Retrouvailles ( Clemens )

“C’est une piste crédible, mais je n’ai pas d’hypothèse.”

Ca paraissait cohérent que le Comte poursuive un but particulier, mais sans plus d’indices, ça pourrait être n’importe quoi. L’académie pouvait être le moyen de détourner leur attention, de les rendre otage d’une opinion précise, ou même de les faire chanter dans le futur. Après tout, plus le temps passait, plus ils devenaient tous redevables au directeur. Clemens frissonna à cette idée. Ils étaient chacun en train de forger la chaîne qui les emprisonnaient à Haveirson… Mais il espérait se tromper. Il jouait de sa cuillère dans son café, les yeux fixés sur Jade, essayant de comprendre où elle voulait en venir. Le couvert tinta bruyamment contre la porcelaine de sa tasse quand son interlocutrice prononça tout haut le nom du mage noir. L’Allemand mit quelques secondes avant de réussir à enchaîner sur sa réflexion.

“C’est vrai, mais je n’ai pas l’impression que le Comte essaye ni de nous rassembler, ni de nous diviser. Les confréries n’ont rien de commun avec Poudlard, il n’y règne pas la même fierté, ni la même cohésion, donc on ne peut même pas dire que ça nous divise. Et comme tu le dis, ce n’est pas demain qu’on se réunira tous sous la même bannière. J’ai plutôt dans le sentiment que l’académie à une vocation de surveillance. Voire de tri, peut-être ?”

Plus il y réfléchissait, plus il se disait que ce ne serait pas étonnant. Les Mangemorts avaient beaucoup souffert de l’absence de leur maître, réunir de jeunes sorciers dans une nouvelle académie pouvait être un moyen de repérer ceux qui seraient suceptibles de basculer… Parfois, il suffisait d’une mauvaise rencontre et d’un coup de pouce du destin pour aider un sorcier moyen à devenir un assassin. C’était terrible, mais le genre humain n’était pas connu pour être particulièrement folichon. Lui-même serait incapable de dire à quel côté il vouerait son allégeance si il devait y être forcé. De très nombreux éléments entreraient en ligne de compte. Clemens chassa cette idée de son esprit, rester neutre était définitivement plus facile. Sa propre renaissance en tant qu’étudiant normal et sans histoire lui demandait déjà bien assez d’énergie.

“C’est vrai qu’on ne sait pas grand chose sur le diplôme qu’on obtiendra, mais je suppose que ça dépend aussi du cursus qu’on suit. Tu ne t’es pas renseignée en t’inscrivant ? Je sais que le cursus de métamorphose, et d’autres spécialités du même genre, dure quatre ans. Mais je ne me souviens pas de toute la liste.”

C’était à peu près tout ce qui l’avait intéressé quand il avait finalisé son inscription. Il serait logé et nourrit pour approfondir pendant quatre ans sa passion. Il ne lui en avait pas fallu plus pour sauter sur l’occasion de prendre un nouveau départ. Pendant de longues semaines, il avait donc préféré éviter de se poser des questions.

“Pendant longtemps, je ne me suis pas vraiment inquiété, en fait. Mais depuis quelques semaines, je crois que tout le monde commence à se poser des questions, car on tombe tous sur des mystères et divers problèmes. J’en parle un peu avec mes amis, mais c’est vrai que sans rien savoir, on n’ose pas trop se lancer dans une enquête ouverte… On ne sait pas comment le Comte le prendrait, il a peut-être de très bonnes raisons de rester anonyme, même si dans ce cas, ça aurait été mieux pour lui de présenter un épouvantail en guise de directeur.”

Clemens se remit à jouer avec son café. La logique de ces mystères lui échappait, et en tant que Serdaigle qui se respecte, c’était bien ça qui le rendait dingue. A moins que, justement, le Comte ne demande qu’à être trouvé… ?

Jade se posait de plus en plus de questions. Impossible de connaître le but du Comte. Cela restait un vrai mystère et à part émettre des hypothèses, on ne pouvait pas avancer sur le sujet. Clemens émit un arrêt avec sa cuillère lorsqu'elle prononça le nom de Voldemort. Son père lui avait toujours dit qu'il fallait appeler les choses par le nom pour ne pas en oublier l'importance. Voldemort était important mais dans le mauvais sens du terme.

[HRP : Merci ! :) ]

Plus le temps passait, plus il avait de mauvais pressentiments à propos du Comte et de la raison d’être de l’académie. Sa discussion avec Jade venait renforcer ces mauvaises impressions, d’autant qu’elle ne cessait de présenter de nouvelles hypothèses auxquelles il n’avait pas pensé. Malheureusement, elles n’étaient que rarement beaucoup plus brillante que les autres. Clemens se gratta la barbe un instant, le regard dans le vague, alors qu’il réfléchissait à la possibilité qu’ils soient non pas les surveillés, mais les surveillants. Dans un tel château, on ne pouvait pas entièrement écarter cette solution-là, même s’il en doutait un peu.

“Je pense plutôt que nous sommes sous surveillance. Il me paraît difficile de surveiller quelque chose sans savoir que c’est là… A moins que ce ne soit indirect, que notre présence aide à protéger le château, par exemple. Ou… Ou que nous soyons une diversion. Bon, c’est de nouveau un peu tiré par les cheveux, mais installe une université sur une propriété et plus personne ne va s’inquiéter et remarquer les allées et venues. Il y a peut-être certains coins secrets du château où les réunions ne sont pas estudiantines… Ça expliquerait pourquoi le Comte nous a interdit l’accès aux cuisines, peut-être.”

L’illumination lui était apparue au milieu de sa tirade. La diversion au lieu de la surveillance, c’était encore classique. Il suffisait de détourner l’attention de ce qui pourrait se faire remarquer, de le noyer dans un milier de bruits et d’allées et venues parasites. Et ainsi, on se cachait au grand jour. Ca lui semblait cohérent, surtout au vu de l’attitude du Comte, qui se la jouait grand prince altruiste avec eux, mais se cachait à leur vue. Pour le reste, tout restait flou. L’Allemand hocha la tête quand Jade avoua ne pas savoir si elle resterait jusqu’à la fin de son cursus. Le problème ne l’avait pas trop inquiété à son arrivée, recevoir un diplôme n’avait pas été sa priorité, même. A présent, il devait s’avouer que ces questions étaient de plus en plus pertinentes… Et il avait également penser à ne pas revenir après la rentrée, avant d’écarter cette option. Il y avait trop de gens en jeu pour ne pas revenir.

Tous commençait à se poser des questions. Encore une fois, sa camarade de Phoenix avait visé juste. On ne pouvait pas réunir autant de jeunes gens, avec tant de temps libre, au même endroit, et ne pas s’attendre à ce qu’ils partent à la chasse au mystère. Clemens ne voulait pas croire qu’il s’agisse d’un hasard - ou alors, le Comte avait une vision profondément étriquée de la réalité… Et ça ne s’avérait pas plus rassurant.

“Je suis d’accord avec toi, il faut être fou pour penser ouvrir une université sous un pseudonyme et être convaincu que tout le monde respectera cet anonymat sans se poser de questions… Surtout maintenant, alors que la Grande-Bretagne est aussi troublée. Je veux dire, on se pose même des questions quand quelqu’un vient frapper à la porte, alors bon. Cela dit, je crois que le Comte n’est pas assez stupide pour penser qu’on ne chercherait pas à résoudre cette énigme. C’est peut-être même ce qu’il veut.”

L’étudiant fit une courte pause. Quelle était la meilleure façon de provoquer des réactions chez un groupe de jeunes personnes à l’esprit vif ? Leur secouer des énigmes sous le nez et leur interdire de partir à leur poursuite. Ça devenait presque trop évident… Et dans le doute, Clemens préférait considérer son adversaire comme un joueur fin et retors, plutôt que comme un abruti qui ne pensait pas aux conséquences de ces actions.

“Tous ces hasards s’emboîtent trop bien, je suis persuadé qu’il ne s’agit pas de coïncidences. Après, nous sommes tous rendus au même problème encore, pourquoi agir de la sorte ? Que veut-il câcher ou que veut-il que nous trouvions ? Quels sont ses buts ? Nous devrions peut-être organiser une petite réunion entre gens de confiance, au mois de janvier. Histoire de réunir les pistes de tout le monde et éventuellement, répartit des tâches…”

Enfin… Il fallait encore savoir qui était de confiance.

Clemens rendit un sourire rassurant à Jade. Il était normal de ne pas savoir quoi dire quand on se trouvait face à un tel mystère. Ils pouvaient tous les deux émettre une chaîne complète d’hypothèses et de théorie sans se rapprocher d’un pas de la vérité. Il y avait de quoi se sentir désarçonné… L’étudiant était déjà content de trouver sur son chemin quelqu’un avec qui il pouvait échanger, nombre de leurs camarades ne s’inquiétaient pas encore du mystère. Il était bon de savoir que d’autres, en dehors de son entourage proche, marchaient sur les mêmes traces. Ils n’étaient pas seuls.

Le fond du problème, par contre, était en effet de savoir si une enquête allait contre ou dans le sens des intérêts du Comte. Si son but était que les étudiants remontent sa trace, Clemens préférait rester immobile dans son coin… mais il était impossible de le savoir sans, justement, enquêter. L’idée d’être en train de marcher dans le jeu de ce soi-disant bienfaiteur anonyme ne lui plaisait pas du tout. Il se sentait dans une impasse, et en tout bon Serdaigle qui se respecte, c’était ce qu’il détestait le plus au monde. Il avait une énigme devant lui et ne pouvait pas savoir s’il devait et pouvait la résoudre.

“Oui, c’est bien ça le problème, je ne sais pas si on pourra le savoir avant qu’il ne soit trop tard… Mais bon, le Comte n’est pas infaillible, s’il nous mène en bateau, il fera tôt ou tard une erreur.”

Le meilleur moyen pour trouver cette erreur, cet indice réel, était selon lui de lancer l’investigation en groupe. Et même avec des gens dont il n’était pas particulièrement proche, car cela pourrait perturber le Comte et le pousser à la faute. Clemens avait suggéré cette idée avec un peu d’hésitation encore, mais en voyant l’enthousiasme de Jade, il se rassura immédiatement. Ils partageaient encore une fois le même avis.

“ Je pense qu’il a un œil partout, mais pas en dehors de l’académie. Je veux bien croire qu’il soit puissant, mais pas au point de surveiller toute la Grande-Bretagne. Si on se réunit dans des endroits fréquentés, ici sur le Chemin de Traverse ou à Pré-Au-Lard, on sera assez loin de lui et d’éventuels alliés pour parler dans une relative tranquillité.”

Sa camarade était déjà en train de réfléchir aux potentiels participants d’une telle réunion. Les noms qu’elle cita ne lui étaient pas inconnus, mais ses arguments lui dessinèrent un sourire amusé sur le visage. Les garçons que je connais ne sont pas dignes de confiance. L’Allemand faillit demander s’il était lui aussi concerné par cette phrase, tout en sachant très bien que c’était une généralité lâchée au hasard, sans aucune vocation à être une attaque personnelle. D’habitude, il relevait toujours de tels écarts de langage, mais il avait peur de vexer la Phoenix.

“Anna et Isolde, bien sur. Je ne connais pas bien Amaranthe, mais je n’en ai entendu que du bien, ça me paraît donc être une bonne idée. Je rajouterais Megan et Rowan à la liste. Je sais que Megan n’est pas la personne la plus appréciée dans cette académie, mais elle a déjà fait beaucoup de recherches sur le Comte, et elle a la rage de découvrir qui il est. Rowan ne s’est pas encore beaucoup intéressé au mystère, mais sa façon très précise et fine de réfléchir ne pourrait que nous être utile…”

Il répondit au regard interrogateur de Jade, par un autre regard plein de questions. Il se doutait que sa suggestion serait peut-être mal accueillie. Ni Megan, ni Rowan ne jouissait d’une popularité sans bornes, et on avait plutôt tendance à se méfier d’eux, de prime abord. C’était certes justifié, mais ça ne voulait pas dire qu’il n’était pas dignes de confiance.

Son amusement était trop peu voilé pour passer inaperçu, et Jade fut suffisamment curieuse pour le relever. Elle semblait ne pas réaliser elle-même l’ambiguïté de ses paroles, venant ainsi renforcer l’intuition qu’il avait eue au moment où elle les prononçait. Clemens aurait pu laisser couler, mais si elle tenait à poser des questions, alors il jouerait le jeu des réponses. Il se pencha légèrement vers la jeune femme, le menton appuyé sur une main, et lui adressa un sourire carnassier doublé d’un regard équivoque. La Phoenix venait de lui lancer une pelote de laine, et ç’aurait été bien mal connaître l’Allemand que de penser qu’il ne jouerait pas avec.

“Je me demandais pourquoi tu m’accordes ta confiance, si tu penses que les autres hommes de l’académie n’en sont pas dignes.”

La probabilité qu’il soit dans son camp, et non pas en train de l’espionner pour le Comte était évidemment bien plus haute. A sa place, il se serait également senti libre de faire part de ses interrogations à une étudiante croisée en ville, par hasard, même s’il ne la connaissait pas outre-mesure. Néanmoins, il aurait plutôt évoqué le divertissement ou la complicité comme raisons à son ouverture. Clemens se considérait loyal envers ses amis et se sacrifierait avant de même songer à les trahir. Cependant, malgré toute la sympathie qu’il pouvait éprouver pour Jade, il était loin de ressentir le même besoin de protection pour elle. C’était marrant comme les gens pouvaient mal se juger.

L’Allemand ne se départit pas de son sourire et continua sur l’organisation d’un éventuel groupe d’enquêteurs. L’idée lui paraissait bonne, et tant que maintenant, les mystères ne les touchaient pas assez personnellement pour limiter leurs avancées aux proches de leur entourage. Globalement, il était même convaincu qu’il était bon de sortir de sa zone de confort : tous les étudiants étaient mêlés à cette histoire, personne ne se ferait épargner si le Comte décidait de leur chercher des Noises.

“Ce serait bien, oui. Il faut savoir qui est partant avant d’essayer de programmer une quelconque rencontre. On pourrait même essayer de se renseigner discrètement auprès de d’autres étudiants… Certains ont peut-être des informations, ou vécu d’autres événements bizarres et pourraient nous être d’une grande aide. Cela présente le risque de tomber sur un agent du Comte, mais on pourra difficilement l’éviter de toute façon.”

D’un geste un peu distrait, Clemens finit son café. Ses pensées étaient plongées dans les couloirs de Haveirson, à la recherche de ces inconnus qu’il croisait tous les jours dans les couloirs, mais qui lui laissaient tout de même une bonne impression. Il y avait aussi ceux qu’il connaissait mais n’appréciait pas. Signifiait-il qu’on ne pouvait pas leur faire confiance et que leurs idées étaient mauvaises ? La limite était délicate à trouver. Peut-être était-il plus sage de commencer avec les amis, avant d’étendre le cercle à d’autres éléments.

La justification faisait sens, mais Clemens ne pouvait chasser de son esprit la voix de Megan. Ses mots avaient été durs quand elle l’avait accusé d’être top naïf et de faire trop facilement confiance aux gens autour de lui. Il l’avait trouvée paranoïaque et ne comprenait pas les raisons qui la poussaient à une telle attitude. Ce jour-là, assis en face de Jade et quelques mésaventures de plus derrière lui, il ne pouvait plus que donner raison à l’Abraxan. On ne savait jamais qui on avait en face de soi. Chacun d’entre eux aurait pu être un espion à la solde du Comte, sans qu’ils aient la moindre chance de le deviner.

“Oui, c’est délicat. J’ai tendance à ne pas me méfier suffisamment, c’est pour ça que ta remarque m’a fait sourire. J’aurais très bien pu en parler parce que je suis chargé par le Comte de sonder les étudiants. Mais ça pourrait être ton rôle aussi… Enfin, on doit prendre le risque.”

Tout le paradoxe de la situation était la facilité déconcertante avec laquelle on se confiant à lui. Même d’illustres inconnus voyaient en lui un homme bien, à qui on pouvait se confier aveuglément. Sa réputation le précédait même, tant ses amis et ses connaissances parlaient de lui avec éloges et confiance. Souvent, il s’était déjà dit qu’il serait si facile d’utiliser son image, d’utiliser son entourage pour parvenir à ses fins. A chaque fois qu’il se trouvait mêlé à une entreprise néfaste, plusieurs de ses amis sombraient avec lui. La seule exception à cette règle tragique était ses incursions dans l’Allée des Embrumes. La preuve vivante se trouvait devant lui : Jade, avec sa bonne humeur et une dose de hasard l’avait détourné de ses desseins originels et il se trouvait à présent attablé avec elle, tel un étudiant parfaitement normal.

Sans se départir de son sourire, Clemens laissait ces pensées flotter dans son esprit. Cette face-là de sa personnalité ne devait jamais se révéler devant personne. Heureusement pour ses amis, heureusement pour sa camarade de Phoenix, il détestait ce doppelgänger maléfique qu’il refrénait avec chaque jour plus de violence. Pourtant, il allait réclamer son obole un jour prochain. Là, il s’abandonnerait jusqu’au plus profond de son âme, livré à sa succube personnelle, si douce et si amère.

“Tu as raison, mais si chacun se renseigne discrètement autour de ses proches et ses amis, on pourrait gagner une vision d’ensemble. Cela ne nous épargne pas une erreur de jugement, mais ce serait moins risqué qu’en abordant de complets inconnus. Laissons passer Noël, personne ne voudra se lancer dans une enquête maintenant, de toute façon.”

Entre l’attaque à Avalon, la désagréable rencontre avec le reflet de Rowan et leur excursion dans les sous-sols de l’académie pas plus tard que la veille au soir — les souvenirs le firent frémir — l’Allemand était persuadé qu’ils n’étaient pas au bout de leurs surprises. Sa présence sur le Chemin de Traverse cet après-midi là n’était absolument pas un hasard. Il avait besoin d’exorciser des doutes et des peurs.

“Je suis convaincu que le Comte ne manquera pas de jouer avec nous dès la rentrée et notre retour au château.”

Assez naïve pour être manipulée, mais pas assez bête pour se laisser faire ? Clemens ne put retenir un froncement de sourcils amusé. Jade s’embourbait un peu dans ses propres explications, comme souvent quand on essayait de parler de soi. Il était délicat de tracer une ligne distincte entre différents côtés d’une même personnalité qui souvent se chevauchaient ou s’opposaient selon la situation. Il pensait cependant comprendre où elle voulait en venir : ils avaient tous des raisons d’être visés par le Comte.

“On peut tous être des cibles, je pense. Les caractères forts sont des meneurs et mettent son autorité et son anonymat en danger. Ceux qui sont un peu plus naïfs se fondent dans la masse, peuvent discrètement faire changer les allégeances et les mentalités. Tant que nous ne saurons pas ce qu’il veut, nous ne pourrons pas non plus savoir qui sont ses cibles privilégiées…”

Ils en revenaient encore et toujours au même point, sans avoir plus d’indices pour avancer dans leurs réflexions. Quelque part, c’était rassurant car cela signifiait qu’ils avaient fait le tour des éléments évidents du mystère. Ils avaient assez débroussaillés le chemin pour se permettre de lancer une investigation assumée. Clemens s’étira par mimétisme, avec la sensation du devoir accompli. Sa conversation avec Jade n’avait certes pas eu que des bons moments, mais elle l’avait aidé à s’éclaircir sur différents sujets qui lui pesaient depuis quelques semaines. L’intérêt pour l’énigme de Haveirson grandissait à nouveau, en un enthousiasme plutôt rassurant.

“Je me demande dans quelle mesure il pourrait devenir plus sévère… Je veux dire, il a installé son règlement maintenant, je ne vois pas trop ce qu’il pourrait faire de plus. Quelque part, j’ai aussi l’espoir que si il se met à exiger trop de choses des étudiants, d’autres que nous vont se poser des questions et se rebeller. Je reste persuadé qu’il a besoin de notre présence, sinon, il ne nous aurait pas fait venir… Alors il a aussi intérêt à ce que nous restions sagement à l’académie sans trop nous poser de questions. Il doit trouver un juste milieu pour endormir notre méfiance, mais ça n’arrivera pas !”

L’Allemand ponctua sa phrase d’un clin d’œil amusé, puis laissa son regard voguer sur les boissons terminées. Leur conversation avait atteint une fin naturelle, et il ne voyait pas comment la relancer sans aborder un sujet plus personnel… Sujet qu’il réservait donc à une audience plus limitée. Il était certes trop tard pour se rendre à la rencontre dans l’Allée des Embrumes, mais il pouvait toujours se rabattre sur ses achats de plumes. Certes, cela n’avait été qu’un prétexte pour justifier sa présence sur le Chemin de Traverse, néanmoins, il en avait véritablement besoin.

“Bon… C’était sympa de se retrouver, mais il faut que j’aille continuer mes emplettes ! On se tient au courant à la rentrée, histoire de continuer à chasser le mystère…”

Il se leva et enfila sa veste, prêt à retourner affronter les frimas de l’hiver et le vent glacial qui régnait au dehors.