Entrevue transfigurée

L’eau chaude, presque brûlante, donnait une couleur écarlate aux mains de Daphné. Elle frottait et frottait ses doigts, tentant d’effacer les tâches d’encres provenant de la lettre de l’assistant de métamorphoses qui les constellaient – ou plutôt, de ce qu’il en restait. Elle l’avait transportée partout avec elle ces derniers jours, hésitant entre la colère et un désarroi qu’elle ne parvenait pas à juguler, si bien qu’elle était en lambeaux.

Ce n’était pas dirigé contre lui, même si les tournures employées dans sa lettre avaient été particulièrement désagréables. Elle les avait contemplées longuement, comme elle contemplait les cicatrices qui serpentaient sur ses doigts – elle avait refusé de laisser Pomfresh les faire disparaître, préférant garder un rappel presque indélébile du manque de jugement dont elle avait fait preuve au bal. L’encre avait même fini par imprégner sa peau, et elle se retrouvait à devoir l’effacer quinze minutes avant son entretien.

C’était plutôt dirigé contre elle-même, contre sa stupide baguette qui lui donnait l’impression de ne pas fonctionner correctement, contre le visage agaçant de Blaise qu’elle était obligée de croiser quotidiennement dans les cachots des Serpentard et leurs cours communs ; partager un cours de potion sans s’adresser un mot était loin d’être évident, et ils avaient frôlé la catastrophe plus d’une fois. Evidemment, le manque de discipline flagrant qui régnait dans les cours de Slughorn n’avait pas arrangé la chose... Leur enseignant était bien trop occupé à demander à un des élèves comment allait son grand-père ou à s’extasier sur les talents de Potter pour vérifier qu’ils ne mettaient pas trop de poussière de fée dans leur potion, chacun croyant que l’autre ne l’avait pas fait et refusant de briser le silence qui avait été tacitement instauré entre eux pour s’en assurer.

Résultat, leur potion avait failli exploser. Cela ne lui était pas arrivé depuis le premier cours pratique de première année. Cette pensée la crispa, et elle se griffa sans faire exprès avec un de ses ongles à moitié rongé. Ses mains étaient propres depuis une bonne minute, de toute manière. Elle les sécha rapidement, et se dirigea vers le bureau du professeur McGonagall en tentant de calmer un peu son agitation.

Une fois devant la porte de bois, elle hésita quelques instants avant de frapper. Il lui restait quelques minutes, d’après sa montre, et elle préféra attendre à côté de la porte, son regard fixant un tableau quelconque en face d’elle ; l’assistant était, en plus d’être un auteur de lettres particulièrement agaçantes, un ami de Rowan. Cette pensée attira immédiatement ses yeux bruns vers la bague qui brillait continuellement à son annulaire et dont elle avait fini par s’accommoder. Elle ne la voyait presque plus, à part peut-être lorsque des regards indiscrets s’y attardaient. Comment allait-il ?

Dans un soupir, elle frappa à la porte précisément à l’heure dite, et entra lorsqu’elle fut invitée.

« Bonsoir Monsieur. »

Ce n’était pas parce qu’il avait eu un comportement très désagréable lorsqu’il était élève à Poudlard qu’elle devrait en oublier la politesse. Après tout, il avait infligé quelques Cognards assez spectaculaires à des joueurs de Serpentard qu'elle n'était pas prête à pardonner.

8 Janvier 1997.

Haveirson lui avait semblé si lointaine. Cette académie morbide et pleine de menaces s’était évanouie dans le songe de son inconscient pendant les vacances. Deux ridicules petites semaines, riches en événements certes, mais suffisamment éloigné du monde magique pour qu’il se sente purifié. Les intrigues et les aventures s’étaient d’elles-mêmes enfermées dans un placard dont il avait délibérément perdu la clé. Pendant cette quinzaine bénie, Clemens avait pu s’autoriser à redevenir quelqu’un d’autre. Enjoué, détendu. Presque adolescent.

Son retour ne datait que du samedi précédent, mais il sentait les murs et les ombres de l’université peser sur ses épaules. La pression et le risque était presque aussi lourds qu’avant son départ. Il ne pouvait s’empêcher de jeter constamment un œil derrière son épaule quand il évoluait seul dans un couloir, dans l’attente d’une quelconque illusion perverse ou d’une attaque sans préavis. Avant le Nouvel An, l’Allemand considérait encore Poudlard comme un havre de paix, une échappatoire quand l’atmosphère pernicieuse de Haveirson lui faisait perdre la tête. L’attaque dont l’école avait été victime relançait néanmoins les dés. Ils n’étaient plus surs nulle part, même sous le regard bienveillant et protecteur de Dumbledore. L’assistant de métamorphose, d’ordinaire si déluré avec ses élèves, se voulait à présent sombre.

Clemens avait fait ainsi la liste de ses priorités. Son stage avait été relégué au second plan, malgré les insistances de McGonagall pour le voir animer de nouveaux cours de rattrapage. Il avait fort à faire pour protéger ses proches des terribles évolutions du monde magique, sans parler de ses tracas sur sa propre survie. Quand on évoluait dans une jungle martiale, il devenait difficile de s’asseoir tranquillement dans une bibliothèque à la recherche d’exercices sur les sortilèges de Transfert. En étant honnête avec lui-même, il devait avouer que la seule élève à qui il avait pensé dès la reprise de son stage était Daphné. Mademoiselle Greengrass, fiancée au fameux hériter Westminbrook. L’annonce avait fait grand bruit dans les journaux, à tel point que sa propre mère en avait entendu parler. Pourtant, Merlin savait qu’elle se tenait éloignée comme la peste des manigances puristes.

Assis à la table professorale, l’Allemand attendait celle qu’il considérait comme sa nouvelle protégée. Peu lui importait ce qu’elle en penserait : il avait promis à Rowan de veiller sur elle et d’être l’allié qu’elle n’attendrait pas. Auquel personne ne penserait. Il disposait de la couverture parfaite, d’une excuse taillée sur-mesure pour rencontrer la jeune fille régulièrement sans qu’on ne puisse éveiller les soupçons. Clemens pouvait même devenir sa voix à Haveirson, quand le courrier présentait un risque trop grand d’interception. Ainsi, la lettre envoyée quelques jours plus tôt avait volontairement été sèche et désagréable. Nul ne pouvait se douter de son intérêt dans cette affaire s’il devait déployer une ombre protectrice par-dessus l’héritière.

A l’heure exacte, quelques coups légers et résolument aristocratiques se confondirent avec les coups sonnés par la grande horloge. Le jeune homme attendit le retour du silence avant d’autoriser son invitée à entrer. Ses yeux bleus, vifs et sérieux, détaillèrent la Serpentard avec une intensité qui pouvait mettre mal à l’aise. Il n’avait jamais vraiment porté le regard sur elle, la considérant au milieu de la foule de ses autres élèves. Son talent en métamorphose ne brillait pas suffisamment pour jamais attirer son attention… Sauf si.

“Mademoiselle Greengrass.”

Sans la lâcher du regard, Clemens se leva et contourner le bureau avant de s’y appuyer. Son sérieux ne parvenait pas à masquer entièrement la nonchalance ancrée dans son attitude, particulièrement lorsqu’il l’encouragea à prendre place dans un des fauteuils aux motifs écossais décorant le bureau. Il laissa le silence peser quelques secondes supplémentaires avant de prendre la parole d’une voix pesante. Son comportement dénotait brutalement avec la réputation joueuse et légère que tous ici connaissait encore.

“Je ne vais pas faire durer la mascarade plus longtemps, cette entrevue n’a jamais été à propos de votre devoir. Votre travail n’est certes pas des plus exceptionnels, mais si ça vous intéresse, vous avez obtenu un A. Et malgré ma notoriété de jeune professeur détendu et proche des élèves, je ne suis pas du genre à bien noter ce qui ne mérite pas une bonne note.”

Il croisa les bras contre son torse et sembla chercher ses mots. Les intrications délicates de la société sang-pure lui était inconnues. Il était dépourvu de leur classe, de leur éducation soigneuse, et il devait toujours être connu que sa mère avait trahi son sang. Une jeune fille de bonne famille n’aurait probablement aucune raison de lui faire confiance… Plutôt même de le mépriser. Néanmoins, il était joueur, dans tous les sens du terme. Et un bon, par dessus le marché.

“J’ai fait une promesse. Celle de veiller sur vous durant toute la durée de mon stage à Poudlard, en espérant que cela ne soit pas nécessaire pendant aussi longtemps. Vous savez très probablement quels liens je partage avec Rowan… Ce qui fait de moi un de vos interlocuteurs privilégiés dans cette école. Et avant que vous ne me rétorquiez que je vous suis inutile, sachez qu’il est des contacts que même la pureté du sang ne permet pas de faire jouer.”

Un léger sourire vint frémir sur ses lèvres. Entre Heath et Rowan, il avait appris que ces milieux préféraient parler à mots cachés. A présent, il était curieux de voir comment se défendrait la délicate Daphné face à quelqu’un qui ne respecterait rien de ses codes.

Le regard qu’il lui lançait était déstabilisant, au bas mot. Il lui intima d’un geste de la main de prendre place dans un des fauteuils disposés dans le bureau du professeur McGonagall, et elle obéit un silence. Son regard ne la lâchait toujours pas, et cela commençait à la lasser – elle était ici pour comprendre pourquoi son devoir était si catastrophique, pas pour se faire dévisager par un enseignement aux manières vagues et nonchalantes. Son attitude lui paraissait pourtant un peu étrange, trop calme et pesante par rapport à celle qu’il avait abordée durant le premier trimestre… Elle croisa néanmoins ses mains, se tenant droite et immobile, attendant patiemment qu’il se décide à parler. Son attention se devait de rester attachée aux sujets importants, et ce changement de comportement n’en faisait pour le moment pas parti, contrairement à ses notes en métamorphoses.

Et, à en juger par ses premières phrases, son niveau scolaire était loin d’être aussi abyssal qu’il ne l’avait laissé entendre dans sa lettre. Elle se raidit immédiatement, particulièrement agacée de s’être rongé les sangs pendant une semaine pour rien. Elle avait passé la semaine à retravailler le sujet, à se demander comment elle avait pu s’égarer à ce point de ses projets, pour au final entendre qu’elle avait obtenu un A. Un A. Ce n’était pas suffisant, elle en était consciente, mais cela ne méritait pas une convocation…

Son regard accrocha immédiatement le sien, cherchant à savoir ce qu’il attendait d’elle ; il hésita durant quelques secondes, qu’elle put mettre à profit pour chercher une réponse. Elle ne pouvait pas être là pour rien, et cela avait forcément à voir avec Rowan. C’était la seule option possible, il était le seul lien qui les unissait tous deux. Et lorsqu’il reprit finalement la parole, Daphné se tendit, accusant le coup et laissant filer le temps à son tour.

Il avait promis de la protéger. Cette situation était tellement ridicule qu’une expression incrédule prit le pas sur ses traits fatigués, et elle ne fit que s’alourdir au fil de ses paroles. Envoyant valser les convenances et la subtilité, il attaqua directement la pureté du sang avec un léger sourire, comme s’il se moquait d’elle. Si elle se rappelait bien, il était lui-même fils d’une traîtresse à son sang – mais ce n’était pas le propos ici. Elle n’était pas Blaise, elle n’était pas orgueilleuse au point de refuser des alliés parce que leur sang n’était pas aveuglant de pureté.

Des alliés. Pas des protecteurs. Elle ne voyait pas en quoi il pourrait veiller sur elle d’une quelconque façon – Rowan était le seul à pouvoir la mettre hors de portée de l’aristocratie, et… Les derniers évènements avaient bien prouvés que les professeurs ne pouvaient rien contre les attaques venant de l’extérieur.

Ses mains se crispèrent pour s’empêcher de porter ses ongles à sa bouche. Ce n’était pas le moment.

« Je ne suis pas certaine de comprendre quelle protection vous pouvez m’offrir. Rowan me semble être le seul à pouvoir remplir ce rôle. »

Ignorant ce que Rowan avait bien pu lui dire sur sa situation, elle préférait rester vague et mesurée dans ses paroles. Il lui avait effectivement parlé de Neubach comme d’un allié dont il ne pourrait se passer, et ce n’était pas qu’elle n’avait pas confiance en son jugement – elle lui avait confié sa vie, après tout – mais… Elle ne le connaissait pas. Elle ne pouvait pas s’abandonner à la merci de quelqu’un seulement parce que la situation était difficile.

« En revanche, je suis assez curieuse de connaître la nature des contacts que vous évoquez. »

HRP:

Au fur et à mesure que ses mots vinrent combler la distance qui les séparaient, il vit l’attitude de Daphné évoluer. D’une expression distinguée et prête à encaisser les critiques, ses traits se déformèrent vers un certain égarement et puis même, une once de fureur. Clemens s’y attendait et aurait même été étonné de ne pas assister à une telle réaction. Sa lettre s’était volontairement voulue alarmiste et un brin impériale. D’une part, il ne pouvait se permettre de la laisser refuser l’entrevue, d’autre part il avait eu une expérience suffisamment mauvaise avec le courrier, ces derniers temps, pour prendre le risque de parler ouvertement sur parchemin.

Sa tirade terminée, il laissa encore un peu de temps à son élève pour assimiler les informations qu’il venait de lui fournir. Un sourire frémissait toujours sur ses lèvres et il ne modifia en rien sa posture. Il avait le sentiment qu’une tentative de rapprochement serait farouchement repoussée par Daphné, alors il resta planté là, dans l’attitude du grand frère qu’il n’avait jamais pu être. Seule la décence se rappela un lui dans cet instant de silence, et l’Allemand détourna les yeux pour fixer son regard bleu dans les flammes dansantes de l’âtre.

Quelques mots tombèrent enfin entre eux, couvrant le crépitement du feu et les bruits lointains du château. Malgré l’égarement qu’elle trahissait encore un instant auparavant, ses paroles étaient empreintes de doutes soulignés de dignité. La Serpentard semblait ne pas vouloir le remettre en question et au même moment, refuser de croire en lui. Le sourire de Clemens s’élargit un peu alors qu’il hochait la tête lentement, le regard toujours perdu loin derrière son invitée. Il n’était pas non plus surpris de se heurter à une défiance calculée. Elle était proche de Rowan après tout, ils étaient faits du même bois.

“Rowan et moi, malgré notre amitié, n’évoluons pas dans les mêmes cercles, et nous n’avons pas non plus les mêmes ressources.”

L’étudiant centra à nouveau son attention sur Daphné. Son regard se voulait moins incisif, sa voix moins dure. Il n’était pas là pour montrer les crocs, ni pour en mettre plein la vue. Il avait assez donné par le passé. Néanmoins, la confiance devait se gagner dans les deux sens durant cette entrevue ; il avait besoin de pousser la jeune fille à se révéler, à montrer sa vraie nature. Si il devait invoquer ses propres secrets pour la secourir, il devait aussi savoir à qui il avait à faire.

“Je ne me prétends pas protecteur de qui que ce soit. Par les temps qui courent, je crois que même Dumbledore peut difficilement s’affubler d’un tel titre. Néanmoins, contrairement à Rowan, je suis à Poudlard plusieurs fois par semaine, et je peux y rentrer sans autorisation préalable. Je peux agir vite et discrètement, là où son intervention se ferait inévitablement remarquer. Voyez-moi comme… son émissaire. Une main secourable qui agit pour votre cause commune.”

Clemens agissait avant tout pour son meilleur ami. Sa fiancée entrait de facto dans le pacte de leur amitié et la confiance inébranlable dont ils se gratifiaient mutuellement. Peu avant les vacances, il avait promis d’être une aide présente et active pour les heures noires qui s’annonçaient. Il voulait être le joker dans le jeu de l’héritier Westminbrook, l’avantage que personne n’attendrait. L’acteur des terrains que l’aristocratie ne fréquentait pas.

“Outre mes origines apparentes, ma carrière m’a fait voir du pays, rencontrer des gens qui sont difficilement traçables. Si on devait vous écarter de l’aristocratie britannique, j’aurais des refuges à vous offrir. Mais plus que cela, j’ai cru comprendre que le domaine par lequel vous vouliez vous échapper est la médicomagie.”

Son sourire s’adoucit. Elle n’avait que seize ans, après tout. Encore pétrie de rêves, d’ambition et de désirs. Son regard brûlant et fier n’était pas sans faire écho à ce qu’il avait ressenti, trois ans plus tôt dans ce même bureau.

“La métamorphose vous sera particulièrement importante dans cette voie, et je connais un médicomage de confiance qui pourrait vous trouver un stage. Voire vous prendre directement sous son aile, si je le lui demandais comme une faveur.”

La situation la mettait mal à l’aise. Sans doute parce que ce n’était pas quelqu’un de son entourage, quelqu’un qui avait dû l’apprivoiser avant qu’elle ne le laisse en faire partie, mais surtout parce qu’il lui donnait l’impression d’en forcer l’entrée. Le fait qu’il adoucisse son ton et son regard ne faisait qu’éveiller un peu plus cette méfiance qu’elle ne pouvait pas endormir – qu’elle ne devait pas endormir. Les plans que Rowan avait tissés étaient faits pour s’étirer sur la longueur, et un seul faux pas de sa part pouvait tout gâcher.

Les ressources qu’il évoquait comme étant liées à son statut l’intriguaient de plus en plus. Il semblait même y donner une importance considérable, bien plus qu’elle ne l’aurait fait. L’époque où elle pouvait se permettre de croire à la supériorité des Sang-Pur était révolue depuis des semaines, des mois peut-être ; ils n’étaient plus assez nombreux pour pouvoir survivre seuls, même si certains ne semblaient pas vouloir l’admettre. Ils étaient en plein déclin, et Daphné n’avait plus le luxe de se bercer d’illusions – ses choix affectaient beaucoup trop d’autres personnes chères pour cela.

Il serait donc malavisé de refuser son offre de veiller sur elle, ou quel que soit le terme qu’il voulait y donner. Quoi qu’il en soit, il avait déjà précisé que cette offre était liée à une promesse faite à Rowan et elle ne doutait pas une seconde, en le voyant agir comme si elle était déjà sous sa responsabilité, qu’il respecterait son serment même si elle ne le désirait pas.

Au moins, elle pourrait faire transmettre des lettres à Rowan sans qu’elles soient interceptées.

Si elle décida de ne pas réagir à ses premières explications, l’idée qu’on puisse l’écarter de l’aristocratie la fit se raidir presque immédiatement. Elle attendit néanmoins qu'il ait fini de parler pour intervenir, considérant la nouvelle donne qui s’offrait à elle et les conséquences qu'elle sous-entendait : il savait pourquoi Rowan et elle s’étaient lancés dans cette mascarade qui l’épuisait déjà.

« M’écarter n’est pas une option. »

Son regard s’égara au-dessus de l’épaule de Clemens pendant quelques instants. La faire disparaître des tractations ne pouvait que retomber sur Astoria, et, dans une moindre mesure, sur Hope – elles ne pouvaient pas même envisager de partir toutes ensembles : on ne faisait pas fuir la fille d’un Mangemort et les héritières d’une fortune très vraisemblablement promise au Seigneur des Ténèbres impunément, et les conséquences risquaient de s’abattre sur les parents respectifs.

Sans compter que ce n’était pas en étant à l’étranger qu’elle pourrait payer la dette qu’elle avait contractée.

En revanche, ce qu’il lui proposait sur la Médicomagie… C’était la porte de sortie que Rowan et elle recherchaient si désespérément, celle qui leur permettrait de pouvoir commencer à trouver un moyen de rompre les fiançailles sans que cela n’ait d’impact sur eux. Elle se surprit à respirer plus facilement, à commencer à imaginer les possibilités nouvelles que cette information lui offrait. Jusqu’à ce qu’elle reprenne finalement pied.

« Ma sœur a quinze ans. Si je sors de l’échiquier, ils me trouveront une remplaçante. Certaines alliances ne peuvent pas être brisées sans un consentement des deux parties. »

Une remplaçante pour son mariage, et une pour les espoirs fous de sa mère. L’odeur des rêves brisés qui emplissait la pièce était devenue omniprésente et insupportable.

« Ne vous méprenez pas, reprit-elle plus doucement. Je vous suis reconnaissante de ce que vous me proposez, mais je doute que cela soit si simple. »

Elle pourrait tenter de faire briser le mariage – elle était presque certaine que pour son père, ce n’était qu’un moyen de la mettre hors de portée des projets délirants de sa mère. Cela bloquerait peut-être du côté des Westminbrook, mais… Aucun mariage ne pourrait être scellé entre eux, c’était devenu une évidence au fil des jours. Elle avait cru pouvoir passer outre le fait que leurs relations avaient toujours été si fraternelles, mais l’idée la mettait de plus en plus mal à l’aise.

Non, le véritablement problème, c'était l'allégeance plus ou moins déguisée de sa famille au Seigneur des Ténèbres. Elle ne pouvait pas s'exclure de l'aristocratie tant qu'elle n'aurait pas trouvé une solution de repli pour sa sœur.

La dureté de sa réponse qu’il devinait encore plus inéluctable dans les actes que dans ses mots, le surprit. Des explications de Rowan, Clemens avait compris que la mascarade ne primerait pas sur le bien-être et la protection recherchée pour Daphné. Son échappatoire par les études en médicomagie se voulait être une fin délicate et travaillée à leurs plans, quitte à les saborder plus tôt si un imprévu venait à les mettre en danger. Soit il s’était gravement trompé, soit les intentions de son meilleur ami restaient encore plongées dans la pénombre. Son regard sur la jeune fiancée changea légèrement, mais il s’abstint de poser plus de questions : on ne pouvait pas trahir les informations qu’on ne possédait pas.

L’Allemand se permit de la fixer à nouveau, alors qu’elle sombrait dans ses pensées, le regard perdu loin derrière lui. Il se demandait si elle réfléchissait à ses propositions ou aux implications de ses décisions à elle. Le fonctionnement de l’aristocratie avait beau lui être étranger, il pouvait s’imaginer à quel point les familles et leurs membres étaient liés. On ne pouvait sans doute pas fuir un mariage impunément, même avec un plan bien réfléchi et bien échafaudé. Clemens croisa les bras contre son torse et attendit que Daphné rompe d’elle-même le silence. Il avait énoncé en substance ce qu’il avait à offrir, maintenant, elle devait prendre position. Ainsi, lorsqu’elle reprit la parole, il ne put masquer un froncement de sourcil et la lueur brûlante, presque sauvage, qui vint envahir son regard.

“Je vois. Peu importe la pièce, tant qu’elle ne quitte pas la scène. Parfois le meilleur moyen de remporter le jeu est encore de retourner le plateau et de refuser la partie… Mais je conçois que les implications d’un tel geste soient trop lourdes, et rajoutent trop de personnes dans la balance.”

Cette scène l’emplissait de dégoût. Non pas envers Daphné, elle n’était en rien responsable, mais envers cette forme de famille qui écrasait ses enfants sous une tonne de responsabilité et de devoirs qui ne servaient à rien d’autre que de créer des générations en souffrance. Sa propre mère parlait parfois des pressions qu’elle avait subie, de ce qu’elle avait mis en place pour s’en échapper. Pour un peu, il en aurait parlé à son élève, mais il ne la sentait pas suffisamment ouverte pour partager une telle confidence.

“Néanmoins, les difficultés potentielles ou réelles ne me tracassent pas plus que ça et je me suis engagé sur cette voie là avec Rowan quoiqu’il advienne de vous deux. A défaut de rendre votre sortie facile, nous pouvons travailler pour améliorer vos chances et s’il faut prendre votre sœur en compte, alors soit, nous le ferons.”

Sa voix s’était fait plus douce également, temporisé qu’il était par le changement d’attitude de Daphné. Marquant une courte pause dans sa tirade, il brisa enfin la distance qui les séparait et vint prendre place dans un fauteuil, en face de son interlocutrice. Un coude appuyé sur l’accoudoir, la main se caressant le menton, il reprit avec une ferveur parfaitement maitrisée.

“Je comprends qu’il vous soit difficile de me faire confiance. Il n’existe aucune échappatoire aisée, et si je vous propose celle-ci, c’est parce qu’elle a trouvé grâce aux yeux de Rowan également. Qu’en est-il de votre sœur ? Quels sont ses buts, ses espérances, pour autant qu’on en ait déjà à quinze ans ?”

Il fit une courte pause, creusant au fond de son esprit une autre image évoquée par le nom de Greengrass.

“Astoria, c’est bien ça ? “

Les implications qu’aurait entraîné le fait de refuser de jouer le jeu… Elle mentirait en disant qu’elle ne les avait pas soigneusement soupesées avant de s’asseoir à cette table des Trois Balais. Refuser de jouer le jeu de l’aristocratie aurait équivalu à une demande de reniement en bonne et due forme, et Astoria se serait retrouvée en danger. Il allait lui falloir jouer finement si elle voulait qu’ils s’en sortent tous, sa famille et celle de Rowan. Les deux familles étaient liées plus ou moins étroitement avec le Seigneur des Ténèbres, à présent, et s’en extirper sans dommage n’allait pas être faisable. Il ne leur restait plus qu’à tenter de les minimiser – et à empêcher à tous prix qu’Astoria et Hope soient éclaboussées.

C'était bien pour cela que Neubach avait raison. Il lui fallait améliorer ses chances, à défaut de pouvoir s’assurer un moyen de rejeter tous ces projets dont elle ne voulait pas. Améliorer les chances de ses sœurs, puis les siennes – Daphné pourrait toujours s’accommoder, quelle que soit la situation, mais Astoria était si gauche avec les convenances et les manières qu’elle ne le pourrait pas. Il lui fallait une solution de repli qui mettrait sa cadette loin des mains acérées de l’aristocratie, et ce définitivement. Ensuite, elle pourrait se préoccuper de son propre cas.

Il finit par venir s’asseoir dans le fauteuil en face du sien – elle se raidit par réflexe, et réajusta une mèche de cheveux, mal à l’aise de le voir à la limite de son espace. La mention de Rowan lui fit jeter un coup d’œil machinal à sa bague de fiançailles, le cœur serré, lui rappelant à quel point elle aurait préféré que ce soit lui qui soit à ses côtés à Poudlard, et pas un presque inconnu à qui elle était forcée d’accorder sa confiance.

« Oui, c’est elle. »

Astoria. Les rêves d’Astoria. Ils avaient été si nombreux lorsqu’elles étaient jeunes, de la peinture à la musique, et elle était presque persuadée qu’elle avait nourri l’ambition de jouer professionnellement au Quidditch pendant un temps. Mais aujourd’hui ? Avec la guerre et la rupture du secret ? A part Poudlard, que lui restait-il ? C’était exactement le genre de chose qu’elle était censée savoir, et pourtant elle ne se rappelait que de vieux rêves qu’elle avait abandonnés depuis longtemps

« Elle n’est pas très expansive sur le sujet » répondit-elle finalement, à contrecœur. « Mais sa sécurité passera avant tout. » Moi comprise.

Si elle pouvait trouver une solution lui évitant d'étrangler les rêves de sa sœur en échange de sa protection, elle le ferait. Une fois Astoria protégée, elle serait bien plus libre de ses mouvements pour faire annuler le mariage avec Rowan et jeter cet héritage qu’elle ne désirait pas – qu’elle ne désirait plus – au caniveau. La question était de savoir si elle oserait franchir le pas. Et aujourd’hui, plus que jamais, elle en doutait – cela serait un saut dans le vide, un pas dans l’inconnu qui lui donnait le vertige, alors que c’était ce qu’elle voulait depuis des mois et des mois.

« Qu’avez-vous prévu avec Rowan ? Je ne passe mes ASPIC que dans un an et demi. Sans eux, rien ne me sera accessible. »

D’ici là, tout pouvait arriver, le meilleur comme le pire. Et elle préférait se préparer au pire.

Clemens ne pouvait pas prétendre connaître Astoria, au même titre que Daphné n’était même pas vraiment une de ses connaissances. A vrai dire, si elle n’était pas fiancée à Rowan, la jeune fille n’aurait jamais attiré son attention. Élève calme, appliquée sans être brillante, elle donnait l’impression de pouvoir très bien se gérer seule, sans aucune aide extérieur. D’ordinaire, c’était très probablement le cas, ce qui rendait son rôle de protecteur d’autant plus étrange et délicat à jouer. L’étudiant détestait s’imposer à quelqu’un, et si ça n’avait été pour son meilleur ami, il n’aurait pas forcé Daphné à l’accepter dans son entourage. Aucun des deux n’avait véritablement le choix.

Apporter une assistance à l’aînée en la connaissant à peine lui paraissait déjà difficile. Il avait certes une opportunité à lui offrir, mais elle ne révélerait sa pleine puissance que dans un an et demi, quand la jeune femme sortirait de Poudlard. Pendant le reste de la scolarité, il devait se contenter de lui être une oreille attentive, un messager discret et une aide providentielle pour arriver sans encombres jusqu’à son diplôme. Cette tâche rentrait dans ses assignations en tant que stagiaire, il l’avait donc acceptée avant même que Rowan ne la lui suggère. En revanche, le problème Astoria s’avérait bien plus épineux, d’autant que Daphné ne semblait pas disposée à lui donner d’avantage de précisions.

“Bien entendu, je tâcherai d’avoir un œil sur elle aussi. Faites-moi savoir si je peux faire quoique ce soit pour elle.”

Il s’était exprimé d’un ton calme, sans insistance, lâchant la proposition dans l’air comme une colombe que l’on envoie porter un message de paix. Son élève accepterait sans doute pour la forme, peut-être par respect pour Rowan également, mais il voyait bien dans son attitude raide qu’elle souffrait assez de se rendre à lui, pour lui confier sa jeune sœur. Elle ne lui quémanderait assistance qu’en cas d’extrême urgence, il en était persuadé. L’Allemand préférait néanmoins que ses intentions soient claires : sa promesse s’étendaient aussi aux pièces rapportées.

“Je ne connais pas toute l’étendue de ses plans, je ne me risquerai donc pas à parler pour lui. En ce qui nous concerne tous les trois, le but est de vous mener à la fin de votre scolarité avec assez de succès pour ne vous fermer aucunes portes. Que votre but soit la médicomagie ou n’importe quelle autre branche, d’ailleurs. Une fois cette étape atteinte, on veillera à ce que vous puissiez entamer des études dans les meilleures conditions et avec le meilleur encadrement possible.”

Ce ne serait probablement pas suffisant, mais ce serait un début. Rowan travaillait probablement à un jeu plus fin, plus délicat lié à sa famille. Clemens ne voulait pas connaître ces détails-là. D’une part, ils ne lui seraient d’aucune utilité, d’autre part, il ne pourrait pas influer sur leur évolution. Chacun avait son rôle à jouer, le seul maître mot étant la confiance. En revanche, à Poudlard… Il pouvait bien faire ce qu’il voulait.

“Comptez-vous des ennemis dans ce château, des gens qui vous cherchent misère ou se préoccupent trop près de vos activités ? A quoi ressemblent vos notes, en dehors de la métamorphose ?”

Des petites actions discrètes. Des mots qui se perdaient. Des hasards malencontreux. Ca allait si vite, parfois.

Incapable de lâcher prise et de se laisser porter par les évènements, Daphné ne pouvait pas envisager une seule seconde de lui confier sa sœur et ce quelle que soit la confiance que son fiancé lui portait. Elle acquiesça néanmoins pour la forme, l’air grave, considérant pendant quelques secondes les circonstances qui pourraient pourtant la conduire à placer Astoria sous sa protection – il faudrait qu’elle soit véritablement au pied du mur.

Mais la question n’était pas là, pour le moment. Son attention se reporta immédiatement sur l’assistant de métamorphoses lorsqu’il commença à lui parler des projets qu’ils avaient formés, avec Rowan, mais il ne lui apprenait rien de plus. Ils allaient toujours devoir attendre qu’elle ait ses ASPIC dans plus d’un an, prenant le risque que leurs familles – ou les circonstances – les poussent à sceller ce mariage qu’ils ne désiraient ni l’un, ni l’autre.

Excepté qu’elle ne voulait pas le prendre.

Il lui fallait absolument trouver une autre solution pour pouvoir rompre ce mariage au plus vite. L’idée même de rester inactive à Poudlard alors que Rowan tentait de trouver une solution pour eux la dégoûtait, et elle serra machinalement ses mains déjà jointes, son cœur s’emballant un peu. Avril approchait à grands pas, et elle n’avait plus de temps à perdre. Elle devait trouver quelque chose d'autre à faire au lieu de simplement attendre que quelqu'un fasse basculer la situation comme elle le faisait depuis des semaines.

« Merci. »

Elle ne souffla rien de ce qui tourbillonnait dans son esprit, peu désireuse que cela remonte jusqu’à Rowan de peur qu’il tente de la dissuader. Cette pensée la fit se crisper légèrement, se rappelant la promesse qu’ils avaient tous deux scellée aux Trois Balais ; être honnêtes l’un envers l’autre. Ce n’était que le mois de Janvier et elle choisissait déjà de lui dissimuler quelque chose – mais après tout, elle n’avait encore rien fait.

La question de Neubach, exactement la même que celle que Rowan lui avait posée en décembre, ne fit pas disparaître son sentiment de culpabilité, bien au contraire ; elle s’appliqua pourtant à ne pas le laisser filtrer sur son visage, même si elle était déjà agitée dès le début de leur conversation. Des ennemis. A part peut-être l’égo dévorant de Blaise… Elle se refusait pourtant à prononcer le prénom de son camarade de Serpentard, et ce même s’il leur avait causé plus de problèmes que quiconque depuis ses fiançailles. C’était à elle, et à elle seule, de régler ce conflit.

« Pas que je sache, non. » répondit-elle avec aplomb. « Quant à mes notes, elles oscillent entre A et E pour la plupart des matières, sauf en Sortilèges et Potions où elles sont plutôt entre E et O. »

Se redressant légèrement et relevant ses yeux bruns sans avoir eu conscience de les baisser, Daphné sentait les battements erratiques de son cœur s'apaiser et se réguler. Elle pouvait sentir dans le calme qui avait délié ses pensées jusque-là chaotique, dans ses muscles qui avaient cessé de se crisper jusqu’à être à la limite de la tétanie que sa décision était prise.

Elle ferait basculer les choses.

Comme il s’y attendait, sa proposition fut accueillie d’un remerciement poli, mais sans enthousiasme. Ses offres devaient paraître bien vaines, pour cette jeune fille dont la vie venait de basculer dans des projets qu’elle ne désirait pas. Rowan avait été assez clair là-dessus : malgré leur affection, chacun des deux impliqués souhaitait s’échapper au plus vite de cette prison insensée. Clemens n’avait que des promesses un brin dérisoire à offrir. Il en était conscient, et ne pouvait pas en vouloir à Daphné d’accueillir son entrée dans le jeu avec un certain scepticisme.

Sa question suivante fût presque balayée par cette désinvolture concernée et assurée si caractéristique des aristocrates. L’Allemand ne put empêcher un sourire de venir flotter sur son visage, le temps d’une seule seconde, avant qu’il ne retrouve lui aussi contenance. Elle ressemblait tant à Rowan. Si la raison de leur entrevue n’était pas si tragique, il en aurait trouvé les similitudes touchantes. Son meilleur ami avait lui aussi cette tendance aux réponses évasives et trop maîtrisées quand une interrogation tapait dans le mille de ses inquiétudes. Il ne se permit pas d’insister et se contenterait d’être d’autant plus attentif à chaque fois que leurs chemins se croiseraient.

“Bien. Il va vous falloir travailler encore un peu plus, mais vous êtes sur la bonne voie. N’hésitez pas à venir me voir si vous avez besoin d’aide pour la métamorphose.”

Clemens souligna sa phrase d’un regard entendu. Il n’était pas nécessaire de préciser une nouvelle fois que cette excuse serait une excellente couverture pour la transmission de messages ou l’échange de nouvelles quant aux… plans. Il s’inquiétait plutôt de savoir si Daphné viendrait en effet requérir son assistance ou si sa fierté la mènerait sur la pente traîtresse où on pensait pouvoir régler ses problèmes seul. Pour avoir glissé lui-même dans ce chemin-là plus souvent qu’à son tour, il n’avait aucun doute quant au fait que la Serpentarde ferait la même erreur. Malheureusement, il savait — également d’expérience — qu’on ne pouvait s’évertuer à aider celui qui refusait de s’aider soi-même.

“Vous ferez une excellente médicomage. Un esprit clair, une expression impénétrable à toute épreuve, et une assurance qui défie les apparences.”

Une lueur amusée dansait dans ses yeux bleus, alors qu’il affichait un sourire équivoque. Cette jeune fille avait indéniablement de nombreuses qualités. Celles-là précisément qui allaient peut-être la perdre. La vie était si injuste, parfois.

L’Allemand se leva promptement et se dirigea de son pas souple et nonchalant vers la porte. Cette rencontre avait été aussi étrange qu’enrichissante, et il ne perdrait pas l’occasion de l’évoquer à Rowan. Néanmoins, il en garderait les détails dans un premier temps. Quelque chose le travaillait à propos de cette élève trop guindée et trop parfaite. Il mettrait un point d’honneur à trouver quoi exactement.

“Je ne vous retiendrais pas plus longtemps. Si besoin est, vous savez où me trouver.”

L’entrevue touchait à sa fin, et elle n’était pas encore tout à fait certaine de ce qu’elle pensait de Neubach – cette discussion ne lui avait pas véritablement appris quoi que ce soit à son sujet, à part peut être que cet altruisme était beaucoup trop soudain et inattendu pour qu’elle ne se braque pas. Elle hocha simplement la tête à sa proposition pour montrer qu’elle avait compris, tout en doutant pourtant d’en arriver là ; certes, elle se maintenant à peine à flots et son niveau n’était pas encore suffisant, mais elle était intimement persuadée qu’elle pourrait y arriver. D’une façon ou d’une autre. Non, l’intérêt était plutôt qu’elle pourrait faire passer des messages à Rowan sans craindre qu’ils soient interceptés – et dans ce cas précis, elle serait bien obligée de faire confiance à l’assistant de Métamorphoses ; mais cette fois-ci, le risque valait la peine d'être pris.

La phrase qu’il prononça ensuite, en revanche, attira toute son attention tant elle n’aurait pu la prédire. Entendre ce genre de choses d’un presque inconnu lui paraissait être très différent de ce que ses amis d’enfance pouvaient lui dire ; comme si, cette fois-ci, cela avait d’autant plus de valeur que leurs liens étaient faibles.

« Merci » répondit-elle avec bien plus de sincérité que ses précédentes interventions dans la conversation.

Daphné se demanda brièvement si ce n’était pas une façon de la flatter et de s’attirer sa sympathie, mais elle préféra lui accorder le bénéfice du doute. Même si douter de tout le monde était inhérent à la façon dont elle avait toujours vécu, la Serpentard était convaincue que s’approprier ces paroles lui serait bien plus utile que de les rejeter.

Elle emboîta donc son mouvement de façon mécanique, un peu trop perdue dans ses pensées pour y réfléchir, et se dirigea vers la porte du bureau. Elle acquiesça une nouvelle fois à sa énième façon de lui dire de venir le voir en cas de problèmes, et en profita pour lisser ses vêtements du plat de la main et s’assurer qu’ils n’avaient pas de plis disgracieux.

« Au revoir, Monsieur. »

Elle sortit du bureau pour se diriger vers les escaliers et se rendre directement à la bibliothèque ; un devoir particulièrement désagréable de potions se profilait. Autant s’y préparer tout de suite.