titillait comme une certaine mise à l'épreuve et il dut résister à l'envie de sortir sa baguette pour envoyer le dit objet gambader dans la pièce. Après sa phase « disparition » en début d'année, dont plusieurs de ses camarades avaient fait les frais, il s'amusait particulièrement avec les sorts d'animation depuis quelques semaines. Il s'efforça cependant de se rappeler à qui il avait à faire et pris sur lui pour rester sage.

Il hocha la tête à nouveau, le parallèle avec les méthodes de soins moldues lui paraissait tout à fait pertinent, même si il n'y aurait pas pensé seul. Après avoir grandi dans un univers où la magie était limitée à un placard de leur quotidien, ce genre de réflexions n'avaient pas vraiment eu sa place. Au fur et à mesure que l'enseignant lui expliquait sa théorie, Clemens se redressait et se penchait légèrement en direction de la table. Geste inconscient qui marquait un intérêt non feint, souligné par son regard bleu, vif et attentif. Il travaillait chaque information que Fitzsimmons lui donnait et tentait de les coupler avec ses propres déductions en matière de métamorphose. Bien qu'il n'eut jusqu'ici pas grand-chose à commenter, son attitude trahissait de manière évidente qu'il n'en était pas moins actif dans la discussion.

« En effet, je ne peux pas restreindre la métamorphose à l'acte provoqué par un sortilège. J'ai tendance à penser que la théorie de la magie telle que nous la connaissons n'est qu'une dérive des lois de la nature. Avec le temps, nos ancêtres sorciers l'ont affinée et délimitée pour en faire les différentes branches que nous connaissons. Si on considère simplement la définition primaire des sortilèges de Transfert qui est de donner à un objet les caractéristiques d'un autre, il devient rapidement évident qu'un grand nombre des réactions naturelles sont une forme de métamorphose. »

Il se tut un instant, le temps de relier ses idées ensembles.

« Les exemples moldus me paraissent d'ailleurs très parlant, bien que peu de sorciers s'y intéressent. Vous avez cité les médicaments, j'aime relever d'autres actes du quotidien, tel que faire un gâteau par exemple. Pour un sorcier, un tel acte est réalisable d'un coup de baguette magique, uniquement en rassemblant les ingrédients devant lui, alors que le moldu doit transformer à l'usage de ses mains mais… pour arriver au même résultat. Cette réflexion peut-être considérée comme tirée par les cheveux, je vous l'accorde, néanmoins les situations initiales et finales sont les mêmes. Seul le moyen utilisé a été différent… peut-on dire pour la cause qu'il s'agit d'un processus intrinsèquement différent ? »

Présenter ses idées et théories avec tant de conviction et d'assise lui donnait une impression bizarre, probablement due à la supériorité hiérarchique de son interlocuteur. Il avait l'habitude de tenir ce genre de discours à Rowan ou à Isolde, qui avait depuis longtemps reconnut son talent et accepté ses connaissances dans le domaine. Ils échangeaient mutuellement avec respect sur leurs domaines respectifs, contribuant ainsi à l'évolution des uns et des autres. La discrète retenue du professeur témoignait cependant d'un certain intérêt, qui l’encouragea à continuer.

« Je partage également votre avis sur les Runes. C'est d'ailleurs encore un point de vue trop peu développé dans l'étude cette matière, à Poudlard. On se limite beaucoup trop à leur dessin et leur interprétation en elles-mêmes, sans se préoccuper de l'endroit où elles ont été dessinées et de l'impact que cela a eu sur leur utilisation et leurs effets. Je ne suis pas un spécialiste du domaine, mais j'imagine ne pas me tromper en disant que graver une rune sur un arbre vivant aura probablement de nombreux effets secondaires qui n'existeraient pas en l'appliquant sur un parchemin, ou encore que l'effet produit ne sera pas le même si le support est un chêne ancestral ou un jeune peuplier ? »

La question n'était absolument pas rhétorique. Clemens adressa un regard clairement interrogateur à Fiztsimmons, à la recherche d'une pré-réponse sur son visage. L'étude des runes n'avait pas été sa matière de prédilection à Poudlard, bien qu'il ait appris à l'apprécier avec le temps. Cependant, il n'avait pas eu l'occasion de se pencher à nouveau sur ce sujet depuis qu'il avait fini sa septième année et l'évocation de cette matière dans la conversation lui confirmait que les différents arts magiques étaient bien irrémédiablement liés entre eux. Son interlocuteur le souligna encore en évoquant la nécessité de maîtriser la botanique dans de nombreux autres cursus. L'étudiant hocha la tête… c'était vrai de la métamorphose également, mais c'était inutile de le préciser.

Il suivit des yeux le Maître qui partait en quête d'un parchemin et but une nouvelle gorgée de thé pour se faire patienter. Le professeur semblait avoir fait quelques recherches, ou du moins, nourrit une certaine réflexion après sa demande. Le Sinistros afficha un sourire reconnaissant ; non seulement cette discussion se révélait déjà être enrichissante mais en plus de cela, il pensait bien découvrir quelques informations qu'il aurait difficilement pu dénicher dans une bibliothèque.

Clemens se laissa retomber contre le dossier de son fauteuil, la main sur son menton, couvert d'une barbe de trois jours, comme à souvent lorsqu'il réfléchissait. Les noms de ces plantes lui étaient en effet inconnu et bien que leurs effets ne soient pas spectaculaire outre mesure, leur rareté devait avoir une raison. Ces quatre merveilles étaient donc à la fois dangereuses, diablement utiles et extrêmement difficiles à trouver. Un seul de ces arguments auraient suffit à le maintenir attentif pour le reste de la soirée. D'un geste vif, il se pencha à nouveau vers l'avant, les mains posées sur la table, dans un geste qui trahissait à la fois l'excitation et une intense réflexion.

« Quatre effets de Transfert donc, les plus courants mais aussi les plus variés évidemment. La seconde évoque la Désillusion, c'est intéressant… La troisième étant sans conteste la plus dangereuse, une mauvaise utilisation ou une utilisation récurrente pouvant avoir des conséquences dévastatrices sur le corps humain. » Il se tut un instant, puis releva les yeux vers Fitzsimmons. « J'imagine que si vous prenez la peine de souligner leur disparition officielle c'est que vous connaissez des sources officieuses sur comment les trouver et les traiter ? »

La question avait été directe, sans gêne. L'étudiant était venu ici non seulement pour trouver des pistes mais surtout des réponses. Si il ne comptait pas se lancer dans l'utilisation de telles plantes – ou pas seul du moins, il se savait peu qualifié pour tenter l'expérience – il considérait cependant de son devoir de traiter la métamorphose dans son ensemble et pas seulement de se limiter aux grandes lignes et aux sortilèges déjà connus. D'autant que chacune des exemples présentement évoqués touchaient à la métamorphose humaine qui était, de loin, son domaine de prédilection.

Un sourire lui échappa quand il surprit une brève expression tracassée chez son professeur. Sa courte réflexion à propos des améliorations qu'il pourrait faire subir à cette tasse de thé s'était de toute évidence reflétée sur son visage. Clemens se contenta cependant de rester silencieux, la discussion qui s'était établie entre eux lui paraissait bien plus intéressante qu'une quelconque démonstration. Après tout, si son aîné souhaitait savoir jusqu'où s'étendait ses talents, il ne lui serait pas compliqué de le demander. La légère timidité qu'il avait démontrée aux Trois-Balais s'était évanouie pour laisser place à un échange honnête, ce qui convenait entièrement à l'étudiant. Il continua d'ailleurs sur cette lancée.

« Je n'ai rien pour le prouver, c'est juste… une idée qui m'est venue. Ma réflexion est peut-être bancale, n'hésitez pas à me le dire si vous le pensez, mais nos ancêtres avaient une catégorisation des sciences bien étranges pour notre point de vue actuel. Philosophie, astronomie et physique étaient liés, tout comme la médecine, la botanique… Enfin, il m'a paru logique de démarrer d'une ligne centrale qui s'est ensuite divisée et ce sont ces divisions qui ont finalement été catégorisées et délimitées. Après, ce n'est que spéculation. »

Fitzsimmons avait de toute évidence grandit dans un milieu imprégné de l'influence moldue, lui aussi. En un sens, partager ce passé riches des deux visions des choses devait les aider à comprendre leurs réflexions. Du moins, il avait constaté qu'il peinait plus à expliquer ses idées à Rowan ou à Isolde. Le premier, avec la stricte éducation aristocratique des sangs-purs ne pouvait pas comprendre nombre d'exemples qui fascinaient Clemens. La seconde était en quelque sorte toujours à la découverte de ses capacités et des possibilités qu'elles lui offraient. Le jeune homme hocha donc simplement la tête pour marquer son consentement. Vérifier d'entrée qu'ils étaient sur la même longueur d'ondes était de bonne augure pour la suite.

« C'est probablement vrai, mais c'est une réalité que je ne parviens pas à comprendre. Comme c'est une option facultative justement, l'intérêt devrait être présent. On ne peut pas vraiment reprocher à un élève de s'endormir en cours de potions quand il n'est jamais parvenu à se préparer un chocolat chaud… Mais pourquoi choisir les Runes par dépit ? Parfois j'ai l'impression que les professeurs mettent la barre trop basse et ne font pas assez confiance à l'esprit d'initiative de leurs élèves. Plus de libertés et d'applications pratiques pourraient en éveiller beaucoup. »

Clemens s'arrêta un peu brusquement. Il venait de se souvenir qu'il s'adressait à un professeur et même s'il n'était pas directement son étudiant, une telle remarque pourrait paraître déplacée. D'ordinaire, il n'avait pas peur d'exprimer ses opinions, si brusques puissent elles être, mais à ce moment précis, il chérissait trop les perspectives que lui présentaient Fitzsimmons pour prendre le risque de le froisser. Il reprit rapidement, d'une voix plus maîtrisée cette fois.

« N'y voyez pas une quelconque critique envers la profession. Je réfléchis moi-même à suivre cette voie. Mais… j'ai souvent regretté le manque d'ambition qu'on nous présentait. Il fallait gratter aux portes pour obtenir plus de détails, d'informations, si encore on ne se faisait pas envoyer à la bibliothèque. C'est peu encourageant pour de jeunes esprits. »

Un autre sourire vient flotter sur son visage. Dans un autre univers certes, mais il décrivait un peu la démarche qu'il avait effectué avec le botaniste. Sauf que cette fois, la réponse avait été positive, intriguée, intéressée, ce qui n'aurait jamais été le cas à Poudlard. Peut-être étudiants et professeurs étaient-ils plus conscients de leurs propres forces et reconnaissaient plus aisément leurs faiblesses. Ou encore, le manque d'histoire de cette académie lui donnait spontanément une atmosphère détendue, presque familiale. Après tout, cette première promotion n'était pas encore très fréquentée ce qui donnait à chacun le luxe de se connaître et d'entrer en contact…

Ses premiers commentaires faits sous le coup de la spontanéité, il se tut à nouveau un instant. Il n'avait pas non plus envisagé le lien des baguettes avec les runes, et il lui fallut quelques secondes pour trier ces différentes idées. Il aurait juré que l'âge de l'arbre pouvait avoir une influence sur la puissance de la rune. Une lueur légèrement défiante brillait dans son regard alors qu'il fixait Fitzsimmons pendant sa réflexion. Son association d'idées s'était basée sur la possibilité d'appliquer une rune sur un arbre vivant, donc lié à sa forêt et aux arbres autour de lui. Finalement, il hocha la tête pour accepter l'argumentaire de son aîné ; après tout, son apprentissage ne lui permettait pas de s'opposer à une quelconque argumentation en matière d'arbres. Mieux valait se ranger pour le moment, quitte à revenir au sujet plus tard. L'étudiant sortit donc simplement sa baguette et la présenta au professeur sur la paume de la main.

« Bois de sapin, nerf de coeur de dragon. »

Fine, flexible, réactive, Clemens appréciait beaucoup cette baguette, qu'il avait certes du apprivoiser au début, mais s'était révélée être une très bonne camarade de route pour lui.

« Je n'avais jamais fait le lien entre les baguettes et les runes, mais vu la façon dont vous présentez les similitudes… C'est assez logique, en effet. Bien que j'aie toujours pensé que la baguette devait l'essentiel de son pouvoir au cœur que l'on y mettait, et qu'il était ensuite canalisé d'une manière particulière par le bois qui l'entoure. Je n'avais jamais perçu les choses de cette manière, mais on revient à nouveau sur l'idée de flux, oui. C'est intéressant de voir à quel point les choses se recoupent. »

A nouveau penché au dessus de la table, l'étudiant sirota son thé distraitement, sans lâcher Fitzsimmons des yeux. Non pas qu'il en aurait douté, mais il avait vu juste. Le botaniste afficha un petit sourire amusé avant de retrouver rapidement son sérieux. Clemens l'écouta en silence, alors qu'une lueur intriguée revenait flotter dans son regard. Il avait l'impression de toucher à une nouvelle branche encore inconnue de sa discipline, d'accéder à une sorte de secret qu'il n'aurait pu découvrir sans une illumination et une audace particulière, au bon moment. En un sens, cela lui rappelait ses premières recherches sur l'Animagisme et ses différents essais encore infructueux dans cette voie. Quand il avait envoyé sa lettre, il se trouvait loin d'imaginer que ces différentes lignes pourraient se rejoindre… Etait-il exagéré d'imaginer qu'un professeur de botanique aux cours duquel il n'assistait même pas pourrait le faire avancer vers son but ultime ?

Une certaine excitation grandissait en lui, alors qu'un nouvel horizon de possibilités et de recherches s'ouvraient. Il en était même au point de se demander combien de spécialistes de la métamorphose avaient un jour eu assez de déférence pour leurs collègues afin de s'asseoir, d'écouter et de s'enrichir. Il chassa brusquement cette idée, trahissant sa réflexion par léger hochement de tête agacé. « Ne laisse pas ton égo trahir ton talent » lui avait-on dit un jour. L'étudiant reposa sa tasse et hocha à nouveau la tête dans un geste destiné au professeur cette fois.

« Qu'est-ce qui vous fait penser à de la censure ? Je ne connais pas l'histoire de ces plantes, mais ne peuvent-elles pas s'être raréfiées avec le temps, causant par conséquent la perte des connaissances qui leurs sont liées ? Y-a-t-il, selon vous, des preuves tangibles qui pointeraient vers une disparition organisée, volontaire de ces informations ? »

Son côté cartésien reprit un instant le dessus, mais ce n'était qu'une façade. La perspective de redécouvrir des plantes si particulières l'intéressait déjà au plus haut point. Mais si en plus leur disparition avait été organisée en sous-main par une volonté anonyme… Alors il se sentait presque investit du devoir de les redécouvrir, d'apprendre à les travailler, même si cela devait rester pour satisfaire sa propre soif de connaissance.

« Je comprends entièrement. Les sortilèges de métamorphose sont – malheureusement ou pas – souvent très complexes à développer et à utiliser. Quand cette compétence tombe dans de mauvaises mains, elle peut devenir aussi dangereuse que de la magie noire. En dehors de la perspective idyllique que nous dépeignions plus tôt, ce n'est de toute évidence pas un hasard si sa pratique est aussi encadrée. Voire même dans certains cas, considérée comme proprement illégale. »

Clemens avait conscience que la comparaison qu'il venait de développer pouvait être équivoque. Néanmoins, il ne pouvait pas se cacher d'avoir étudié son domaine plus que de raison pour un étudiant de son âge, surtout depuis que son accident avait mis une fin prématurée à son autre carrière. Son esprit n'avait de cesse de sortir des sentiers battus et même s'il ne l'évoquerait pas devant Neal, il était tombé sur des ouvrages proprement dégueulasses décrivant l'usage de la métamorphose. Le jeune homme se redressa légèrement.

« Ne vous méprenez pas sur mes propos, je sais où sont les limites. La raison qui m'a poussé à vous contacter n'était rien d'autre que de la curiosité… Même si je dois avouer que les perspectives que vous me présentez me donnent inévitablement envie d'aller creuser plus loin. J'imagine qu'en tant que passionné d'un art, on est amené à prendre des risques pour continuer sa démarche personnelle. Je n'hésite pas à m'aventurer sur des terrains borderline, comme vous dites, mais je ne compte emmener personne de non consentant avec moi. »

Il avait parlé de la même voix grave que celle empruntée par son aîné. Sa franchise se trahissait par son attitude vierge de toutes hésitations. L'étudiant sentait bien qu'il passait là une phase de test et qu'une mauvaise réponse pourrait conduire Fitzsimmons a avorter l'échange et à le mettre dehors. Derrière sa façade qu'il espérait maîtrisée et sérieuse, Clemens ne pouvait cependant pas ignorer le léger fourmillement qui le parcourait. Arrivé là où il en était, il était prêt à plus ou moins n'importe quoi pour montrer patte blanche et convaincre l'enseignant de continuer son partage. Une idée fusa, néanmoins, l'emmenant déjà un pas plus loin que ce qui lui était jusque là proposé.

« Ne serait-il pas intéressant, justement, de travailler sur une solution pour pallier à ce problème ? J'imagine que les moyens classiques pour détecter les poisons ne fonctionneraient pas contre ce genre d'agressions, puisque stricto sensu… Ils ne sont pas néfastes. Pas de prime abord, et pas sous contrôle. » Il se tut un instant, il glissa une main au travers de sa tignasse puis devant son visage, avant de révéler à nouveau un regard électrique. « Croyez vous qu'à l'instar du bézoard pour les poisons, il existerait une plante capable d'inverser un processus de métamorphose ? Peut-être dans la lignée des tentatives de remèdes contre la lycanthropie ? »

Voilà que la médicomagie se mêlait au débat. Il ne restait plus qu'à ramener l'ainé Fitzsimmons et le débat serait glorieux. Clemens ne put s'empêcher de laisser échapper un rire. Dédié comme l'était le médicomage, nul doute qu'il serait partant pour ce genre d'expériences.

Clemens acquiesça d'un signe de tête. Le choix des options dès la troisième année lui avait rapidement paru être peu à l'avantage des élèves. Cela déterminait tant de choses dans l'avenir d'un sorcier, alors qu'à treize ans, on était bien loin de se poser des questions sur son futur. Mais bon, avec les BUSEs qui arrivaient déjà en cinquième année, avait-on une autre possibilité ? Repousser la prise de décision à la quatrième année ne changeait, au final, pas grand-chose. Il n'avait jamais vraiment regretté ses options, bien que la divination l'ait toujours laissé fortement sceptique. Au moins, ça lui avait un peu ouvert l'esprit sur d'autres matière et, à en croire Neal, les Soins aux Créatures Magiques n'étaient pas beaucoup plus intéressante. Chacun semblait choisir le moindre mal, et quand on y réfléchissait, c'était une perspective atroce pour une école.

Cette tirade avait néanmoins eut le bon ton de les pousser tous les deux à évoquer une expérience un peu plus personnel, et le Sinistros se détendit presque instantanément quand le botaniste le tutoya spontanément. Clemens n'aimait pas devoir observer les formes et la hiérarchie dans des situations dont le but était un enrichissement commun. Après avoir chacun avoué qu'ils étaient mauvais dans la matière de l'autre, il les avait sentit sur une sorte de pied d'égalité. Le fait que ce soit reconnu par le professeur en face de lui allait en quelque sorte le libérer pour la suite et donc, laisser libre cours à son esprit. D'aucuns auraient sans doute dit que l'étudiant faisait déjà preuve d'une certaine largesse mais c'était un grand classique de son caractère. Exigeant, provocateur, un peu insolent.

« Ca me va. Je ne pourrais pas vraiment m'exprimer sur le sujet, puisque je ne viens pas à tes cours. Néanmoins, Isolde n'en parle qu'avec enthousiasme, ça me semble déjà être un bon indicateur. Et j'étais en effet à Serdaigle. »

Il ne posa pas la question réciproque. L'Allemand avait beau être très fier de son ancienne appartenance à la maison bleu et bronze, il la considérait comme du passé. Il avait vécu de nombreuses expériences depuis, il appartenait maintenant à une confrérie toute différente et il pensait être devenu un autre homme dans la foulée. Ou du moins, il l'espérait. Les quatre maisons de Poudlard étaient une mise en pratique des formes et des pressions sociales qu'on trouvait dans la vie extérieure sauf que là, on ne pouvait pas s'en détacher. Au moins autant d'élèves avaient été aidés par leur appartenance à une maison particulière que détruits. Des familles étaient détachées, jugées, des amitiés, brisées.

Clemens observa Neal, alors qu'il observait la baguette présentée. Nul doute que la question n'avait pas été posée sans une quelconque arrière-pensée et il était très probablement en train de tirer des conclusions sur l'étudiant grâce au bois et au cœur. Il ne peut se retenir de sourire. Sans être un spécialiste du sujet, loin de là, il s'était évidemment intéressé à la composition des baguettes magiques, afin de découvrir les secrets de la sienne. La conséquence directe en avait été de s'instruire sur celles de ses camarades et ainsi de suite. Il en avait déduit que les associations étaient presque toujours exacte et cela se confirmait dans son propre cas. Sa baguette lui convenait parfaitement, reflétant ses affinités avec le monde qui l'entourait. Ou peut-être était-ce l'inverse ? Comment savoir ? Après tout, ce n'était pas très important.

« De l'if. »

Il n'avait pu se retenir de relever l'information. Bien qu'il n'était pas un spécialiste de l'artisanat magique, il avait baigné un moment dans des cercles peu recommandables où ce bois avait une lourde réputation. Après son accident, il avait retrouvé l'adrénaline des matches de Quidditch en pariant sur des rencontres illégales de duel et il avait très vite appris que les duellistes qui maniaient l'if était des concurrents redoutables. Ils ne reculaient devant rien pour remporter la rencontre, tout en faisant preuve d'une grande maîtrise et d'une froideur d'esprit presque inébranlable. Clemens accrocha le regard de Neal et le détailla pendant un instant. Sous son couvert discret, presque timide, le botaniste cachait de toute évidence un sorcier flamboyant. Un sourire étira ses lèvres. Cette académie regorgeait de personnes toutes plus intéressantes les unes que les autres. Et généralement, c'était aussi celles là qui gardaient le plus de secret.

Clemens se pencha à nouveau un peu vers l'avant. Le metasujet que Neal venait d'aborder l'intéressait également au plus au point. Le contenu, les plantes, leur évolution était évidemment l'ensemble d'informations qu'il était venu chercher. Néanmoins, se recherches n'étaient pas exactement centrées sur la botanique et sa visite était donc plutôt éperonnée par une sorte de curiosité professionnelle générale. Par contre, l'attitude et les réflexes protecteurs des chercheurs, ça, c'était quelque chose qu'il pouvait utiliser dans n'importe quel domaine. Et c'était un peu ce qui lui faisait défaut, d'ailleurs. La formation dispensée par Poudlard apprenait à être de bons petits sorciers du quotidien ; Penser, réfléchir, critiquer ? Inutile. Sauf que quand on voulait devenir spécialiste, il fallait presque commencer par étudier ses propres prédécesseurs avant d'avoir ne serait-ce qu'une minuscule ouverture sur la matière elle-même.

« Ca paraît logique, en effet. C'est typiquement le genre de détails qui me rend fou à propos du système éducatif, si je peux me permettre de retomber sur ce sujet-là. Pour celui qui n'a pas la chance de trouver sur sa route un spécialiste ouvert d'esprit comme toi… Se retrouve le bec dans l'eau pour se lancer dans une quelconque méthode de recherches. Simplement par méconnaissance des techniques de ses confrères. »

Le commentaire n'était certes pas très constructif, mais il lui permettait de remercier Neal à nouveau pour l'entrevue. Il appréciait sincèrement le temps qui lui était consacré, et se promit silencieusement de rendre la pareille au professeur s'il en avait l'occasion un jour. En attendant, il se pencha avec intérêt vers le cahier que le botaniste venait de poser sur la table. Le regard de Clemens passa du livret à son interlocuteur plusieurs fois pendant la tirade, tandis qu'un nouveau sourire se dessinait sur son visage. La passion doublée de frustration était tellement audible, et l'étudiant sentit  l'amusement monter en lui. Juste avant qu'il n'explose de rire. De toute évidence, Neal ne s'était pas simplement donné un peu de peine pour trouver ces quelques plantes, il avait même ouvert tout un nouveau pan de ses recherches personnelles.

« Vu comme ça, la disparition paraît en effet complètement invraisemblable, voire carrément douteuse. Je suis du coup plutôt curieux de savoir comment vous vous êtes débrouillé pour savoir que cette plante existait toujours d'une part, mais surtout, pour mettre la main dessus. »

Il se foutait des détails en un sens. Mais la démarche pour retrouver ce qui avait disparu depuis deux siècles faisait partie de la liste de compétences qu'il devait indéniablement encore acquérir. L'atmosphère était soudainement à la tension, néanmoins et cela ne lui plaisait guère. Son caractère sanguin et lui étaient bien placés pour savoir que la frustration était une des pires ennemies de la réflexion. Si bien qu'au lieu de ranger sa baguette précédemment sortie, il entreprit de poursuivre une idée qui le chatouillait depuis son arrivée. Clemens jeta un regard espiègle à Neal, avant de cibler la tasse à thé désormais vide et de murmurer un faible « Animatus. ».

Avec un air presque attendri sur le visage, l'étudiant observa la porcelaine se mettre en branle sur quatre petites pattes frêles. Après un saut adroit de la table, heureusement amorti par la moquette, la tasse entreprit de découvrir le monde qui s'offrait à elle. Il lâcha un « hmm » insatisfait tout en observant le déplacement rendu résolument bancal. La anse pendait à gauche, erreur de décentrement de son sortilège. Clemens haussa les épaules. De toute façon, à moins que Neal ne trouve la farce moyennement amusante, la tasse n'allait pas tarder à découvrir l'existence du chat, et son problème serait vite réglé. Il reporta donc le regard sur son interlocuteur, qui sortant tout juste d'une intense réflexion, lui fit signe de patienter.

Le Sinistros ne tenta même pas de comprendre ce que le botaniste était en train de faire. En le voyant disparaître dans une anti-chambre, il avait rapidement compris qu'il s'agissait là d'une sorte de pièce réservée ou de cache quelconque. D'une, cela ne le regardait pas, et de deux, il allait de toute évidence bientôt rencontrer ce qui s'y trouvait et pouvait être d'intérêt pour lui. Il attendit donc patiemment, tout en sirotant la fin de son thé. Avant d'être, et c'était peu dire, surpris par l'espèce de machin rabougris et rouge vif qui fit irruption sous son nez. Une lueur interrogative flotta dans son regard, jusqu'à la fin de l'explication. Là, l'étudiant se félicita intérieurement d'avoir fini sa boisson une minute plus tôt, sans quoi, elle lui aurait sans doute filé par le nez.

« Une métamorphose complète en dragon !? Avec une plante ? Malgré mon manque d'affinités avec la botanique, je pense que dans ce cas précis, je ne vais vraiment pas cracher sur les détails. »

Transformer un être humain en une créature magique était un véritable exploit magique. Certains sortilèges de transfert permettait de provoquer des métamorphoses partielles, évidement, mais il était presque impossible d'atteindre plus. Ou alors, ce n'était qu'une pale copie de la réalité. La perspective qu'une seule de ces petites feuilles puisse provoquer ce sur quoi de puissants mages avait échoué le fit littéralement bouillir de l'intérieur. Ce qui était particulièrement pertinent au vu du contexte.

« Et dans les 4 % restants ? »

Clemens brûlait littéralement de tendre la main vers la plante, mais il s'abstint. D'une part, parce qu'il ne savait pas quels étaient les effets de la plante au toucher, et surtout, parce que son geste aurait été mal interprété par Neal. Il aurait adoré pouvoir récupérer même une seule des feuilles de cette plante pour pouvoir lui faire passer toutes sortes de tests et d'expérimentations et voir s'il pouvait l'utiliser en lien avec ses proches recherches. Cependant, il savait en son for intérieur que ce n'était pas prêt d'arriver, alors il chassa cette utopie de son esprit.

Contrairement à ce que le botaniste avait présenté d'entrée de jeu, la Medulla Rath ne donnait pas seulement l'apparence d'un dragon, elle provoquait donc une réelle transformation. En profondeur. La question la plus fascinante pour lui était de savoir si cette métamorphose avait déjà réussi sur un autre être vivant, peut-être plus proche du dragon ou plus résistant de l'être humain… et surtout, à quel point elle modifiait l'essence de l'être. D'après ce qu'il avait pu déterminer au cours de ses recherches, il existait trois types de métamorphoses humaines, toutes plus au moins relié aux sortilèges de Transfert. D'une part, celles qui ne modifiaient que l'apparence, celles qui modifiaient l'essence de manière superficielle ou limitée et il supposait l'existence de métamorphoses essentielles et éternelles. Si la Medulla provoquait la mort de sa victime, elle appartenait vraisemblablement à l'une des deux derniers types. Si le troisième semblait se vérifier, il devrait vraiment apprendre à manipuler cette plante.

« Est-ce que tu sais si l'effet a déjà réussi ? Par conséquent, s'il est réversible ? La plupart des métamorphoses le sont. Même si tu transformes un animal en un objet, son essence devient certes celle d'un objet inanimé, mais tu pourras retrouver sa vie, quelque part. Le tout reste lié. Je m'interroge depuis un moment sur l'existence d'un type de métamorphose qui serait si profond, qu'il annulerait tout retour en arrière. »

La suggestion était effrayante, certes. Clemens pouvait concevoir l'horreur que représentait une métamorphose involontaire, mais il existait toujours une chance quelque part, que le sortilège faiblisse et se lève de lui-même ou qu'un autre sorcier en découvre une trace et l'annule. La perspective d'une transformation irréversible le fit frissonner… surtout dans un cas où la victime garderait une trace de sa conscience. Cette question de l'essence revenait encore et toujours… Même chez Neal. L'étudiant se passa une main dans les cheveux, soudainement un peu perdu.

« Cette question de l'essence est tellement complexe… Un peu comme les vaccins moldus, j'imagine qu'en manipulant la plante elle-même, il devrait être possible d'en contrer les effets. Peut-être en combinaison avec une autre plante. Ce à quoi je réfléchissais à l'instant était la profondeur de la métamorphose qu'une plante peut induire. Ca n'a pas l'air comme ça, mais il y a trente-six façons de transformer un humain en chat, et les conséquences en sont à chaque fois différentes. »

Il fit une pause pour essayer de clarifier ses idées.

« J'entendais plutôt remède dans le sens de contre-sort. Les cas comme la lycanthropie sont délicats à aborder et sont des cas extrêmes de la métamorphose. Bon, tu vas me dire que parler de la métamorphose via les plantes c'est aussi un cas extrême, mais ça se relie plus facilement à un sortilège. Ou, à défaut d'avoir un vrai remède, pouvoir au moins en stopper les effets. Comme ceux de la Medulla, par exemple. J'imagine qu'il vaut mieux vivre avec des écailles sur la tête plutôt que de mourir dans d'atroces souffrances… Même si évidemment, ça reste la décision de la victime. »

Comme souvent quand il était aux prises avec une réflexion intense, Clemens se leva et commença à faire les cent pas dans l'appartement. Grâce à ses habitudes d'expérimentations pratiques, il zigzagua entre les pots flottants et les différents objets qui se trouvaient sur son chemin sans même paraître les voir. Quand on avait l'habitude de devoir éviter les objets à ras du sol, les pots de fleur, c'était un jeu d'enfant. Soudainement, il s'arrêta et releva les yeux vers Neal, le regard brillant à la fois de doutes et d'une certaine passion.

« Et si la métamorphose était présente dans un écosystème, justement ? Quelles sont les autres propriétés de la Medulla ? J'imagine qu'elle ne fait pas que métamorphoser celui qui la consomme, ou est-ce son seul mécanisme de défense ? Pourquoi est-ce que cette plante, précisément, en est arrivée à développer cette propriété précise ? Serait-ce envisageable que la transformation ne fonctionne que dans des cas bien précis, qui seraient d'une manière ou d'une autre profitable à la plante et à son écosystème ? »

Sa connaissance de la botanique en était plus ou moins à ses limites avec une telle réflexion. Il avait lâché toutes les hypothèses et les questions que son esprit avait pu rassembler, sans parvenir à discerner leur degré de pertinence. Finalement, il laissa tomber les bras le long de son corps, sa voix n'était plus qu'un murmure. Peut-être allait-il émettre une tautologie ou une véritablement stupidité. Mais c'était le point final de sa réflexion, dans le pire des cas, il aurait appris quelque chose.

« Et si la clé, c'était de comprendre le pourquoi, et pas le comment ? »

Clemens se contenta d'un signe de tête pour clore la conversation sur la pédagogie. Il avait trop peu d'expérience dans le domaine pour se permettre de la continuer beaucoup plus longtemps et vu la virulence – ou la passion, il ne savait pas très bien – dans les mots de Neal, il craignait de finir par le blesser. Or, leur échange était beaucoup trop intéressant pour qu'il prenne le risque de brusquer le botaniste. Et encore, ils avaient juste commencé à parler d'une plante sur les trois… La soirée se promettait d'être longue.

Les détails sur la carrière du botaniste était somme toute logiques. Il serait sans doute déplacé de poser la question sur le lien qui existait entre les deux carrières, si c'était un choix commun ou un heureux hasard. Néanmoins, ils devaient s'être bien utiles à tous les deux. Pour Clemens, c'était une perspective intéressante : il avait toujours tendance à travailler seul, considérant les interventions extérieures comme préjudiciables. Son domaine était extrêmement précis, mais il commençait à se prouver involontairement à lui-même qu'un partenariat avec un autre sorcier plus compétent, voire simplement d'une spécialité différente lui était nécessaire.

Pour quelqu'un considéré comme calme et presque inintéressant, Neal était tout de même un sorcier qui aurait pu écraser la plupart des étudiants de l'académie par le simple poids de ses connaissances. La réputation sulfureuse de son aîné lui faisait de toute évidence bien plus d'ombre qu'il ne le méritait. L'Allemand était si occupé à ingurgiter et analyser ces nouvelles données qu'il ne savait même pas quoi dire – et Merlin savait que ça n'arrivait pas tous les jours. Il n'avait quitté la Grande-Bretagne que pour l'Allemagne et la Scandinavie, alors la Mongolie… Ça représentait une espèce de bout du monde vaguement fantaisiste qui n'avait que l'atlas géographique pour attester de son existence.

« C'est vrai qu'on est souvent loin d'imaginer qu'il existe d'autres formes de magie que celles qu'on nous a enseignées... »

Le commentaire n'était pas bien utile pour faire avancer la conversation, mais face à une expérience à laquelle il ne pouvait se relier, il ne trouva rien d'autre à dire. Néanmoins, Clemens prenait de nombreuses notes mentales, surtout sur les détails méthodologiques. Spontanément, il ne voyait pas vraiment quel problème pourrait le pousser à se rendre au contact de populations autochtones mais… pourquoi pas ? Des recherches sur des formes de métamorphoses particulières ou même sur de possibles exceptions à la loi de Gamp sur la métamorphose élémentaire pourrait justifier ce type de démarche.

Le sortilège lancé sur la tasse avait tout juste suffit à contrecarrer sa frustration et son besoin de mouvement. Par contre, il dut retenir un rire en voyant Neal sortir sa propre baguette et essayer de reproduire le même sort. L'Animation était une des branches les plus difficiles de la métamorphose et demandait une grande finesse. Sous couvert de petites actions amusantes, Clemens était lui-même encore loin de la maîtriser, c'est pourquoi il salua le saut périlleux du coussin avec un hochement de tête approbateur. Ce n'était sans doute pas ce que son interlocuteur espérait, mais obtenir un mouvement, même aussi quelconque ce lui-là était une belle réussite. Surtout si c'était son premier essai, ce dont l'étudiant ne doutait pas vraiment. Finalement, comme si cet interlude avait pour but d'être une démonstration mutuelle des capacités de chacun, le botaniste entreprit d'arroser ses plantes d'une manière très… personnelle. Clemens contempla avec une telle surprise le déluge qui se déclencha à quelques mètres d'eux, qu'il en loupa presque les explications suivantes.

« On peut donc fumer la Medulla ? Avec des effets différents ? »

Bon, 'pouvoir' avait ici une drôle de signification, techniquement on pouvait tout fumer au moins une fois, ça ne voulait pas dire pour la cause que c'était conseillé. La question restait tout de même intéressante. Après tout fumer une herbe qui te transformait en dragon, c'était un concept…
La suite, par contre, était une découverte tellement énorme d'un point de vue de la métamorphose que Clemens resta presque choqué et eut un mal fou à se reprendre assez pour revenir sur le détail qui l'intéressait.

« Attends, tu veux dire que, techniquement, la Medulla rajeunit l'humain ? Comparer le nombre d'années est un peu ridicule dans ce cas, vu l'espérance de vie des deux espèces. Néanmoins, la métamorphose ramène un humain adulte à un développement bien antérieur. C'est… énorme. »

Cette plante était tout bonnement fascinante. Pouvait-on considérer son effet comme un démenti de l'exception sur la vie à la loi de Gamp ? L'étudiant avait beau fouillé dans sa mémoire, c'était l'expérience qui s'en approchait le plus. Relever des cadavres, voir un esprit reprendre vie, c'était une chose. Un simulacre de vie, une pâle imitation qui n'affectait le concept de vie en aucun cas. Par contre, rajeunir un corps, c'était influer directement sur sa vie et son évolution au sens propre du terme. Alors même si ce n'était pas un passage d'un état à un autre, ça ciblait tout de même quelque chose qu'un sortilège ne pouvait atteindre…

« Donc, c'est possible, même si c'est extrêmement rare. Dommage que l'expérimentation ne serait pas éthique, parce que déterminer quel facteur permet à l'humain de résister serait fascinant… Encore faut-il qu'il y en ait un, ce qui n'est pas sur. »

L'étudiant haussa les épaules, chassant directement cette problématique de son esprit. La recherche serait beaucoup trop vaste et de toute façon, complètement impossible à mener en dehors d'un cadre théorique. Si du moins, ils avaient des registres plus précis des personnes qui avaient ingéré ces plantes, une analyse comparative aurait pu dégrossir le terrain et déterminer de premières pistes. Tant pis.

« C'est vrai que vu sous cet angle là, ça complique affreusement le processus… Et encore faudrait-il savoir, en se trouvant face à un dragon qu'il a été humain un jour. A moins de s'attaquer à un cas où la métamorphose est en cours, mais pas encore terminée. »

A présent debout, Clemens fut surpris de ne traverser aucune zone encore humide alors qu'il se déplaçait de manière complètement aléatoire. Au milieu de sa réflexion, il se dit que Neal avait du mettre en place un système très complexe sur tout son appartement pour pouvoir garder en vie cet ensemble de plantes hétéroclites. Cette pensée fut confirmée par l'arrivée d'une lumière tout à fait inattendue en cette fin de soirée, dont l'étudiant chercha la source pendant un instant. L'ensoleillement semblait diffus et limité à un coin particulier de la pièce, comme s'il résultait d'une série de miroirs qui contiendrait le déplacement de la lumière d'une manière extrêmement précise. Décidément, passer ses journées les mains dans le terreau ne faisait pas de Neal un sorcier qui manquait d'ingéniosité. Sa maîtrise des sortilèges et leur adaptation à son propre domaine était même carrément épatante.

Surtout quand, en plus, sa météo personnelle en arrivait à refléter ses états d'âme. L'Allemand s'immobilisa, soudainement perturbé par la disparition de la lumière et les plants dont le mouvement venait de s'interrompre. De toute évidence, il avait eu une réflexion particulièrement pertinente qui avait résonné avec force chez le botaniste. Par contre, Clemens n'était pas sur de ce que ça avait été. Il fouilla dans sa mémoire pour réveiller le souvenir des dernières idées qu'il avait lâchées, de manière presque aléatoire, puis sursauta. Neal, un abruti ?

Alors là, il était complètement perdu. Devant lui, le sorcier d'ordinaire si calme et tempéré venait de se lever avec une exclamation qui se reflétait dans toute la pièce. Entre les étincelles de sa baguette, l'immobilisme de tous les objets et puis… L'étudiant n'était pas sur d'en croire ses yeux. Cette débauche végétale était-elle une conséquence directe de la révélation qui venait de frapper son aîné, ou était-ce un sort qu'il avait volontairement lancé ? Clemens observa le botaniste, interrogateur.

« J'ai l'impression d'avoir dit quelque chose de fantastiquement intelligent, mais je ne sais pas exactement quoi. »

Cette drôle de plante aux effets et aux utilisations multiples avait réussi à l'intriguer, si ce n'était carrément à le passionner. Au vu de sa profonde incapacité à s'intéresser aux plantes, qu'il avait crue ancrée dans ses veines depuis presque 10 ans… C'était pas loin d'être un exploit. Mais bon, d'un autre côté il fallait vraiment manquer de curiosité intellectuelle pour ne pas ouvrir un œil interloqué devant ce petit buisson rouge et rabougris, qui était en même temps si dangereux. Clemens fit une moue déçue lorsque le botaniste lui avoua ne pas connaître les effets précis de l'herbe lorsqu'elle était fumée. C'était dommage, peut-être pouvaient-ils être reliés d'une manière ou d'une autre au dragon ? Que ce soit en terme de perception ou d'illusions, ça restait une piste intéressante à creuser. Après, il était tout autant probable qu'elle ne fasse rien de plus qu'abîmer le cerveau de son utilisateur.

« C'était sans doute une sage décision. Les chamans ne t'ont rien dit à propos de l'intérêt qu'ils trouvaient à la Medulla ? C'est un peu bizarre de t'avoir proposé d'en fumer sans rien te dire sur les effets. »

Loin d'être une mise en doute de Neal ou une accusation de mentir, l'étudiant était sincèrement étonné. Il n'avait aucune idée de l'utilisation que des chamans pouvaient faire d'une plante, ni des types de rites dans lesquels elle aurait pu jouer un rôle. Ses connaissances en anthropologie se limitait à quelques informations glanées en parallèle de recherches différentes. De fait, proposer une activité à un invité sans l'informer des conséquences auxquelles il serait confronté lui paraissait particulièrement antisocial… Sauf qu'il était vraiment très mal placé pour en juger.

Clemens n'y connaissait rien non plus en anatomie de dragons. En fait, maintenant qu'il y pensait, il serait même vachement temps qu'il se mette un peu à la biologie. La métamorphose humaine c'était bien, mais on pouvait difficilement s'y limiter. Le côté animal refaisait toujours surface d'une manière ou d'une autre et pour lui qui avait grandit en ville… certains éléments lui restaient complètement obscurs, même s'ils étaient des vérités acquises pour d'autres. Avec le recul, c'était une erreur de n'avoir pas choisi le cours de Soins aux Créatures Magiques. Ca lui aurait au moins ouvert un horizon sensé et utile en rapport avec sa spécialité. Contrairement à la Divination qui ne lui avait, en tout et pour tout, servi strictement à rien.

« Ce serait intéressant de comparer ces données avec quelqu'un qui est plus spécialiste de la faune magique. » Il marqua une courte pause, soudainement un peu embêté. « A vrai dire, je n'ai aucune idée de ce qu'est un génome. Mais du contexte, j'en déduis que la métamorphose fait correspondre, à peu de choses près, l'état de développement du dragon avec celui de l'humain transformé, c'est ça ? »

Clemens aurait sans doute été gêné s'il ne s'était pas douté que le concept était moldu. En tout cas, cela sonnait vachement comme un terme scientifique. Son père lui avait donné quelques bases de chimie durant son adolescence – c'était vachement utile pour bien mélanger les cocktails – mais ses connaissances en sciences se limitaient plus ou moins à ça. La théorie de la magie était déjà tellement vaste en elle-même qu'il se demandait même si c'était possible d'être un sorcier et un scientifique accompli.

Heureusement pour lui, la réflexion suivante était à nouveau entièrement son domaine. La loi de Gamp, ses cinq exceptions, la vie etc, c'était des sujets qu'il avait déjà traité en long, en large et en travers. A défaut de les comprendre entièrement – et aucun sorcier ne pouvait vraiment s'en vanter, en réalité – il avait fini par en avoir une vision claire.

« La vie ne peut en effet être créée, par contre, est-ce vraiment une création, si on la prolonge ? La question joue déjà plus sur les limites. Dans ce cas-ci, j'aurais tendance à me demander si la métamorphose est permanente ou réversible. Dans le premier cas, je pencherai plus volontiers sur l'hypothèse que l'humain gagne en effet en espérance de vie, pour autant qu'on puisse le formuler de cette manière, du moins. Dans le second cas, il serait cohérent qu'elle reste celle d'un humain normal, puisque la métamorphose inverse devrait être possible. Or ramener un dragon bien vaillant de 150 ans à l'état d'humain causerait probablement la mort de celui-ci. »

Clemens se gratta le menton. La question était aussi épineuse qu'elle était floue, mais c'était bien sur ça qui faisait tout son intérêt. La suite ne manqua pas non plus de titiller sa curiosité, même si le retour sur un point plus précisément lié à la botanique ne lui donnait d'autres possibilités que d'écouter sagement. Ses suppositions à ce niveau se basaient essentiellement sur de l'air et des associations d'idées qui lui paraissaient être plus ou moins logiques. Néanmoins, réussir à suivre Neal dans ses argumentations tout en rajoutant son grain de sel de temps en temps était extrêmement satisfaisant. Pour lui qui s'était cru être une vraie branche en botanique pendant des années, il commençait à se dire que c'était simplement l'enseignement à Poudlard qui ne lui convenait pas… Ah, vieux débat.

« Pour autant que je puisse suivre ton argumentaire, tout cela me paraît fort logique, en effet. J'imagine également assez bien que de telles recherches soient maintenues sous silence. Une telle plante est bien mieux cachée et protégée entre les mains de professionnels que présentée au grand public. Et je suppose que tant qu'elle ne provoque pas d'autre accident majeur, nul ne verra l'utilité à lui trouver un remède. Moi qui avais toujours vu la botanique comme une promenade fleurie, je me rends compte que vous n'êtes pas mieux lotis que la plupart des spécialistes. »

Sa remarque aurait pu passer pour du sarcasme si elle n'avait pas été soulignée par un sourire sincère et un regard plein d’honnêteté. L'Allemand avait l'impression de redécouvrir complètement cet art qui lui était resté hermétique sept ans durant. Neal était un vrai passionné et un professionnel de son domaine. Clemens savait le reconnaître et l'apprécier.

La microjungle qui s'était subitement développée autour d'eux avait évidemment suscité de la surprise chez le jeune homme, mais il avait eu la présence d'esprit de rester immobile. Une drôle d'anecdote concernant un Géranium dentu lui revint en mémoire : la conclusion de cet après-midi là avait été 'ne gigote pas comme un sot auprès de plantes inconnues et sans protection.' Clemens s'était donc figé au milieu des ronces et espérait simplement qu'elle disparaîtrait rapidement. Il ne pouvait pas dire qu'il était mal à l'aise au milieu de cet amas végétal mais… presque.

« Non non, tout va bien. Dis, c'est ta baguette qui a ce genre de réactions spontanées ? »

Il fallait avouer que ça avait une certaine classe, malgré le côté encombrant. L'étudiant vrilla son regard vers la baguette de Neal, si imprévisible et imaginative à défaut d'être d'une puissance extraordinaire. L'artisanat des baguettes magiques allait finir par se retrouver sur sa – déjà longue – liste de domaines parallèles à creuser. Si il continuait à ce rythme là, il n'aurait pas assez d'une vie pour se pencher sur tous les sujets qui l'intéressaient. Cependant, il y avait plus urgent dans l'immédiat. Le botaniste semblait avoir eu une révélation particulièrement lumineuse et Clemens mourrait déjà d'envie de savoir quelle avancée venait d'être faite ici, l'air de ne pas y toucher.

Ses yeux bleus suivaient chacune des explications du professeur avec une flamboyante lueur d'intérêt. L'explication était plutôt basique à suivre, surtout en étant illustrée de la sorte. Le jeune homme n'était cependant pas entièrement sur de comprendre le fin mot de l'histoire. Avec de nombreuses précautions, il sortit sa baguette de sa poche et la pointa sur les ronces qui les entouraient, marmonnant quelques fois la même formule. La poussée soudaine était certes spectaculaire, mais être encerclés par les ronces n'allaient pas les aider à travailler. Une fois les épines transformées en autant de petites plumes, par contre, ils pouvait au moins recommencer à bouger. Clemens adressa un sourire espiègle à Neal, puis se rapprocha de la mappemonde improvisée autant qu'il le pouvait.

« D'accord… Mes connaissances en géographie ne sont pas exceptionnelles, mais d'après les quelques détails que tu m'as déjà donné, chacune de ses plantes a un effet tout à fait cohérent dans son environnement particulier, n'est-ce pas ? La plante et l'environnement où elle pousse aurait donc une influence double l'un sur l'autre ? »

La théorie semblait à la fois tirée par les cheveux et en même temps, parfaitement logique. L'être humain 'primitif' avait commencé à utiliser son environnement quand il pouvait lui apporter un avantage. Cela pouvait être en terme de nutrition, mais également d'un point de vue purement stratégique… Un sorcier qui se transformerait en végétal tout en vivant dans une forêt primitive aurait évidement un avantage gigantesque sur des étrangers ou même simplement, sur ses prédateurs.

« C'est génial. Tu crois que ça a pu avoir un lien avec leur disparition des archives ? Pour préserver ces endroits des chercheurs et des étrangers, justement ? »

Ce serait une forme de censure plutôt positive, contrairement à ce qu'ils avaient pu imaginer au début.

« Ca formerait le lien entre cette censure commune… même si ça pointe presque automatiquement sur un processus plus large et réfléchi. Est-ce que ce serait possible qu'il existe d'autres plantes de ce type, dans des environnements similaires, mais si peu connues qu'elles y prolifèrent sans que plus personne ne sache qu'elles existent ? »