Thèse et Antithèse ♣ Quinlan Fitzsimmons

Avouer être quelqu’un de désordonné à quelqu’un qui vous avait vu faire preuve d’une organisation impeccable et d’un professionnalisme qui commençait à se faire rare était quelque chose d’assez audacieux, mais Quinlan n’avait peur de rien. Il balança son mensonge avec un aplomb en béton, et Aleksandrina mordit à l’hameçon. Bien. Il ne lui en demandait pas plus.

Quant à se répéter, non il n’aimait pas ça. Mais Aleksandrina connaissait-elle quelqu’un qui apprécie de jouer aux perroquets ? Sûrement pas. Quinlan devait avouer qu’il avait bien peu de patience, mais sa paranoïa ne jouait pas non plus en sa faveur. C’était un rendez-vous pour parler d’une thèse, donc ça n’allait pas durer cinq minutes, et c’était bien dommage. Il y avait quelque chose chez Aleksandrina qui gênait beaucoup Quinn, sans qu’il puisse mettre un mot dessus. Du temps de Sainte-Mangouste, ils avaient travaillé ensemble mais de loin. Ils n’avaient pas été réellement en binôme ou dans la même équipe… Si ça avait été le cas, peut-être que les choses seraient différentes aujourd’hui.

Mais revenons justement à la thèse. Aleksandrina ne sait visiblement pas quoi choisir et donc comment circonscrire ses recherches à quelque chose d’humainement faisable. Quinlan voulait bien l’aider, mais au final, le choix serait le sien. Elle lui fit donc une suggestion qu’elle rabaissa presque immédiatement. Pourtant, Quinn ne trouvait pas l’idée mauvaise en soi.

— Travailler sur quelque chose qui n’a pas encore été étudié n’est jamais une perte de temps. Ce sera plus difficile, plus long peut-être, mais au final, vos recherches apporteront vraiment une pierre à l’édifice. Je trouve ça infiniment plus intéressant que des recherches dans des domaines bien connus où quasiment tout a déjà été balisé.

Évidemment, en donnant son avis réel sur la chose, Quinlan se tirait une balle métaphorique dans le pied. Si Aleksandrina travaillait sur le venin de Veuve Noire Géante, alors il ne pourrait plus vraiment s’en servir librement. Pas qu’il n’ait pas d’autre alternative, mais c’était toujours un peu frustrant de voir se fermer une porte, quand bien même on sait qu’on ne l’aurait jamais utilisée.

— Qu’est-ce qui vous empêche de vous la jouer solo, ou de monter une équipe vous-même ? Je peux vous aider, quitte à devoir vous rediriger vers d’autres guérisseurs plus spécialisés en cas de besoin. Vous avez tout ce qu’il faut pour réussir Aleksandrina, sauf peut-être un peu de méthode et d’ambition.

La discussion s’orienta alors sur la notion de choix et ce qu’elle impliquait. Quinlan était bien placé pour savoir ce que ça faisait de devoir faire des choix, d’éliminer des perspectives, de devoir faire une croix sur certaines possibilités. Néanmoins, il n’avait jamais vraiment regretté ses choix poudlardiens. Étrange.

— Je vous trouve un peu dure avec nos confrères historiens et devins…

Lui-même n’avait pas aimé la divination, mais il trouvait l’histoire de la magie très importante, voire primordiale, même si leur professeur avait été plutôt… spécial. Il n’en souffla mot, mais pour revenir à la divination… Il n’était pas sûr que ce soit, comme le disait Aleksandrina, une science inexacte. Ce n’était pas une science, point. Mais ça ne voulait pas dire que c’était inutile ou que ça ne méritait pas d'être étudié.

L'inquiétude de la demoiselle à propos de sa thèse et du sujet de celle-ci est presque palpable. L'étudiante sait bien qu'il lui faut de quoi travailler. Il est nécessaire qu'elle délimite clairement une zone de recherche, une zone à traiter. Ce qui inclus de devoir faire des choix, ce qui n'est jamais évident à son goût. Aleksandrina soupire face à son enseignant, elle se sent un peu perdu en vérité. Le sujet de départ est si vaste et plein de promesse que devoir le couper pour n'en prendre qu'un morceau lui est difficile, même si rien ne lui interdit, plus tard, de travailler sur les autres aspects de son devoir, ceux qu'elle aura occulté pour le bien de sa thèse.

Son professeur tente de la remotiver, lui indiquant que ce sera plus intéressant si elle se jette à corps perdu dans un sujet d'étude comportant encore son lot de mystères et d'inconnu. La sorcière l'observe d'un air absent, buvant ses paroles et pesant dans un même temps le pour et le contre, de sorte à savoir quoi faire, quoi décider. C'est toujours délicat de fermer des portes pour n'en garder qu'une ouverte. Mais pour la motiver, le guérisseur a quelques arguments, allant même jusqu'à proposer de l'aider pour trouver des guérisseurs plus informés que lui au sujet de ce venin. Monter sa propre équipe. Outre la bonne note qui risque d'en résulter, la demoiselle se sent envieuse de parvenir à ses fins : ce serait une belle avancée pour tout le monde et, plus égoïstement, un bon coup de pouce pour sa carrière. Une preuve de son entêtement aussi, de sa volonté... Quelque chose dans ce genre là.

«- Je ne manque pas d'ambition pourtant professeur, autrement, je n'aurai pas commencé à m'intéresser à la Veuve Noire Géante et me serait cantonné à l'étude d'un philtre quelconque, dont nous savons tout depuis des années, des siècles, à son sujet... ».

Piquée au vif, la demoiselle se défend comme elle peut par ces propos tandis que ses joues se colorent légèrement. Pourquoi dit-il cela ? Peu d'étudiants se seraient lancés dans leur propre étude d'un venin peu connu et c'est pourtant ce qu'elle a fait. Elle ne manque pas d'ambition, ou du moins ne le crois pas, d'autant plus que l'un de ses rêves est de créer sa propre potion. Ce qu'elle ne dit pas, que personne ne sait, un secret qu'elle garde jalousement pour elle, de peur que qui que ce soit remette en doute sa compétence à réaliser cela. Jalousement, Aleksandrina garde pour elle ce détail.

«- Pardon, je me suis probablement mal exprimé. Ce n'est pas par manque d'intérêt que j'ai arrêté l'histoire de la magie. Le professeur Binns était seulement... trop spécial à mon goût, j'ai préféré lire des livres d'histoire quand cela m'est possible que d'assister à ses leçons. Non, il n'y a que la divination qui me laisse... Enfin vous avez compris, c'est la seule matière qui vraiment, n'attise pas ma curiosité. Peut-être un peu parce que je n'ai jamais eût le « troisième oeil » dont parlait le professeur Trelawney je l'avoue, j'ai besoin d'exactitude, je pense. De quelque chose de concret et... d'immuable.»