Trêve entre deux cours (1er post Morange puis Libre)

HRP:

Les derniers jours avant les vacances de Noël se faisaient extrêmement longs - les devoirs pleuvaient, la neige recouvrait le château, les heures passées à la bibliothèque défilaient, inlassablement. Harmony avait l'impression d'être plongée dans une réalité déformée, où le temps était extraordinairement distendu. La nuit tombait tellement tôt qu'elle avait à peine l'occasion de sortir prendre l'air. Elle allait du cachot à ses salles de cours, puis à la bibliothèque, se dépêchait de manger et retourner travailler. La sanction imposée par Mme Pince commençait à lui courir sur le puffapod. Elle n'avait toujours pas le droit d'emprunter de livres. A cause de cela, elle ne pouvait profiter des quelques rayons de soleil à la verrière, où elle préférait travailler.

Ce matin, Harmony était décidée à passer une bonne journée. La plupart de ses devoirs de fin de semestre était rendus. Il ne restait plus que les parchemins à rendre au professeur McGonagall en première période. Le sentiment de soulagement que cela lui inspirait était bienvenu. Elle passa donc le cours à prendre des notes assidûment, le sourire aux lèvres. Elle s'autorisa même quelques bavardages avec Astoria.
Le cours était partagé avec les Serdaigle et Harmony remarqua un peu plus loin Ona, ainsi que Morange. Ses derniers échanges avec la rouquine avaient été décevants. D'ordinaire, la jeune fille se montrait plus incisive dans les débats mais, ces derniers temps, elle lâchait l'affaire bien vite.
De Morange, elle avait une meilleure opinion. Elle appréciait son allure, son comportement que certains qualifieraient de guindé. Pour elle, il avait une certaine classe. Bien sûr, la vivacité d'esprit du jeune homme était ce qu'elle affectionnait le plus. En somme, c'était quelqu'un de bien.

A la fin du cours, donc, Harmony se pressa de rendre son devoir puis le rejoint. Cela faisait quelque temps qu'ils n'avaient pas discuté. Les deux adolescents s'entendaient plutôt bien, et s'étaient même rencontrés de temps à autre en dehors du château, l'été, à Londres.
- Morange ! Salut. Comment vas-tu ? J'ai l'impression que ça fait un bail qu'on n'a pas parlé.

La blondinette lui adressa un sourire chaleureux, témoin de sa bonne humeur.
- Les vacances approchent. Tu rentres à Londres, cette fois ? lui demanda-t-elle gentiment.
La fin du mois de novembre avait été plutôt éprouvante pour l'adolescente et décembre était bien morne. Elle était véritablement contente de discuter tranquillement avec un ami.

En réalité, Morange Tiller n'était pas bien facile à cerner. Il était solitaire - encore plus qu'Harmony les années passées. L'adolescente se fit la réflexion qu'elle ne savait absolument pas ce qu'il pouvait bien penser d'elle. Cela ne l'empêchait pas de l'apprécier pour autant.
Evidemment, il parut étonné qu'elle lui adresse la parole avec autant d'entrain. Il lui répondit ensuite qu'il passerait Noël au château. Il ajouta que les réveillons en famille étaient ennuyeux, ce qui intrigua la jeune fille. Elle était toujours fascinée par les histoires familiales de ses camarades. Ayant renié la sienne, elle avait très peu à dire sur le sujet. Elle n'osait même pas imaginer passer Noël avec ses frères et soeurs. C'était pour elle l'annonce certaine d'une catastrophe.

- Oh, c'est chouette ! On pourra se voir, comme je reste aussi. Si tu veux, on pourra travailler ensemble à la verrière ou se promener dans le Parc.
A nouveau, elle lui fit un beau sourire. Elle était touchée par sa remarque concernant le dîner de réveillon.

- Bien sûr, je vais au banquet ! J'y serai avec un ami, mais on espère qu'il y aura de la musique. Alors ce sera amusant. Enfin, je dis ça mais.. je danse comme un pied. Tu aimes danser, toi ?
Elle avait hésité à dire qu'elle avait un cavalier en la personne d'Yvain, qui était en 7ème année. C'était étrange. Elle ne savait pas trop pourquoi elle avait préféré éluder en l'appelant "un ami" mais elle ne tenait pas à voir la réaction de Morange.

- Si ce n'est pas trop indiscret, pourquoi est-ce ennuyeux avec tes parents ? Tu es fils unique, c'est bien ça ? demanda-t-elle, histoire d'oublier l'épisode du cavalier caché.

Adossé ainsi contre le mur en pierre du couloir, Morange dépassait Harmony d'une dizaine de centimètres. Il fallait avouer, qu'avec ses mèches rebelles et son sourire en coin, il avait du charme. L'adolescente se rappelait qu'en première année, il avait pris très au sérieux la répartition, le souvenir de l'air solennel sur sa bouille d'ange s'était imprimé en elle. A présent, il avait grandi, pris de l'assurance, même s'il restait seul la plupart du temps.

A sa réaction quand elle lui parla de danse, elle ne put qu'éclater de rire. Il avait secoué la tête vigoureusement pour accompagner son "non" définitif.
- Oh, tu sais, moi aussi je trouvais ça... idiot et j'étais persuadée qu'on avait l'air stupide en dansant. Mais entre amis, en fait ça peut vraiment être amusant. Enfin, ce n'est même pas dit qu'il y aura de la musique...

Il prit un air songeur puis parla de sa famille d'une voix empreinte de lassitude. Leurs relations avaient l'air bien plates, pour n'avoir que des banalités à se raconter un soir de Noël ! Ou bien ses parents étaient très exigeants et avaient besoin de jauger son apprentissage. Tiens, il avait un grand frère ! Harmony n'en savait rien.

- Ah oui je vois.. C'est parce que tes parents sont très exigeants ? Tu verras, à Poudlard au moins tu es sûr de passer un agréable moment. Je ne savais pas que tu avais un grand frère ! Il est à Poudlard ?

Puisqu'ils parlaient de leurs familles, Morange interrogea naturellement Harmony sur la sienne.

- Hum, oui, j'ai un grand frère et deux soeurs. Mais c'est pareil, on ne s'entend pas du tout. Juste avec ma petite soeur, Sara, qui est à Serdaigle, d'ailleurs.

Elle fut un peu vexée que le garçon ne se rappelle pas où elle habitait. Ils s'étaient pourtant croisés plus d'une fois sur le Chemin de Traverse ! Mais peut-être n'avait-il pas compris qu'elle y vivait. Toutefois, elle ne put réprimer une moue boudeuse alors qu'elle croisait les bras.

- Tu ne t'en souviens plus ? J'habite à Londres moi aussi. Sur le Chemin de Traverse, plus précisément.
Toutefois elle changea bien vite d'attitude pour répondre à son sourire en lui par un autre, tout aussi plaisant. Un instant, l'image d'Yvain, tout proche d'elle, dans le parc, lui traversa l'esprit. Pourquoi cette pensée ? Qu'est-ce qui lui arrivait ? Il fallait vraiment qu'elle se reprenne, son attitude était vraiment ridicule.

Evidemment la réponse qu'Harmony donna sur sa famille mena à une autre question du jeune homme. Il n'était pas à Serdaigle pour rien ! La jeune fille hésitait à être franche avec lui. En même temps, elle n'allait pas lui dévoiler toute sa vie, là, dans un couloir sordide du cinquième étage. Elle préféra tourner les choses autrement.

- En fait, je ne supporte pas mon frère. Il a l'air adorable comme ça, mais il a un côté dirigiste insupportable avec moi et mes soeurs. Il se prend pour le chef à la maison, parce qu'il est plus grand et que c'est un garçon. Ça n'a jamais gêné mes soeurs et du coup, on se prend la tête systématiquement... Enfin voilà !

Quand le garçon lui dit à quel point son frère l'énervait, quand il le croisait à Poudlard, elle eut un joli éclat de rire.

- Au moins, mon frère me laisse tranquille. C'est vraiment pas sympa qu'il t'embête sans raison !

Puis Morange lui demanda de lui rappeler où elle habitait. Harmony cacha mal sa déception : elle aurait espéré qu'il s'en rappelle. Mais ce n'était pas bien grave et elle lui pardonna à la seconde où il s'excusa en souriant. Il était tête en l'air, oui, mais bon : personne ne peut être parfait !
Dans la foulée, il lui demanda son autorisation pour l'interroger une fois de plus. Harmony hocha la tête, intriguée. Morange prit quelques précautions, la voix un peu hésitante, avant de lui demander son statut de sang. Wow ! Il était direct... Personne ne lui avait jamais posé la question ainsi. En général, les gens commençaient par dire le leur pour encourager leur interlocuteur à faire de même. Pourquoi faisait-il l'inverse ? Avait-il besoin de se sentir en sécurité pour lui révéler quelque chose ? Peut-être avait-il honte, comme Harmony, de son statut de sang. Elle décida de lui faire confiance. Comment bâtir une amitié autrement ?

- Hmm, ça peut être considéré comme indiscret oui.. Je n’aime pas trop en parler, mais je sais que tu ne penses pas à mal. Mon père était un Moldu. Ma mère est sorcière, mais pas issue d’une trop grande famille.

Elle l’avait regardé avec une grande douceur, avec un petit sourire en coin, l’air désolé. Pour elle qui avait plus ou moins renié sa famille, cette confidence était de grande valeur. Mais bien sûr, il fallait encore qu’il le devine.

- Pourquoi tu me demandes ça ? Tu as peur que ta parenté te pose problème, avec tout ce qui se passe ?

Morange n’était pas un sang-pur, c’était certain. Les familles au sang écarlate se raréfiaient de manière incroyable. Etant à Serpentard et côtoyant les filles Greengrass, Harmony était persuadée de connaître tous les patronymes anciens - et Tiller n’en faisait pas partie. Pourtant Morange avait une espèce d’assurance, d’orgueil qui, sinon de démontrer son origine noble, aurait pu l’envoyer facilement chez les Vert et Argent ! Après, les Moldus aussi possédaient leur aristocratie…

La question posée par Morange avait de quoi surprendre et ne pouvait en aucun cas être justifiée par de la simple curiosité. Ou alors le garçon était doté d'une naïveté à toute épreuve. Un sujet aussi sensible que l'ascendance des étudiants de Poudlard, à l'heure où le Seigneur des Ténèbres avait regagné sa puissance et multipliait les adeptes, tandis qu'un assassin se chargeait des Sang-Pur, ne pouvait être abordé sans y mettre aucune forme.

Harmony avait néanmoins décidé de répondre simplement à son camarade - espérant ainsi lui donner une preuve de la confiance qu'elle lui accordait. Elle était aussi, bien entendu, intriguée par ces interrogations. Selon elle, il ne devait pas avoir l'esprit tranquille si le sujet le démangeait autant. Cela pouvait se révéler... intéressant.

Le garçon se rendit compte de l'embarras dans lequel il mettait son interlocutrice, avec ses questions déplacées. Une ombre de gêne passa sur ses traits. C'est alors qu'Harmony mit toute la douceur qu'elle était capable d'exprimer dans sa voix pour l'inciter à se confier à son tour.

Tout d'abord, Morange éluda le problème de sa parenté, prétextant une curiosité démesurée. La Serpentarde serrait les dents. Venait-elle de lui avouer que son père était Moldu sans qu'il ne lui rende la pareille ? C'était blessant. Un affront, même.
Mais le garçon continua, les sourcils froncés. Ce qu'elle voulait dire ? Mais enfin, ne lisait-il pas la Gazette ? Les traits durcis, elle lui répondit machinalement.

- Tu sais bien, avec le retour du S... de Tu-sais-qui, et de l'autre côté avec le Sacrifié, personne n'est à l'abri d'une attaque - sang-pur comme né moldu.

Finalement, il ajouta que son statut de sang était "compliqué". Son rire indiquait qu'il voulait changer de sujet. Pour Harmony, la traduction en était qu'il n'avait pas suffisamment confiance en elle pour se dévoiler complètement. Elle le comprenait, et rien ne l'obligeait à se dévoiler. Elle regrettait un peu ses paroles précédentes et éprouvait un drôle de pincement au coeur. Elle avait espéré... qu'il lui parle. Tout simplement.

Elle détourna le regard, ravala ses remords puis planta à nouveau ses yeux pâles dans ceux de Morange, avec un grand sourire.

- C'est pas grave. C'est un peu compliqué pour tout le monde, je crois.

Elle choisit un sujet de conversation plus léger.

- Avec les devoirs que McGonagall nous a donnés, on ne risque pas de s'ennuyer... On pourra les faire ensemble, si tu veux ! J'espère qu'il y aura beaucoup de neige, aussi, pour faire de la luge dans le Parc !

Harmony avait honte d'avoir aussi facilement fait confiance à Morange. Elle se trouvait idiote d'avoir cru qu'il lui confierait son secret, si elle se montrait honnête et gentille avec lui. Ce n'était pas la bonne méthode. D'autres y arrivaient peut-être, mais pas elle. Il fallait amener les gens à dire ce qu'ils avaient sur le coeur, pas attendre béatement qu'ils s'ouvrent pour votre beau sourire.

Toutefois, lorsqu'elle détourna le regard, se laissant une seconde pour effacer toute trace de déception de son visage, avant de changer de sujet, Morange soupira. Peut-être y'avait-il encore une possibilité qu'il s'exprime ? Harmony lui sourit largement, tentant de rendre le terrain plus malléable par une dernière phrase d'une banalité qu'elle espérait encourageante. C'était bien ce que les gens faisaient pour créer des liens, non ? Dire des platitudes avec une compassion appuyée, n'est-ce pas ?

Le jeune sorcier fixa les yeux pâles de la Serpentarde quelques secondes. Avec son air sérieux, il avait un charme indubitable. De beaux yeux bleus, un teint de lait, de jolies lèvres ainsi qu'une belle allure pour un adolescent. Harmony sentait malgré elle un petit picotement, celui qu'elle avait du mal à maîtriser depuis quelques mois.
Mais elle revint très vite sur terre. Sur un ton hésitant, son camarade marmonna quelque chose sur son sang moldu et son regret qu'il n'en soit pas autrement.

Harmony ne put réprimer un sourire en coin. Elle pencha la tête de côté et chuchota à son tour.

- Ne t'inquiète pas, je ne le répèterai pas. Je suis un peu comme toi, du coup... je comprends. C'est pas toujours facile.

En réalité, si Harmony avait du sang moldu de par son père, elle ne l'avait que très peu connu. La grande partie de son enfance s'était passée sur le Chemin de Traverse, elle avait donc côtoyé la magie très tôt. Il y avait un désavantage à être né-Moldu, c'était certain.

Puis elle voulut parler de choses moins dures, pour lui montrer qu'à ses yeux, ça n'avait que peu d'importance. (Evidemment, ce n'était pas le cas.) Dans les réjouissances des vacances de Noël, elle suggéra la luge. La réaction de Morange la fit rire intérieurement. Il était tellement, sérieux, en permanence. Un peu comme elle. Mais Noël avait une place toute particulière dans son coeur, qui brisait ce type de barrières.
Mais il était adorable, à geindre puis lui adresser un nouveau sourire.

- Tu sais, moi aussi je déteste me sentir ridicule. Mais une luge ensorcelée, ça va vite, c'est vraiment bien. Après, je suis d'accord, s'asseoir au coin du feu pour lire ou jouer aux échecs, c'est un vrai plaisir quand il neige !

Elle avait parlé de la luge, un peu pour tester la température. Le tempérament calme et posé du Bleu et Bronze était appréciable. Elle concevait facilement de le rejoindre à la verrière par exemple, pour profiter d'une après-midi tranquille à bouquiner et discuter de temps à autre.

A sa dernière remarque sur les attaques, elle ne fit que hocher la tête. Elle ne voulait pas rentrer dans cette discussion - il valait mieux, pensait-elle, faire profil bas sur ces sujets. Elle grimaça donc simplement lorsqu'il mentionna le risque de mourir.