Errances Nocturnes [Libre]

Ambiance:

Le couvre-feu était tombé depuis longtemps mais Drago ne voulait pas mettre fin à ses errances dans le château. La sécurité n’était plus ce qu’elle était à Poudlard, et ce depuis un certain temps. Il n’avait pas peur d’une attaque ou d’une agression. Ça, c’était bon pour les moutons. Lui ne faisait pas partie du troupeau. Il n’en avait jamais fait partie. Il était un des grands méchants loups, que ça lui plaise ou non.

Son avant-bras lui démangeait. Ce qu’il avait si longtemps considéré comme une marque d’honneur s’était révélée être une vile punition, une source de dégoût et de honte. Il repensa à ce qu’avait dit le Seigneur des Ténèbres, à comment il avait réagi à l’époque. Quel idiot. C’était tout ce qu’il était au fond. Idiot, lâche et incapable.

Sa promenade nocturne n’améliorait en rien son moral, tellement bas qu’il commençait sûrement à creuser, mais Drago ne pouvait se résoudre à rentrer se coucher. Il avait des privilèges de préfet, et quand bien même, son nom avait encore un soupçon d’importance. Il se foutait bien de qui oserait le croiser et lui faire la remarque qu’il n’était pas l’heure de flâner dans les couloirs. Il n’avait plus onze ans.

Finalement, ses pas trouvèrent la verrière. Il y entra sans vraiment s’en rendre compte, et alla s’avachir sur l’une des chaises. Le regard tourné vers le ciel nocturne, il se prit un temps à contempler la lune. Qu’est-ce que sa famille avait fait pour mériter un tel traitement ? Que pouvait-il faire, lui ? Il avait bien un objectif, une mission, mais elle était terrible, et il ignorait comment la mener à bien. Retenant de justesse un sanglot, il enfouit sa tête entre ses mains, à moitié allongé sur la table en face de lui.

De loin, on aurait pu croire qu’il n’était qu’un tas de chiffons malencontreusement oublié là. Et dans le fond, on n’aurait pas eu tout à fait tort.

Il ignorait si la fatigue l’avait engourdi au point de lui faire perdre la notion du temps et de l’espace, ou s’il s’était simplement endormi, mais quand la baguette de Rayan vint s’enfoncer dans sa peau à travers ses vêtements, Drago sursauta vivement. Il se recula d’un mouvement brusque, trop surpris et gêné d’être surpris ainsi, cherchant tout d’abord à éloigner l’indésirable avant même de savoir qui il était.

Dégainant lui aussi sa baguette, il se recula vers les vitres, continuant d’être à contrejour comme une des nombreuses ombres de Poudlard. Une main tremblante levée vers ce garçon qu’il n’avait pas reconnu dans la pénombre, il éleva une voix qui se voulait autoritaire mais qui réussissait seulement à être chevrotante.

— Dégage ! Tu n’as rien à faire ici ! Le couvre-feu…

Ça ne tenait pas debout. C’était tellement évident qu’il n’arrivait même pas à persévérer dans l’auto-persuasion. Lui non plus n’avait rien à faire dans la verrière à une heure pareille, préfet ou pas. Il avait juste eu besoin d’air, de solitude, et voilà que par le plus grand des hasards, on venait le déranger dans sa retraite d’ermite. Drago était fatigué, épuisé… Il voulait seulement qu’on lui foute la paix pour une fois. Qu’on l’oublie. Et qu’on s’occupe de lui aussi. Qu’on le comprenne. Qu’on essaie ne serait-ce que cinq secondes de se mettre à sa place.

En proie à toutes ces pensées contradictoires, la main qui tenait sa baguette se baissa lentement, alors que l’autre venait lui couvrir le visage. Il était perdu et désespérait de retrouver un jour son chemin. Il se recula jusqu’à ce que son dos bute dans les vitres, et là il se laissa glisser jusqu’au sol, s’y asseyant, toujours face à Rayan. Alors qu’il venait appuyer sa tête contre les fenêtres, la lumière de la lune dissipa tous les doutes : c’était bien le célèbre Drago Malefoy que Rayan avait devant les yeux.

Le couvre-feu était passé depuis longtemps et Drago le savait bien. C’était exactement pour ça qu’il errait dans les couloirs jusqu’à s’échouer dans la verrière. Il avait espéré que personne ne le surprenne, mais le sort semblait s’acharner sur lui. Incapable de répondre quoi que ce soit de logique et cohérent au garçon en face de lui — le connaissait-il ? Il en doutait fort et il ne voyait pas grand-chose dans la pénombre nocturne — il se plaqua encore plus contre les vitres, sentant la panique monter. Vite, relever la garde, reconstruire le mur d’indifférence et d’insolence. Remettre le masque. C’était une urgence.

D’autant plus que le garçon en face de lui ne resta pas seul bien longtemps. Il fut rejoint par une fille qui elle aussi avait l’impression de s’être perdue. Recouvrant miraculeusement une expression dure, Drago ne se leva pas pour autant. Il sourit. Ou plutôt, il ricana. Le sourire tendre, sincère et bienveillant, ce n’était pas quelque chose qu’on lui avait appris. Il ne connaissait que la moquerie et le dédain alors il en usait, même dans une situation aussi incongrue qui ne s’y prêtait pas tellement. Le garçon qu’il n’était pas sûr de connaître — c’était un 7ème année, non ? — s’était tournée vers la nouvelle arrivante pour lui faire une remontrance. L’hôpital qui se fout de la charité… Au cube.

Drago ne put s’empêcher d’éclater de rire. Aucune joie ne transparaissait dans sa voix, qui restait froide, glaciale, prête à se déchirer comme du papier. Quelle ironie, franchement…

— On n’a tous rien à faire ici, vous sûrement plus que moi, à moins que vous ne soyez préfets. Et encore. L’excuse est miteuse quand même. Qu’est-ce que vous me voulez ?

Chassez l’ego, il revient au galop. L’héritier Malefoy ne voyait vraiment aucune autre raison pour laquelle il se retrouvait soudainement en présence de deux autres élèves de Poudlard, un Poufsouffle et une Serdaigle, d’après ce qu’il pouvait lire sur leurs robes. C’était quoi ça encore, un coup monté ? Non, ils voulaient sûrement lui demander quelque chose, ils enquêtaient sur lui, peut-être même qu’ils savaient. Une série de pointes de panique enserra son cœur comme une vierge de fer, tandis qu’il faisait tout pour maintenir son masque de défiance. Un masque effrité et sérieusement mis à mal, mais un masque tout de même.