Comme un air de déja vu

12 janvier 1997

Fait rare, mais suffisamment intéressant pour être énoncé, Clemens avait décidé de travailler hors de sa chambre. Depuis la rentrée, il éprouvait beaucoup de difficultés à y garder sa concentration. En dehors des salles de classe, il n’avait que peu progressé dans ses recherches en tant que telles. Son but ultime avait été atteint six jours auparavant, dans la salle des miroirs, et le sentiment d’accomplissement l’aidait encore à sortir de son lit chaque matin. Pourtant, ses autres objectifs ne s’étaient pas éloignés pour la cause : que du contraire, il venait de franchir une étape supplémentaire dans sa quête sur l’essence humaine. A présent, il avait la possibilité d’expérimenter.

Muni de sa baguette, d’une poignées de plumes et de son carnet de recherche, le Sinistros avait choisi de s’installer dans le salon commun du rez-de-chaussée. En cette matinée encore si proche de la reprise, peu d’étudiants bravaient déjà leurs bonnes résolutions et il avait eu la joie de découvrir la pièce entièrement déserte. Il pourrait ainsi jouir du calme nécessaire au travail fructueux, sans pour autant que ses lancers de sorts ne dérangent ses camarades. C’était une excellente excuse pour éviter la bibliothèque et son atmosphère studieuse qu’il supportait si mal.

L’Allemand se laissa tomber dans un vieux fauteuil en cuir ramolli proche de l’âtre où crépitait quelques flammes timides. Il tira à lui une table basse et y installa son carnet, grand ouvert, quelques feuilles volantes disposées de manière artistiques autour de pages couvertes d’une écriture peu lisible. Ainsi, il pouvait englober d’un seul regard ses dernières réflexions et commencer sereinement à réfléchir à un vrai protocole d’expérience. Clemens ne doutait pas que Quinlan pourrait lui venir en aide, en ce qui concernait la méthode, il le ferait même avec certitude. Cependant, le jeune homme ne voulait pas encore une fois venir quémander des conseils et voler son expérience, en quelque sorte. Il voulait garder ses recherches en main.

Alors qu’il se caressait distraitement le menton avec sa plume, les yeux fixés sur le plafond, un bruit de porte qu’on ouvre le fit sursauter. Le Sinistros s’était tellement persuadé que personne ne viendrait s’installer dans ce lieu de jeu et de détente si tôt en semaine, qu’il lui fallut quelques secondes pour comprendre que quelqu’un venait d’entrer. Une expression agacée se dessina spontanément sur son visage, avant de se transformer en une moue amusée. La jeune femme qui venait d’entrer ne lui était pas inconnue, même si ils n’avaient plus passé de temps ensemble depuis plusieurs années.

“Salut Jessica.”

Sa voix trahissait son sentiment pour la situation. A Poudlard, sa camarade lui avait souvent reproché son attitude peu recommandable à la bibliothèque. Si il avait souvent profité de son calme pour y récupérer d’une gueule de bois, il avait aussi été un empêcheur de tourner en rond, qu’une jeune fille aussi sérieuse que Jessica n’avait pu supporter. Pour autant, un étrange lien d’amitié s’était lié entre eux, et il avait toujours considéré ses reproches plus comme un jeu, que comme une réprimande. Ils n’étaient peut-être pas de proches amis, mais il l’appréciait suffisamment pour ne pas être fâché de son arrivée. D’un geste, il l’invita alors à s’installer dans le fauteuil qui lui faisait face.

Et voilà, les vacances étaient terminées. Jessica était de retour à Haveirson après des vacances en famille au Mexique. Cela s’était fait au dernier moment. Elle n’avait même pas eu le temps de prévenir son bien aimé, Dean. A la base, elle devait rester à Haveirson, mais un hibou de dernière minute avait changé les choses. Elle avait donc du rejoindre sa petite famille, et à son retour, elle avait été mise au courant des événements qui s’étaient produit durant le banquet de Noël.  Elle avait été surprise et choquée même de ce qui s’était passé. Surtout que cela s’était produit à Poudlard, sous les yeux du Directeur …

Mais bon, même s’il s’agissait d’un événement important, ce n’était pas ce qui préoccupait la belle. Ce qui l’a préoccupait actuellement c’était Dean. Son petit ami, ancien meilleur ami. Elle ne l’avait pas revu depuis les vacances. Il était retourné en France chez sa famille comme prévu… Bon jusque-là, rien d’étrange. Mais là où ça devenait vraiment bizarre, c’était qu’elle n’avait pas reçu un seul hibou durant ces deux semaines. Ni pour Noel, ni pour le Nouvel An. Bon peut-être était-il trop occupé pour penser à sa copine… Et là où c’était devenu carrément flippant pour elle, c’était qu’il n’était toujours pas rentré des vacances, malgré la reprise des cours… Connaissant son passé, elle espérait qu’il ne lui avait pas refait le coup de disparaître de sa vie, une deuxième fois.. Cette fois elle ne s’en remettrait pas…

Bref c’était donc bouleversée par cela que la belle Phénix avait repris les cours, ayant du mal à rester concentrée. La première chose qu’elle avait fait en rentrant, ça avait été d’envoyer encore un hibou au jeune Français. Elle ne voulait pas passer pour une harceleuse de première catégorie, mais là, ça devenait louche quand même ! Elle avait l’impression que l’histoire se répétait, d’une certaine manière. La boule au ventre, elle s’était leverée tôt encore ce matin et était allée à la volière, espérant y trouver une réponse de son cher et tendre… Mais rien… Encore une fois…

C’était donc dépitée, qu'elle se dirigea sans trop de conviction vers le salon commun du rez-de-chausée. A cette heure matinale, il y avait très peu de chance qu’il y ait du monde. Les étudiants devaient encore être dans les bras de Morphée, ou dans leur salle commune, commençait à se préparer tout doucement pour une nouvelle journée.
En entrant dans le salon commun, elle vit qu’effectivement il n’y avait pas foule, cela dit, le salon n’était pas vide non plus, Clemens qui était tranquillement installé dans l’un des fauteuils en cuir. La dernière fois qu’elle l’avait vu; ça datait déjà de quelques mois. D’ailleurs cela s’était produit dans une situation un peu délicate pour la Mexicaine. Elle était en charmante compagnie dans les appartements du Professeur Fitzsimmons… Et Clemens avait débarqué avec son acolyte Gareth, les deux complètements bourrés pour changer de Poudlard … Mais cela datait de longtemps maintenant, et depuis il s’en était passé des choses.

Son irruption semblait tout d’abord agacer le jeune homme, avant que cet agacement se transforme en un amusement, lorsqu’il identifia la personne qui osait le déranger, à savoir, elle. Il la salua d’un air tout naturel.

- Clemens…

Répondit-elle, avant de le rejoindre en s’installant dans le fauteuil qui lui faisait face. Ca faisait tellement longtemps qu’ils n’avaient pas eu l’occasion de parler. A y réfléchir, la dernière vraie discussion avait eu lieu à Poudlard. Encore une énième situation où l’ancienne Serdaigle avait donné une leçon de moral au jeune et imperturbable Clemens qui n’en faisait qu’à sa tête !

- Ca faisait longtemps !

Dit-elle en se laissant tomber dans le fauteuil.

Après un léger temps d’hésitation, probablement dû à la situation improbable qui se jouait sous ses yeux, Jessica vint le rejoindre. Sans la quitter des yeux, Clemens rassembla un peu ses différents documents de travail, histoire que les détails n’en soient pas trop visibles. Même si le contenu de ses recherches étaient partiellement douteux, il rédigeait toujours ses notes en allemand, et aux dernières nouvelles, sa camarade ne parlait pas cette langue. Néanmoins, l’étudiant n’avait pas encore trouvé le moyen de rendre ses schémas plus cryptiques. Or, avec son esprit très démonstratif, ses dessins étaient généralement aisés à comprendre.

La jeune femme semblait contente de le voir, et il s’en trouva rassuré. Malgré toute l’affection qu’il pouvait avoir pour elle, ils n’avaient jamais vraiment été proches, et ne s’étaient même plus parlé depuis des lunes. L’initiative de l’inviter à s’asseoir près de lui avait été spontanée, sans aucune sorte d’arrière-pensée. Une fois son geste accompli, il s’était demandé si elle n’allait pas refuser. Après tout, elle avait peut-être à faire, où était venue ici pour trouver un calme complet, et s’apprêtait à faire demi-tour. Son attitude cependant, ne témoignait rien d’autre qu’une attitude bon-enfant.

“Oui, ça fait vraiment longtemps… Depuis Poudlard, non ? C’est drôle avec l’organisation de cette académie, j’ai l’impression de croiser des visages connus tous les jours, mais de ne plus connaître personne.”

L’Allemand, à l’accent maintenant si habituel pour ceux qui le connaissait bien, leva les bras en un geste d’impuissance. Il aurait souhaité renouer mieux avec ses anciens camarades, comme Jess ou Aleksandrina. Malheureusement, le destin semblait un peu contre lui. Pourtant, dans cette université si particulière, on n’était jamais assez entouré.

“Je ne sais même pas ce que tu étudies. Pourtant, j’ai été dans pas mal de cours qui n’étaient pas réservés aux spécialistes, histoire de découvrir un peu les nouveaux profs… Enfin, je suis curieux ! Raconte, ce que tu fais ici, ce que tu as fait après Poudlard…”

Il sourit et afficha un air peiné, se laissant emballer par son enthousiasme habituel.

“Si tu as envie d’en parler, bien sur. J’imagine que comme moi, en arrivant si tôt ici, tu ne t’attendais pas vraiment à trouver quelqu’un…”

Son travail pourrait attendre, largement. Il travaillait mieux le soir de toute façon, et si une série de rêves bizarres ne l’avaient pas tiré du sommeil plus souvent qu’à son tour, il serait toujours dans les bras de Morphée. A moins d’avoir un cours particulièrement matinal, Jessica n’était sans doute pas arrivée ici par hasard, et il y avait fort à parier que quelque chose la tracassait. Clemens jouait avec l’idée, tentant d’en calculer la vraisemblance, sans oser poser directement la question. Il ne voulait pas se montrer intrusif. L’occasion était trop belle d’avoir à nouveau — enfin — une conversation qui pourrait être normale.

Elle vit Clemens, récupérant et rassemblant ses papiers. En même temps, elle ne chercha même pas à savoir sur quoi il travaillait. Ce qui aurait été sa première question en temps normal. Curieuse comme elle l’était. Mais là, elle se fichait un peu, ayant d’autres chats à fouetter. Se laissant donc tomber dans le fauteuil qui faisait face à celui de Clem, elle le regarda, un faible sourire sur les lèvres.

Bien qu’ils se soient connus à Poudlard, Jessica et Clemens n’étaient pas ce qu’on pouvait qualifier d’amis proches. Certes ils s’entendaient bien, Jessica était, du moins au temps des années à Poudlard, ce qu’on pouvait appeler l’antithèse de l’ancien Serdaigle. Ils étaient tous les deux dans la maison des bleus et bronze, et alors que le jeune homme passait son temps à la bibliothèque à essayer de se remettre de ses nombreuses soirées bien alcoolisées, elle passait son temps à lui faire la moral. Ce qui, entre nous, ne servait à rien, puisque ça ne l’empêchait pas de recommencer dès le lendemain. Pire, il prenait même plaisir à la taquiner avec ça, en sachant qu’elle allait forcément râler. Malgré tout cela, ils s’appréciaient beaucoup.

Clemens avoua aussi que cela faisait très longtemps qu’ils ne s’étaient pas vraiment vus. Oui ils se croisaient dans les innombrables couloirs du Manoir, mais ils n’avaient jamais vraiment pris le temps de se parler. De même qu’en cours où ils étaient ensemble. Ils se saluaient mais sans plus. En même temps, il fallait bien avouer que le rythme était bien plus élevé qu’à Poudlard. Aussi c’était normal qu’ils aient moins le temps de se poser pour parler.

Mais en réalité il se trompait, ils avaient eu l’occasion de se rencontrer à Haveirson… Bon d’accord ça c’était fini par un stupefix que Clem s’était pris en pleine face, et puis de toute façon vu l’état dans lequel il se trouvait à ce moment, il ne s’en souvenait surement plus. Ce n’était pas plus mal vu les circonstances. Elle décida donc de ne pas rappeler ce petit épisode en aparté et lui répondit :

- Oui depuis Poudlard je crois bien. Et j’ai la même impression que toi. Mais je pense que c’est normal, on est quand même à un niveau supérieur !

Clemens lui fit ensuite remarquer qu’il ne savait même pas quel cursus elle suivait. D’ailleurs elle non plus n’en savait rien concernant Clemens, même si elle se doutait fort que cela avait un rapport avec son obsession pour la métamorphose. D’ailleurs sur ce point il rejoignait son cher et tendre. Elle savait aussi qu’ils travaillaient ensemble parfois là-dessus. Il lui posa donc une série de questions sur ses études après-Poudlard, avec l’entrain habituel qu’elle lui connaissait. Ce qui fit sourire la jolie Phénix.

- Oui je m’attendais à être seule ici, mais au final ce n’est pas plus mal et puis on a du temps à rattraper non ?

Elle lui fit un clin d’œil taquin avant de répondre à son interrogatoire

- Alors après Poudlard, j’ai pris une petite année sabbatique au Mexique, puis je me suis inscrite ici en psychomagie. Et toi ? Toujours aussi accro au métamorphose ?

Clemens hocha la tête, néanmoins pas très convaincu. Haveirson leur imposait certes un stress et une pression supplémentaire par rapport à Poudlard, mais ils avaient également gagnés une liberté non négligeable. Ils pouvaient travailler à leur rythme, sans être surchargés de devoirs et d’exigences très scolaires. Les professeurs qu’il avait eu l’occasion de rencontrer semblait partir du principe que les étudiants étaient là pour eux-mêmes. La fréquentation d’une université était encore si peu fréquente dans le monde magique que personne ne semblait être venu à l’académie par hasard. Ils avaient tous un but, et ils avaient le choix des moyens à mettre en œuvre pour l’atteindre. Dans un tel environnement, le Sinistros ne souffrait pas de la surcharge de travail.

La remarque suivante lui attira un sourire, en revanche. Jessica semblait ne pas avoir vraiment changé. Encore une fois, ils se retrouvaient dans une situation où ils étaient venus chercher le calme et ils allaient se mettre à papoter, se rappeler le bon vieux temps et probablement rire de leurs souvenirs communs. Clemens préférait cette occupation-là à une matinée de recherches acharnées et après tout, c’est ce qu’il avait toujours apprécié chez la Phoenix : son ouverture d’esprit, sa bonne humeur, et un coeur grand deux fois comme elle.

“C’est vrai ! Et ça ne t’étonnera sans doute pas, mais je préfère discuter à travailler !”

Il réagit à son clin d’œil avec un regard lumineux, mais garda le silence pour la laisser raconter ses activités depuis leur sortie de l’école. Elle présentait son année sabbatique comme un détail de son histoire, pourtant, à l’entendre parler du Mexique, Clemens se redressa un peu, signe marquant de son intérêt grandissant. Tous les étudiants qu’il avait rencontré ou revu depuis septembre semblaient avoir été voyager au bout du monde.

“Le Mexique !? C’est génial ! Qu’est ce que tu as fait là-bas ? J’imagine que tu n’as pas simplement passé un an à te dorer sur une plage ?”

Même s’il ne pouvait pas se décrire comme un proche de Jessica, il pensait la connaître assez pour être sur qu’une année de vacances sans aucune stimulation intellectuelle lui serait d’un ennui profond. On était Serdaigle, ou on ne l’était pas ! Intérieurement, il se demanda si cette année particulière l’avait lancée sur la piste de la psychomagie ou si l’idée la titillait depuis déjà plus longtemps. Clemens n’était pas du tout étonné par ce choix de cursus — il lui correspondait particulièrement bien — mais ne se souvenait pas l’avoir entendue parler de cette voix à Poudlard.

“La psychomagie… Ca te va bien. Quant à moi, je suis en effet inscrit en métamorphose. C’est pas une grande surprise, hein ? Je ne vois pas trop ce que j’aurais pu faire d’autre, à part peut-être inventeur de sortilèges. Je ne sais pas du tout comment on invente de nouveaux sorts, mais je crois que ça m’aurait bien amusé. Reste à voir si on peut vraiment gagner sa vie de cette manière là…”

La magie offrait des possibilités proprement démentielles en tant que perspectives d’avenir. Cependant, même s’il pouvait trouver l’amusement dans des études, ses deux années passées à jouer au Quidditch pour gagner sa pitance lui avaient bien fait réaliser que la passion ne suffisait pas dans le monde du travail.

“Ton cursus te plaît ? Vous êtes beaucoup dans cette voie-là ?”

Certaines filières, comme la médicomagie, semblaient beaucoup plus peuplée que d’autres. Cela tenait probablement à la réputation très positive et très enviée des médicomages, malgré les nombreux à-côtés très négatifs de faire un tel travail. L’Allemand enviait néanmoins les étudiants dans ces cursus, qui avaient là possibilité de faire de nouvelles rencontres et de ne pas voir exactement les mêmes têtes tous les jours. En métamorphose, il avait la chance de bien s’entendre avec Dean… La seule autre étudiante étant Juliet, qui lui vouait une haine viscérale depuis Poudlard, il se serait senti bien seul sans l’Abraxan.

La réponse du jeune Neubach fit sourire la Phénix. Non ça ne l’étonnait pas du tout effectivement. Cela dit, il s’était quand même bien débrouillé la dernière année à Poudlard. Elle lui expliqua ensuite ce qu’elle avait fait entre Poudlard et Haveirson et Clem l’écoutait sans l’interrompre. Le passage de son voyage au Mexique ne semblait pas laisser le jeune Sinistros indifférent. D’ailleurs il lui demanda ce qu’elle avait fait de beau là-bas.

- Non je n’ai pas passé un an à me dorer sur la plage… Loin de là même. J’avais vraiment besoin d’un retour aux origines. Et puisque j’avais eu mes APICS et que j’étais majeur chez les sorciers, mon père a décidé de me monter deux, trois petits secrets sur la magie Mexicaine et je t’avoue que c’est très intéressante ! Il m’a emmené dans des villages reculés du Mexique où j’ai rencontré des populations qui utilisaient la magie autrement que chez nous. Et je te promets que c’est très impressionnant. Par exemple chez eux, la divination est très importante. Ils utilisent beaucoup les astres et leur propre système calendaire divinatoire pour prédire des choses ou comprendre d’autres choses qui se sont passés dans le passé. Je t’assure que tu vois la matière de Divination, d’un autre œil… Enfin tout ça pour dire que c’était très enrichissant !

Elle reprit quand même son souffle avant de continuer. Non pas qu’elle parlait trop mais c’était surtout que le sujet l’inspirait

- D’ailleurs c’est ce voyage qui m’a donné envie de devenir psychomage ! Ces gens-là arrivaient à comprendre tes faits et gestes d’un simple regard. Juste en t’observant ils savaient à qui ils avaient à faire. C’est un truc de dingue.

La voie que l’ancienne serdaigle avait choisie, ne semblait pas surprendre son camarade. Il lui dit même que cela lui allait bien. Quant à elle, elle ne s’était pas trompée non plus sur ce que le jeune homme aurait pu choisir comme cursus : la métamorphose. Il lui confirma donc cette voie.

- Je suis sure que tu peux gagner ta vie avec ça, suffit juste de trouver la bonne combinaison pour créer de nouveau sort. Enfin, dit comme ça, on dirait que c’est simple, mais j’imagine que derrière il doit avoir des années de travaux, recherches et expérimentations…

Revenant plus sérieusement à la Psychomagie, il lui demanda si cela lui plaisait. Encore un sujet qui allait la faire parler

- Bien sûr que ça me plait ! Encore plus que ce que j’aurais pu m’imaginer. C’est presqu’effrayant de voir comme un esprit peut se faire manipuler aussi facilement s’il est en état de faiblesse. Crois-moi il vaut mieux que les psychomages soient dans le camp des gentils sinon les dégâts peuvent être catastrophiques sinon…

Elle fit une pause avant de reprendre

- Mais on n’est pas beaucoup dans cette voie… Enfin pour l’instant du moins. Et toi alors ? Qu’as-tu fais après Poudlard ?

Nonchalamment avachi dans son fauteuil, Clemens écoutait le récit de sa camarade les yeux brillants. Le Mexique. La seule vision qu’il en avait, c’était quelques rares films américains vus au cinéma et la représentation des sombreros sur les bouteilles de Tequila. Si cela lui donnait une vision très édulcorée et en un sens, plutôt appréciable de l’Amérique Centrale, il avait bien conscience que ses représentations se trouvaient très loin de la réalité. Entendre parler quelqu’un qui y avait vécu donnait une autre profondeur à son imagination. Son récit faisait d’ailleurs étrangement échos à ce que Amaranthe lui avait raconté de l’Amérique du Nord, deux mois plus tôt. Une magie semblable, mais pourtant différente, teintée d’une culture et de traditions qu’ils ne connaissaient pas en Europe… L’Allemand n’avait jamais vraiment été intéressé par le voyage du point de vue touristique, mais la découverte d’une autre magie allait finir par le convaincre de traverser les frontières.

Profitant de la courte pause de la jeune femme, il eut tout juste le temps d’ouvrir la bouche pour poser des questions, qu’elle reprenait déjà sa tirade. Un sourire vint flotter sur ses lèvres alors qu’il gardait son interrogation en mémoire pour plus tard. Ca aurait été tellement dommage de la couper dans sa lancée alors que la passion s’entendait si distinctement dans sa voix, et qu’elle faisait briller ses yeux avec tant de ferveur. Clemens se redressa doucement et attendit avec une sorte d’impatience de pouvoir marquer tout l’intérêt qu’il avait pour le sujet.

“Tu penses que c’est lié à leur forme de divination ? Comme si leurs affinités avec le futur leur permettait de comprendre ce que tu vas faire dans les minutes qui suivent et donc, ce que tu penses ? J’imagine que c’est fascinant, oui… Tu as appris certaines de leurs méthodes ?”

Sa réflexion à propos des inventeurs termina sa blague et le jeune homme la souligna une dernière fois en affichant une mine ostensiblement pensive. Présenté comme tel, le métier paraissait en effet terriblement facile. Avoir la bonne idée, trouver le mouvement le plus précis et la meilleure incantation pour rendre le sort le plus efficace possible, puis aller le vendre à un éditeur pour qu’il le compile dans un nouveau livre consacré aux sortilèges. Clemens s’imaginait néanmoins les heures passées dans un bureau sans-dessus-dessous au milieu de marques de brûlé et de fumée pestilentielle qui s’étendaient autour d’un petit sorcier échevelé et vaguement tordu par ses propres expérimentations. L’activité ne pouvait que paraître cocasse, même s’il préférait ne pas penser aux parallèles entre cette parodie et sa propre situation après avoir passé une nuit enfermé dans sa chambre à faire cavaler des plumes.

Si l’Allemand s’imaginait si bien Jessica en psychomage, c’était pour sa capacité à être à l’écoute et à ne pas juger durablement ses camarades. La façon dont elle lui présenta ses études le fit cependant froncer les sourcils et il l’observa un instant avec une perplexité peu dissimulée. La psychologie lui avait toujours paru être un moyen d’aider les gens à surmonter leurs problèmes et leurs troubles, pas une façon de mieux connaître l’esprit humain pour le manipuler. Même s’il préférait ne pas penser à la jeune Phoenix en termes de manipulatrice invétérée, son enthousiasme lui paraissait trop équivoque pour être innocent, et l’étudiant senti sa méfiance vis-à-vis des psychomages grandir.

“Je vois. Tu dois avoir raison, et du coup, il vaut mieux savoir à qui on confie son esprit, également.”

Le visage fermé et le regard empreint d’une certaine dureté, Clemens mit quelques secondes à se détendre à nouveau, bien que Jessica ait spontanément changé de sujet pour s’intéresser à son propre parcours. La question n’en était pas moins délicate, et le Sinistros se donna quelques secondes avant d’y répondre, laissant ses yeux danser sur le décor du salon, se perdant par la fenêtre et dans le lointain du parc. A chaque fois qu’il devait raconter son histoire, elle lui paraissait un peu plus détachée, plus lointaine. Moins réelle en quelques sortes. Il n’arrivait pas à déterminer s’il considérait cette évolution comme une avancée positive et optimiste, ou comme une perte de contrôle et de lien avec son passé. Soit il guérissait bel et bien de son amertume et de son échec, soit il devenait insensible à la douleur provoquée par son passé. Si la première solution était une sorte de soulagement, la seconde fit glisser un frisson le long de son échine.

“J’ai signé un contrat de joueur professionnel avec les Busards de Heidelberg juste avant de passer mes ASPICs. Je suis donc parti en Allemagne à ma sortie de Poudlard pour commencer comme batteur remplaçant. Ça s’est bien passé, j’étais titularisé de plus en plus souvent et ma carrière s’annonçait plutôt bien. Comme toi, j’avais besoin d’un retour aux sources; revenir vivre plus près de mes origines grâce à ma passion m’a fait grandir… Mais j’ai eu un grave accident au printemps dernier, et comme je ne pourrais plus jamais prendre le risque de jouer à un niveau pro, j’ai bien du chercher une autre voie.”

Il fixa ses yeux bleus, un peu tristes, sur la jeune femme. Un doux sourire barrait néanmoins son visage et il haussa légèrement les épaules, comme pour souligner que tout cela n’était que le passé, le fruit d’un hasard malheureux et un brin cruel.

“J’ai reçu ma lettre d’admission à l’académie quelques jours après être sorti de Sainte-Mangouste. Quand j’ai vu qu’ils offraient un cursus en métamorphose, je me suis dit que c’était une chance de reconversion inespérée, alors je me suis inscrit.”

Sa voix douce et un peu amusée rendait parfaitement crédible cette version tout à fait édulcorée de son mois d’août 1996. Il avait répété cette version tant de fois, même à ses amis les plus proches, qu’elle devenait presque la version officielle. Alors qu’il commençait à perdre prise sur le traumatisme de son accident, sa chute dans l’addiction et tous les mensonges qui avaient entourés sa rééducation devenaient eux aussi plus flous, refoulés au fond de son esprit. Clemens avait comme un fond de tiroir secret, là, quelque part, où il cachait soigneusement son autre lui et sa part d’ombre. Parfois, il arrivait même à les oublier.

Clemens écoutait la Phénix attentivement. Il semblait apprécier cette conversation. En tout cas pour sa part, Jess se régalait de pouvoir parler de son voyage qui avait beaucoup changé la vision des choses. Et elle que s’ils continuaient sur cette voie, elle pouvait en parler des heures durant. D’ailleurs lui aussi semblait intéressé. Il profita d’un instant de silence pour lui poser des questions sur qu’elle avait appris là-bas. Jess se redressa alors pour bien se réinstaller dans son fauteuil, assise en tailleur. Elle lui répondit alors

- Ouais c’est un peu ça oui. Pour eux, tout ou presque tout se base sur la divination. Tout découle de là. Enfin ils se basent beaucoup sur une ancienne civilisation et reprennent beaucoup ces méthodes-là. Je ne sais pas si tu en a entendu parler c’est civilisation incas…

Voyant que Clem suivait elle se permit de continuer sans attendre sa réponse

- C’est une très ancienne civilisation qui a commencé avec une tribu nomade qui, selon des légendes connues par les Sorciers et moldus américains, entre autres, aurait été créé et envoyé par le Dieu du soleil. Elle aurait été guide par une magie inconnu. Cette population a été à l’origine de plusieurs découvertes comme l’agriculture, le tissage. Ils avaient d’après les légendes, un savoir-faire incroyable, une longue d’avance sur les autres populations de cette époque.

Elle regarda attentivement son ancien ami de Poudlard et continua son recit

- Cette civilisation, justement, accordait une importance primordiale à la Divination. Celle-ci avait une place principale chez les Incas. Avant chaque décision, ou action, ils utilisaient la divination. Ils avaient plusieurs manières de le faire : par exemple, ils observaient les araignées marcher. Selon la direction prise ou la façon utilisée pour se déplacer, les incas savaient ce qu’ils devaient faire… C’est dingue non ?

C’était fascinant ! Et cela se voyait sur sa façon de raconter les choses. Elle était émerveillée rien que d’en parler.

- Ou encore ils observaient les dispositions que prenaient les feuilles de coca ou de thé, dans une assiette ou une tasse. Et pareil ils arrivaient à lire dedans. Ils avaient aussi une autre méthode un peu plus glauque : ils tuaient des animaux, sous le nom de sacrifice et faisaient des prophéties en étudiant les entrailles de ces animaux. Glauque mais impressionnant quand même !

Elle fit une petite mimique exprimant son dégout quant à cette méthode.

- Encore plus impressionnant, les Incas avaient le pouvoir si l’on peut dire, de consulter les astres. Ils utilisaient même deux types de calendriers : le calendrier lunaire et le calendrier solaire. Enfin encore une fois, cette civilisation-là avait une très grande longueur d’avance sur les autres populations de cette époque. Une sorte d’intelligence hors pair que les moldus ne comprennent pas. Mais entre nous je suis presque sure qu’il y a de la magie derrière tout ça …

Bon fallait qu’elle arrête sinon elle était partie pour dormir ici.

- Et pour répondre à ta question, oui j’ai appris quelques méthodes mais honnêtement c’est difficile à expliquer comme ça, faut être dedans pour comprendre. Et c’est très difficile à mettre en pratique. Je pense qu’il faut cette connaissance culturelle et le recul pour réussir.

Et encore, Clemens ne savait à quel point ce voyage aux origines avait été décisif pour son orientation dans la psychomagie. Revenant à ce sujet, Clem annonça qu’il valait mieux connaitre le psychomage à qui on confie son esprit

- exactement, selon les intentions du psychomage en question, ça peut être très bien comme très mal !

Elle crut apercevoir une certaine méfiance à ce moment-là dans le regard de l’ancien Serdaigle. C’était vrai que vu les évènements précédents, il y avait de quoi se méfier de tout le monde. Mais Jessica avait dit cela, juste comme ça, sans rien insinuer. C’était juste un constat. Cela ne voulait en aucun cas dire qu’elle comptait devenir psychomage dans le but de manipuler l’esprit des gens, loin de là. Elle reprit aussitôt

- Enfin, je dis ça comme ça, c’est juste un constat…

Puis Clem réussi à se détendre à nouveau, tant mieux ! Ils en virent ensuite à lui et son parcours. Et quel parcours ! il avait réussi à devenir un joueur professionnel de Quiddich, Mais un accident à mit fin à sa carrière prometteur. Ça devait être une telle déception, de toucher le rêve du bout du doigt et devoir y renoncer la seconde d’après…

- Je suis tellement désolée pour toi …

Dit-elle d’un ton grave, puis elle reprit d’un ton consolant

- Mais peut-être était-ce le destin, parce que tu es destiné à une autre voie justement. Pourquoi pas inventeur de sort

Dit-elle en souriant, essayant de détendre un peu l’atmosphère en le taquinant sur un sujet dont ils avaient discuté un peu plus tôt.

- Sinon parlons de choses plus joyeuses, où en es-tu côté cœur ?

Cette question lui rappela instantanément tout son mal être de ces derniers jours et son Dean, qui lui manquait horriblement…

La Divination ne l’avait jamais fasciné à Poudlard, et ce n’était pas quelque chose de nouveau. C’était la seule matière dans laquelle il avait été en échec sans que ça ne vienne jamais le tracasser et il avait même fréquemment oublié de se rendre en cours. L’atmosphère sulfureuse et encombrée qui régnait dans la classe de Trelawney avait le don de lui donner l’envie de vomir, et il avait donc arrêté son avis sur la divination comme étant une matière douteuse, peu scientifique et proprement inutile. La tirade que lui présentait Jessica était néanmoins d’un tout autre ordre. Si les pratiques n’en étaient pas moins particulières et peu propices à être prouvées, les liens de cause et de conséquence lui paraissaient déjà moins flous. Peut-être était ce seulement Trelawney qui était une incapable.

De plus, ces théories américaines semblaient s’ancrer profondément dans l’histoire des peuples qui les avaient conçues. L’Allemand pouvait reconnaître l’utilité — ou du moins l’intérêt — d’une telle forme de magie pour des populations qui vivaient encore à l’écart du luxe et surtout, dans un environnement proprement hostile. Certaines méthodes avaient beau lui filer froid dans le dos, ou faire flotter un sourire amusé sur son visage, Clemens sentait surtout sa curiosité se réjouir des explications de Jessica. Ses hochements de tête réguliers ne manquaient d’ailleurs pas de souligner son intérêt peu dissimulé pour la conversation.

“Oui, beaucoup de peuplades ont des formes de magie très différentes… Même nous, au final. Je ne suis pas étonné que la connaissance de leur culture et de leurs traditions soient nécessaires pour réussir à utiliser leurs enseignements. Enfin, c’était très intéressant tout ça, tu as presque réussi à me réconcilier avec la Divination !”

Il ne voulait pas se montrer optimiste. Même sans parler de magie, le Sinistros ne s’était jamais beaucoup intéressé à l’avenir. Il laissait les jours venir, les uns après les autres, et réagissait plutôt spontanément aux obstacles qui se dressaient sur sa route. Il ne ressentait pas le besoin de savoir ce qui se passerait la semaine suivante, ni de quelle manière il allait mourir. Son quotidien était déjà bien assez riche en rebondissement pour ne pas se prendre la tête avec d’obscures oracles et leurs interprétations. Ce qui, d’une manière assez étrange, faisait un excellent lien avec les psychomages. Quinlan avait beau eu essayer de le convaincre qu’il devrait en voir un, Clemens continuait à s’y refuser.

“Je ne disais pas ça contre toi… C’est juste que c’est assez effrayant, je trouve, que même les gens de la profession reconnaissent cet état de fait. A moins qu’on ne te force chez un psychomage pendant une hospitalisation, ou quelque chose comme ça, je ne vois pas pourquoi les gens iraient. C’est difficile de faire confiance à un inconnu pour aller vider ton esprit et lui raconter tes problèmes. Et parler à un proche, c’est pas forcément mieux pour l’objectivité.”

Les séquelles de son accidents se faisaient toujours ressentir à intervalles réguliers, et pas seulement au niveau physique. L’amertume et la crainte de l’échec dansaient encore au fond de sa conscience et faisaient fréquemment surface quand il se trouvait en situation de doute. Clemens aurait voulu pouvoir simplement oublier cette partie de son passé qu’il ne s’expliquait pas. Tout avait basculé en une demi-seconde, un erreur d’inattention qu’il avait payé très cher. Plus le temps passait à Haveirson, moins il était obligé d’en parler, tant son histoire commençait à être connue de tous. Face à Jessica, il n’avait plus rien à dire, et se contenta de lever une main en geste d’impuissance. Il n’aurait jamais d’explication, il avait choisi une autre voie, fin de l’histoire.

Clemens se laissa retomber au fond de son fauteuil et se laissa gagner par le sourire de sa camarade. Sa bonne humeur se faisait irrémédiablement contagieuse et il sentit un amusement espiègle grandir en lui. Quelques semaines plus tôt, l’interrogation lâchée avec légèreté par la jeune femme l’aurait poussé dans ses retranchements. Il aurait sans doute cherché une porte de sortie avec désespoir, tentant de retourner la question ou de s’en échapper par une pirouette. Là, son sourire se fit plus équivoque alors qu’il la fuyait néanmoins du regard. L’Allemand ne savait pas trop ce qu’il pouvait se permettre de lui dire, et une sorte de nervosité latente se répandait dans ses muscles.

Il n’avait rien promis à Quinlan, mais il savait aussi que le secret le pesait de plus en plus. Ils jouaient deux rôles différents, le public et le privé. Tous leurs proches — ou presque — étaient à présent au courant. Et même si des doutes le tourmentaient encore…

“Je suis posé depuis quelques mois, maintenant.”

Sans se départir de son sourire, l’Allemand reporta son regard sur Jessica, un brin curieux de découvrir sa réaction, se demandant même si elle le croirait ou pensait qu’il se payait une nouvelle fois sa tête. Il l’avait tant fait par le passé, renforçant leur affection commune.

“Avec Quinlan Fitzsimmons. Tu sais, le guérisseur ? Je suppose que tu dois le connaître, vu ton cursus.”

Alors que la jeune Phénix s’était lancé dans son monologue, Clem l’écouta attentivement sans oser la couper dans son élan. Elle avait tellement parlé qu’elle en avait la gorge complètement séchée. Elle dû même s’arrêter à plusieurs reprises pour reprendre son souffle. Enfin lorsque le jeune homme prit la parole à son tour, elle en profita pour se lever et aller se chercher un verre d’eau, sur la table non loin d’eux. Elle écouta Clem lui dire qu’il trouvait cela très intéressant, tout en se servant un verre, avant de revenir ensuite à sa place.

Ils parlèrent ensuite des psychomages. Le Sinistros expliqua qu’il trouvait cela quand même effrayant que même les gens qui sont de cette profession reconnaissent cela.

- C’est juste un constat comme il peut y avoir dans chacune des branches de métier. Après pour ma part je ne l’utiliserais jamais à mauvais escient ! Et détrompes toi, beaucoup de personnes consultent des psychomages de leur plein gré. Certes, ils ne le crient pas sur tous les toits, mais ils consultent. Et figures toi que beaucoup préfèrent parler à un inconnu, car ils n’ont pas peur d’être jugé par ces derniers et savent qu’ils auront une réponse objective.

Bon  ils n’allaient pas non plus se prendre la tête sur ça. Aussi ils passèrent à l’accident de Clem qui avait brisé son rêve de devenir un joueur professionnel de Quidditch. Mais voyant encore un sujet peu joyeux, ils ne s’attardèrent pas là-dessus non plus. Jess avait simplement fait une petite blague là-dessus histoire de détendre l’atmosphère.

Et enfin vint une conversation bien plus intéressante : les histoires de cœur. Jessica lui avait demandé où il en était niveau cœur. Elle s’attendait à ce qu’il lui réponde qu’il filait le parfait amour avec une jolie étudiante vu ses antécédents à Poudlard. Elle vit qu’il l’a fuyait du regard. Ce qui la fit encore plus sourire. Elle s’imaginait déjà les noms de la potentielle petite amie. La connaissait-elle ? Il lui dit alors qu’effectivement il était casé avec quelqu’un. Son sourire se fit alors encore plus grand, attendant impatiemment la révélation de l’identité de ce quelqu’un.

Elle porta son verre à ses lèvres et en prit une nouvelle gorgée d’eau lorsque Clem énonça le nom de Quinlan. Et là .. Elle se mit à toussoter, après avoir avalé de travers. Quinlan, QUINLAN ? Non !!!! Elle le regarda avec des yeux écarquillés essayant tant bien que mal de se défaire de son horrible quinte de toux. Clemens attendait certainement de voir sa réaction. Et ce n’était certainement pas la réaction à laquelle il s’attendait… Non mais Quinlan quoi ? Le professeur ? Bon ok il était sexy comme un dieu grec mais quand même. Et ça ne semblait pas être qu’une simple histoire d’une nuit, ça semblait sérieux. Elle prit enfin la parole

- Mais non t’es pas sérieux… Si ? Putain tu sors avec le professeur Quin ? !!

Non il se fichait d’elle obligé !

- Arrêtes tes conneries Clem …

C’était certainement le couple le plus improbable à ses yeux. Du peu qu’elle semblait savoir du Guérisseur, c’était un grand séducteur attiré par les belles femmes et Clemens pareil… Alors se pouvait-il qu’ils soient réellement en couple ?

- Tu es vraiment en couple avec lui ??

Bon la ça devenait vraiment déplacé.

Clemens ne voulait pas mettre tous les psychomages dans le même panier et savait au fond de lui que Jessica avait raison. Si ce métier continuait à exister, il fallait forcément des patients qui appréciaient cette forme de traitement. Tous ne pouvaient pas être forcés à consulter, et après une minute de réflexion sur ce qu’il venait de dire, l’étudiant venait de réaliser que ce n’était même probablement pas légal de le faire. Pourtant, il avait du mal à s’imaginer parler de ses secrets à un parfait inconnu. Il ne voyait pas en quoi l’anonymat le protégerait du jugement, bien qu’il ne serait pas quotidien. Voir les accusations dans le regard de ses interlocuteurs, l’empathie quant à ses échecs, le dégoût face à ses vices. C’était ça qui l’avait toujours profondément marqué. Peu importait la personne en face, quelque part, même si souvent, il regrettait de ne pas avoir une seule personne à qui il ferait suffisamment confiance pour tout avouer.

La conversation glissa naturellement vers un autre domaine dont on aimait à prendre des nouvelles pendant des retrouvailles. Jessica et lui n’avaient jamais vraiment été proches à ce niveau, mais les rumeurs sur ses conquêtes allaient toujours bon train à Poudlard. Bien que la plupart ait été fausses, toutes les informations qui circulaient avaient souvent donné l’impression à de parfaits inconnus qu’ils avaient le droit de se mêler de sa vie privée. Avec le temps et les secrets qui s’accumulaient, Clemens étaient devenus plus sensibles à ces questions intimes. Cette fois cependant, la Phénix lui donnait l’opportunité de véritablement lancer une décision qu’il avait pris depuis longtemps.

La réaction à la bombe qu’il venait de lâcher ne se fit pas attendre, et il eut peine à refréner son fou-rire. Évidemment, personne ne l’avait jamais connu avec un homme, tous ses anciens camarades le pensaient un coureur de jupons. L’étonnement de Jessica lui fit cependant plaisir, en un sens. Elle trahissait sa surprise sans animosité, ni aucune forme de rejet. Après l’instant de doute, l’Allemand se détendit un peu sans se départir de son sourire. Au début, il avait eu honte de cette relation dans laquelle il ne contrôlait rien, mais ce n’était plus le cas depuis quelques semaines déjà.

— Je sais que ça a de quoi surprendre. Si on m’avait dit il y a trois mois avec qui je me poserai, j’aurais sans doute trouvé ça ridicule aussi.

Sa voix s’était faite plus posée qu’à l’ordinaire, presque affectueuse. Dans ses yeux bleus brillaient une lueur empreinte de sincérité, à mille lieues de son expression joueuse habituelle. Clemens sentait bien qu’il tenait dans cette relation quelque chose de tout particulier, même si les sentiments de Quinlan — et les siens propres, dans une certaine mesure — le dépassait encore.

— Je… Je ne sais pas. Il a réveillé chez moi quelque chose que je croyais inexistant, même si j’avais déjà eu quelques doutes à Poudlard. Je ne pensais pas que je pourrais tomber amoureux d’un homme, mais à vrai dire… Enfin, il aurait été une femme que ça n’aurait rien changé. Il y a quelque chose chez lui qui m’a fasciné dès le premier cours, et dont je n’ai jamais vraiment réussi à me départir. Ça a dérapé très vite, comme si ce rapprochement-là était inexorable.

Il s’interrompit un peu trop brutalement pour que ça soit naturel. Clemens avait beau assumer la relation à présent, il venait de décrire un événement qui ressemblait un peu trop à la définition d’un coup de foudre. Et de telles implications allaient encore bien loin au delà de tout ce qu’il était prêt à avouer.

Clemens, très certainement amusé par la réaction qui trahissait la surprise de l’étudiante en psychomagie, lui confirma qu’il ne s’agissait pas là d’une blague. Il était on ne peut plus sérieux. Clemens Neubach sortait avec le professeur Quinlan !

-Ce n’est pas ridicule c’est plutôt étonnant. Bon cela dit, faut avouer que très peu de personnes peuvent résister à son charme, il est tellement sexy….

Elle fit une grimace avant de se reprendre en souriant.

- Faut que je fasse attention à ce que je peux dire sur lui alors maintenant, vu que c’est sérieux entre vous … Enfin c’est sérieux non ?

Du peu qu’elle avait côtoyé le professeur, à savoir quelques heures à peine, il lui avait semblé être du genre volage à draguer tout le monde. Mais vu les yeux brillants du jeune Sinistros et de ses paroles, ça semblait vraiment être sérieux et sincère. Aussi elle le taquina sur le sujet

- Mais non Monsieur Neubach ! Vous êtes amoureux !!

Elle l’écouta parler, c’était la première fois qu’il se confiait autant à elle.

- J’ai l’impression que c’est un coup de foudre, en tout cas ça en a tous l’air! Et je trouve ça super.

Elle lui fit un sourire on ne peut plus sincère. Oui elle était contente pour son ami, de savoir qu’il avait trouvé chaussure à son pied. Après tout, on se fichait du sexe de la personne, le plus important c’est la personne en elle-même, sa personnalité, son caractère.

- Et il y a beaucoup de gens qui sont au courant ? pour ton histoire ?

Son sourire grandit encore un peu. Clemens n’avait aucun mal à imaginer qu’on remarque Quinlan pour son charme et sa stature. En tous temps élégant et assuré, il semblait faire forte impression tant sur ses étudiants que sur ses collègues. Il préférait néanmoins s’abstenir de casser le mythe en décrivant à Jessica toute l’ordinarité du guérisseur lorsque tout avait basculé entre eux. L’Allemand avait été saisi de respect et d’une certaine fascination pour l’homme qui se cachait derrière de grandes compétences, mais il ne pouvait pas vraiment dire que ce soit son vieux jogging et ses tongs à la cafétéria en pleine nuit qui avait éveillé des sentiments en lui.

Cet aveu-là aurait été beaucoup trop intime pour qu’il l’étale ici, malgré la confiance qu’il avait en Jessica. Ces détails-là, comment exactement il s’était rapproché de Quinlan, pourquoi ils avaient réussi à partir d’un vieux grimoire pour tomber dans une sphère si intimiste qu’elle avait éveillé l’émulation et le désir… Seule Isolde était au courant du chemin emprunté. Il l’avait seulement évoqué avec Rowan dans une conversation volontairement gardée un peu floue par les deux parties. Quinlan restait le professeur de son meilleur ami. Les descriptions exactes auraient été bien trop mal venues. La réputation du médicomage était déjà bien trop éloquente à ce sujet.

— Oh, tu sais, on raconte tant de choses sur lui… Il ne les a pas volé, ces rumeurs, je ne vais pas essayer de te mentir en le dépeignant comme un homme différent. J’essaie de pas trop y penser moi-même parce que je crois que c’est sérieux, oui.

Le Sinistros avait encore des doutes. Il était difficile de croire en l’amour d’un homme qui n’était pas seulement volage, mais carrément libertin. Clemens avait déjà fait une croix sur la fidélité, conscient que c’était un concept qui aliénerait Quinlan et ne ferait que le frustrer jusqu’à l’explosion. Pourtant, il devait compter avec sa jalousie maladive et la haine profonde des conquêtes qui grondait dans son sang à chaque fois que son compagnon lui anonçait un nouvel écart. L’Allemand avait décidé de les accepter, ou d’essayer du moins, sans savoir pendant combien de temps il pourrait les supporter. La situation était délicate, comme s’ils marchaient tous deux sur un fil en espérant qu’aucun ne finisse par déraper trop fort et pousser l’autre dans le vide.

Il était nécessaire de garder quelques réserves, alors il accueillit les boutades de Jessica avec un sourire, sans néanmoins y réagir vraiment. Clemens refusait de parler d’amour malgré la délicate sensation de chaleur qui s’épendait dans son torse quand il pensait à Quinlan. Ces bras forts qui s’enserraient autour de lui au bord du sommeil lui prodiguait apaisement et réconfort. Mais tout était encore trop incertain. Il doutait, sans savoir s’il parviendrait jamais à être confiant et certain à propos d’un avenir commun.

— Tu es la première à qui j’en parle en dehors de mes amis vraiment proches, en fait. Son frère est au courant aussi, tu sais, le professeur de botanique ? C’était impossible de le leur cacher de toute façon. Pour les autres, je préférais être sur de moi d’abord… Je ne suis pas convaincu que tout le monde accepte cette nouvelle avec autant de tolérance que toi.

Après tout, ils étaient tous deux des hommes. Séparés par une différence d’âge conséquente et deux positions hiérarchiques différentes. Clemens avait choisi de limiter la casse en s’abstenant de prendre part aux cours de médicomagie, mais il attendait toujours une quelconque réaction du Comte. D’ordinaire, il était prompt à sanctionner leurs écarts de conduite, l’étudiant ne comprenait donc pas comment il était possible que cette affaire là passe sous silence.

— Bon, à moi de te renvoyer la balle maintenant, sinon je vais être franchement mal à l’aise.

Il appuya un regard curieux sur Jessica. Ses relations amoureuses ne l’intéressaient pas excessivement en tout honnêteté, mais il pataugeait assez dans ses propres sentiments pour avoir cruellement besoin d’une échappatoire. Et comme il connaissait la jeune femme, si elle avait une histoire en cours, elle se ferait une véritable joie de lui en parler.

Clemens semblait connaitre les rumeurs qui se disaient sur le guérisseur. Jessica espérait sincèrement que le professeur ne jouait pas avec Clemens. Ce dernier venait de lui dire qu’effectivement s’était sérieux.

Elle était apparemment la première, en dehors de son cercle d’amis proches, à être au courant pour lui et le Guérisseur. Elle était très honorée d’apprendre cela. Il lui dit aussi que pour le moment il ne voulait pas que les autres le sachent. Ce qui était normal ! c’était à lui d’en parler quand il le voudrait. Mais pour ça il pouvait lui faire entièrement confiance. Elle savait être muette comme une tombe quand il le fallait.

- Oui je vois très bien, le professeur de Botanique, encore un sacré bel homme. Ça doit être de famille je pense.

Dit-elle en souriant. Puis elle reprit son air sérieux.

- T’en fais pas, je n’en parlerais à personne ! Tu peux me faire confiance. Après, tu crois que certains risqueraient de mal le prendre ? Après tout vous êtes tous les deux adultes, alors je ne vois pas en quoi ça dérangeraient les autres ? Bon c’est vrai que la relation homme/homme peut parfois gêner, mais je pense quand même que les étudiants sont assez ouverts d’esprit non ?

Après tout, pour certains, ça restait encore un sujet tabou. Donc finalement il n’avait peut-être pas tort, il était possible que certains n’acceptent cette information avec autant d’aisance. Clemens profita de ce petit silence pour lui retourner la question : où en était-elle, elle ?

- Oh je pensais que tu étais déjà au courant, vu que beaucoup le sont déjà, mais je suis avec Dean. Et pour l’instant tout va bien. On rattrape un peu le temps perdu depuis Poudlard.

Elle se doutait bien que s’il lui avait posé la question, c’était surtout pour détourner l’attention sur lui et sa relation avec Quin. Ce que Jess, pouvait comprendre. Pour elle, il avait déjà fait un grand pas, en le disant haut et fort à une autre personne qu’à ses amis proches. Alors elle décida de ne pas insister la dessus

- D’ailleurs il m’a dit que vous travailliez ensemble la métamorphose c’est ça ?

Elle avait en effet, entendu plusieurs fois Dean dire qu’ils s’entrainaient ensemble.

Clemens s’installa plus profondément dans son fauteuil, visiblement détendu par la réaction positive de sa camarade. Jessica avait toujours été optimiste et il ne pensait pas vraiment se heurter à un mur de dégoût avec elle. Pourtant, il en avait entendu assez à propos du rejet de la différence pour garder une certaine crainte, insidieuse et irraisonnée, juste avant d’aborder le sujet. La Phœnix venait néanmoins de lui prouver qu’elle ne serait pas de ceux qui le verraient différemment, juste parce qu’il venait de s’engager dans une relation inattendue. L’Allemand se passa une main dans les cheveux, tentant de camoufler une certaine gêne. Il aurait aimé partager les certitudes de sa camarade.

— Je ne sais pas. J’ai l’impression que c’est plus accepté que chez les moldus, mais la plupart d’entre nous sommes influencés par eux, donc… Je n’en ai même pas parlé à mes parents, alors qu’ils ont deviné depuis un moment que je voyais quelqu’un. C’est encore délicat pour moi aussi, donc je préfère l’annoncer au cas par cas, comme je le sens.

Il ne pouvait faire que des suppositions et compter sur sa chance quand il décidait enfin de passer le pas. Jusqu’à présent, ses amis s’étaient révélés compréhensifs, généralement plus surpris par le statut de Quinlan que par son genre. Clemens préférait ne penser ni à l’un, ni à l’autre. Leur relation n’était que le résultat d’une évolution naturelle, il n’y avait là rien à juger. Heureusement, Jessica accepta la perche quand il la lui tendit et se lança joyeusement dans ses explications à propos de Dean. La rumeur lui était certes parvenue, mais l’Allemand avait à peine croisé les deux tourtereaux depuis la rentrée, manquant ainsi l’occasion de les laisser officialiser.

— J’en avais entendu parler, mais je ne savais pas si c’était officiel, ou juste une rumeur… Les couloirs frémissent de ragots, malgré la maturité un peu plus développée qu’on serait en droit d’attendre. Cela dit, je ne savais pas du tout que vous étiez proches à Poudlard ! Comme quoi, même en vivant entassé les uns sur les autres, on arrive encore à louper certaines informations.

L’étudiant ponctua sa phrase d’un sourire taquin. Bien qu’il appréciait tant Dean que Jessica, il n’avait jamais été qu’une connaissance pour chacun d’eux. L’ancien Poufsouffle aurait probablement pu devenir un ami proche, si seulement il n’était pas arrivé si tard de Beauxbâtons. Le temps qu’ils se trouvent des atomes crochus, l’heure de quitter Poudlard était déjà arrivée. Clemens s’était souvent demandé ce qu’il en aurait été de leur amitié et de leur travail si ils s’étaient rencontrés en première année.

— On s’est beaucoup entraîné ensemble à Poudlard, c’est vrai. Ici, par contre… L’occasion ne s’est pas vraiment présentée en dehors des cours. Je regrette un peu que nous ne soyons pas dans la même confrérie, ça nous aurait facilité la tâche.

Son but ultime était atteint à présent. Il n’en avait rien dit à Dean, de peur que cela n’éveille la jalousie et n’entache leur amitié. Cependant, si ils recommençaient à travailler ensemble, l’aveu serait tôt ou tard inévitable. Clemens se fendit d’un sourire, dans l’espoir de cacher son trouble. Le nouveau semestre ne s’annonçait pas beaucoup plus reposant que le précédent.