Another One Bites the Dust (Ouvert à tous)

Yvain avait acquiescé aux commentaires de sa camarades sur les professeurs. Derrière son apparence de gai-luron, il devait partager l'avis d'Harmony sur le professeur Trelawney. Il portait les couleurs Vert et Argent pour une raison, après tout ! Sans ambition et exigences, on n'était pas envoyé à Serpentard.
A la remarque sur l'arrogance de Potter, il répliqua, sur le ton de la conversation, que rien dans le château ne pourrait effectivement lui faire perdre son insolence. "Dans le château" ? A l'inverse, cela suggérait qu'à l'extérieur... Ils étaient seuls à présent. C'était clairement une référence aux Mangemorts, à Lord Voldemort, n'est-ce pas ? Et au vu de la tournure, cela pouvait bien répondre à l'intuition de l'adolescente. La candeur du garçon n'était certainement qu'un glacis pailleté sur la pomme empoisonnée.

Toutefois, la réflexion d'Harmony sur les implications de l'affiliation d'Yvain au camp des mages noirs fut vite interrompue. Le sourire chaleureux de l'adolescent lui avait été une nouvelle fois adressé pour lui demander si elle irait accompagnée au bal de Noël. Décontenancée, Harmony avait bégayé une réponse en rougissant et détournant le regard. Elle aurait voulu se frapper, songeant qu'elle se montrait par trop enfantine. Si l'intention de son camarade était de l'inviter, la réaction maladroite et pathétique lui aurait certainement fait changer d'avis. Il était en 7ème année après tout ! Des filles plus jolies, plus âgées, plus sûres d'elles, il y en avait un paquet. Il devait bien avoir le choix !

Harmony enfonça ses mains dans les poches et fixa le sol en se maudissant d'avoir gâché une opportunité. Au-delà de la question du bal, qui n'était qu'une hypothèse, elle se demandait quelle image il pouvait bien avoir d'elle à présent. Son effarouchement adolescent ruinait son image de jeune fille austère, sérieuse, douée qu'elle s'appliquait à justifier. Son manque de maturité lui porterait préjudice si le garçon l'approchait réellement au nom des partisans. L'enjeu était trop important pour s'encombrer de midinettes.

Elle perçut alors la voix d'Yvain comme si elle venait de loin. Opportunité ? Hein, qu'avait-il dit ? Elle tourna lentement la tête vers lui, la honte encore dessinée sur ses traits. Quelle ne fut pas sa surprise de le voir danser à nouveau ! Voulait-il changer de sujet, faire litière de l'épisode embarrassant qui venait de se produire ?
Mais... Il se mit à genoux devant elle. Qu'est-ce qui lui prenait tout d'un coup ? Avec un sourire trop large pour son visage, il lui demanda, texto, si elle voulait bien partager ses danses les plus folles au bal de cette année.

Harmony le regarda, interdite, avec l'étrange sensation qu'on lui avait apposé un fer chaud sur les joues. Elle déglutit. Alors, il n'avait pas été déçu de sa réaction ? Il ne l'avait pas trouvée stupide ? Ou bien... Une idée la foudroya. Peut-être la jugeait-il stupide, justement. La naïveté de sa camarade lui semblait certainement une facilité d'approche.
Son sourire naissant s'effaça instantanément. Il était charmeur, forcément un brin manipulateur. Elle ne se laisserait pas faire. Son orgueil reprit le dessus.

La jeune fille se planta devant lui, les mains sur les hanches, le dévisageant d'un air neutre. Puis elle décocha un sourire et lui tendit sa main droite. D'une voix douce et ferme, elle lui répondit :

- Relève-toi, je ne veux pas que tu tombes malade. Je veux bien t'accompagner, ça me fait plaisir d'y aller avec toi. Simplement, je te préviens... Je ne suis pas sûre de pouvoir suivre ton rythme de danse. Comme tu le sais, j'ai un caractère moins.. guilleret que le tien. Tu devras certainement pardonner mon manque d'exubérance sur la piste.
Une étincelle passa alors dans ses yeux. Elle pencha un peu la tête sur le côté, reprenant un air innocent et lui dit d'une voix sucrée. Ou bien, il nous faudra nous entraîner pour que je ne me ridiculise pas !

La jeune Serpentarde avait repris toute son assurance. Elle était fière de sa répartie, de la maîtrise de ses sentiments. Evidemment que ce garçon lui plaisait ! Mais il était hors de question qu'il la prenne pour une ingénue facile à manipuler. Ou, si, il le pouvait, en apparence. Mais elle ne se laisserait pas faire. L'enjeu était trop grand.

Les premières secondes, son plan exubérant et malicieux semblait avoir parfaitement fonctionné. Il devinait presque le sourire poindre sur le visage de sa cadette alors qu'elle assimilait la demande qu'il lui faisait si soudainement. C'était une manière comme une autre de l'aborder plus intimement, tout en renvoyant un message discrets aux autres partisans. Cette mission était la sienne, et il ne tolérerait aucune entrave de quiconque.

L'instant suivant, quelque chose changea pourtant dans le regard de la jeune fille. Elle glissa vers une arrogance plus ferme. Intéressant.

Yvain s'interrogea intérieurement, tentant de placer cet indicateur dans ce qu'il connaissait déjà de son interlocutrice. S'il ne parvenait pas à en saisir le sens aujourd'hui, un autre élément viendrait éclairer plus tard cette interpellation. Il ne devait pas s'en inquiéter, d'autant qu'un tel revirement impliquait qu'elle sache gérer ses émotions. En tout cas, bien mieux que ce qu'elle lui avait laissé entrevoir depuis le début de leur petite ballade.

De toute façon, mieux valait que les recrues potentielles soient capable de paraître un minimum innocentes. Naïves. Et joliment charmantes.

Quitte à poursuivre le ridicule jusqu'au bout, le Serpentard accepta la main de sa cadette avec un large sourire niais. Le pire qu'il était capable de sortir. « Merci. » Cela dit, malgré lui, une pointe de douceur s'y glissa. Une furtive et authentique marque de sympathie ? Dans tous les cas, il ne se fit pas prier pour se relever et resserrer une nouvelle fois les pans de sa cape. « Ne t'inquiète pas, tout le monde sait plus ou moins danser ! »

D'un pas aussi vif que ses propos, le jeune homme fit un rapide tour dansant sur lui-même, avant d'onduler du bassin et des bras sur un rythme que lui seul semblait connaître. Comme si son corps voguait sur une ondée imaginaire et maritime très « swing ». Quand il s'arrêta enfin, il se passa une main sur le visage avec un léger rire. « Il suffit juste de se lancer. Tu verras. »

Le coup d’œil qu'il lui adressa ensuite se révéla beaucoup plus ardent que précédemment.  Déterminé ? Sensuel ? Difficile à dire. « Tu seras prête pour ce grand moment, j'en ai la certitude. »

HRP:

Le jeune homme se releva bien vite, attrapant la main de sa camarade. La pression des paumes des deux adolescents engendra une douce chaleur parcourant l'échine de la jeune fille. Dans son mouvement, Yvain s'était rapproché d'elle mais se concentrait sur le lien de sa cape. Alors qu'il le resserrait, Harmony fit un pas en arrière tout en l'étudiant. Il avait eu un grand sourire. Se moquait-il gentiment de son ton maternel ? Ou bien était-il simplement content qu'elle accepte ? La blonde haussa inconsciemment les épaules.

La remarque d'Yvain sur la capacité universelle de danse des Homo Sapiens était d'une banalité fantastique. C'était certainement ce qui était attendu, à propos, pour répondre à l'expression d'une inquiétude. Il se voulait certainement rassurant. Harmony, peu habituée à ce type de contact cordial, le comprenait ainsi. Elle n'avait qu'un seul véritable ami, dont elle avait fait la connaissance en première année. Elle et Aston n'étaient alors que des enfants, de sorte qu'aucune convenance n'avait entravé leurs discussions. Et à présent.. Disons que cela ne s'accordait pas avec leur caractère.

Soudain, Yvain la surprit à nouveau. Après une pirouette, il s'engagea dans un pas de danse qui friserait au ridicule s'il n'était pas aussi bien maîtrisé. Tout son corps ondulait sur un rythme que lui seul connaissait. Harmony le regardait, l'air interdit, voire même absent. Elle n'avait pas l'air dubitatif. Elle n'avait l'air de rien. S'il attendait d'elle une réaction spécifique, il était servi. Absolument aucune réaction.
Le rire du jeune homme la sortit de sa léthargie. Elle cligna des yeux deux fois puis lui sourit. Comment voulait-il qu'elle le suive ? Elle et son corps maigrichon, raide, se sentait bien incapable d'effectuer ce genre de mouvement fantasque.

- Tu dois avoir raison... Peut-être qu'avec de la musique... Enfin ça devrait être plus simple.

Le dernier regard qu'il lui adressa était teinté d'une chaleur... différente. Son ton était étrangement semblable à celui qu'avait pris Harmony pour lui proposer de s'entraîner. Quel était ce jeu dans lequel ils s'engageaient dangereusement ?
Il lui semblait alors que la meilleure réponse était de se dérider. Après tout, ils étaient seuls et l'unique personne qu'elle cherchait à impressionner était devant elle. La danse était peut-être une forme de test. Après tout, elle ne savait pas exactement ce qui se jouait ici, mais elle se doutait que montrer son adaptabilité serait apprécié.

"- Attends, je vais essayer !"

La jeune fille plaça ses pieds correctement pour faire une petite pirouette, faisant virevolter sa cape. Elle en attrapa les pans et enchaîna sur un petit saut de chat approximatif et finit sur un déhanché en rigolant. Elle se disait que ce dernier pas devait être bien comique, avec son corps informe d'adolescente.

Tout sourire, elle changea alors de sujet, sur le ton de la conversation.
" - Bon, je vais m'entraîner, de toute façon. Et sinon, dis-moi, quoi de neuf ? Tu étais allé au festival à Avalon ? Je ne t'y ai pas vu."

Le sujet lui tenait à coeur. Bien qu'elle n'avouerait pas cette faiblesse, l'incident qui s'y était déroulé lui avait fait peur. Elle avait du mal à comprendre ce qui s'était réellement passé et quelles en étaient les conséquences.

Les quelques mouvements dansant qu’il exécuta avec un sérieux amusé, l’empêchèrent de repérer la soudaine absence mentale de sa camarade. Nul doute que si Yvain l’avait remarqué, son comportement se serait immédiatement mué en quelque chose de très étrange à définir et très éloigné de son soudain survoltage.

En l’occurrence, il se contenta juste de se stabiliser gaiement face à sa blonde cadette. Tout en reprenant son souffle – quoi qu’il ne fut pas particulièrement essoufflé par un effort si minime – le Serpentard concentra son attention visuelle et auditive sur elle. Certes, la musique aidait évidemment à mieux se situer dans le rythme et à se laisser porter pendant les phases les plus entraînantes. Mais aucun d’eux n’en possédaient un quelconque fragment mélodieux. A moins que... Ils se mettent à faire les sons et les bruitages avec leurs bouches ?

C’est à cet instant précis que sa camarade se lança à sa suite, en des pas fragiles et ambitieux. Bien que la maîtrise se révéla imparfaite, le jeune homme ne manqua pas de noter sa fougue et sa volonté de rebondir. Une bonne chose étant donné les temps à venir. Vraiment. Elle serait capable de se sortir d’un mauvais pas avec une verve similaire, sans que lui soit obligé de lui venir en aide.

Débrouillarde ? Un plus, indéniablement.

Alors que son regard détaillait amplement l’allure de la primo adolescente et ses déplacements maladroitement agréables, Yvain se mordit les lèvres en une petite moue enthousiaste. Elle aussi allait devenir plus tard un cygne, aussi splendide que perfide... Du moins, il l’espérait de tout cœur. Pourquoi attendrait-il autant le moment opportun si ce n’est pour attiser avec justesse une braise prometteuse ?

Néanmoins, dans le fond, il croisait les doigts pour s’en faire une alliée proche plus qu’un énième et banal partisan. Aylin et lui ne pouvaient pas gérer à eux seuls toutes les missions du Seigneur, surtout quand le célèbre Malefoy s’abstenait sagement d’intervenir. D’ailleurs, la trop grande discrétion de ce dernier depuis quelques semaines l’inquiétait. Il s’était passé quelque chose. Quoi ?

Le sujet vivement abordé par Harmony le tira de ses sombres pensées. « J’y étais, oui. » Il s’en souvenait parfaitement. Dissimulé savamment parmi la foule, il avait observé avec discrétion les moldus, ces ennemis qu’ils devaient apprendre à connaître coûte-que-coûte. « Je voulais comprendre le sens de ce festival. Et si l’entente entre nous et les non-sorciers pouvait être possible... » Ses mots s’achevèrent sur un ton hésitant. Il retint visiblement de lâcher une autre phrase, certainement moins ambiguë. Plus radicale.

Il s’était promis d’attendre les vacances de Noël pour se la lier. Pas avant. Trop de risques. Trop d’incertitudes quant aux nouvelles qui parvenaient de son père et des disciples. Yvain devait donc moduler ses propos et se montrer plus fin, malgré l’envie évidente de partager avec sa cadette une appréhension réelle.

Sans prévenir, il se sentit brusquement bousculé par une information analysée avec retard. Une inquiétude imprévue glissa sur son visage alors qu’il se penchait vers sa camarade, la voix veloutée par une anxiété presque sauvage. A ce titre, il faillit la prendre par les épaules. « Tu as été blessé, là-bas ? Tu n’as rien eu, hein ? » Les coups de feu lui avait fait fuir le festival, pourtant, il avait su presque inconsciemment que certains de ses camarades pouvaient s’être retrouvés à terre.

Toutefois, mieux valait eux que lui. Enfin. Des recrues potentielles rendues inaptes et des partisans tués... Rien d’utile non plus à la Cause.

Les souvenirs lointains des après-midi passés à inventer des chorégraphies avec ses soeurs étaient revenus à l'esprit d'Harmony alors qu'elle tournait sur elle-même, sa cape virevoltant. Si sa famille n'avait pas été tragiquement déchirée, peut-être auraient-elles continué avec l'innocence d'enfants heureux. Et peut-être, alors, que la jeune Serpentard aurait pu impressionner Yvain.

A défaut de cela, et pour chasser ces pensées mélancoliques, elle riait d'elle-même, pensant avoir eu l'air ridicule. Lorsqu'elle reprit son souffle, elle eut la vision fugace d'Yvain se mordillait la lèvre, les yeux rieurs. Par Morgane, ça lui donnait un tel charme ! L'adolescente sentit à nouveau une vague de chaleur l'étreindre et ne put réprimer le rouge de lui monter aux joues. Heureusement, le froid et son petit pas de danse pouvaient en cacher la véritable nature.

Elle changea bien vite de sujet. Trop vite ? Son ton était neutre, même si son coeur battait la chamade. D'une certaine manière, elle était fière d'arriver à se maîtriser. Cela faisait des années qu'elle enfouissait ses sentiments sans aucun problème, cependant, elle se laissait aller, jusqu'à être épisodiquement impulsive et irraisonnable. Souvent à ses dépens, comme en avait témoigné l'incident du crache limaces. Depuis l'été, la crainte, l'angoisse qui veillaient en permanence sur elle ne lui laissaient aucun répit. Pour l'apprentie sorcière, cela devenait trop pesant.

C'est pourquoi elle avait terriblement besoin de se rapprocher de ses camarades, Yvain, Angel ou Daphné, par exemple. Elle ne se l'avouerait jamais, bien sûr. Il s'agissait pour elle de montrer ses preuves, de tisser des liens et de plaire à ses ami.e.s. En réalité, la solitude qui avait longtemps été son refuge la terrifiait. Prendre des forces, du galon, être puissante ne relevait plus de l'ambition mais de la nécessité en ce temps de crise.

Yvain affirma avoir été au festival, afin de mieux le comprendre. Sa camarade hocha la tête avec sérieux, ayant pris la décision d'y aller pour la même raison. Sa dernière phrase s'évanouit dans l'air glacé. Croyait-il que l'entente puisse exister ? Sur la base de ses intuitions et observations, c'était peu probable. Peut-être était-ce une perche tendue à la jeune fille pour qu'elle dévoile son ressenti.

Harmony réfléchissait à la formulation de sa réponse et son air soucieux sembla remuer son ami. Yvain eut une réaction assez brusque, sincèrement inquiète, se rapprochant d'elle pour lui demander si elle n'avait pas été blessée. Sa vivacité l'estomaquait à nouveau et il lui fallut trois secondes avant de le rassurer.

- Non, ne t'inquiète pas. Je n'ai rien eu. Au moment de.. l'incident, j'étais dans un wagon en haut des montagnes russes. Le wagon a été arrêté, nous étions en sécurité, là-haut. commença-t-elle d'une voix douce et tranquille.
Elle planta alors son regard dans les yeux sombres du garçon et lâcha dans un seul souffle.
- Mais... C'était effrayant. Le pire, je crois, c'était de ne pas comprendre ce qui se passait. Là-haut, on était totalement impuissant, emprisonné dans un siège à tendre l'oreille. Un frisson la parcourut et elle dût se forcer à ne pas détourner le regard. Cette peur, si profonde, la tenaillait.

- Après ça, je ne suis pas sûre que l'entente tienne longtemps. La tension est trop forte, elle ne sera apaisée qu'après avoir volé en éclat. Dans le wagon, j'étais avec deux autres élèves de Poudlard et trois jeunes Moldus. La discussion était... plutôt aigre. Pourtant, la fille avec qui j'étais est née-moldue et est à Pouffsouffle mais elle n'était pas tendre avec eux. Les trois garçons avaient l'air inquiet de monter avec nous dans le wagon, mais lorsqu'il s'est arrêté, ils ont eu des propos assez dérangeants. Je me dis que si la tension est aussi forte entre des jeunes comme ça... Il faut se préparer.

Elle avait dit cela avec un ton calme, presque las ou résigné. Toutefois, une certaine lueur brillait dans ses yeux pâles tandis qu'elle fixait son aîné. Elle se savait capable de maîtriser sa peur, mais pas seule. "Il faut se préparer." Elle repensait à sa découverte dans le couloir interdit. Sa punition avait entravé ses recherches, mais elle était persuadée qu'elle tenait quelque chose. Si Yvain était celui qu'elle pensait, elle devait lui dire.

Les quelques secondes de silence l’effrayèrent au plus haut point, accentuant l’inquiétude viscérale des traits pourtant doux de son visage. L’attente d’une réponse semblait durer une éternité pour lui, tant il craignait pour la santé et les aptitudes de sa jeune camarade. Quand elle daigna enfin le rassurer, Yvain poussa un soupir de soulagement aussi bruyant que long. « Vraiment rien ? D’accord. » Il remercia intérieurement tous les dieux possibles et imaginables de ce monde. Harmony était entière et fonctionnelle. Ouf.

Par réflexe, il se pencha encore davantage vers la jeune fille. Il s’arrêta brusquement dans son mouvement lorsqu’il comprit – un peu tard – qu’il était sur le point de la prendre dans ses bras. N’avait-il pas l’air stupide dans cette position ? Le Serpentard esquissa un minable sourire d’excuse, ne sachant pas exactement ou se mettre face à une telle exubérance de sa part, avant de reprendre une position moins stressante pour eux. Il se raccrocha partiellement à la suite des propos tenus, faute de mieux.

Le soudain regard de sa cadette, voilé d’une terreur sans nom, attisa une énième fois la rancœur d’Yvain à l’encontre des moldus. Ne pouvaient-ils donc pas laisser les sorciers hors de leur influence néfaste, même à Poudlard ? Malgré toute ses forces, la bonne humeur qui l’habitait laissa progressivement la place à une dureté impromptue. « Face à eux, on est toujours impuissants. » Une sourde hostilité gagna sa voix.

Il s’en rendit compte bien trop tard, l’obligeant à se passer la main sur le visage pour tenter de se calmer un minimum. En vain. Tant pis. « Ceux qui osent espérer une entente durable, après la révélation de cet été, sont fous. Ils sont aveugles, Harmony. Ils ne voient pas le danger venir. » Il inspecta les environs avec une certaine anxiété, s’assurant ainsi qu’ils étaient seuls sur le chemin. « Nous ne pouvons que nous préparer contre la tempête à venir, car elle viendra, je te le jure. » Il soupira. « Et à ce moment-là, nos différences de sang ne compteront plus. » Un regard. Une pause. « Sinon nous serons tous exterminés. »

Cette dernière phrase, contrairement à d’autres, sortait directement de son cœur. Il y croyait plus fermement que jamais.

Comme Harmony tardait à trouver les mots pour rassurer Yvain, l'inquiétude de ce dernier s'amplifiait. Et cela se lisait sur ses traits. Un mélange de gêne, de culpabilité - pourquoi ne pas avoir souri et répondu immédiatement ?- mais aussi de satisfaction assaillait la jeune fille. Elle n'avait pas été habituée à éprouver des sentiments aussi complexes. Tout avait été noir et blanc jusque là. Yvain était l'une des rares personnes qu'elle avait rencontrées qu'on ne pouvait classer dans une catégorie au premier coup.

Le long soupir de soulagement du Vert et Argent semblait profondément sincère. Sa cadette eut alors un élan d'affection rare, chaleureux, doux. Instinctivement, son corps se tendit vers le jeune homme, comme pour l'enlacer, le réconforter d'un geste amical. Elle ne sut pas bien si c'était une illusion ou s'il s'était lui aussi approché, toutefois, cet instant de ballottement se rompit bien vite. Yvain se redressait avec un sourire gêné.
Il devait se douter qu'Harmony n'était absolument tactile. A la réflexion, elle n'avait jamais fait de câlin à Aston, en quatre ans d'amitié. Qu'est-ce qui lui avait pris, alors, une seconde plus tôt ? En tout cas, elle appréciait le retrait du jeune homme. Elle y voyait du respect et de l'attention.

Elle savait qu'elle pouvait lui faire confiance. A ce moment précis, elle en était sûre. C'est pourquoi elle enchaîna, ne cachant pas la crainte qui la lancinait, dévoilant tout de go ses pensées. La réponse d'Yvain, laconique, révélait tant de choses. C'était enfin ce qu'elle attendait depuis quelques mois. L'enveloppe de sucre glace se brisait. On est toujours impuissant face à eux. La généralisation tombait un peu à côté du propos de l'adolescente. Lâchée sur un ton amer, elle faisait jour sur les véritables pensées du garçon.

Harmony, rassérénée par le fiel qui perçait dans la voix de son camarade, elle raconta en détail ce qu'elle avait vécu sur ce manège. La dernière phrase était un dernier test pour confirmer son hypothèse. Le jeune homme se passa la main sur le visage et jeta un vif coup d'oeil aux alentours. Anxieux ? Il allait donc s'ouvrir franchement à elle.
Ainsi, Yvain était lui aussi convaincu que la guerre viendrait et que les partisans de l'entente sous-estimaient le danger que représentaient les Moldus. Selon lui, il fallait réunir tous les sorciers sous la même bannière, afin d'éviter l'extermination.

- Je suis entièrement d'accord avec toi. La même peur me hante depuis.. Depuis que je suis toute petite. Aujourd'hui, on dirait qu'elle se réalise. C'est inéluctable.

Elle chercha des yeux sa chouette, dont les circonvolutions l'apaiseraient. C'était la mélancolie qui s'emparait d'elle. Sa vision se brouillait, mais elle secoua la tête et fixa Yvain de ses yeux humides.

- Je veux être prête. Mais, je suis encore une apprentie sorcière débutante ! Se préparer, oui, mais comment ? J'étudie les Moldus, leurs technologies, mais mon niveau n'est pas suffisant pour servir à quiconque. Je travaille, je reste attentive à ce qui se passe autour de moi...
Malgré son regard embué, c'était à nouveau l'orgueil, l'impétuosité qui parlaient. Elle ajouta dans un souffle, en faisant à nouveau un pas vers son aîné.
- Mais ça ne me semble pas assez.
Une main tendue peu subtile.

Tant bien que mal, Yvain avait réussi à reprendre ses vives émotions en main. Des élans in-calculés lui venaient parfois de cette manière, sans qu’il sache exactement les prévoir. Heureusement, il était capable d’en calibrer un certain nombre pour éviter de créer des tensions inutiles et des périls désobligeants. Quoi que pour le coup, il n’était visiblement pas le seul à être emporté par quelques...  Excès ?

Progressivement, le jeune homme avait fissuré le masque de joyeux drille qu’il affichait d’ordinaire. Le prix de ce dévoilement, il en était certain, gagna en valeur dans le regard de sa cadette. Une bonne chose. Elle n’escomptait ni fuir ni désavouer les propos qu’il était en train de tenir, bien au contraire. Non seulement il avait vu juste en la repérant au plus tôt de sa scolarité, mais il se rendait désormais compte qu’elle était déjà prête à recevoir un enseignement plus poussé de sa part. Plus... Particulier.

La crainte s’effaça des traits d’Harmony en quelques instants, au profit d’une détermination presque fiévreuse. Cela accentua davantage – s’il était encore possible – l’intérêt du Serpentard pour sa jeune camarade. Un éclat de fierté triomphant embrasa même ses yeux.

Elle était parfaite. Il avait fait le meilleur choix possible.

La raison, froide et cruelle, se lisait aussi bien sur son visage que dans le ton de sa voix. « Oui. Plus rien ne peut repousser l’échéance. » Yvain avait articulé ces quelques mots à voix basse, répondant sans faillir à l’inquiétante observation de son interlocutrice.

Puis, autre revirement. L’adolescente pleine de promesse se laissait gagner par une inquiétude sourde et instable. Il tenta un vain et piètre sourire pour lui redonner de aplomb. Lui-même partageait son anxiété et comprenait le relâchement nerveux qu’elle subissait. Les larmes face à une réalité tragique lui venaient facilement aussi. « Tu fais déjà beaucoup, Harmony. Plus qu’un grand nombre de nos camarades. »

Il la vit s’approcher et lui offrir une opportunité inestimable. Il n’hésita pas une seconde. Tant pis pour le plan initial. « Si nous agissons de concert, ce le sera. Car nous ne sommes pas seuls à penser de cette façon. » Tant qu’il parvenait à ses fins... « Je suis prêt à te montrer une alternative au renoncement, si tu le veux. »

Au loin, un groupe d’élèves s’avançait dans leur direction. Les secondes étaient comptées. Et au pire... Ils auraient d’autres créneaux pour approfondir le sujet.

La balade anodine avec sa chouette guérie avait pris une tournure insolite. Oh ! bien sûr, Harmony attendait ce moment depuis quelques mois. Mais la promenade qui devait l'apaiser, calmer ses nerfs, l'aura au contraire soumise à rude épreuve. Entre l'attirance pour Yvain, qui la plongeait dans un profond embarras, sa peur mêlée à la colère enfiévrée qu'elle avait de plus en plus de mal à dissimuler... Sa carapace si joliment construite au fil des années risquait de voler en éclats.

Heureusement, elle s'était trouvé un allié. Cette conversation avait marqué une nouvelle étape dans leur amitié. Le voile qu'ils entretenaient était tombé tous les deux, signant ainsi l'acte de leur confiance accordée.
Le jeune homme lui offrait une "alternative au renoncement". La formule était si bien trouvée. La résistance était la seule option à ses yeux. Elle avait de trop grandes aspirations pour se laisser abattre à l'orée de ce conflit.

Comme un groupe d'élèves s'approchait, elle ne s'étendit pas et dit simplement, à voix douce, son regard pâle planté dans celui d'Yvain.
- Merci. Merci de m'accorder ta confiance.
Puis elle se départit de sa gravité et appela sa chouette.

Minerva fonça à pic sur sa jeune maîtresse, ravie que la discussion prenne fin. Ces humains, toujours à compliquer les choses ! L'oiseau se posa sur l'épaule de sa maîtresse et appuya sa tête contre sa joue. L'humaine avait toujours eu l'air sévère, mais ces derniers temps, cela devenait vraiment inquiétant.

Le contact affectueux de la petite chouette fit éclater de rire l'adolescente. Une diversion parfaite. L'animal ne portait peut-être pas son nom pour rien !