Chute, plantes et catch d’écureuils [OUVERT A TOUS]

30/03/2015

Spoiler:

Tôt ce matin de janvier, Isolde se trouvait dans les serres de Poudlard à préparer les plantes pour les cours de la journée. Être stagiaire auprès de son ancienne professeur était plutôt agréable, même si Isolde doutait de plus en plus que l’enseignement lui convienne. L’idée de transmettre sa passion lui plaisait, mais dans les faits, cela se révélait un peu frustrant. Peu d’élèves étaient sincèrement intéressés par la botanique et les autres se contentaient de travailler assez pour avoir leurs BUSEs ou leurs ASPICs. Elle en était déjà consciente quand elle-même était élève, bien sûr ; mais se mettre à la place du professeur pour motiver une classe, c’était plus démoralisant. Heureusement que chaque promotion comptait quand même quelques passionnés, toujours prompts à participer et à poser des questions intéressantes.

Finalement, ce qui lui plaisait sûrement le plus était de s’occuper des plantes. Ce matin-là, Mme Chourave avait laissé la serre aux bon soins de sa stagiaire. Isolde aimait particulièrement la pépinière aux premières lueurs du jour. Les fleurs se réveillaient sous ses yeux, libérant leurs parfums et ouvrant grand leurs pétales pour cueillir le moindre rayon qui s’attarderait sur les vitres. L’air était encore chargé de rosée, et le froid de janvier rendait la serre encore plus agréable. Certaines plantes magiques nécessitaient d’ailleurs des soins précisément le matin. Dont une, très utile mais aussi très pénible. Au sens stricte du terme. La plante, qui dépassait d’une trentaine de centimètre d’un lourd pot en terre, était une longue tige qui, si on l’observait de plus près, était en fait constituée d’une dizaine de fines branches serrées entre elles. Son extrémité était surmontée d’une coiffure de feuilles violet vif qui lui donnait un côté un peu punk, selon Isolde (mais elle s’était bien gardée de faire part de ce sentiment à la plante, qui était de plus pourvue d’un caractère pas vraiment commode, ce qui lui avait valu le doux surnom de Racine Râleuse. Ce dont elle s’offusquait, bien sûr, puisqu’elle n’était pas une racine.). Deux petits rameaux s’échappaient du tronc à mi-hauteur tels des bras, et leurs extrémités noueuses faisaient office de poings qu’elle agitait gratuitement en direction des gens qui passaient devant elle. Cette plante était très utile en potion, quand elle acceptait gracieusement de fournir une de ses précieuses feuilles. Ce matin-là, elle était particulièrement remontée contre Isolde qui retardait sa promenade matinale. Ses gestes menaçants étaient accompagnés de petits “Gni, gni, gni” hargneux et plein de reproches poussés d’une voix stridente.

Avec un soupir voilé, Isolde alla ouvrir la porte de la serre et emmena la plante dehors. Elle devait la porter elle-même ; la seule fois où elle avait voulu la faire léviter, les “Gni gni gni” avaient été tellement forts qu’elle devait avoir perdu un ou deux décibels à chaque oreille. La jeune femme s’avança de quelques mètres et s’arrêta pour la laisser observer un combat d’écureuils, qui visiblement ravissait la plante. Les pensées d’Isolde dérivèrent, se demandant si le catch d’écureuils était l’équivalent de la télé moldue pour les végétaux. Possible, même si on ne pouvait pas utiliser le mobilier pour taper l’autre comme sur un ring. Enfin, peut-être que les écureuils se balançaient des noisettes dessus, ça devait faire mal une noisette sur la tête…

Perdue dans ces réflexions passionnantes, Isolde n’entendit ni ne vit Yvain s’approcher à petites foulées dans son dos. Et ce fut le drame. Le choc la fit s’étaler de tout son long, sur le pot de fleur évidemment, manquant d’écraser la racine punk au passage.

Et interrompant le catch d’écureuils. Zut.

Le Serpentard avait quitté de bonne heure le confort obscure de sa chambre, au profit de quelques échauffements matinaux dans le parc de Poudlard. Seul. C’était une manière comme une autre, pour lui, d’exorciser les souvenirs désagréables de ces dernières et cuisantes semaines. Toujours les mêmes, d’ailleurs. Des visages aux traits charmeurs. Innocents. Margaret. Harmony. Les hurlements et les éclats de cristal, lors du banquet. La robe d’un blanc immaculé de leur enseignante, progressivement tâchée par un carmin sombre et sculptural.

Le nouvel an. La sollicitude d’Angel. L’inquiétude acérée et discrète de Blaise. De prime abord sans effet. Et puis... S’il avait raison ? Sur toute la ligne ?

Et si...

Yvain termina son étirement dans un long soupir. Franchement. Ça ne lui servait à rien de se foutre une massue de troll en tête. Il avait déjà bien assez de choses à gérer et à prévoir pour ne pas s’ajouter une pelletée de frustration. Et de culpabilité. Surtout pour une potentialité qui pouvait ne jamais voir le jour. Menteur.

Le septième année démarra sa course d’un pas vif et contrarié. Ouais, bon, d’accord. Jouer les ingénus devant ses camarades de vert et d’argent, ça allait cinq minutes. Là, plus personne n’était dupe. Pas même Zabini. Putain. C’est dire qu’il n’avait pas été discret durant la soirée. Ni avant.

Il accéléra son mouvement, en écho avec le mécontentement qui s’étendait au reste de son corps. Bordel. Elle était trop jeune. Trop candide. Trop parfaite. Et, en dépit de tous les arguments qu’il pourrait présenter autant à son esprit qu’à ses comparses, il n’aurait jamais raison. Il ne pourrait jamais l’approcher sans se risquer à des problèmes. À des regards dédaigneux. À des adultes dégoûtés et déroutés.

Il lâcha un grognement rauque. Monde de merde. Définitivement.

Perdu dans ses pensées, déchiré entre la déraison tentatrice et la réalité impartiale, le jeune homme ne remarqua pas la silhouette d’Isolde sur son chemin. À dire vrai, il ne voyait plus grand chose, toute son attention absorbée par une aigreur petit à petit diluée dans la tristesse. Fichue déprime. Alors, quand il remarqua – trop tard – la brunette, il n’eut pas le temps de réagir.

Il la culbuta. Littéralement. Sur le sol.

Dans les secondes qui suivirent, ses propres jambes cédèrent sous le poids de la surprise et de la tentative tardive – salement ratée – de se retenir. Et il s’aplatit en une splendeur sportive sur la stagiaire de Chourave.

Comme première rencontre... On faisait mieux.

La frayeur passée, le Serpentard se poussa sur le côté pour reprendre ses esprits et son souffle. La lucidité lui revint assez rapidement pour qu’il s’échine, avec une sollicitude pleine d’excuse, à relever l’étudiante. « Merde, je suis désolé. » Dès que son regard croisa le sien, une drôle d’impression le traversa. Elle ne lui était pas étrangère. Pas du tout. « J’ai pas vu, je courais et... Arf. J’ai vraiment l’air con là. » Forcément. Il l’avait déjà croisé. Sûr et certain. « Ça va ? » Ses mains s’agitèrent, marquant son malaise. « Rien de cassé ? Et la plante ? » Maintenant qu’il la voyait, cette dernière semblait de... Mauvaise humeur.

Yvain se passa une main dans les cheveux, plein de sueur. Les joues rouges. Luisantes. Putain. Il crevait de chaud. En un geste vif et distrait, il profita de cette pause imprévue pour dé-serrer ses manches et son haut. Puis ses iris se portèrent de nouveau sur Elle. Oh. Doublement putain. Mademoiselle Mayer. L’assistante de botanique.

Un jolie brin de fille, en plus.

Le lien étant fait... Il resta un long moment à la fixer comme un con. L’air aussi abasourdi que gêné. Chouette. Janvier commençait BIEN. « Euh... » Connexion neuronale ? « ... Isolde, c'est ça ? »

Ok. Vraiment. Il méritait une paire de claque.

30/03/2015

Des “Gni gni gni” suraigus parvinrent aux oreilles d’Isolde lorsque le choc lui fit perdre son équilibre. Le poids du lourd pot de terre la fit basculer en avant et, en un geste réflexe, elle le lâcha pour essayer d’interrompre sa chute avec ses mains.

Raté.

Le pot se brisa au sol et elle s’étendit lamentablement par dessus, les tessons lui éraflant la main. Elle resta immobile ainsi une seconde, puis s’appuya sur un coude pour se relever. Et ce fut le moment que choisit Yvain pour tomber sur elle. Le poids du jeune homme lui coupa le souffle et la plaqua brutalement au sol. Et avec elle la plante, coincée sous le ventre de la Phénix. Heureusement, le Serpentard se redressa aussitôt et lui prit le bras pour la relever. Avec un soupir rageur, Isolde s’épousseta rapidement pour ôter un peu de la terre qui maculait son manteau. Et zut, un deuxième abîmé en quelques jours. C’était bien sa veine. Au moins celui-là était récupérable, avec un sort de nettoyage. Et sa main saignait. Elle la soigna rapidement et lança un regard noir à Yvain.

- Tu pouvais pas faire attention ?!

Les excuses et la mine sincèrement désolée du jeune homme eurent tôt fait d’adoucir Isolde. Bon, courir sans regarder devant soi n’était pas très malin, mais il ne méritait quand même pas trop de reproches. Les mains tremblantes d’Yvain arrachèrent un sourire réconfortant à la jeune femme. Elle posa une main sur son bras et dit d’une voix douce.

- Hey, ça va, t’inquiète pas, c’est seulement de la terre ! Et toi, tu t’es fait mal ?

Il attira à nouveau son attention sur la plante déjà presque oubliée et Isolde se tourna brusquement vers elle, jaugeant les dégâts. Heureusement que la tige était solide, car elle avait elle aussi subi un sacré choc. La tige était intacte, mais la plante se trouvait légèrement… décoiffée. Ses feuilles d’habitude soigneusement brossées sur le côté partaient dans tous les sens, et elle était furieuse. Elle gnignitait des menaces incompréhensibles et agitait ses petits poings en direction des deux jeunes. Isolde regarda de nouveau Yvain et leva les yeux au ciel.

- Elle est toujours de mauvaise humeur, de toute façon… Au moins, ça aura mis un peu d’action dans sa journée.

A l’aide de quelques sortilèges informulés, elle répara le pot et y remit la terre éparpillée tout autour. Elle se baissa pour prendre la plante et la rempoter, mais celle-ci se débattit violemment, frappant tout ce qu’elle pouvait atteindre de la jeune femme. Et elle avait un peu de force ! Isolde manqua de se prendre un coup au visage mais ses mains étaient trop proches pour être épargnées.

- Tu peux m’aider ? lança-t-elle à Yvain.

Une fois la plante remise en terre, la jeune femme se releva et détailla enfin son interlocuteur. Ce dernier l’observait attentivement, lui aussi. Et il avait l’air très mal à l’aise. C’était la gêne qui lui donnait aussi chaud ? Ou sa course ? Elle espérait que la deuxième option était la bonne, ou alors cela voulait dire qu’elle avait beaucoup progressé en regard noir ! Elle lui adressa un regard légèrement inquiet.

- Ça va ? T’as l’air un peu mal… Je n’ai rien de cassé, ne t’inquiète pas !

Un silence un peu lourd s’installa. Est-ce qu’ils se connaissaient ? Isolde aurait pensé que non, spontanément, mais lui fouillait dans sa mémoire, de façon si visible qu’elle avait l’impression de voir les rouages tourner dans sa tête.

Bon, il la connaissait. Mince, elle qui avait pourtant une bonne mémoire des noms, elle n’arrivait pas à en remettre un sur lui. A moins que… oui, bien sûr, elle avait dû assister Mme Chourave à un de ses cours ! Mais elle ne se souvenait toujours pas de son nom ; il ne devait pas être un grand fan de botanique.

- Oui c’est ça, Isolde Mayer ! On s’est croisé à Poudlard ? Ou en cours avec Chourave ? Je suis désolée, je ne me souviens plus de ton nom… dit-elle avec un petit sourire d’excuse.

Le pauvre avait l’air vraiment contrit. Le sourire d’Isolde devint un peu espiègle, dans une tentative de détendre un peu l’atmosphère. Elle avait sûrement quelques bleus, mais cela lui semblait bien faible en comparaison de son aventure… fumante des derniers jours.

- Fais attention quand même, ne tombe pas dans le lac en courant les yeux fermés ! Même si je suis sûre qu’il y a des plantes très intéressantes au fond.

Devant le regard furieux et peu amène de son aînée – oui, bon, en même temps, elle avait toutes les raisons du monde de vouloir lui arracher la tête – qui fulminait littéralement en mots et en gestes, Yvain se sentit encore plus mal à l’aise. Et cloué sur place par l’embarras et la honte. Dans le genre, bonjour, je suis un balais de bois blanc suintant de sueur et raide comme un manche... Il se posait là. Pas discrètement du tout.

Bon. Attendre que l’orage passe en baissant la tête. Espérer que la pauvre culbutée ne nous retire pas cinq points par principe et... Oh ? Contact physique !

Le septième année se mordit brièvement les lèvres, avant de laisser paraître un pauvre sourire. Un peu crispé. Toujours gêné. Parce qu’il fallait être honnête, tout de même. La pauvre assistante de Chourave avait eu la démonstration – minime, certes – de toute la finesse sportive dont pouvait faire preuve le jeune homme. C’est à dire, pas beaucoup.

Ou équivalente à celle du magicobus.

« Ok, euh.... Ça va. » J’ai l’habitude. Pas de s’éclater sur quelqu’un, évidemment. Mais Blaise avait eu la fâcheuse coutume de lui faire embrasser le sol dans leurs premières années à Poudlard. Depuis, ses genoux s’en étaient trouvés plus résistants. Pas un mal, du coup. Surtout au Quidditch.

Les iris du Serpentard suivirent celles de l’étudiante vers la plante ‘gnignitante’. La mauvaise humeur était habituelle ? Ah, d’accord. Il devait s’avouer que ça ne le changeait pas de la situation actuelle. Daphné traînait aussi une nébuleuse apathique autour d’elle et de ‘ses’ sœurs, en ce moment. Le côté taciturne et batailleur du végétal lui rappelait ainsi, sans aucun mal, l’éclat ciselé – et poignardant – des yeux de sa cadette.

Il n’eut pas le temps d’approfondir le parallèle entre la blonde et la plante agitée, que déjà, son interlocutrice lui demandait son aide. Enfin une opportunité de faire patte blanche ! Ni une ni deux, Yvain fit tout son possible pour se rendre utile. Quitte à prendre deux-trois coups l’air de rien, virilement insensible ! Ouais. Sur le papier. Dans la réalité, il lâcha un « ouille ! » très tonitruant. Et clairement pas sexy.

Trahit plusieurs fois par ses regrets et son agitation interne – ses neurones avaient un peu de mal à fonctionner de façon cohérente aujourd’hui ! – évidente, il finit par hocher la tête en guise de réponse à la jeune femme. Jusqu’à ce qu’elle confirme toutes ses craintes. Celles qui avaient éclaté dans sa tête en grande pompe. Mayer. Ah putain. Pouvait-il faire mieux pour foutre en l’air son avenir, que ça ?

Sauf si elle se montrait conciliante. D’ailleurs, elle en avait l’air, là. Gentille, douce, paisible. Reposante. Loin des standards hautains et narcissiques de ses consœurs de vert et d’argent. Ça lui faisait pas de mal de voir autre chose, surtout depuis que Zabini avait pointé du doigt sa monstruosité latente.

Merde. Ils pensaient vraiment un tel truc de lui ?

Lorsque son cerveau daigna enfin lui redonner les commandes, le septième année avait gagné plusieurs tonalités de rouge, sur ses joues et son front. « Euh... Sûrement... Euh... » Définitivement. Il craignait. « Une fois dans les couloirs... Enfin, comme n’importe qui quoi... » Allez. Tu peux aligner deux pensées. C’est réalisable. « … Et, euh, au cours de botanique. Plusieurs fois depuis la... Rentrée. » Elle avait un jolie sourire, en fait. Putain. Mec, tu es vraiment en train de penser ça ? « … Gnivain. » Pitié. Un pot pour le frapper. Un chaudron. UNE PELLE. « Euh... Yvain. Pardon. » Tentative ? « Désolé, avec le sport... Je deviens aveugle à tout. » Ok. Excuse pourrie en puissance.

Il pensait avoir touché le fond de la stupidité en blessant Harmony. Ben, visiblement, il pouvait encore creuser. Y’avait de quoi être impressionné, en fait. Tant de connerie...

D’une voix hésitante, bizarrement timide venant de lui, Yvain formula un pitoyable « … Ouais. » Il se gratta le bras, ne sachant plus où se mettre. « … Je... Je devrais faire attention à ça. » Son regard croisa de nouveau celui d’Isolde. Il s’y accrocha. « … Surtout qu’elles seraient du genre à me croquer les fesses, les plantes du fond. Non ? »

Une seconde. Deux. Trois. Rattrapes-toi. Vite. « … Enfin. Je dis ça, je dis rien. J’ai.... » Vas-y, balance-le devant une grande fanatique de botanique. T’es plus à ça près. « … J’ai peur des plantes aquatiques. »

30/03/2015

La colère d’Isolde se dissipa rapidement une fois qu’elle fut debout. Elle n’avait rien de cassé après tout, juste un peu de terre sur son manteau. Mais Yvain semblait mortifié par sa bêtise. Il baissa la tête comme un enfant pris en faute, et Isolde tenta de le réconforter en lui posant doucement sa main sur le bras. Avec un peu de retard, elle se demanda si le geste ne risquait pas d’augmenter le malaise du jeune homme. Mais il finit par relever la tête et lui offrir un sourire un peu triste. Hauts-les-coeurs, personne n’était blessé ! Elle sourit en retour quand il lui assura qu’il allait bien.

Elle se pencha alors sur la pauvre plante à moitié écrasée. Mais visiblement, son piteux état n’avait pas entamé son humeur exécrable. Heureusement, Yvain se précipita pour l’aider. Essayant d’éviter tous les deux de prendre des coups au visage, ils réussirent à rempoter la Racine Râleuse. Mais leurs mains ne furent pas épargnées. Distraite par le “ouille” du jeune homme, Isolde se prit à son tour un coup sur la main et la plante se débattit de plus belle, comme si elle tentait de s’échapper. Alors que les deux étudiants se relevaient, des “Gni gni gni” fusèrent de nouveau et agacèrent particulièrement la Phénix.

- STOP ! cria-t-elle d’une voix forte.

Surprise, la plante se tut enfin, et Isolde se réjouit du silence retrouvé, qui lui permettait enfin d’entendre clairement ce qu’Yvain lui disait. Ce dernier se contenta d’hocher la tête en réponse à son inquiétude. Bon, c’était peut-être simplement un grand timide. Ce qui expliquait la couleur écarlate de son visage. L’idée d’enlever des points au Serpentard n’effleura pas l’esprit d’Isolde ; il n’avait pas enfreint le règlement après tout, c’était juste un bête accident. De plus, elle aurait trouvé particulièrement injuste de le pénaliser parce qu’elle était l’assistante de Chourave et pas une élève lambda.

Yvain recommença à parler, enfin plutôt à bredouiller. La timidité, ça devait être ça. On ne pouvait pourtant pas qualifier Isolde d’impressionnante ; 15 cm de moins que lui, les cheveux en bataille et le manteau couvert de terre, c’était loin d’être imposant. Elle le laissa finir de répondre et ne put s’empêcher de sourire lorsqu’il se trompa sur son propre nom. Elle balaya sa nouvelle excuse d’un nouveau geste de la main. Sa sollicitude le rendait assez adorable aux yeux de la Phénix et avait du mal à lui en vouloir pour un accident aussi bête.

- C’est pas grave, j’aurais dû te voir arriver aussi. J’ai encore du mal à retenir les noms de tous les élèves, pour être honnête.

La tentative d’Isolde de détendre l’atmopshère échoua lamentablement. Et en prime, elle avait réussi à le mettre encore plus mal à l’aise. Mais sa question sur les plantes fit naître une légère expression de surprise sur le visage d’Isolde. Ainsi que le regard qu’il lui lança.

Un blanc. Un troupeau d’anges passa. Avant qu’Isolde ne laisse échapper un rire. Lui croquer les fesses, sérieusement ?

- Ah peut-être, j’ai jamais tenté, je tiens trop aux miennes !

Elle acquiesça à la dernière phrase d’Yvain. L’idée de nager dans le lac noir la faisait frémir.

- Oh je comprends, moi-même je n’irais pas plonger pour chercher des plantes là-dedans. Et je suis sûre qu’il y en a quelques-unes très agressives. C’est un coup à se faire noyer, je préfèrerais éviter.

Bon, elle devait juste avoir réussi à aggraver sa phobie. Mieux valait changer de sujet. La couleur du visage du jeune homme commençait à l’inquiéter et son sourire s’évanouit.

- Je ne voudrais pas t’inquiéter, mais tu es vraiment rouge. T’aurais pas un peu de fièvre ?

Doucement, elle approcha sa main du front d’Yvain. Mince, il était brûlant.

- Tu devrais aller à l’infirmerie… Tu veux que je t’accompagne ?

Le givre scintillait sur le sol froid de Poudlard, et Drago s’amusait volontiers à marcher dedans. Briser ces légers cristaux de glace était une de ses occupations préférées, dans la catégorie ‘ce que je ferais pour ne pas penser à ce dont je ne dois pas trop penser sous peine de finir totalement cinglé’. Pas loin derrière, il y avait emmerder Blaise et jouer au Quidditch. Encore que le Quidditch ait récemment perdu de son attrait auprès de l’Attrapeur de Serpentard. En espérant que la motivation lui revienne un jour…

Presque sans s’en rendre compte, ses pas le menèrent jusqu’aux serres. Il n’avait rien à y faire, lui qui était matinal par dépit plutôt que par plaisir. Le sommeil le fuyait, la salle commune l’étouffait. Tout dans Poudlard semblait lui rappeler ses échecs, trop nombreux pour en faire une liste exhaustive. Il aurait pu être un élève modèle, une source de fierté pour sa famille, si ce n’était le léger détail chronologique qui lui avait donné le même âge que ce troll des collines de l’ouest de Potter. Rha !

Rageant alors qu’il repensait une énième fois au garçon dont la seule destinée était de lui pourrir la vie, Drago remarqua presque trop tard qui était le couple d’uluberlus vers lesquels il se dirigeait inconsciemment. Un sourire mauvais étira ses lèvres alors qu’il arrivait à portée d’oreille.

— Alors Yvain ! On se fait tripoter de bon matin par la gouine de service ! Vous faites une belle paire de détraqués, sérieux.

Il ricana et s’avança assez pour remarquer la chose qui gnignitait férocement — quoique moins fort qu’avant — sur le sol, près d'Isolde. Il arqua un sourcil, son regard allant de l’apprentie botaniste à Yvain, à la plante, et ainsi de suite pendant de longues secondes.

— C’est quoi ce truc ? C’est laid. On dirait un pénis avec des bras.

Merci Drago pour cette intervention divine. Que ferait-on sans toi, vraiment !?

Après avoir aidé l’assistante de botanique en gesticulant dans tous les sens – putain de plante hargneuse ! – Yvain parvint enfin à se stabiliser sur ses deux jambes. Au moins, le bas de son corps répondait encore aux commandes les plus simples. Parce que son visage, visiblement, avait décidé de faire sa petite vie toute tranquille loin de sa volonté. Genre, là, il s’était peint d’un rouge si flamboyant que, bon... Ça avait pas l’air normal. Du tout.

Pourtant, il se sentait fichtrement bien ! Non ? Non. Ouais, d’accord. Il avait physiquement l’air d’avoir fuit une meute de loups-garous affamés.

Le rire si fin et léger d’Isolde lui tira un sourire encore plus idiot. Vas-y, creuse. T’es bon pour partir en chine à ce rythme, mon gars. « Ah. Euh... Normal. Vaut mieux les préserver. » Les fesses. Sérieusement ? « … Enfin, je veux dire, c’est plus sympa à regarder quand c’est... » Oh bordel. « … Euh... On se sent mieux intègre quoi. » Une étincelle. Même moins que ça. Et il prenait feu. Littéralement.

Bon. CHANGEMENT DE SUJET !

À la suite de sa remarque pas très fière, plutôt honteuse – avouer une de ses peurs n’était pas un truc ultra fun en général – et incertaine, la jeune femme se montra pleine de sollicitude. « Ouais... Je... préfère aussi. » Comment pouvait-il espérer devenir un grand mage noir bad-ass ET avec un nez, s’il finissait en morceaux pailletés au fond du lac ?

L’inquiétude s’accentua davantage sur le visage de la petite brunette. Oh. Pas cool. « Hein ? » La main froide sur son front lui fit réaliser à quel point il transpirait. À quel point il irradiait de chaleur. « Merde... Euh... Non, ça ira, euh... » Elle était mignonne, aussi, de près. La faute à sa bouille d’ange joyeux tombé du ciel ? « … J’ai pas dû boire assez. » Il la fixa. Bizarrement. « Je crois. Ça passera. » Pourtant, il y avait si peu de similitudes avec Margaret et Harmony...

Le souvenir de sa blonde cadette lui tordit le cœur. Il n’avait plus le droit. C’était malsain. Impardonnable. Blaise avait raison. Merde. Ça faisait mal de se le dire, là. Il appréciait sincèrement la frêle Sharen. Son impétuosité difficilement maîtrisée. Sa candeur. Son regard empreint de détermination face aux moldus. Sa verve impeccable et incisive. Tout ce qui pouvait faire d’Elle une personne redoutable et parfaite. Agréablement fragile dans ce qu’elle avait de plus humain... Et qu’il chérissait d’autant plus fort, car rare et chancelant.

Ne risquait-il pas, pourtant, de la briser, à force de se laisser dominer par sa stupidité ? Ses gestes inconsidérés ?

Il voulait lui épargner sa propre folie. Vraiment. De toute la tendresse qu’il éprouvait à son égard. Alors... Il allait devoir la fuir. Tel que tous le lui avaient demandé. Tel que tous le lui avaient soufflé à l’oreille, ces derniers jours, espérant la préserver et le détruire. Priant pour l’enfoncer, lui, dans le sol moite et sombre. Jusqu’à étouffer ses cris de désespoirs en poussant la terre humide et sale dans sa gorge. Jusqu’à déchirer ses poumons et sa trachée en un spectacle immonde et plaintif, dans lequel tous le regarderaient s’éteindre comme on observe l’agonie d’une bête blessée pendant les jeux du cirque.

Jusqu’à ce que cette dernière crève. Les yeux révulsés et dirigés à jamais vers des bourreaux déshumanisés. Des tortionnaires de vert et d’argent. Les dignes héritiers de Salazar.

Sûrement se trouvaient-ils sur la bonne voie, en cet instant infime et perdu dans le temps.

« … Non, sérieux, je vais b... »

La silhouette fine et peu amène de Malefoy s’invita dans son champ de vision, lui faisant froncer les sourcils et couper sa phrase. À raison, vu ce que ce dernier lâcha devant eux sans s’encombrer de détails.

La gouine. La paire de détraqués. La laideur.

Trois secondes s’écoulèrent dans le silence, étrangement éloigné de la temporalité habituelle. Et dangereux. Attendez. Quoi ? Il avait bien entendu, là ?

Le septième année eut un drôle de sursaut, son regard glissant alors vers des ténèbres que l’on ne lui connaissait que peu. Quelque chose changea. Brutalement. La tristesse apathique et vaincue devint menaçante. Elle bourdonna en lui, s’intensifiant d’une colère si vive et imprévue, qu’il cessa tout simplement de réfléchir.

Un grognement indistinct, quoi que véritable et soutenu cette fois-ci, gagna sa voix. « Ouvre grand ta bouche et répète ça, Drago. » D’une lenteur exacerbée par la violence qui titillait chacun de ses membres, Yvain se tourna complètement vers son camarade. « Répète bien ce que que je suis et ce qu’elle est. » Sa langue claqua comme un fouet contre son palais. Plus proche du Serpent que d’autre chose. « Au cas où, que ce soit clair, je suis autant si ce n’est plus gouine qu’elle. Si ce mot te titille la pine. » Un frisson frénétique et névrosé grimpa dans sa nuque. « Allez, dis-le, maintenant que tu as commencé... Dis-le, que nous sommes des putains de monstres... » Deux secondes s’écoulèrent. À peine. Il ne lui laissa plus le bénéfice du doute.

Sans prévenir, il s’abandonna à toute la folie dont il était capable. À toute la force brute qui l’habitait. En s’appuyant sur ses entraînements chevronnés et quotidiens, il gagna en quelques foulées la proximité du sixième année. Ses mains, crispées et rageuses, lui choppèrent les épaules.

Et il lui donna un coup de tête enragé. Peu importe où. Peu importe comment. Peu importe que ce soit bien visé. Il s’en foutait. Le front, le nez, le menton... La férocité sanguinaire qui le foudroyait en ce lieu, soulignait toutes les failles du portrait jovial si aisément présenté aux autres.

La bouche pleine d’une véhémence suintante et baveuse, il articula des mots tranchants et déments. « Dis-le encore une fois. » S’il avait été autre qu’humain, Yvain lui aurait certainement broyé les os sous sa seule poigne. « Quoi que, non. » Fou. Il devenait fou. « Tu sors tellement de merdes que je m’étonne même pas que le problème ce soit toi. » Tout se déroulait si vite. Il ne se rendait plus compte de rien. « Même si je te croyais au-dessus de ça, putain. » Ils étaient amis, merde. POTES. Il le soutenait. TOUJOURS. Et là, quoi ? IL LE TRAITAIT COMME UNE MERDE ?

30/03/2015

Isolde se retint de rire alors qu’Yvain continuait de parler des plantes mangeuses-de-fesses. Elle ne se moquait pas de lui, elle s’amusait plutôt de se demander comment ils étaient passés du rempotage de fleur à discuter de l’intérêt de garder entières leurs fesses respectives. Cependant, elle n’était pas vraiment douée pour cacher ses émotions et un sourire de plus en plus large s’étendait sur son visage à chaque mot du jeune homme.

- J’aurais pas pensé craindre pour mes fesses en étudiant la botanique, pour être honnête.

Comme elle s’y attendait, Yvain bouillait sur place. Bien qu’il lui assure une nouvelle fois se sentir bien, elle n’était qu’à moitié convaincue ; le front du Serpentard était brûlant sous sa paume fraîche. Son regard soucieux croisa celui, bizarrement intense, du jeune homme. Elle se sentit légèrement rougir à son tour. Super professionnelle dis donc, essaie de ne pas oublier que tu n’es plus une élève quand même. Elle ôta doucement ses doigts et recula d’un pas.

- Tu veux un peu d’eau alors ? Ou tu as besoin de t’asseoir peut-être ?

Et puis l’arrivée d’un autre Serpentard fit voler en éclat son humeur assez paisible. La phrase de Drago la glaça. La cloua sur place. Détraqués. Ça recommençait, encore, toujours. Elle pensait être à l’abri de ça à Haveirson, en se cachant, mais il avait fallu qu’elle tombe sur lui. Au contraire d’Yvain, le fait qu’elle soit assistante d’une professeure ne semblait pas lui valoir plus d’égards de la part de Drago. Toute la légèreté de sa discussion avec Yvain s’évanouit, et elle retourna à la réalité. Et à ses souvenirs, douloureux, des trois dernières années. Elle n’entendit même pas sa remarque stupide sur la Racine Râleuse. L’envie de s’enterrer, de tourner les talons et de rentrer à l’abri dans la serre l’étreignit. Mais cette fois, elle n’était pas la seule visée.

La rage d’Yvain la fit sortir de sa torpeur. Non, elle n’allait pas se laisser faire. Pas cette fois. Malefoy lui avait gâché la vie l’année dernière, profitant du départ de Fanny, sa seule vraie alliée, qui savait vraiment ce qu’on ressentait en se faisant traiter de monstre en public. Lui et ses amis n’avaient jamais râté une occasion de la railler, de la montrer du doigt, les trois dernières années. Pour ses origines, et parce qu’elle avait commis le crime de tomber amoureuse d’une fille. Et il remettait ça. Comme pour lui dire “Tu ne seras jamais tranquille”. Et ce mot, gouine, qu’on lui crachait au visage comme la pire des insultes. La colère bouillonnait en elle. Là, maintenant, elle avait une monstreuse envie de lui coller son poing dans la figure. Pour qu’il se taise. Enfin. Qu’il ARRÊTE. La colère d’Yvain était quasi cathartique pour elle. Enfin, quelqu’un ripostait. Enfin, quelqu’un arrêtait de qualifier ces insultes de “bêtises d’adolescents” et d’enlever cinq pauvres petits points que Drago récupèrerait au premier cours de potions suivant. Elle ne savait rien d’Yvain, mais il lui apparaissait à ce moment comme un allié inespéré.

Isolde sursauta et ne put retenir un cri de peur en voyant le coup de boule féroce d’Yvain. Et elle commença alors à craindre que la situation ne dérape. Elle ne voulait pas intervenir en défaveur d’Yvain, le contredire devant Malefoy, alors qu’il méritait mille fois pire. Mais la rage du jeune homme frôlait l’incontrôlable, si elle ne l’avait pas déjà atteint. En tant que stagiaire, elle se devait d’intervenir.

- Yvain, arrête, dit-elle de sa voix la plus ferme.

Mais le jeune homme ne l’entendit pas. Tenant toujours les épaules de Drago, il déversa sa rage écumante sans répit. Isolde resta immobile, presque pétrifiée, choquée par ses dernières phrases. Yvain perdait le contrôle de lui-même et elle en était effrayée. Putain de Malefoy, il n’aurait pas pu rester dans sa salle commune ! Courant presque, Isolde rejoignit les deux garçons.

- Lâche-le maintenant, ordonna-t-elle d’une voix plus forte.

Elle prit une main d’Yvain et tenta de la décrocher de l’épaule de Drago, en vain. La force du jeune homme lui fit encore plus peur et elle craignit qu’il ne brise Drago entre ses doigts. Fais quelque chose. Malgré toute sa répugnance à aider l’abruti dont le nez cassé déversait un flot de sang sur son menton et ses habits, elle se devait d’intervenir. Elle sortit immédiatement sa baguette.

- Lashlabask !

Mais Isolde n’était pas calmée. Et Drago n’allait pas s’en tirer comme ça. Une fois son sort lancé, elle se tourna vers lui et planta sa baguette dans sa poitrine.

- ET TOI !

Totalement indifférente au sang qui coulait le long du visage du Serpentard, elle lui attrapa à son tour l’épaule, sa baguette toujours pointée sur sa poitrine. Elle le poussa jusqu’à l’arbre derrière lui et le plaqua contre l’écorce.

- Tu vas me foutre la paix, abruti ! NOUS foutre la paix !

Des étincelles jaillirent de sa baguette, créant un trou roussi dans la cape de Malefoy. Elle était tellement en colère qu’elle n’arrivait plus à trouver ses mots. D’un air menaçant, elle releva sa baguette jusqu’au visage de son persécuteur.

- T’es au courant que je suis stagiaire ici, maintenant, non ? Qu’est-ce que tu dirais si je te foutais aux cachots jusqu’à la fin de l’année ? Ça te calmerait, ça ! Et comme ça tu pourrais redire à tout le monde que je suis une putain d’abomination ! Parce que c’est ça que tu penses, hein ! D’ailleurs Yvain t’as posé une question, t’as pas répondu. Ose nous le dire en face, ce que tu penses des gens comme nous. Vas-y, OSE !

Drago n’était pas une lumière et ça n’était une nouvelle pour personne. Du haut de ses seize ans, son ego en manque de reconnaissance se faisait un plaisir de venir chier sur tout et tout le monde, ennemis et amis confondus. Quand il était venu faire sa pointe d’un humour manifestement très incompris, il avait simplement ‘oublié’ qu’Yvain et Isolde étaient en fait dans le même bateau. Et il n’avait de toute façon pas songé que ce genre de pseudo-humour ne faisait rire que lui. Là où il s’était attendu peut-être à un malaise dont il aurait pu se repaître en maître de la situation et empêcheur de tourner en rond, il fut accueilli par de la défiance. L’ouvrir et répéter ? Avec un sourire en coin, Drago n’attendait que ça. La colère de son pote lui donnait quelques frissons, mais il savait qu’il ne lèverait pas le petit doigt sur lui. Il n’oserait jamais.

— Tout n’est pas à jeter mais faut vous faire soigner les gens !

Tout perché sur sa montagne d’orgueuil et de fierté, Drago était trop stupide pour faire marche arrière tant qu’il en était encore temps. Il était peut-être même déjà trop tard, de toute façon. Il vit bien Yvain s’avancer vers lui, mais il fut incapable d’y croire avant que le front dur de son ami ne vienne lui briser le nez. Il se mordit aussi l’intérieur de la bouche sous l’impact et toussa alors qu’il étouffait avec son propre sang.

Est-ce que ce qu’il venait de se passer s’était réellement passé là ? Est-ce que c’était bien le Yvain qu’il connaissait qui était en face de lui ? Quelle était cette bête féroce, tout prête à le dévorer ? Drago ne put cacher la terreur dans ses yeux, alors qu’il essayait de reculer. Les mots qu’on lui crachait à la figure se gravèrent dans son esprit, sûrement un peu trop bien.

Comment faisait-il pour l’affirmer haut et fort, avec presque… de la fierté ? Rien de tout ceci n’était normal. Ce n’était qu’une anomalie de plus, une erreur. Yvain et Isolde étaient les produits loupés d’une Nature loin d’être parfaite, à moins que quelque chose n’ait foiré dans leur éducation ? Drago chercha des réponses dans le regard d’Yvain, mais il n’y voyait que de la haine. Il était une abomination, il n’avait d’autre choix que de s’y résigner et changer. Se corriger, correspondre à ce qu’on attendait de lui. Il n’y avait aucune autre façon de survivre.

Drago était trop sonné — physiquement et mentalement, pour le coup — pour comprendre ce qu’il se passait, mais Yvain disparut soudain de son champ de vision, remplacé par une Isolde furieuse. Qu’est-ce qu’elle lui voulait celle-là ? Elle s’était trouvé du courage ? Il était temps ! Si Yvain méritait presque l’admiration de l’héritier Malefoy pour sa rage, ce dernier n’arrivait pas à redouter Isolde, pas même alors que sa robe de sorcier commençait à cramer. Peut-être était-ce parce que la première chose qu’elle lui sortit fut son statut de stagiaire. Ou parce que ses menaces n’étaient pas réalistes et n’avait aucune prise sur lui.

— Que tu sois stagiaire j’m’en fous, tu pourras pas m’enfermer ni dire ce que je pense. Z’êtes cinglés.

Il ricanait. Il s’en foutait totalement. Qu’on l’enferme, en fait, ça l’arrangerait bien. Qu’on lui donne une excuse pour ses échecs, qu’on en prenne la responsabilité à sa place. Yvain était son ami, il avait du respect pour lui, mais pour cette espèce de lesb refoulée…? Aucune pitié. Qu’elle fasse ce qu’elle voulait. Qu’elle le frappe, qu’elle lui lance un sort, qu’elle le tue même si elle le souhaitait. Qu’elle en fasse un martyr.

Avec un rictus, il lui cracha son sang à la figure.

— Tu le mérites même pas, Sang-de-Bourbe.

19/07/2011

Mettre la main sur Pomona était à la fois honteusement facile et particulièrement difficile. La botaniste se terrait généralement dans les serres, là où elle abattait l’essentiel de la tâche titanesque que représentait l’entretien des végétaux de Poudlard. En revanche, quand elle ne s’y trouvait pas, le désespoir ne manquait pas d’envahir le visiteur potentiel. Entre le parc, le lac et la forêt interdite, la flore sauvage s’étendait à perte de vue, représentant autant de recoins désertés où la recherche de sa collègue équivalait à chercher un doxy dans une tapisserie. Ce matin-là, Minerva comptait sur sa bonne étoile : elle avait désespérément besoin d’en apprendre plus sur l’état des jeunes mandragores.

L’air pincé et sévère comme à son habitude, bien engoncée dans sa traditionnelle cape de tweed écossais, la directrice des Gryffondor descendait le parc d’un pas rapide. Avec l’absence de Dumbledore et la surcharge de travail que représentait le sous-directorat actif, elle n’avait que peu de raisons d’être de bonne humeur. Les accidents entre sorciers et moldus se faisaient de plus en plus nombreux, sans compter la pression du Ministère et des parents pour que l’école apporte enfin des réponses à propos du funeste banquet de Noël.

Ces seules raisons auraient été suffisantes pour rendre une rencontre avec Minerva McGonagall désagréable pour n’importe quel élève. Cependant, quand des voix agressives et vociférantes claquèrent dans le vent, venant précisément des serres vers où elle se dirigeait, son sang ne fit qu’un tour. Assez. C’en était assez. Agrandissant ses foulées avec raideur, il ne lui fallut que quelques pas supplémentaires pour contourner les bâtiments de verre et contempler, estomaquée, une scène qui défiait toute description.

Malefoy, couvert de sang. Gallant, vociférant dans le vide et surtout, surtout la jeune Mayer, le visage déformé par la colère, qui menaçait Malefoy d’une baguette aux limites de tout contrôle. De toute évidence, une dispute venait de déraper sérieusement. Affichant un masque de sévérité souligné de colère, transie de choc et de raideur, Minerva atteint un volume sonore qu’on ne lui connaissait que rarement.

“CA SUFFIT !”

Ses yeux lançaient littéralement des éclairs alors que déjà, elle dégainait sa baguette.

“Mademoiselle Mayer, veuillez-vous écarter immédiatement, souvenez vous de votre place ! Monsieur Malefoy, c’est la dernière fois que je vous rappelle que de telles paroles n’ont rien à faire dans cette école !”

Sa voix un peur éraillée ne souffrait néanmoins aucune hésitation et l’assurance tant affichée qu’exprimée ne laissait aucun doute quant à l’idée très précise que la professeure se faisait déjà d’une hypothétique punition. D’un signe sec de la tête, elle intima une nouvelle fois à l’assistante de s’écarter, et engloba d’un regard terriblement noir les deux Serpentards.

“Episkey ! Voilà qui vous fera tenir jusqu’à une visite chez l’infirmerie. Maintenant, gardez le silence le temps que mademoiselle Mayer m’explique la situation, je déciderai ensuite quoi faire de vous. Et pas de commentaire avant que je ne vous prie d’ouvrir vos petites bouches violentes !”

L’ancienne Serdaigle ne lui était pas inconnue, pas plus que les nombreuses railleries dont elle avait été victime. Cependant, Pomona était assez élogieuse à son égard pour qu’elle ait de prime abord assez confiance en sa version des faits. Les indices étaient de toute façon assez éloquent pour qu’elle se fasse une idée primaire de l’incident. Malefoy devait avoir insulté Gallant, à qui un caractère exubérant n’avait pu inspirer que de la violence. Le reste s’expliquait de lui-même.

30/03/2015

Isolde peinait à garder le peu de sang-froid qui lui restait. Malefoy était à sa merci, la baguette de la jeune femme directement pointée sur son visage, et il continuait à l’insulter, à déverser ses paroles nauséabondes et insupportables. Vous faire soigner. Cinglés. L’attaque du Serpentard était d’autant plus violente qu’elle s’était crue tranquille, épargnée de ce genre d’insultes depuis la rentrée. Sa main se crispa sur l’épaule de Drago et son regard se fit encore plus noir et menaçant. Et alors, dans un ultime geste de provocation, il lui cracha son sang au visage. Isolde resta bouche bée, stupéfaite, alors que le liquide chaud coulait sur son visage. Et vint l’insulte de trop. Sang-de-bourbe. Sa colère atteint un nouveau palier et elle se mit à hurler de toute la force de ses poumons.

- QU’EST-CE QUE TU VIENS DE DIRE PUTAIN ! JE VAIS TE TUER !

Aussi rapide que l’éclair, sa main quitta l’épaule de Malefoy et ses doigts se regroupèrent en un poing prêt à frapper. Les sorts les plus horribles qu’elle connaissait défilèrent dans sa tête, mais là, elle avait besoin d’exprimer physiquement sa colère. De la laisser sortir, exploser, et si possible sur la tête de Drago. Et tant pis si elle perdait son stage pour avoir frappé un élève. Sa main recula, prête à frapper le visage déjà salement amoché du Serpentard.

- CA SUFFIT !

McGonagall arriva juste à temps. Ou trop tôt, pour Isolde qui avait besoin d’extérioriser son trop plein de rage. Elle garda le point levé, tremblant sous la tension de ses muscles, alors que le professeur leur intimait de se calmer. Mais sa colère ne pouvait pas disparaître aussi facilement ; il fallait qu’elle sorte. S’écartant à peine de Malefoy, elle frappa de toutes ses forces le tronc avec un grand cri de rage. La douleur lui fit presque regretter son geste et du sang s’écoula d’entre ses jointures, mais elle n’y fit même pas attention. Les yeux plantés dans ceux de McGonagall et sa baguette toujours pointée sur Drago, elle parla d’une voix forte mais rendue tremblante par l’émotion.

- Ce CONNARD m’a insultée ! Et Yvain aussi ! Et je le laisserai jamais, PLUS JAMAIS, me traiter de monstre !

Crier sur la professeure ne lui apporterait rien, elle le savait, mais elle ne pouvait pas se retenir. Elle expira profondément, quelques instants, avant de parler d'une voix moins forte mais toujours aussi pleine de fureur.

- Je parlais avec Yvain, près de la serre. Drago est venu et à commencer à nous insulter, comme ça gratuitement. De… Les mots la répugnaient et elle n’avait pas envie de les entendre sortir de sa propre bouche. Mais il fallait que McGonagall sache, pour que l’autre idiot ait la punition qu’il mérite. Les déboires d’Isolde n’étaient de toute façon pas inconnus des professeurs un minimum attentifs à leurs élèves, Malefoy et sa clique ne s’étant jamais privés de l’attaquer en public. De détraqués, et de Sang-de-bourbe. Le mot gouine était trop douloureux encore pour qu’elle le dise elle-même.

Comment cette matinée avait-elle basculé à ce point ? Quelques minutes auparavant, son seul souci était le poids du pot de la Racine Râleuse. L’année précédente, la présence de McGonagall aurait sûrement suffi à la calmer mais cette fois, Malefoy était allé trop loin. Cependant, le fait que la professeure semble faire spontanément confiance à son récit plutôt qu’aux autres lui redonna une bouffée de confiance et elle ressentit un peu de gratitude envers elle. Toujours tremblante et fulminant sur place, Isolde se tut et attendit son verdict.

Tout son corps s’était abandonné à une rage indicible et ravageuse, infante malheureuse d’une douleur si vive et déchirante qu’il ne pouvait que se résoudre à canaliser cette dernière dans une fureur libératrice. À la faire exploser brutalement au visage de son camarade, qui, tout en méritant un nombre incalculable de coups, ne s’attendait visiblement pas à un tel retournement en sa défaveur.

Les mains fermement ancrées sur les épaules de son blond cadet, en une violence cruelle et inhabituelle, Yvain ne prêtait plus attention aux alentours. Ni aux voix.

Dans son esprit étriqué par le désespoir des derniers jours, les sourires nonchalants et irritants de ses comparses de Serpentard défilaient et se moquaient de sa nature. De sa monstruosité supposée. Ça lui donnaient envie de vomir de frustration. De dégueuler toute sa haine sur leurs étoffes somptueuses et aristocratiques. De déchirer ses dernières avec ses propres doigts, jusqu’à ce qu’ils se retrouvent nus.

Dans le creux de son oreille, il imaginait très distinctement le doux murmure de la chair dont on distendait les tissus. Dont on cassait les os. La délicieuse supplique des nerfs que l’on rompait du bout des dents. Et le goût du sang, cuivré et entêtant, qui glissait avec frénésie le long de sa langue.

La terreur qu’il lut dans les iris de Drago, l’anima d’une exaspération encore plus impétueuse et démente. Parfait. Tremble. Supplie-moi s’il le faut. Je t’arracherais moi-même la trachée pour toutes ces merdes. Pour tous ces mots. Toutes ces accusations. Et je ne m’arrêterais pas en si bon chemin. Je te le promets.

Il vivait cette agressivité jusque dans ses tripes. Tout en lui la hurlait. La glapissait. Il la sentait même jusqu’à en frémir de plaisir. Ses yeux s’abreuvaient du visage tuméfié de son ami, de la vermeil dégoulinante et de l’horreur. Hein, tu vois. Tu vois ce que ça fait. Gouine.

À ses côtés, il ne remarqua pas l’agitation affolée d’Isolde. Il était trop obnubilé par la souffrance délectable du fils Malefoy. Par la doucereuse sensation de pouvoir enfin se venger de leurs conneries. De le briser. De le broyer. De lui fracturer chaque membre. Chaque pensée. Brusquement. Pour qu’il n’en reste rien. Pas même de quoi nourrir un putain de cabot.

Et alors, peut-être. Il parviendrait à se calmer.

Tout en vociférant des mots plus lourds que des heurtoirs, Yvain se trouva soudainement bousculé par le sortilège de l’étudiante. Lashlabask. Merde. Il gueula toute sa rage, jusqu’à s’en déchirer la voix. NON. IL ne s’en tirerait PAS comme ça. ON ne lui arracherait PAS sa vengeance ! Vite. Un exutoire. Une branche. Un caillou.

Une roche un peu plus grosse que les autres brillait non loin du pot de la plante gnignitante. Putain. Un cadeau des cieux. S’il ne pouvait pas se faire comprendre avec les mains, il finirait par lui faire rentrer dans le crâne. À le lui faire physiquement assimiler par le...

La voix de MacGonagall le cloua sur place, si puissante et déstabilisante que le jeune homme s’en couvrit les oreilles. Tous ses membres continuaient à être secoués par de vives décharges d’adrénaline, mais lui n’osait plus bouger d’un pouce. La tension vindicative, dont le paroxysme avait été atteint quelques secondes auparavant, s’immobilisa aussi. Seul son cœur, au rythme effréné et fou, continuait à cogner furieusement contre sa poitrine.

Bordel de merde.
Il ne se rendait plus bien compte de la réalité.

Ne jamais dire à un masochiste pétri d’une fierté malsaine de se répéter. Non seulement il le fera, mais ça lui plaira. Drago ne put s’empêcher de sourire alors qu’il crachait sa rancœur et son dégoût au visage d’Isolde. Que pouvait-elle faire, de toute façon ? Le tuer ? Qui cela attristera, dans le fond ? La rumeur disait que Drago se donnait une importance qu’il n’avait pas, qu’il se pensait avoir plus de valeur qu’il n’en avait réellement. La rumeur avait faux. Drago savait exactement ce qu’il valait.

La situation allait sans doute dégénérer davantage suite à ses provocations, mais c’était sans compter sur l’apparition providentielle de la vieille bique en chef McGonagall. Elle prit la situation en main, comme on aurait pu s’y attendre et fit fermer les mouilles de tout le monde, sauf bien sûr d’Isolde. Cette dernière choisit d’ailleurs ses mots avec un soin particulier, chose que Drago remarqua. Il ne put s’empêcher de ricaner au ‘connard’, qui n’était vraiment pas du tout du tout professionnel. On venait mettre en avant son statut de professeur stagiaire, et on insultait et menaçait les élèves ? En plus de la thérapie comportementale, il lui fallait aussi des séances de gestion de la colère.

Un peu comme pour Yvain, qui avait vraiment foutu une trouille pas possible à Drago. Ce dernier se moquait encore largement d’Isolde — et s’il ne disait rien, il faisait tout pour le montrer — mais pour son ami Serpentard… Les choses étaient différentes. Drago évitait de croiser son regard, trop terrifié à l’idée de revoir ce qu’il avait deviné au fond de ses prunelles sombres. Il s’en voulait de l’avoir mis dans un état pareil, vraiment. Il ne savait pas comment l’exprimer, c’est aussi pour ça qu’il continua à se concentrer sur Isolde. Pourtant, ce n’était pas elle qui l’envoyait à l’infirmerie. Ce n’était pas elle qui lui avait cassé la gueule. Ce n’était pas elle qui aurait pu le tuer.

Mourir par la main d’Yvain… Ce n’était pas une mauvaise fin en soi. Drago y songea un instant, la fantasmant, la sublimant en pensée. Le chien de garde affamé mordant son mauvais maître à la gorge. L’enfant malheureux poignardant un père indigne et violent. L’esclave retournant le fouet contre un propriétaire tyrannique. C’était la beauté de la révolte, la victoire de la colère et du ressentiment face à l’oppression et à la frustation. Impossible de nier la poésie de cette tragédie qu’était devenues leurs vies.

Gardant son petit sourire satisfait, Drago planta son regard défiant d’adolescent en pleine crise dans celui de McGonagall. Sa peur était camouflée par une arrogance et une insolence provocatrice, celles du désespoir.

19/07/2011

Son intervention eut exactement les conséquences que ce à quoi elle était habituée : le silence. Peu d’élèves, même chez les Serpentard, avaient suffisamment de culot pour continuer à piailler leur indignation et leurs insultes une fois que son ton raide et inflexible claquait dans la conversation. Malgré toute l’affection que Minerva McGonagall pouvait avoir pour ses jeunes élèves, elle n’avait jamais été capable de tolérer les conflits. Surtout quand ils étaient aussi surfaits que celui dont elle venait d’être témoin. Si elle pouvait comprendre la fureur qui résultait d’une telle provocation, de tels débordements en restaient inadmissibles. Ces élèves avaient besoin d’apprendre à régler leurs problèmes avec plus de finesse.

Un éclair traversa son regard, alors qu’elle fixait mademoiselle Mayer. L’interruption de son cycle de violence n’avait pas complètement calmé la jeune assistante, qui finit de déverser sa haine contre un tronc d’arbre. Stoïque malgré la révolte qui grondait dans ses veines, la directrice des Gryffondor attendit avec une patience limitée le récit qu’elle exigeait. A défaut de pouvoir respecter un nécessaire soucis de neutralité, elle avait accordé sa confiance à celle qui représentait le mieux l’autorité dans cette scène. Néanmoins, l’explication pour le moins flamboyante ne fit qu’accroître son air pincé.

“De telles paroles sont inadmissibles.” Avec un frémissement de fureur, elle se tourna tour à tour vers les deux Serpentard. “Vos actes le sont tout autant. Je retire soixante points à Serpentard. Vous vous présenterez également à mon bureau demain à dix-huit heures pour une retenue.”

Et chaque minute de retard vous coutera autant de points. Elle s’absint néanmoins de prononcer cette parole et se contenta de foudroyer les deux adolescents du regard. Ils passaient pour être amis, ou peut-être simplement acolytes, ce qui rendait d’autant plus incroyable cette attaque entre deux élèves de la maison au serpent. Ils réglaient généralement leurs conflits en interne et se contentait de passer leur fureur sur les membres de sa propre maison. Il ne faisait aucun doute qu’une partie des détails lui échappaient encore.

“Mademoiselle Mayer, veuillez m’attendre dans mon bureau pendant que j’accompagne ces deux élèves à l’infirmerie.”

Son écart de conduite, bien que compréhensible dans une certaine mesure, n’était admissible dans aucune situation. Cependant, sa position a présent hiérarchisée envoyait un message d’autant pire aux élèves et il ne faisait aucun doute que le jeune Malefoy allait se faire un plaisir de répandre la rumeur. L’autorité et la réputation de la jeune assistante venait de prendre un sacré coup. Minerva ne comptait pas lui faire l’affront de la réprimander à ce sujet en public, mais il y aurait des conséquences à un tel comportement. Son regard glacé se tourna à nouveau vers les deux adolescents.

“A moins que vous n’ayez quoi que ce soit de sensé à dire pour votre défense… Et à votre place, je commencerais par présenter des excuses à qui de droit.” Son regard se fit plus appuyé, signe qu’elle ne tolérerait pas un nouvel accès de fierté mal placée. “Direction l’infirmerie.”

Contredisant ses mots par son attitude, la professeure de métamorphose resta fermement plantée là, encore frémissante de fureur et la baguette toujours serrée dans une main dont blanchissaient les jointures.

Petit à petit, le souffle du septième année sembla se stabiliser. Se calmer. Il cessa même de lui brûler les poumons avec une avidité démentielle. Au contraire. L’ardeur décadente des derniers instants vacilla, progressivement vaincue par la froideur rampante de la réalité. Face à la prestance de la sous-directrice, les infimes braises de fureur qui s’étaient immobilisées dans son esprit s’estompèrent. S’éteignirent.

Il n’en resta plus que le vide. Ample et étrange. À la fois si familier et si lointain, qu’il eut la désagréable impression que le monde aux alentours tangua. Chancela. Un peu trop à son goût.

Yvain se porta une main agile au front, s’offrant par-là même un minimum de soutien. Toute la tension féroce qui l’avait habité auparavant, toute la souffrance intolérable des mots de son camarade... Toutes ces choses n’étaient plus que du vent. Rien de moins que des souvenirs impérissables. Douloureux. Culpabilisants.

Tout en écoutant les propos de Minerva, les épaules du jeune homme cédèrent au poids terrible et affreux de l’instant présent. Soixante points en moins. Il ne dit rien. C’était mérité. Amplement.

Avec une prudence quiète, de nouveau humaine, il porta ses iris dans la direction de McGonagall. Son pétage de plomb – phénoménal autant que fichtrement imprévu – et le coup contre Malefoy l’obligeaient à faire profil bas. Gouine. Il ferma brièvement les yeux, tournant son visage sur le côté. Là où il n’y avait personne. Ce mot lui avait fait du mal. Lui en faisait encore. Tout comme celui de détraqué.

Harmony. Il soupira. Direction l’infirmerie ? D’accord.

Yvain n’osa pas adresser un seul regard à Drago. Mal à l’aise. Triste. Épuisé. Non seulement il souffrait des attaques aveugles et acerbes de ce dernier... Mais il se déchirait intérieurement de l’avoir frappé. D’avoir osé le blesser. Lui. Son ami. Son maître.

Il se dégoûtait. Définitivement.

Obéissant strictement à la voix crispée de leur aînée, le septième année ouvrit néanmoins la marche vers leur destination. Les lieux défileraient alors autour d’eux avec une langueur monotone et éprouvante, jusqu’à ce que leurs pas s’immobilisent face à Pomfresh.