entre passé et futur.

Malgré la froideur hivernale, Malkiél ressentait le besoin de sortir prendre l'air, il ne faisait pas encore nuit mais pour une fois, il s'en contenterait. Doucement, il rejoignit par la route principale les abords de la rivière, qui était d'ailleurs gelée par le froid. Ce calme qui l'entourait avait tendance à l'apaiser par moment, et dans d'autres occasions, lui donnait le cafard. Ne plus entendre les hurlements des prisonniers lui semblait tellement irréaliste, tout comme le fait de pouvoir se promener là, en toute liberté lui paraissait tout aussi invraisemblable.

Doucement, il s'accouda à la rambarde du pont ou il se trouvait, et contempla le paysage blanc, figé devant lui. Depuis sa sortie d'Azkaban, il recherchait surtout les grands espaces, et toujours un peu malgré lui, une solitude. Il en avait besoin, pour faire le point avec lui-même sur ce qu'il devait faire. Jamais il ne s'était posé la question jusqu'ici, persuadé de finir ses jours à Azkaban. Maintenant qu'il était libre, il n'avait cessé de s'interroger sur son possible avenir, tout en regardant de près son passé à la loupe. Une envie de vengeance c'était à petit feu, emparée de lui. Il n'avait jamais su qui l'avait balancé. Tout ce qu'il savait, c'était que certains mangemorts avaient échappés à l'emprisonnement.

Lorsqu'il se redressa tenant la rambarde de ses mains tout en s'appuyant sur celle-ci, il s’aperçut qu'il n'était plus seul sur le pont. L'homme qui se tenait là, debout à ses côtés lui semblait étrangement familier, sans qu'il ne puisse dire avec certitude qu'il était... Silencieux, il tenta vainement de mettre un nom sur ce visage dans un froncement de sourcil.

La brume recouvrait peu à peu la campagne galloise blanchie, la nuit n’allait pas tarder à s’en emparer. Dans l’air froid de janvier, Rupert marchait d’un pas lent, paresseux. Il avait passé la journée dans son bureau, à décortiquer des grimoires d’histoire magique et de politique moldue. La science politique magique était un domaine nouveau et la littérature était mince en la matière. Depuis dix ans, Rupert s’adonnait à la construction de parallèles entre les concepts de sociologique et politologie moldue et les phénomènes sociaux sorciers. La tâche était ardue, fastidieuse.

La balade avec Kaïros, vers seize heures, était une pause nécessaire à sa santé mentale. Il profitait de ce moment de calme, des paysages imperturbables, indifférents à l’agitation humaine. Aux allées et venues. A la nouvelle agitation académicienne. Aux inquiétudes qui l’accompagnaient.
Les cauchemars qui l’enfiévraient chaque nuit pesaient sur son efficacité. Il en devenait irascible, rageant devant la complexité, le caractère arachnéen des liens entre les sources. A s’en arracher les cheveux. L’air frais ne suffisait plus. Alors il portait à la bouche sa clope, inspirant profondément la fumée nocive et enivrante. Les effluves variées titillaient sa gorge, l’apaisant un peu plus.

Alors qu’ils arrivaient vers le port, Kaïros revenait vers son maître en jappant. Il avait trouvé un bâton. D’un sort de répulsion, Rupert l’envoya au loin et le chien détala. La silhouette de l’animal chasseur et joueur disparaissait déjà. Et l’Irlandais se tournait vers le pont, où un homme était accoudé à la rambarde.
Prompt au bavardage, Larkin se rapprochait de lui. Il était fin, très fin même. Ses cheveux noirs étaient bouclés, tirés en arrière. Il semblait être du même âge que lui. Quoique c’était difficile à dire, sa peau très pâle mangée par un collier de barbe troublant son apparente jeunesse. Difficile à estimer aussi, dans le crépuscule naissant, s’il était Moldu ou sorcier.

Rupert lui offrit un sourire accueillant, présentant sa main droite à l’homme.
- Bonjour, Rupert Wenlock. Vous êtes du coin ?

Tirant une dernière taffe, il regardait l’horizon s’assombrissant, le ciel et la mer se fondant de plus en plus.
- Bel endroit pour se requinquer, vous trouvez pas ?
Il ne reconnaissait absolument pas Malkiél. De ses années à Poudlard, il n’avait que très peu de souvenirs de lui. C’était le genre de garçon qui passait inaperçu. Ensuite, il l’avait rencontré l’une ou l’autre fois avec Ismérie, sans plus. Et puis, son temps à Azkaban avait altéré ses traits.

Kaïros revenait déjà, le bâton dans la gueule, fier comme un hippogriffe. Il le déposait aux pieds de son maître, faisant peu de cas de son interlocuteur. Il jappait, réclamant une nouvelle partie de jeu. Cette fois-ci, Rupert le lança manuellement. En tant qu’ancien Oubliator, il ne se permettrait pas de faire d’erreur.

Il n’avait pas tellement le goût de lancer un Oubliettes en cette soirée. Si beaucoup le voyaient comme un joyeux drille, aussi sérieux qu’un des farfadets qui peuplaient son jardin, il restait un professionnel sérieux. Cette pensée lui remémorait la pile de documents qui trônait sur son bureau et attendaient patiemment un examen minutieux. La soirée serait longue.

L'homme qui s'approcha de lui en profita pour se présenter. Aussitôt, Malkiél fronça les sourcils. Ce nom ne lui était pas inconnu, mais de là à savoir ou il avait bien pu l'entendre... Il se mit à dévisager Wenlock sans aucune gêne, tentant de se rappeler d'où il avait déjà entendu ce nom. Des traits familiers, un nom qui lui était pas étranger... Azkaban avait eu raison de sa mémoire. Ils avaient du se connaître à Poudlard, mais les souvenirs de Malkiél lui firent malheureusement défauts. Il allait devoir faire avec. Et puisque Wenlock était d'humeur bavard, il allait en profiter un peu pour lui poser quelques questions. Peut-être que sa mémoire lui reviendrait alors... « Votre nom m'est familier, » dit-il de sa voix rauque, « mais j'ai bien peur que ma mémoire ne me fasse défaut, » soupira l'ancien serpentard, « Malkiél Taylor » se présenta-t-il alors.

Il jeta un rapide coup d’œil aux alentours. Cet endroit avait un effet apaisant sur le sorcier. Avalon et ses alentours donnaient l'impression d'être figé dans le temps, par le calme et la quiétude qu'on y trouvait. « Je suis du coin oui... enfin on peut dire ça... » ajouta-t-il d'un air pensif. Pouvait-il dire qu'il était vraiment d'ici? Son retour ne datait que d'un mois à peine et il avait été absent pendant 15 longues années. un jappement attira son attention. Alors qu'il se tournait vers Rupert, un chien était apparut. Rupert envoya un bâton dans une autre direction et aussitôt le chien détalait. Malkiél regarda l'animal avant de reporter ses yeux sur Rupert. Malkiél avait beau avoir une vie sociale aussi vide qu'un paquet de chocogrenouilles mangé par des gosses de premières années il n'était pas désespéré au point de parler de la beauté des lieux. De toute façon, même la cabane hurlante lui paraissait être un palace par rapport à son ancienne cellule, il était donc difficile pour lui de trouver les mots pour décrire cet endroit qui lui semblait si irréel.

L'homme ne voulait pas paraître désagréable, mais ses manières de rustres pouvaient être mal perçues et pour une fois qu'un habitant d'Avalon ne fuyait pas sur son passage, il voulait aussi en profiter un peu. « Et vous ? Vous êtes du coin ? » s'enquit-il en tentant de donner à sa voix, un son plus agréable pour ne pas faire fuir son interlocuteur trop vite. Il espérait seulement que ce dernier ne lisait pas la gazette qui avait annoncé sa libération le mois précédent.

En se retournant vers son interlocuteur, Rupert réalisa qu'il était en train de l'observer. De détailler ses traits. Le connaissait-il ? Ou bien... Ben non, rien dans son accoutrement ne pouvait être considéré comme étrange par un non-sorcier. Il portait son blouson en croute de cuir, un gros pull en laine grise, un jean et des chaussures de marche. Rien de bien folichon pour la région.
A l'inverse, portant son regard sur la tenue de son interlocuteur, Rupert crut remarquer que le cuir de ses chaussures ne provenait pas d'une vache. Du dragon ? Pour ce qu'il connaissait en mode... Ça pouvait tout aussi bien être du crocodile.
C'était bizarre, n'empêche. Parce que le type, amaigri, aux traits tirés, ne semblait pas forcément avoir les moyens de se payer des chaussures en croco. Quoiqu'elles avaient l'air usé. Un nobliau du coin dont la fortune se serait amenuisée ? Son teint livide pouvait laisser croire à une maladie chronique. Cela aurait pu nuire à son activité, et il n'aurait plus eu de rentrées suffisantes pour maintenir son train de vie.

Ça se tenait tout à fait. Bravo Sherlock.
Mais la réponse de l'homme en question détruisit sa théorie pourtant bien aboutie. Malkiél Taylor. Ce n'était définitivement pas le nom d'un propriétaire terrien de la région. Déjà, le nom n'était pas gallois. Et puis, Malkiél. C'était joli, mais quel Moldu appellerait son fils comme ça. Non, non, c'était un sorcier.
Et puis, il y trouvait un écho étrange. L'avait-il connu ? Malkiél Taylor... Mais bien sûr !
En bon commentateur de la vie politique sorcière - certes, non reconnu, mais là n'est pas la question - Rupert scrutait avec attention les nouvelles de la Gazette. A chaque déjeuner, il ouvrait son journal, son chien à ses pieds - tel un daron dans sa masure. Et c'est ainsi qu'il avait pu apprendre la fin de la peine à Azkaban d'un certain Malkiél Taylor, ancien Langue-de-Plomb, acolyte de Rosier et compagnon Mangemort de son état. Et maintenant qu'il y repensait, Ismérie et lui avaient discuté de son arrestation, à l'époque.

Bon, voilà qui changeait la donne. Et sur un terrain glissant, Rupert n'avait qu'un seul principe. Une seule maxime. Dans le doute, la franchise, y'a que ça de vrai.

- Non, je suis Irlandais, je pense que mon accent me trahit. Je travaille à l'académie Haveirson depuis peu.

Il marqua une pause avant de lâcher la bombe.

- Je connais votre nom. Je crois l'avoir lu dans la Gazette, il y a quelques semaines. Si ma mémoire ne me fait pas défaut, je voudrais juste ajouter ceci : ne croyez pas que je vous juge. Un homme qui a fait son temps a purgé sa peine - c'est une formule assez claire.

Il croyait aux secondes chances et surtout, il avait appris à ne pas traiter directement en ennemi toute personne sur laquelle il pouvait avoir des préjugés. Il valait mieux se montrer prudent, certes ; être clair, en toute occasion. Mais laisser sa chance à la personne en question de se dédouaner, de se montrer valeureuse. De bons vieux principes que Godric approuverait, songeait-il.

- Hmm. Donc.. Vous êtes revenu ici, dans votre ancienne maison, pour vous y installer ? Avec l'académie, les choses bougent assez, dans le coin. Ce ne devrait pas être trop compliqué de trouver un emploi.

Oui, enfin, à la réflexion, la majorité des emplois qui se créaient étaient destinés à des sorciers. Donc des gens qui lisent la Gazette. Qui connaissent Azkaban. Qui craignent la Marque des Ténèbres.
Mais bon, il voulait juste revenir à une conversation normale et lui montrer qu'il ne tenait pas particulièrement à satisfaire sa curiosité concernant les modalités de torture par les Détraqueurs. Très peu pour lui, merci.

Alors qu'il caressait le paysage de ses yeux, con interlocuteur reprit la conversation, attirant une fois de plus l'attention de l'ancien détenu. Ainsi, Rupert était originaire de l'Irlande. Malkiél n'eut pas besoin de lui demander quel bon vent l'avait guidé ici puisque Wenlock ajouta qu'il travaillait à l'académie. Son frère lui avait parlé de cet école qui rassemblait des étudiants de tout le pays laissant Malkiél sans voix. Il n'y avait jamais eu d'école supérieure jusqu'ici, alors pourquoi maintenant ? Non pas qu'il s'en préoccupait vraiment, mais c'était quand même étrange. Alors qu'il s’apprêtait à lui poser quelques questions sur l'académie, Malkiél se figea. Rupert venait d'admettre qu'il connaissait son nom.

Inquiets, Malkiél recula d'un pas, se heurtant à la rambarde derrière lui. Il n'était même pas sur de respirer correctement. Il fronça les sourcils, prenant un regard à faire fuir un détraqueur. Quitte à avoir l'étiquette du méchant mangemort, autant la porter jusqu'au bout, avec un peu de chance, Rupert le laisserait tranquille. Enfin ça c'était la première option, celle qu'il espérait, il y avait bien une seconde option à envisager, mais celle-ci, la plus probable était celle qu'il redoutait. Que Rupert ne l'attaque. Parce que si c'était le cas, il était foutu.
Contrairement à ce qu'il imaginait, les sorciers ne réagissait pas tous pareil. La preuve était là, avec Rupert. Ce dernier connaissait donc son passé, mais ne semblez pas lui en tenir rigueur. C'était louche. C'était invraisemblable. C'était stupidement Gryffondorien ! Cette franchise dont il avait fait preuve avait le don d'angoisser Malkiél qui cherchait à savoir ou était l'entourloupe.

Rupert avait raison sur un point, il était revenu au domicile familial. Toutefois, ce n'était pas vraiment un choix de sa part, en fait il était revenu à Avalon parce qu'il n'avait nul part ailleurs ou aller. « Oui, je suis revenu dans la demeure familial, » admit-il doucement, « Quant-à me trouver un emploi, » rit-il amèrement, « je doute fort que mon statut d'ancien prisonnier ne joue en ma faveur », termina-t-il en plongeant son regard onyx dans celui de Rupert.

Malkiél regarda la chien revenir auprès de son maître, le morceau de bois dans sa gueule. Il cala son menton dans le col de son blouson pour garder un peu de chaleur, et plongea ses mains dans ses poches. « Vous raisonnez comme un Gryffondor... » dit-il finalement. Dans l'ensemble, Malkiél gardait un mauvais souvenirs des Gryffondors. Il avait été trop souvent la victime de leurs blagues douteuses. Heureusement, il n'était pas du genre à reporter sa rancœur sur des personnes qui ne lui avait rien fait, ainsi sa réflexion n'était pas une remarque, juste une constatation. « Vous travaillez à l'académie en tant que professeur ? » Après tout, il y avait d'autres postes que professeurs dans une école, et Malkiél ressentait le besoin de faire la conversation pour ne pas que cette dernière ne revienne sur son emprisonnement. « Pourquoi cet académie à ouverte ? Enfin, je veux dire, pourquoi maintenant ? » demanda-t-il de sa voix habituellement rauque. Vraiment, il ne comprenait pas pourquoi une académie sorcière avait ouverte ses portes, surtout par les temps qui courraient et comme Rupert travaillait là-bas, il aurait probablement des réponses.

Le bâton à la gueule, le chien de chasse arrivait en trombe vers les deux hommes. Il le déposa aux pieds de son maître et attendit la nouvelle partie. Il avait de l’énergie à revendre et, en cela, compensait la nonchalance et la paresse de Rupert. Comment ça, ça ne comptait pas ? Bon, l’Irlandais s’était inscrit au tournoi de Quidditch. Et il n’était clairement pas en état, physiquement, de s’opposer à des jeunots au sortir de leur adolescence. A noter : courir avec le chien. Si déjà il se tapait le froid brumeux de l’hiver gallois tous les jours !

Rupert avait bien conscience que ses principes pouvaient sembler irréalistes voire fous. Mais, il avait fini par comprendre que si on renvoyait toujours la même image à quelqu’un, qu’on l’excluait toujours plus, cette personne n’avait d’autre choix que de se conformer aux normes qu’on lui assignait. Elle était confinée dans une stratégie de survie, rejetée hors de la société.
Or c’était le rôle contraire que devait avoir la société. Valoriser toute bonne volonté, tout potentiel. Créer des opportunités après une erreur. Ne disait-on pas que seul persévérer dans son erreur était diabolique ? Dans ce cas, la société marginalisante était le démon.

Malkiél était donc revenu dans son village d’origine. Normal. A condition d’avoir vécu une enfance heureuse, c’était un bon lieu où faire le point et repartir. Même lorsqu’on sortait d’Azkaban.
Evidemment, Rupert avait parlé trop vite. Il savait bien que s’il était ouvert d’esprit, c’était un trait de caractère peu répandu. Et avec les relents infâmes de la guerre qui s’annonçait, tous étaient de plus en plus tendus. Et c’était bien connu, la peur fait ressortir le pire de l’être humain. Sorcier ou non.
Pour autant, Rupert n’était pas gêné. Il n’était jamais défaitiste, se trouvait rarement dans l’embarras. Il envoya le bâton au loin avec un Repulsio et le chien détala.

- Et que fait votre famille, ici ? S’ils ont un commerce ou une activité quelconque, eux ne vous renieront pas, n’est-ce pas ? répondit-il avec un large sourire. Et puis, il y a du travail à Haveirson ! Je crois qu’ils cherchent des gens pour entretenir le domaine, ou s’occuper des écuries. Ce n’est pas forcément de votre standing, certes, mais vous seriez au grand air !

Oui ce n’était pas très subtil, et tout à fait dit par-dessus la jambe. Mais Rupert songeait que le Comte serait moins regardant avec ses employés que ne le seraient les petits artisans ou tenants de bar du coin.

D’une voix morne, Malkiél fit observer que son raisonnement était typiquement Gryffondorien. Pas faux.

- Ah.. Oui, j’étais à Gryffondor, haha ! Je suppose que certaines choses me sont restées. Enfin, j’ose espérer avoir quand même pris un peu de maturité.

Alors là, applaudissements. De la maturité ? Bon, allez, oui, c’est vrai : Rupert s’était épaissi, intellectuellement. Mais si l’on regardait de plus près sa vie, il avait gardé les mauvaises habitudes du glandeur qu’il avait été. Ismérie Clagg vous l’expliquerait après avoir lâché un rire cristallin, tant cette phrase était amusante. Car Rupert Wenlock, qui parait de vantardise la tâche de boue qui avait éclaboussé sa famille, en se faisant appeler Larkin, était pathétique. Il n’avait d’adulte que les ridules qui sillonnaient son visage et la bedaine croissante. Quelle maturité, je vous le demande ! Un blanc-bec s’enfonçant dans sa propre médiocrité.

Chassant le goût amer qui creusait ses joues, Rupert se raccrocha aux questions de Taylor.

- Oui, je suis professeur de droit et science politique.

Les sourcils froncés, il se fit plus songeur.

- Je ne pourrais vous répondre clairement. L’identité du directeur est secrète, je ne l’ai jamais croisé. Mais il y a de quoi se poser des questions… Pris soudain d’un doute, il demanda à Malkiél : si vous viviez ici avant, vous devez savoir à quoi servait ce château, n’est-ce pas ? Une grande famille galloise y vivait ? Des sorciers ?

Malkiél avait forcément entendu des rumeurs. Quand une telle bâtisse était adjacente à un petit bourg, cela faisait forcément jaser. Même si ce n’étaient pas des informations vérifiées, les Taylor avaient dû entendre parler de la famille qui vivait là, et de la raison qui l’avait fait quitter les lieux. A moins que le Comte ne soit en fait que leur héritier.

Mais ça ne tenait pas la route, dans ce cas, l’identité secrète n’aurait aucune utilité.

Alors que la rivière était gelée en dessous d'eux, les deux hommes tenter d'avoir un semblant de discussion. La première impression de Malkiél à propos de Rupert était plutôt bonne. Il le voyait comme quelqu'un d'agréable d'assez ouvert d'esprit. Le fait qu'il connaissait son passé de prisonnier et qu'il ne s'enfuyait pas à toute vitesse était appréciable. Toutefois la question sur ça famille eut le don de le mettre un peu plus mal à l'aise. C'était comme lui renvoyer en pleine figure que ses parents étaient morts par sa faute. La culpabilité n'était pourtant pas innée chez lui. Ses choix avaient engendré de nombreux drames autour de lui dont il ne se souciait pourtant guère puisque ça lui avait permis d'acquérir plus de puissance et de connaissance, mais le fait que le drame avait touché sa propre famille faisait ressortir en lui, une espèce d'humanité qu'il ne pensait pourtant plus pouvoir ressentir. « Mes parents sont morts. Je me suis installé dans la demeure familial avec mon frère. Il est infirmier à Ste Mangouste. Mes grands-parents sont de la région également. » répondit-il amèrement en sachant que ses grands-parents refusaient de le recevoir.  Bien entendu il n'allait pas s'attarder là dessus avec son interlocuteur. « On ne peut pas leur en vouloir, n'est-ce pas ? » répondit-il doucement, affirmant un peu malgré lui que certains membres de sa famille lui avaient effectivement tourné le dos.

L'homme fut toutefois très intéressé par les propos de Rupert sur les possibles embauches à Haveirson. Non pas qu'il avait besoin d'argent puisqu'il vivait au crochet de sa famille, mais pour lui donner de quoi l'occuper un peu durant ses longues journées et lui permettre une réintégration plus facile. « Vraiment ? Ils cherchent du personnel ? » Travailler au grand air était alléchant pour quelqu'un qui était resté dans une cellule pendant 15 ans.

Rupert parlait de son appartenance à la maison Gryffondor. Malkiél gardait un mauvais souvenir des rouges et ors. La plupart d'entre eux lui avaient rendus la vie difficile durant sa scolarité. De plus Rupert était devenu professeur, alors peut-être qu'il ne faisait pas parti des perturbateurs étant élèves. De toute façon, c'était loin derrière eux, et Malkiél avait d'autres soucis en tête pour garder rancœur des bêtises d'adolescents en priorité. D'ailleurs, Rupert lui posa quelques questions sur le château d'Haveirson, laissant Malkiél un peu perplexe. Il ne connaissait pas son employeur ? C'était un peu surprenant. « quand j'étais petit, je venais jouer dans les jardins et les alentours du château avec des gosses du coin. Personne nous a jamais rien dit, mais je n'ai jamais eu l'occasion de voir le propriétaire. Parfois, quand nous chahutions trop, un employé venait nous trouver pour nous dire de nous calmer car ça déranger le propriétaire, mais c'est tout... » admit-il en se remémorant ses souvenirs. A cette époque là, il était loin de se poser des questions sur le propriétaire des lieux, trop occupé à s'amuser avec ses quelques copains pour se soucier de ce détail. «  Il me semble qu'il est sorcier, sinon pourquoi veillerait-il sur Avalon qui est un village presque entièrement sorcier ? » dit-il après réflexion. Il n'avait aucune garantie, mais c'était simplement pour lui, une logique implacable. Il ne voyait pas des moldus protéger ainsi un village ou la population était à la grande majorité, sorciére.

Malgré les tentatives de Rupert pour détendre l’atmosphère, l’homme semblait en proie à une anxiété constante. Toujours aux aguets. Attendant le piège, la remarque assassine. L’espace d’une seconde, Rupert s’imagina Azkaban, la menace permanente des détraqueurs. La réduction à un numéro. Une chose. Une viande pour créatures horribles.
Il chassa bien vite cette idée. Evidemment, on ne s’en remettait pas si vite. Bon, le mieux, c’était de se comporter avec lui comme si la situation était tout à fait normale. Si on renvoyait en permanence les marginaux à leur irrespect de la norme, ils ne pouvaient pas être inclus dans la société. Rupert tenait ceci pour vrai. Il devait savoir, il en connaissait.

Alors il reprit sur un ton guilleret, nonchalant - qui lui allait si bien. Manque de bol, ce n’était pas vraiment la fête dans la famille de ce Taylor. La réponse était même morbide, lâchée d’un ton amer. Parents morts. Ah. Bon, son frère était vivant, lui. Laissons de côté cette première information, donc.

- Ah bien ! J’imagine qu’il a beaucoup de travail alors. C’est une très belle région que je ne connaissais pas il y a quelques mois. Vous avez eu de la chance de grandir ici !

Voilà, ça c’était bien, pas trop de détail, pas de question gênante. Il avait failli ajouter que cela ne devait pas être facile de se réadapter à la vie avec son frère mais.. Bon, ce n’était pas nécessaire. Et, fils unique, il n’avait aucune idée sur la question, de toute manière.

Pour toujours rester dans le positif, Rupert avait balayé d’un bras l’idée qu’un Mangemort puisse être refusé à l’embauche. Sa compassion n’aurait servi à rien et un débat sur cette question était vain. Donc, il avait suggéré un emploi à Haveirson.
L’idée semblait retenir l’attention de son interlocuteur. En même temps, après avoir été ainsi enfermé, travailler à l’air libre devait être de l’ordre du rêve.

- Oui, je sais qu’il manque des gens pour entretenir le jardin. Il faudrait que je demande. Je peux proposer au concierge et ensuite vous lui écrirez une lettre de motivation. Il s’appelle William Gallant.

Une grande - et rare - qualité de Larkin était sa mémoire. Il oubliait très peu de choses et encore moins les noms. C’était extrêmement pratique. Surtout en l’occurence, où il aurait eu l’air d’un benêt à suggérer une option sans y apporter de proposition concrète. Là, au moins, son offre tenait la route.
Il n’avait pas eu l’occasion de parler à Gallant, mais il semblait être un type sérieux. Restait à savoir s’il était du genre à préjuger les gens du fait de leur passé.

Et puis, pensif, ce Malkiél fit remarquer que l’attitude de son interlocuteur était digne d’un Gryffondor. Il avait l’air surpris. Ou désolé. Certainement que dans ses accointances du moment, il n’avait pas eu l’occasion de côtoyer des gens comme lui.
Enfin bref. Par ailleurs, il lui expliquait qu’il ne savait pas grand-chose de l’histoire de l’académie. Curieux, l’Irlandais questionnait l’enfant du village sur les anciennes fonctions de cette grande bâtisse. Rien de spécial à signaler, a priori. C’était auparavant la demeure d’un loup solitaire, certainement. Un nobliau qui ne voulait être dérangé. Rien de bien particulier. Et Taylor supposait qu’il était sorcier.

- Oui, ce serait logique. Surtout qu’il s’agit d’une académie pour sorciers. Même si le secret est levé, il fallait pouvoir contacter des professeurs, être un peu au fait des notions magiques. C’est forcément un sorcier…

Mais la question que commençait à se poser de plus en plus Rupert, ce n’était pas “qui” la dirigeait, mais “pourquoi” et pourquoi maintenant, cette école avait ouvert.

Si son interlocuteur était à l'aise, ce n'était malheureusement pas le cas de Malkiél qui avait un peu de mal à tenir une conversation normale. Toutefois, l'ouverture d'esprit de Rupert, facilitait la communication entre eux. Malkiél tenta donc de se détendre un peu, bien que ce n'était pas gagné d'avance. Il acquiesça d'un signe de tête aux paroles de Rupert avant d'ajouter évasivement, « oui ce n'est pas le travail qui lui manque, surtout depuis quelques temps d'après ce que j'ai compris. Je ne comprends pas pourquoi le ministère n'a pas effacé la mémoire des moldus... ça aurait été plus simple... » dit-il en appuyant à nouveau ses mains sur la rambarde en bois du pont.

De la chance ? C'était un bien grand mot. Il avait beau avoir eu une enfance heureuse dans un cadre idyllique, cela ne l'avait pas empêcher de mal tourné. Comme quoi ce n'était pas une question d'éducation, et encore moins de cadre de vie. Tout le monde se plaisait à croire que seuls les membres de familles sang-purs de l'aristocratie avait rejoint les mangemorts, pourtant, c'était loin d'être le cas. La majorité des partisans était d'ailleurs des sangs-mêlé, comme lui et avec le contexte actuel, il mettait sa main à coupé que ça n'avait absolument pas changé. « Je ne me plains pas de mon enfance, je pense que j'ai été plutôt chanceux de ce coté là » admit-il doucement avec un élan de nostalgie. Même s'il avait été marqué par le comportement de son père, il devait bien avouer que sa famille avait tout fait pour qu'il ne manque de rien. La seule raison pour laquelle il avait rejoins les rangs des mangemorts n'avait rien à voir avec son passé. Influencé par ses amis, attiré par les formes de magies rares et interdites, son destin c'était malheureusement scellé ainsi.

Trouver un travail était une aubaine pour lui. Il n'en espérait pas autant surtout à Avalon, ou la population le pointer du doigt comme l'enfant du village ayant mal tourné. « William Gallant ? » Pourquoi se nom lui disait étrangement quelque chose ? Ses souvenirs lui apparaissaient flous, mais ce nom lui était trop familier pour ne pas le prendre en considération. «  Bien, merci pour le renseignement, je lui enverrai une missive dés mon retour chez moi. » dit-il songeur. Malkiél acquiesça, lui aussi persuadé que le comte était un sorcier. « Avalon serait en grande partie un village sorcier, justement grâce au propriétaire et à ses ancêtres, je doute qu'un moldu souhaite avoir autant  de sorciers près de chez lui... » ajouta-t-il avec un brin d'ironie, chose rare venant de lui.

L’homme au teint froissé semblait anxieux, mais se laissait aller à la discussion concernant sa famille. Son frère travaillait à Ste Mangouste et avait de plus en plus de travail, depuis que le monde sorcier était entré en crise. Ce n’était pas si étonnant, les altercations étant plus fréquentes et les sorciers moins précautionneux, à présent que le voile du secret avait été percé.

En tant qu’ancien Oubliator, Rupert aurait pu être du même avis que Malkiél. Toutefois, il savait qu’une telle prise de décision n’était jamais simple. Surtout, au sein du Ministère, certains militaient depuis des années pour la mixité entre Moldus et sorciers. Il n’était pas question de savoir s’ils avaient tort ou non. Le problème, principalement, c’était que le Ministère ne faisait rien. Ainsi, on s’enlisait dans le statu quo et il était impossible de dire si le Code était toujours appliqué ou non. Car il demeurait applicable. Et dans ce sens, une vague d’Oubliettes était légalement envisageable.
Rupert hocha la tête.

- C’est une bien drôle de situation dans laquelle nous nous trouvons ! Je pense que certaines voix au sein du Ministère ont argumenté en faveur de l’abandon du secret. J’imagine que les forces voulant combattre le camp des ténèbres espèrent compter sur les moyens moldus de riposte. J’ai été Oubliator et je peux vous dire que, si l’on nous dit que jeter un sort d’oubli aux Moldus est techniquement trop difficile, c’est qu’il y a une volonté politique derrière ce renoncement.

Bien que ces mots étaient sérieux, l’Irlandais usait d’un ton amusé. La politique était sa passion, certes, mais il avait toujours gardé la position d’observateur. C’était comme un vaste spectacle, dont il ne pensait pas vraiment faire partie. Aussi, même les crises les plus graves étaient matière à sourire.

Leur conversation revint à Avalon et Haveirson. Malkiél acquiesçait quand Rupert suggérait que passer son enfance ici était une chance. Ils discutèrent un peu du château et Malkiél semblait étonné de voir qu’il était devenu une académie. Il ne savait rien de plus sur l’identité de son propriétaire, cependant. Cela avait toujours été un lieu calme. Ce devait certainement être un sorcier, car il aurait été étrange pour un Moldu d’ouvrir une école de magie et de vivre parmi les sorciers.
Aussi, Rupert n’insista pas et changea de sujet. Il y avait des postes disponibles au château, notamment dans les jardins. L’idée semblait réjouir Malkiél - ses traits fatigués paraissaient animés d’un peu de vie. Rupert lui proposa d’envoyer une lettre de motivation à Gallant, le concierge. Il songea aussi à Quinn, qui lui avait indiqué que son frère était professeur de botanique dans l’académie. Il n’avait jamais eu l’occasion de le croiser, puisqu’il restait principalement dans son bureau et ne traînait jamais près des serres. Ils n’avaient d’ailleurs toujours pas fait leur soirée musicale ! Il faudrait qu’il le rappelle à Quinn.

- D’accord, je lui en toucherais un mot. Je vous recommanderai également au professeur Fitzsimmons, qui est botaniste. Je vous enverrai un hibou, quand on en aura discuté !

Il faudrait d’ailleurs qu’il se le note. Tiens, en rentrant, il enverrait une missive à Gallant. Il le croisait rarement, et pour ce genre de chose, mieux valait passer par le papier. D’ailleurs, en parlant d’oubli, l’Irlandais réalisa alors que son chien n’était pas reparu depuis cinq bonnes minutes. Plissant les yeux, il scruta le champ où il était parti. Au loin, la silhouette grise se dessinait. Kaïros trottait. Quand il fut suffisamment proche, Rupert put distinguer qu’il avait un lapin de garenne dans la gueule. Sacré coquin !

Voilà pourquoi Malkiél n'aimait pas la politique. Comment une petite poignée d'hommes pouvaient décider de l'avenir de toute une nation ? C'était incensé et le résultat bien déplorable. Il suffisait de voir ce qu'il en était à présent. Deux mondes qui s'affrontent. C'était une véritable guerre civile qui menaçait d''''' 'éclater. Il fallait être aveugle et stupide pour avoir laisser les événements s’envenimer ainsi.  Le secret de leur monde avait une raison d’être, et ce qui se produisait à présent le leur rappeler de manière brutale, presque cruelle. « Je dois admettre ne pas avoir suivi la politique depuis quelques années. Mais je ne pense pas que ça ait beaucoup changé depuis... enfin depuis mon enfermement. Mais les politiciens resteront toujours des politiciens... » De belles paroles au goût amer. Des promesses trop vite envolées. Et le résultat était là.

Malkiél mit ses mains glacées par le froid dans les poches de son pantalon et remercia Rupert pour la démarche qu'il comptait faire pour lui. Néanmoins, c''était quand même surprenant de rendre service en étant complètement désintéressé. A moins... qu'il ne cachait son jeu et qu'il n'attendait quelque chose en retour. Sans non plus plonger dans la paranoïa, Malkiél était forcé d'admettre qu'avant son arrestation, on lui avait jamais rendu service gratuitement et qu'il y avait toujours un prix à payer pour tout. « Et... qu'attendez-vous de moi en retour ? » se risqua-t-il à demander, redoutant un peu la réponse.  Il n'avait rien à offrir. La seule chose qui l'avait démarqué des autres mangemorts était sa manie de toucher à de nombreuses sortes de magies. Il avait d'ailleurs pratiqué avec aisance la magie sans baguette, mais ses années à Azkaban lui avait fait perdre ce niveau acquis par un travail acharné.

Rupert regardait son chien revenir, la gueule ensanglantée, l’oeil animé d’une joie et d’une fierté intenses. Qu’il était doux pour un animal de se satisfaire d’une victoire pareille. Au final, un observateur cynique pouvait le faire remarquer : Rupert n’était pas bien différent. Il vivait une existence routinière, dont la fade consistance est recouverte d’un glacis alcoolisé de soirées et amusements. Que de distractions.
Mais dans sa nouvelle activité commençait à se dessiner un objectif. Oh, loin de lui l’idée d’une vocation - non, il n’était pas si passionné que cela. Il avait choisi la voie de l’administration parce que l’admission était facile et que son poste lui serait assuré. Son voyage à Berlin lui avait ouvert l’esprit et l’avait incité à se concentrer sur ce qui le faisait réellement vibrer, dans sa vie. Son épouse, leur fille, la musique et le commentaire de l’actualité. De là était née progressivement son attention pointilleuse aux concepts, aux mécanismes. Et ce n’était que très lentement que sa propension à la recherche s’était construite.

Mais, comme toujours, sa vie avait été morcelée par les distractions. Si un seul objet attirait sa passion, il se dispersait toujours et avançait à tâtons. Son véritable souci était la disgression.
Et à ce moment de la conversation, l’opportunité de s’égarer sur les chemins de la divagation était belle. Ne songeant pas que son interlocuteur, sortant tout juste de prison, revenant dans une société prise dans un conflit tel que celui qui l’avait envoyé derrière les barreaux, pouvait vouloir éviter ce sujet de discussion.

- Certes, les politiciens restent toujours les mêmes - je veux dire, ils ont tous peu ou prou le même profil. Des hommes, ayant fait une belle carrière, ayant fait les mêmes études à Poudlard et ayant évolué dans les mêmes arcanes de pouvoir, de l’administration, depuis. Forcément, la cooptation, les tractations officieuses, la négociation sous le couvert n’aident pas à faire des choix éclairés et cohérents. Ce ne sont que des petits jeux entre amis et rivaux. Et puis, c’est tout le pouvoir discrétionnaire du ministère qui crée l’inertie de notre société.

Il affichait un air radieux, comme si ce qu’il racontait, au demeurant plutôt grave et inquiétant, ne l’atteignait pas. Comme si ça ne le concernait en aucun cas.

- Mais, vous voyez, je garde espoir qu’on puisse trouver un autre système. Avec plus de responsabilité pour les gens au pouvoir. Qu’ils doivent répondre de leurs faits, quoi. Quelque chose de plus ouvert, de plus transparent !

Ses larges mains s’agitaient, décrivant de larges mouvements à mesure qu’il parlait. Il avait vraiment l’air de croire à ce qu’il disait.
En voyant son chien à deux pas d’eux, il avança et s’agenouilla. Il prit le lapin et le rangea dans sa gibecière, caressant le chien. Kaïros. Il y avait une raison au choix de ce nom. Il espérait véritablement que cette crise soit le “kaïros” tant attendu. Il ajoutait alors qu’il pouvait toucher un mot de l’emploi de jardinier au botaniste des lieux, Neal Fitzsimmons, qu’il n’avait pour l’instant que croiser.
A cette remarque, Taylor répondit par une question. Ce qu’il attendait ? Bah, rien ! De toute manière, que pouvait-il lui offrir ? L’homme ne devait pas avoir l’habitude de traiter avec des gens normalement constitués, qui manigançaient à tout bout de champ.

Se relevant, Rupert lui adressa un grand sourire.

- Eh bien, une bière, à l’occasion !

Il était parfaitement sincère. De toute manière, il n’avait jamais besoin de rien. Et puis, il n’avait rien fait pour l’instant. Proposer ses services était tout à fait normal - s’il pouvait le faire, pourquoi s’en priver ?

Sur les politiciens, Malkiél n'avait pas vraiment d'avis, il n'était pas assez porté sur la politique, surtout depuis son emprisonnement. Il n'avait même pas d'attente particulière. L'homme se contenta d'acquiescer d'un signe de tête aux paroles de Rupert, c'était tout ce qu'il pouvait faire. Malkiél ne masqua pas vraiment la surprise lorsque Rupert lui demanda qu'une bière en échange. C'était tellement simple que ça en était irréaliste.

-Et bien, d'accord ! Je vais devoir vous laisser, mon frère va m'attendre, mais nous ferons cela à l'occasion, envoyez moi un hibou lorsque vous aurez un peu de temps libre.

Même si Malkiél était libre, il voulait éviter les tensions inutiles, surtout au sein de la famille. Il veillait donc à être irréprochable à leurs yeux scrutateurs, et espérait ainsi regagné la confiance des siens, même si ce n'était pas gagné pour le moment.

Il inclina légèrement la tête, en regardant le professeur d'Haveirson,

-Je vous souhaite une bonne fin d'après midi, et une bonne promenade.

Ajouta-t-il en jetant un coup d’œil au chien qui venait de reparaître devant eux.

Malkiél ne réagissait pas aux analyses annoncées d’un ton enjoué par l’Irlandais - non pas que cela dérange celui-ci, qui ne se rendait même pas compte que de telles remarques pouvaient être inconvenantes pour quelqu’un qui sortait tout juste d’Azkaban. L’homme devait être gêné et ne pas vouloir - ou ne pas pouvoir, tout simplement : après tout, que savait-on vraiment de ce qui se passait dans les cachots ? - discuter politique mais Rupert n’en avait cure. Il déballait sa science avec la délectation d’un enfant présentant les caractéristiques techniques de son château de sable.

Mais la conversation prenait des tours plus pratiques, l’empêchant de sombrer dans une frénésie scientifique. Bien sûr que Rupert allait l’aider à décrocher un job ! S’il avait une position stable à présent, autant en faire profiter à d’autres. Et puis, ce Malkiél avait l’air d’un bon gars. Rupert, qui croyait dur comme un cognard aux secondes chances, voyait aussi l’intérêt que représentait la présence d’un mec du coin au sein de l’académie.

Il rit à l’air surpris du Gallois. Eh oui, juste une bière ! De toute manière, il n’avait besoin de rien d’autre. C’était avec plaisir qu’il écrirait les lettres en rentrant.
L’homme acquiesça et s’excusa - il devait rejoindre son frère. Il lui souhaita une bonne promenade après lui avoir demandé de lui envoyer un hibou à l’occasion.

- Bien sûr, je n’y manquerai pas ! Je vous tiens au courant pour l’académie également.

Il le salua avant de continuer à marcher au bord de l’eau.

- Bonne après-midi à vous aussi ! A bientôt !

Kaïros jappait puis suivit son maître en trottinant, trop fier de son trophée. Rupert était souriant. Faire ainsi des rencontres impromptues le réjouissait et il n'y avait pas de raison de le cacher. Il éprouvait également, sans trop bien le réaliser, une forme de fierté. Sentiment mal connu de l'Irlandais, que la tentation de nomadisme éloignait souvent des responsabilités, donc des rétributions généreusement distribuées. Pour une fois, la petite voix s'abstenait de persifler.

Ce fut bien court. "Tu vois que c'est agréable. Ah, si seulement tu avais pu le comprendre plus tôt. Tu vois Rupert, tu aurais pu aller loin. C'est tellement dommage."
Cet après-midi, il marcherait encore une petite demi-heure, avant d'avoir trop froid. Arrivé à l'académie, il devrait trouver un moyen de s'occuper de ce lièvre sans passer pour un Rubeus Hagrid miniature et blond. Malin.