[Libre] Répétition générale

Ambiance sonore:

Il est de ces sorts dont on ne pense pas qu’ils soient bien utiles jusqu’à ce qu’on se retrouve danseur solo en manque de mouvement. Quinlan savait pertinemment que le moindre effort physique pouvait lui causer une blessure qu’il serait dans l’incapacité de remarquer tout de suite. Seulement, le bal de Noël approchait et ça faisait bien trop longtemps qu’il n’avait pas dansé. Heureusement pour lui, il connaissait des enchantements d’instruments de musique et il n’avait pas besoin de partenaire pour s’entraîner.

Un violon lui suffisait largement, car il savait qu’il finirait par devenir les percussions du morceau. De toute façon, ce n’était que pour lui donner une base. S’échauffant sur une musique pas trop rapide, il se laissa rapidement porter par le morceau. Ayant du mal à oublier son handicap pour se focaliser sur la danse, il n’osait pas trop tenter d’anciennes figures qu’il savait pourtant faire. La danse irlandaise lui avait vraiment manqué, et si son frère n’était pas si occupé en ce moment, il aurait bien voulu s’entraîner avec lui. Chassant cette idée de son esprit, il essaya de suivre le rythme qui allait en s’accélérant.

Les réflexes revenaient bien vite. Ses pieds martelaient le sol de la salle de musique, donnant au chant du violon une nouvelle profondeur. Quinlan tenta un saut particulièrement haut, qu’il réussit comme à la bonne époque : il songea seulement que sa tenue pour le bal de Noël ne serait pas bien pratique pour ce genre de figure… Un peu dommage, dans le sens où cette veste lui plaisait énormément, que ce soit dans la coupe, la couleur ou la fluidité du tissu. Mais Fitzsimmons senior avait clairement conçu un vêtement où les mouvements du haut du corps et du bassin seraient les plus visibles. Or, dans la danse irlandaise, c’était avant tout les jambes et les pieds qui étaient hypnotisants. Quinlan n’ignorait pas qu’à chaque danse convenait une tenue particulière, et songeait à moitié à sortir celle qu’il avait en ce moment pour le bal. Une sorte de tenue de rechange.

Après tout, elle était également bien flamboyante, et Quinn n’était sûrement pas passé inaperçu dans les couloirs d’Haveirson, habillé comme ça. Il portait une chemise écrue aux manches très larges mais ligaturées d’un cordon vert bouteille au niveau des biceps et par dessus, un hybride entre le veston et la redingote : cintré et sans manche, le vêtement de brocart vert et noir s’évasait à partir de la taille pour lui courir jusqu’aux genoux. En dessous, Quinn avait choisi un simple pantalon noir pas trop large.

Il dansa ainsi quelques minutes, avant de suivre le violon qui ralentissait la cadence et lui laissa un moment de repos. Écoutant la musique qui continuait de jouer, Quinlan fit une pause, entamant sa bouteille d’eau en regardant distraitement par la fenêtre. D’un geste machinal, il porta la main à sa poitrine, comme pour y caresser un pendentif qui manifestement ne s’y trouverait pas. Aussi flamboyant fut-il, il n’était pas vraiment porté sur les bijoux. Il eut donc du mal à cacher sa surprise et sa perplexité en sentant ses doigts toucher un collier. Il se pencha, regarda sa main comme si elle lui mentait, et la repassa sur son cou. Rien.

Je deviens fou ou…

Gabriel se promenait dans l'immense château d'Haveirson avec l'amusement et l'émerveillement permanent d'un enfant qui venait d'apprendre à marcher et commençait à avoir conscience du monde.
Puis, alors qu'il rêvassait en pensant à la jeune fille qu'il avait croisé en arrivant à Haveirson, il entendit une musique irlandaise venant d'une salle voisine. Il décida d'aller faire un tour dans cette salle. Après tout c'était la fin de journée et il n'avait pas de travaux à faire pour le lendemain. Il avait toutefois décidé de commencer à se pencher sur un bouquin qu'il avait emprunté à son père avant de partir. Mais il avait encore deux bonnes heures devant lui avant le repas dans la grande salle où le choixpeau avait décidé de son entrée chez les Abraxans.
Il passa donc la porte...
Il fut un peu surpris par la taille de la pièce, on était dans un château, mais l'ambiance était un peu celle d' un pub irlandais version ultra-cosy, avec une énorme piste de danse, et une cheminée de dimension impressionnante au fond de la pièce avec des tables autour permettant de dîner à au moins une bonne centaine de personnes. C'était plus petit que la salle principale où avait eu lieu la cérémonie de répartition et où on déjeunait ou dînait, mais tout de même il y avait là matière à organiser d'incroyables soirées concert ou artistiques etc. A sa grande surprise la pièce était vide à l'exception d'un homme environ la trentaine, qui dansait, plutôt bien d'ailleurs sur le rythme endiablé de la musique celtique. Gabriel n'y connaissait pas grand chose en danse irlandaise mais il trouvait amusant et très agréable de contempler ce danseur passionné, qui semblait toutefois perturbé par quelque-chose. Gabriel ne pouvait pas dire quoi exactement, mais il y avait un truc qui perturbait l'harmonie des mouvements de cet homme. Une blessure peut-être? Gabriel essayait de rationnaliser la chose en se disant que ça devait faire partie de la danse et qu'il se faisait des idées; cependant son instinct l'avait rarement trompé. Il ne voulait pas déranger l'inconnu alors il s'assit et se contenta de regarder. Mais celui-ci s'arrêta de lui-même pour faire une pause semble-t-il. Il bu un peau d'eau puis commença à se caresser la poitrine doucement de la main gauche, comme si quelque-chose devait se trouver là ou si il avait perçu une douleur bénigne. Gabriel se dit "le pauvre, pourvu qu'il n'ait pas de problèmes cardiaques, à son âge, il est encore si jeune..." Il décida alors que c'était le moment de manifester sa présence. Il fixa alors l'homme de son regard se disant que celui-ci ne tarderait pas à sentir qu'il était observé, un léger sourire se dessinant sur ses lèvres, et puis après quelques secondes voyant que l'homme était plongé dans ses pensées, tapa dans ses mains pour applaudir la performance qu'il jugeait digne de cela.

La salle de musique avait beau être ouverte à tous, Quinlan ne s’était pas attendu à avoir un public pour son petit entraînement solo. Il dansait depuis qu’il avait huit ans, ce qui expliquait que même s’il n’avait pas eu l’occasion de pratiquer depuis qu’il était arrivé à Haveirson début novembre, il se sente toujours aussi à l’aise. Excepté ce léger souci d’analgésie généralisée, bien sûr.

Devoir contrôler si tout allait bien en rentrant dans ses appartements lui collait déjà une flemme monumentale, mais il savait qu’il n’avait pas le choix. Se prenant une petite pause près de la fenêtre, il se prit à rêvasser. Rien d’extraordinaire, jusqu’à cette drôle d’impression d’avoir un collier… qu’il n’avait pas. Il fronça les sourcils, se perdant un temps dans ses pensées jusqu’à en sortir violemment. On avait applaudi.

Surpris, Quinlan se retint de justesse de sursauter et se tourna vers la source du bruit. C’était un étudiant, de ceux qu’il ne connaissait même pas de vue. Le château d’Haveirson était grand et Quinn n’enseignait sa spécialité qu’à une minorité d’étudiants. C’était impossible de connaître tout le monde. Ne souhaitant pas le contrarier, il afficha un sourire qui se voulait sincère, mais qui ne faisait que cacher son inquiétude. Pourquoi avait-il pensé qu’il avait un collier ?

— Merci, mais vraiment, ce n’était rien d’extraordinaire.

Chassant de son esprit ce drôle de réflexe qu’il avait eu, il s’avança vers le jeune homme pour lui tendre la main.

— Je suis Quinlan Fitzsimmons, professeur de médicomagie et guérisseur. Je ne pensais pas avoir un public aujourd’hui, je dois l’avouer.

Il pensait plutôt au public qu’il aurait pendant le bal de Noël, les gens avec qui il danserait, et ceux avec qui il ne pourrait pas. La tenue que lui avait confectionnée son père ne le laisserait pas passer inaperçu, et c’était tant mieux. Cela dit, il craignait désormais d’être un peu trop facile à pister.

Gabriel marqua un temps d'arrêt; Il avait toujours marqué un certain respect pour les enseignants. Il observait cet homme athlétique de plus près avec un intérêt de semi-professionnel des arts martiaux. Il ne pouvait ignorer que pour un prof, ce dernier possédait un corps de sportif, et devait être très vif malgré cette gêne qu'il avait perçu plus tôt, alors que celui-ci dansait. Bah peut-être s'était-il fait mal récemment...Après tout ne soyons pas si curieux...oh et puis...zut...

_Vous sembliez gêné lorsque vous dansiez monsieur non? Avez-vous fait une chute récemment? Et aussi vous sembliez souffrir de la poitrine? Ou n'étais-ce rien? Avez-vous perdu un collier que vous portiez ce jours-ci? C'est habituel quand on a porté un objet de ce type très longtemps. Je suis fils de Joaillier et ma grand-mère faisait souvent ce geste quand j'étais petit car elle avait perdu son collier lors d'une croisière. On appris ensuite qu'elle se l'était fait dérober. Mon père, un mage de renom en France n'a pas mis longtemps à retrouver le fiéfé voleur et lui a donné une leçon qu'il n'oubliera pas de sitôt.

Gabriel se mit à rire en repensant à la manière dont son père avait fait disparaître tous les vêtements du pauvre type sans se montrer. Il marqua une pause et s'excusa en disant:

_Je ris tout seul car sans se montrer mon père a fait en sorte qu'il...disons qu'il perde quelques effets personnels alors que la pièce principale du bâteau était comble...ahahah

Ah, ça se voyait tant que ça ? Quinlan fronça les sourcils, contrarié qu’un inconnu ait pu déceler aussi facilement sa gêne dans sa danse. Il avait été persuadé que ce n’était pas si flagrant que ça. Quant au reste, Quinlan avait bien envie de lui répondre d’aller se mêler de ses affaires, mais bon. Il avait déjà fait ça avec une certaine Mademoiselle Delflandre et avait fini par le regretter à moitié. Dans le doute, il allait tenter la manière douce.

— Ce n’est rien, vous n’avez pas à vous inquiéter.

Quant à la tirade sur le collier, Quinn trouva d’autant plus bizarre que justement, il n’avait pas de bijoux ! Se méfiant de plus en plus de ce garçon qui n’hésitait pas à raconter sa vie directement — pour ce qu’elle intéressait le guérisseur, en plus ! — et ajouta d’un ton dubitatif :

— Sauf que je ne porte pas de collier en temps normal. Je n’ai pas de bijoux.

Et puis pourquoi il lui disait ça, d’abord ? En y réfléchissant bien, ce n’était pas non plus les affaires de cet étudiant qui n’avait même pas pris la peine de se présenter. Encore plus contrarié, Quinlan sentit ses traits se durcir malgré la blague et l’hilarité soudaine de l’inconnu. Surtout vu le sujet.

— Mettre quelqu’un à poil devant tout le monde vous rend-il à ce point hilare ?

Sans le vouloir, l’étudiant avait fait vibrer une corde particulièrement sensible de Quinlan, le tout après l’avoir toujours aussi inconsciemment agacé. Le guérisseur souffla pour tenter de se calmer, mais une chose était sûre : ils n’allaient pas être potes.

Gabriel sentit ses joues s'empourprer et répliqua immédiatement sur un ton très calme et respectueux:

_Non, pour le rire, je pense que c'est une méprise, je vous ai cité une histoire vraie. J'ai ce don d'observation qui peut agacer, mais je me faisais simplement du soucis. Je n'aime pas voir les gens souffrir et vous me sembliez tellement passionné dans votre danse, que je n'ai pas pu m'empêcher de remarquer cela. Quand on laisse la passion prendre le dessus c'est magnifique mais on expose aussi des choses. Ne vous en faites pas, je ne ferai plus de remarques telles que celles-ci si cela vous affecte de cette manière. Par ailleurs, je ne sais pas encore quoi mais je pense que vous pouvez faire quelque-chose pour cette gêne, si vous m'expliquez quelle est sa nature. Voyez vous mon père m'a enseigné quelques rudiments de la magie des cristaux, et je pense que je pourrais peut-être faire quelque-chose pour vous ultérieurement si vous me le permettez. Je vois bien que je vous ai agacé avec mes remarques et je vous prie de m'en excusez. Je suis un éternel curieux, et comme je vous l'ai dit je n'avais pas du tout l'intention de vous vexer. Je sens que je pourrais vous aider d'une manière une d'une autre mais si vous ne le souhaitez pas alors ma fois je me ferai une joie de ne plus révéler mes pensées profondes et sincères.

Gabriel savait qu'il ne devait pas révéler ses intuitions fulgurantes. Elles le prenaient parfois sans qu'il comprenne exactement pourquoi. Et ce n'était pas une science exacte. Il tombait parfois à côté. Cependant les rares fois où il n'avait pas écouté ce que lui dictait son intuition, il l'avait regretté, amèrement.

Je vous prie de m'excuser si je vous ai offensé d'une quelconque manière, je vous assure que tel n'était pas mon but, monsieur.

Ah, il pensait que c’était une méprise ? Insinuait-il que Quinlan n’avait pas bien compris ? Se sentant d’autant plus insulté, Quinn resta de marbre face au reste de la tirade de l’étudiant. Pourtant, il ne se rattrapait pas si mal en proposant au guérisseur de l’aider. Seulement, ce dernier n’avait aucune garantie et aucun moyen de savoir s’il pouvait faire confiance à ce jeune homme qui ne lui avait toujours pas donné son nom. Sans oublier qu’il avait un peu écorché son orgueil de guérisseur au passage. Le visage fermé, Quinn répondit donc :

— Je suis médicomage. Si cette gêne pouvait être soignée, elle le serait déjà.

Cela dit, il mentirait s’il disait que la magie des cristaux ne l’intéressait pas. Il ne connaissait pas cette branche, et n’en avait jamais entendu parler auparavant, ou alors de façon très vague. Il était prêt à passer l’éponge s’il pouvait avoir des informations sur cette variante magique plutôt rare en Europe.

— Vous vous destinez à la médicomagie ? Parce que si vous pouvez soigner avec les cristaux… j’avoue ne pas cacher mon intérêt.

Mais quand même, cet étudiant avait une façon de présenter les choses somme toute classique mais qui n’en irritait pas moins Quinlan. Ce dernier, toujours aussi contrarié, laissa échapper quelques mots en réponse aux excuses du jeune homme, qu’il considérait toujours comme invalides.

— ‘Si’ ? Vous m’avez offensé et vos intentions importent peu. Excusez-vous simplement et promettez de faire plus attention la prochaine fois. C’est largement suffisant, le reste ne sert qu’à vous faire passer pour la victime alors que vous ne l’êtes manifestement pas.

Une petite leçon certainement un peu sèche, mais il y avait des sujets avec lesquels il ne plaisantait. Ou du moins, pas avec des inconnus.

Qui ne s’étaient toujours pas présentés, d’ailleurs.

Gabriel était un peu gêné. Si cela avait été un élève, il aurait était plus ferme. Mais un enseignant, non décidemment il les respectait trop. Il avait tellement de respect et d'admiration pour ceux qui transmettaient les connaissances, et il se considérait encore malgré les 6 années passées à Beauxbâtons, comme un magicien inexpérimenté face aux puissants sorciers et sorcières qui devaient peupler le monde...

Vous avez raison! J'ai été maladroit, presque arrogant par mes remarques, et quand on ne me connaît pas on peut facilement prendre cela pour de l'irrespect.

Je manque à tous mes devoirs: je me présente Gabriel Ibn Hayyan étudiant en première année à Haveirson. Je suis dans la confrérie Abraxan

Gabriel s'inclina légèrement: Monsieur, je ne prétendrai pas vous guérir, et vous êtes bien plus expert que moi en la matière en tant que médicomage. Cela n'est pas du tout ma spécialité bien-que j'étais très doué en potions de soins. Mais là n'est pas le débat. En ce qui concerne la magie de cristaux, je la découvre tout juste moi-même mais j'ai entendu dire par mon père qu'elle pouvait faire des choses incroyables notamment en médecine.Je vais commencer mon apprentissage en autodidacte, avec il est vrai quelques conseils que mon père me prodiguera sûrement par courrier. Mais je suis très fier, et je compte suivre ses traces en trouvant par moi-même comment cela marche tout comme mon ancêtre Ibn Hayyan l'avait fait. Par l'expérience, par la véritable alchimie. Vous dire que je me destine à la médicomagie serait mentir, je ne suis d'ailleurs pas tout à faire sûr de la voie que je vais suivre. Je suis passionné par la création de sorts sous toutes ses formes, et je pensais suivre le parcours de chercheur de sorts... Cependant aussi novice que je puisse être en magie des cristaux, je serai râvi de vous initier à cet art si vous me laissez encore quelques jours pour installer mon matériel et démarrer mes expériences. D'ailleurs je me demandais où je pourrais travailler là dessus? Y-a-t-il des laboratoires disponibles pour les expériences, le travail en autonomie?

Okay alors cet étudiant parlait trop. Beaucoup trop. Quinlan avait du mal à le suivre… Était-il britannique ? Il avait une façon de s’exprimer plutôt étrange… Apparemment, il voulait travailler la magie des cristaux en solo, ce qui n’était pas forcément une mauvaise idée en soi. Cela dit, sa logorrhée sonna l’alerte dans le cerveau de Quinlan.

— Il y a des salles de travail libre, oui. Des labos aussi.

Fronçant les sourcils, il agita sa baguette pour faire taire le violon qui pendant tout ce temps avait continué de jouer. La conversation était un poil trop sérieuse pour du folk irlandais, là.

— Excusez-moi de poser cette question indiscrète mais… Vous racontez toujours votre vie à des quasi-inconnus ? Dans le monde de la recherche magique, et compte tenu du contexte actuel, c’est plutôt dangereux.

Voldemort était tout juste revenu des morts, et ses acolytes ne se cachaient plus. Le monde sorcier et le monde moldu s’étaient violemment télescopés, et ça allait faire des dégâts des deux côtés. L’heure n’était vraiment pas à la confiance, et c’est pour ça que Quinlan, sûrement habitué à sa propre paranoïa, trouvait Gabriel bien imprudent.

— Si vous voulez bien de mon conseil : parlez moins, parlez mieux et soyez prudent, que vos recherches soient sensibles ou non.

Ce n’était peut-être pas la bonne réaction à avoir, mais Quinn pensait que dans une époque de suspicion, il fallait devenir soi-même suspicieux. Trop de confiance pouvait vous faire paraître… suspect.

Gabriel comprit immédiatement pourquoi Quinlan avait réagit de la sorte. Dans le contexte actuel il était vraiment dangereux de dévoiler trop d'information sur soi-même ou sa famille, et ne pas s'annoncer pouvait également paraître très suspicieux. Il imaginait que Quinlan faisait allusion à Voldemort et ses mangemorts, Gabriel pris soudain un air beaucoup plus mature et sérieux. Comme s'il mesurait lui-même le danger auquel il aurait pu s'exposer dans plusieurs situations auparavant. Son père lui avait parlé des meurtres commis par les mangemorts et du fait que personne n'était à l'abri qu'il soit homme, femme, enfant ou vieillard.

Gabriel était grand et athlétique. Il devait être légèrement plus grand que Quinlan mais pas plus costaud en apparence. Quinlan devait vraiment être fort. Il était habitué à analyser le physique de ses adversaires lorsqu'il pratiquait les arts martiaux. Il avait d'ailleurs un maître Moldu à qui il n'avait pas rendu visite depuis plusieurs mois.
Le regard de Gabriel était toujours très expressif et à présent il était vraiment très concentré. Il avait perdu l'air malicieux voir goguenard qu'il avait pu afficher quelques minutes avant.

Non je ne parle pas toujours autant monsieur Fitzsimmons, d'ailleurs il m'arrive d'être fort peu loquace et très timide dans certaines occasions. Je suis français par ma mère et Irano-Libanais par mon père. Je tiens de ma mère ce côté "pipelette". Je ne sais d'ailleurs pas comment l'exprimer en anglais.

(Il eut un petit rire gêné et à ce moment son visage s'empourpra de nouveau)

Je ne sais pas pourquoi je me suis senti aussi vite en confiance avec vous. Mon intuition mêlée sans doute à mon excitation de découvrir les salles du château est sans doute à l'origine de cette attitude de ma part. Cela peut être très dangereux en effet. J'ai été imprudent, désinvolte et même impoli et cela ne se reproduira plus.
Par ailleurs, je compte me rendre en salle d'entrainement dès maintenant. Si vous souhaitez découvrir la magie des cristaux, vous pourrez m'y rejoindre mais je vous demanderai d'attendre environ 10 minutes avant de venir. Il y a un rituel à effectuer avant et c'est comment dire, un secret de famille. Je sais que je ne mérite sans doute pas votre confiance et votre silence, mais je vous demanderai de n'en parler à personne pour le moment. En effet je compte garder cela comme un atout pour la suite, justement au cas où l'on ait à se défendre un jour contre les forces du mal.

Gabriel regardait à présent Quinlan, en se demandant si ce dernier allait prendre au sérieux quelqu'un qui avait été aussi désinvolte à son égard. Il espérait que le professeur lui donnerait une chance de se rattraper.

Non, sérieusement, Quinlan ne pensait pas avoir un mauvais bougre en face de lui, mais quelque chose chez Gabriel l’insupportait profondément. Une impression diffuse qui lui donnait envie de soupirer au moindre mot qu’il prononçait… Par égard pour l’étudiant, le guérisseur resta le plus stoïque possible. Bon, ce n’était pas non plus totalement désintéressé.

Gabriel avait un parcours assez original, et Quinlan comprenait mieux la rareté de son patronyme. Il avait tout de même bien du mérite de venir faire ses études supérieures en Angleterre, après avoir certainement été balloté dans plusieurs coins du monde. Ouais. Ou alors, il était venu chercher quelque chose à Haveirson.

L’attitude pour le moins surprenante de Gabriel pouvait très bien être un subterfuge destiné à endormir la vigilance d’éventuels espions, ou du moins une protection. Rien ne disait à Quinlan que l’étudiant disait la vérité, bien au contraire. Cela dit, cette magie des cristaux était bien trop intéressante pour l’ignorer.

— Je serais ravi d’en apprendre davantage, mais j’ai bien peur d’être occupé aujourd’hui.

Ce n’était qu’une pause pour réviser un peu ses pas, avant de repartir à l’infirmerie du campus : il n’avait malheureusement pas le temps de se pencher sur les cristaux aujourd’hui. C’était également une bonne excuse pour faire quelques recherches au préalable, et ne pas avoir à croire Gabriel sur parole.

D’ailleurs, il avait bien envie de le moucher sur cet intitulé qu’il avait toujours détesté : c’était quoi, le ‘mal’ ? Ne pouvait-on pas simplement appeler ça de la magie défensive, ou de la magie blanche ? Mais non, il fallait rappeler qu’on se battait contre des méchants, peu importe si ces méchants avaient ou non des sentiments. Quinn n’avait vraiment pas envie d’avoir à nouveau ce débat, surtout avec un étudiant qui pouvait lui être utile. Le brosser dans le sens du poil, c’était encore la meilleure chose à faire.

— Que dites-vous d’un rendez-vous un autre jour ? Je vous enverrai une lettre.

C’était la chose la plus simple : recontacter Gabriel quand il estimera en avoir su assez sur le sujet. Comme ça, si l’étudiant s’avérait être un menteur, il serait en mesure de le débusquer.

Paranoïaque ? Noooon.

Gabriel paru un peu surpris. Il s'attendait à ce que ce professeur de médicomagie lui donne une bonne leçon d'humilité et qu'il l'envoie balader, mais finalement peut-être qu'il avait fini par piquer sa curiosité.

Gabriel pouvait paraître arrogant mais il était tout sauf un prétentieux ou un menteur. Il réfléchissait à la mise en garde de Quinlan sur le fait de trop parler à des inconnus. Quinlan était peut-être un tantinet paranoïaque, mais il n'avait pas complètement tort. Gabriel devait se montrer plus prudent à l'avenir. Cependant Gabriel était courageux et il aimait comme beaucoup de jeunes hommes de son âge prendre des risques qu'il estimait calculés.

Il avait perdu peu de combats magiques par le passé, et même si ce n'était pas un jeu, il ne craignait pas d'affronter un mangemort. Il n'avait pas besoin d'utiliser le sortilège interdit entre tous pour calmer un malade psychopathe.
Après tout, il s'était déjà battu contre plusieurs moldus en combat à mains-nues et il ne craignait pas les coups. Il avait dix-huit ans, était loin d'être stupide, mais il avait ce grain de folie qu'on a à cet âge et une ambition qu'il jugeait plutôt saine: devenir un grand magicien, reconnu dans le monde entier. Il n'avait pas peur, et si sa baguette l'avait choisi, ce n'était pas pour rien. Ollivander avait été très clair sur ce point. La baguette de Laurier choisissait les gens ambitieux, très ambitieux, et détestait les paresseux (du moins quand il s'agit de la magie). Elle pouvait vraiment aider ceux qui étaient prêt à se dépasser et Gabriel était définitivement de cette trempe là.

Il avait toujours trouvé plus fort que lui dans tous les domaines, mais il ne s'avouait jamais vaincu, et il songeait sans cesse à s'améliorer en magie. Il était totalement passionné par cet art. Il en avait même délaissé le sport lors de sa dernière année à Beauxbâtons pour remporter le concours de potions. Son ami Beck l'avait aidé.
Certes. Il lui avait donné des conseils. Mais il n'y avait pas de honte à prendre conseil de meilleur que soi. Et Beck fut tellement fier de son ami Gabriel. Il avait gagné le concours l'année précédente et ne pouvait se représenter avant trois ans. Il était presque hors concours. Gabriel rêvait de la confrontation un jour prochain.

J'en serai ravi professeur, laissez-moi quelques semaines, au moins deux semaines je dirais. Et je vous montrerai cela avec plaisir. Je dois partir également justement pour m'entraîner. A bientôt!

Gabriel s'inclina légerement c'était sa manière de montrer son respect bien qu'il ne fusse pas japonais ou chinois. Il avait un respect total pour les professeurs. Il attendait simplement que Quinlan fasse les premiers pas pour sortir et il allait se rendre à la salle d'entraînement. Il songeait aussi à trouver une chambre et un ou une colocataire.

Cet étudiant était un peu particulier, ou du moins c’était l’impression qu’en gardait Quinlan après leur première rencontre. La magie des cristaux était un domaine qui pouvait vraiment s’avérer utile pour Quinn, si tant est qu’il réussisse à apprendre quelque chose de viable là-dessus. Gabriel lui donnait deux semaines : c’était parfait. Tout juste le temps de rassembler quelques informations histoire de voir si l’étudiant n’était pas un mythomane.

— Disons dans deux semaines alors. Je vous enverrai une missive.

Assez étrangement, l’étudiant avait assez marqué Quinlan pour qu’il se souvienne de son nom, aussi imbuvable soit-il. Après cela, il le laissa partir, et relança son sort sur le violon. Il ne s’était pas assez entraîné à son goût, et ne se sentait toujours pas prêt pour le bal de Noël.

Il dansa seul encore quelques dizaines de minutes, avant de capituler. Il commençait vraiment à avoir chaud et à s’inquiéter de son état de santé : annulant le sort de musique, il reprit ses affaires et quitta la salle sans un mot, direction ses appartements. Maintenant il devait vérifier que tout allait bien. Quelle tare, sérieusement…