Art Déco [Daphné Greengrass]

Son rire, bref et éraillé par l’alcool et la fumée, envahit la pièce, lui faisant légèrement relâcher la tension qui s’était installée dans ses épaules. Elle s’appuya contre une des tables, l’entendant plus qu’elle ne le voyait – car croiser son regard ne ferait qu’embraser ses joues de façon extrêmement embarrassante – réajuster ses vêtements, le cliquetis de ses bagues rompant ce silence apaisant. Lorsqu’il cessa de s’agiter, elle entendit la porte grincer légèrement, et elle commençait à véritablement s’abandonner à cette panique qu’elle dissimulait lorsqu’il l’interpella.

Daphné releva les yeux vers lui, surprise, et croisa brièvement son regard alors qu’il lui conseillait dans un rire de faire attention tout en désignant son cou. Sa main s’y porta par réflexe, et elle compris avec un léger décalage de quoi il parlait. Et il trouvait ça drôle. Le traître.

« Et toi, essaye de survivre à ta gueule de bois sans pleurer ! » répliqua-t-elle.

Et lorsqu’enfin, il eut fermé cette porte, les vannes s’ouvrir d’un coup. Elle se laissa tomber sur une chaise, dans un mouvement que sa mère aurait qualifié comme étant « aussi élégant qu’un Niffleur », et enfouit son visage dans ses mains, les bras croisés sur une table. C’était une catastrophe. Cette soirée toute entière. Harmony qui s’évanouissait mystérieusement, Yvain qui agissait inconsidérément avec elle, Drago et Angel qui s’enivraient à l’excès… Et Blaise. Elle était supposée obtenir des réponses, le confronter, et à la place elle s’était laissée envahir par des instincts aussi dangereux qu’idiots. Elle devait se reprendre – ils le devaient tous. Mais le pire, ce n’était pas cela.

Le pire, c’était cette maudite gamine qui ne lui disait rien, qui mentait si bien qu’elle aurait avalé ses mensonges si les circonstances n’étaient pas aussi dramatiques. Cette gamine, et les lettres bien trop longues, alambiquées et pleines de sous-entendus que sa mère lui envoyait.

Elle inspira profondément, tentant d’évacuer toute cette panique contre-productive, qui ne faisait que court-circuiter sa pensée et rendre ses décisions totalement irrationnelles. Comme toutes celles qu’elle avait prises depuis son entrevue avec Rowan – provoquer Blaise en parlant de ses parents ? Ne pas le mettre au courant et le laisser l’apprendre par la Gazette ? Cesser de fureter pour savoir si, oui ou non, Harmony était une menace potentielle ? Embrasser Blaise ?

Vraiment, Daphné. Il lui semblait entendre la voix de son père, lorsqu’il lui demandait de lui parler de sa vie à Poudlard. Parfois, tu te compliques la tâche toute seule.

Elle appliqua soigneusement ses mains sur la table, paume contre le bois, et s’appliqua à réguler sa respiration. Se laisser déborder n’était plus une option. Inspire. Il fallait absolument qu’elle règle les problèmes les plus urgents ; la gamine et Blaise. Expire. Et ensuite, elle s’occuperait du reste. Inspire. Debout.

Se redressant sans bruit, elle allait se diriger vers la porte quand la veste de Blaise attira son regard. Quel idiot. La saisissant sous son bras avec la ferme intention de la déposer discrètement sur le dos d’un des fauteuils, en passant, elle sortit de la pièce en douceur.