Within the sound of silence - Libre

Chris déambulait au hasard dans les couloirs, sa démarche peu assurée et le visage clos. La nouvelle était tombée un peu plus tôt dans la journée : "Les portes sont de nouveaux ouvertes !". Inutile de vous dire le nombre de fois où Chris avait imaginé entendre ces mots. C'était impossible à dire, d'ailleurs. Tant de fois il avait rêver où visionner cette scène dans son esprit que le compte était depuis bien longtemps perdu. Selon les versions, tantôt il accourait dehors pour embrasser le sol, d'autres fois il courait à en perdre haleine jusqu'à ce qu'Haveirson ne devienne rien d'autre qu'un petit point noir à l'horizon. Dans un de ses rêves les plus fou, il s'était même vu sauter par une fenêtre ouverte pour ne pas perdre de temps, de peur que le château change d'avis et se décide à refermer ses sorties à nouveau. Mais aucune de toutes ces visions, je dis bien aucune, n'avait pu prédire comment la libération s'était réellement déroulée.

Tout avait commencé alors qu'il était tranquillement dans son lit, profitant de cet état de veille qui avait depuis quelques temps remplacé le sommeil profond dont il avait pourtant l'habitude depuis toujours. Ni endormi ni éveillé, il était conscient de son environnement mais récupérait les forces dont il avait besoin pour poursuivre, une journée encore, ses efforts inutiles. Le plus dur n'était d'ailleurs pas le physique. En soit, explorer le château de manière aléatoire à la recherche d'une solution n'était pas plus fatiguant que cela. C'était avant tout sa persévérance, son mental qui avait été touché. Tel un zombie, il ne se relevait que pour accomplir sa tâche, toujours à la recherche de son but. Ne pensant plus qu'à ça. Ces derniers jours, il ne vivait plus vraiment. Trop de choses lui étaient tombées sur le coin du visage pour qu'il puisse continuer comme si de rien n'était. L'enfermement, premièrement. Il avait d'abord cru à une mauvaise blague. Mais les jours passant, il avait accepté que c'était la réalité. Mais une réalité dont il pouvait s'échapper. A quoi bon enfermer des centaines de personnes si ce n'est dans le but de leur faire chercher une sortie existante ? Les semaines passant sans aucune trace d'un échappatoire, sa motivation s'était émoussée mais il gardait espoir. L'énigme était jusqu'ici impossible à résoudre mais ça ne voulait pas dire que c'était impossible à faire dans l'absolu. Puis, les mois passant, il avait accepté la réalité. Lui et ses camarades étaient piégés. Ils ne pouvaient rien faire. Seule une partie de lui même avait accepté la vérité, l'autre ne pouvant le faire. Car Chris avait promis à trop de monde qu'il trouverait une solution. A Elena, qui était terrifiée par ses nouveaux pouvoirs, il avait promit. A sa famille d'accueil, Sinistros, il avait promit. A ses amis présidentes, Isolde et Novenka, Chris avait promit. Alors il devait sauver les apparences, au moins pour les autres. Être le fer de lance infatigable, attaquant sans relâche. Être le mur inébranlable sur lequel les autres pouvaient se reposer sans craindre de chuter. Il se devait de le faire pour eux, si ce n'était pas pour lui. Voilà pourquoi, chaque jour, il se levait et luttait encore. La seule raison pour laquelle il ne restait pas dans son lit à se morfondre.

Mais les faits étaient là. Les accès du château étaient ouverts et il n'y était absolument pour rien. Ses efforts avaient été vain. Aussi productif que de se battre contre des moulins à vent. L'issu avait été, depuis le début, inéluctable. Peu importait les efforts fournis, peu importait sa volonté et ses promesses. Rien n'avait de sens et il se sentait vide, incapable. Faible, impuissant. Ce qui aurait du être le plus beau jour de son été était en réalité le coup final du bourreau, reçu par Chris sur sa potence. Mais là n'étaient pas les seules raisons de l'abattement dont faisait preuve le garçon, ni même l'explication de sa démarche si incertaine. Laissez-moi continuer cette histoire.

Paisiblement installé dans son lit à Sinistros, Chris fut réveillé de son pseudo réveil par des coups à sa porte et des cris dans le couloir. Une annonce. "Les portes sont de nouveaux ouvertes !". Son esprit embrumé prit du temps pour analyser cela, trop de temps à son goût. Les portes ? Ouvertes ? Is this the real life? Is this just fantasy? S'habillant à la volée, Chris mit quelques secondes à peine pour sortir de sa chambre. Dehors, le branle-bas de combat. De nombreux élèves circulaient dans le corridor des Sinistros, récupérant des affaires pour aller vérifier ça d'eux-même ou pour quitter le château, tout simplement. S'il avait été au courant de quelque chose, en tant de Président pour plus très longtemps, il aurait pu faire une annonce, tentant de calmer ses camarades. Mais il ne savait absolument rien et se retrouvait démuni. Il devait voir ça de ses yeux.

Qui avait eu la mauvaise idée de placer la salle commune des Sinistros si haut dans le château ? Certes cela lui avait plu jusqu'ici, mais à présent qu'il devait descendre en urgence jusqu'au rez-de-chaussé, cela lui semblait être une idée franchement mal étudiée que cet emplacement. Alors qu'il dévalait un escalier à toute vitesse, le portugais se stoppa net. Son cerveau venait de réaliser qu'il pouvait déjà s'assurer de la véracité de cette histoire, d'ici même et tout bêtement. Posant la main sur la poignée de la fenêtre, il la pivota. Et elle s'ouvrit, contrairement à ce dont il avait à présent l'habitude. C'était donc vrai ! Sa course vers le hall reprit, plus effrénée encore que précédemment. Une fois enfin sur place, il pu constater de ses yeux que les grandes portes du château étaient bien ouvertes en grand. Cela impliquait tellement de chose ! Il devait prévenir ceux qui ne le savait pas encore, préparer ses affaires et surtout, partir ! Mais avant ça, mettre les pieds dehors. Sentir le soleil sur sa peau. Se sentir libre. Vivant.

Après un petit moment à humer l'air frais, profiter du soleil et à se rouler dans l'herbe, ne se préoccupant pas de ce que les autres élèves pouvaient penser, Chris s'apprêtait à rentrer pour faire ce qu'il avait à faire lorsqu'un hibou vint se poser sur son épaule, une lettre accrochée à sa patte. Enfin le courrier arrivait ? Et pourquoi n'y avait-il qu'une seule lettre ? Personne ne s'était inquiété de sa disparition ? Le château avait prévu une contre-mesure pour ça aussi ? Les questions et de possibles réponses se bousculaient dans l'esprit de Chris alors qu'il détachait le cachet de l'enveloppe et qu'il l'ouvrit pour la lire...

C'est là que nous retrouvons Chris où nous l'avons laissé, au début de tout ça. Déambulant au hasard dans les couloirs, sans but, une lettre à la main. Le regard hagard, vide. Pas vraiment conscient de ce qui l'entourait. C'est pourquoi, lorsque quelqu'un, élève ou professeur je ne saurai le dire, s'approcha et lui adressa la parole, Chris ne comprit pas. Les mots semblaient dénués de sens, comme prononcés dans une langue inconnue. "Oui... Portes ouvertes, oui..." Vu le contexte, il y avait des chances que ça corresponde avec ce qu'avait dit son interlocuteur, non ? Il entama de reprendre son chemin à travers le dédale sans fin du château mais une main sur son bras le retint. Puis de nouveau la voix, plus forte cette fois. Que disait-elle ?