« Au menu ce soir … Purée de panais !» (Flashback)

« Au menu ce soir … Purée de panais !»
feat. Chad Obrien.

21 Décembre 1989, aux alentours de 19h47

Quatre jours et trois nuits. Ce n'était pourtant pas la mer à boire, si ? Évidemment que ça l'était. Mon esprit vrombissait tout comme cette flamme folâtre nichée dans l'âtre suranné sur laquelle mes mirettes traînaillèrent depuis une bonne demi-heure désormais. J'étais en proie à des songes qui avaient pour unique dessein de galvauder le peu d'espoir que j'avais de mettre la main sur un présent cette année. Je secouai la tête, avachi sur une méridienne ; baguette en main. Mes doigts trituraient inlassablement le morceau de bois oblong tandis que mon bassin pivotait de telle sorte à ce que je puisse me défaire de l'étreinte moelleuse du repose-fesse. Une fois dressé sur mes jambes bringuebalantes, c'est à contre cœur que je quittai le terrier des blaireaux pour me glisser à corps perdu dans le tunnel poudreux et étriqué qui nous relie encore à ce jour aux cuisines du château millénaire. Une minute s'écoula quand, dans un bruissement singulier, le couvercle de la barrique qui me tint prisonnier du passage incommode s'entrouvrit séance-tenante sous le regard médusé d'un elfe de maison qui ne s'attendait manifestement pas à me voir poindre de la sorte. Je le … ou la gratifia d'un mouvement de tête solennel, sans mot dire. La créature réprima un rire lorsque je chutai avec toute la prestance d'un Eccles sur les dalles algides qui avaient eu raison de moi. Une injure peu orthodoxe s'esbigna de mes lèvres pincées au moment de me relever. Las, je fis fi de la « chose » rachitique pour mieux m'engouffrer dans l'obscurité d'un couloir adjacent aux escaliers savonneux.

- « Putain ! Arrêtez de faire tout le temps l'ménage là. » Me susurrai-je tandis que mes pieds me guidaient tant bien que mal au rez-de-chaussée.

Dans la foulée, un élève de Gryffondor me heurta alors que celui-ci avançait à grandes enjambées en direction des escaliers mouvants. Percy Weasley, je crois ? Je soufflai du nez afin d'extérioriser l'ire qui me montait à la tête. Lui et son rat à la mords-moi-le-nœud ne perdaient rien pour attendre. Je finis par atteindre la Grande Salle, in extremis. La porte massive était ouverte ; signe que le peu d'élève qu'il restait pour les fêtes n'allaient pas tarder à s'amasser pour le repas du soir. Severus Rogue était également présent, terré dans un silence oppressant. Il me guigna. Emmitouflé dans son drapé noir-corbeau. Qu'est-ce qu'il pouvait être repoussant celui-là. C'est à se demander s'il n'est pas apparenté aux elfes pullulant les sous-sols de Poudlard.

- « Bonsoir monsieur le Professeur. » Lui dis-je alors que je m'assis en bout de table, la paume de ma main effilée déformant ma joue une fois accoudé.

Décidément, la soirée s'annonçait fastidieuse ...

Le jeune garçon trainait sans but près des serres de Poudlard. Il ne savait pas vraiment s'il avait le droit de se trouver dehors à cette heure-ci, mais sa perception des interdictions et des réglements étant toute particulière, cette interrogation avait rapidement été reléguée en dernière position sur sa liste de préoccupation.

Son arrivée a Poudlard avait malgré tout eue pour effet de tempérer ses inclinaisons pour l'escapade et il en était venu à se poser tout un tas de questions sur sa nature, son comportement et la place de la magie dans tout ça. L'ensemble formait un subtil marasme de doute, et s'il venait de passer deux heures dans le froid et la nuit, c’était avec l'espoir qu'une de ses tribulations compulsives l'aide à dissiper un peu ce brouillard. Cependant, le fil de ses pensées ne semblait pas vouloir rejoindre celui, assuré, de ses pas. Il jeta un regard a la verrière. Les ombres des plantes et des outils qu'elles abritaient se détachaient doucement à la lumière de la lune. L'ensemble formait un doux camaïeu de bleu nuit. Il aimait déjà cet endroit et les perspectives qu'elles amenaient mais il ne pouvait pas s'empêcher de s'y sentir déraciné. Maussade, il décida qu'il était temps de rentrer.

Le hall d'entrée n’était pas aussi bondé qu'à l'habitude, les fêtes de fin d'années amenant nombre d'élève à quitter l'école pour retourner dans leur famille respective. Il ne put s'empêcher de penser que cette soirée prenait des atours bien trop mélancoliques et il préféra lancer son esprit sur la piste de l'itinéraire correct jusqu'à la grande salle plutôt que de s'attarder sur cette sensation. Le jeune garçon, guidé par les quelques étudiants qui parcouraient les couloirs finit par passer devant la porte grande ouverte de la grande salle. Il s'arrêta l'espace d'un instant sur le seuil, s'émerveillant de la scène. Les tables, garnies de victuailles aussi alléchantes les unes que les autres, promettaient un repas dantesque. La lumière que projetait les centaines de bougies flottantes éclairaient la pièce d'une douce lueur dorée, chaleureuse. Ses pupilles de Né-moldu s'élevèrent ensuite vers le plafond magique. Le ciel étoilé éveillait en lui des sensations d'ivresse et de liberté d'une nuit à la belle étoile.

Il aurait pu rester longtemps, les bras ballants devant ce spectacle à détailler les décorations au mur, la pierre grise et millénaire de ceux ci, les chandeliers ornés et l'enfilade de chaise, mais quelqu'un le poussa dans le dos. Il passa le seuil et, lorgnant du coté de la table des Serdaigle pour choisir sa place, tomba nez à nez avec le professeur Rogue qui balayait la pièce de son regard glacial. Il éprouva soudainement un regain d'intérêt pour ses chaussures et, évitant in extremis que leur yeux ne se croisent, poursuivit son chemin sans un mot, sentant le regard brûlant dans son dos liquéfier le peu d'aplomb qu'il avait. Tirant nerveusement sur le col de sa robe de sorcier de seconde main, il s'assit sur la première chaise isolée qu'il trouva, dos au professeur. Avec un petit soupir, il se servit dans le plat en face de lui, tachant de se redonner contenance.

Autorisation de Jareth pour m'incruster.

Franchement, parfois, il m'arrivait de me demander comment je faisais pour être aussi génial. Y'avait pas à dire, là, j'étais trop cool. Bien sûr, certain aurait pu émettre des doutes sur mon incommensurable talent, mais j'm'en fichais totalement, parce que je savais que ces personnes-là étaient juste jalouses de moi. Clairement, fallait quand même un certain niveau d'intelligence, de pratique et de calculs pour arriver à faire ce que j'étais actuellement en train de faire... C'est-à-dire la plus grosse bulle de chewing-gum que l'on pouvait faire avec un chewing-gum moldu. Et là, j'en étais bien à une vingtaine de diamètre. Bon okay, j'avais un peu triché en utilisant ma baguette, mais personne ne m'avait vu. Avec un peu de chance, j'arriverai même à la solidifier pour en faire un ballon.

Sauf que bien sûr, y'avait toujours des irréductibles gaulois pour venir casser l'ambiance. Genre MONSIEUR Perceval Weasley, élève de Gryffondor qui se prenait un peu pour Préfet. Pourquoi venait-il me casser les pieds b*rdel. Le règlement ne disait pas clairement "Vous n'avez pas le droit de faire des bulles de chewing-gum de de plus de vingt centimètres de diamètre pour battre un record". Cet idiot fit disparaître ma bulle d'un coup de baguette. J'allais pour lui mettre mon poing dans son nez, lorsque celui-ci s'enfuit. Yeah, j'étais trop balèze en fait et il avait eu peur. Ca, c'est ce qu'on aurait pu penser s'il n'y avait pas eu ce p*tain de rat qui s'était échappé. Ouais, le rat de Weasley. Du coup, quitte à me venger, autant se foutre de sa gu*ule.

J'me levai gentiment, genre "j'vais faire quelque chose de bien !" et je pris la direction de la sortie. Et vu que j'étais sympa, j'ouvris grand le cadre de la Grosse Dame, laissant ainsi passage au rat qui se précipita cahin-caha, direction les escaliers. Weasley me bouscula pour se précipiter à sa suite, mais ça me fit plus pouffer qu'autre chose. D'ailleurs, mon estomac aussi riait. Ah non, il avait juste envie d'être rempli en fait. Me voilà donc en train de descendre jusque dans la Grande Salle. Bon, y'avait Rogue pas loin, mais j'trouvai un moyen pour m'esquiver et être le plus discret possible, genre en me mêlant à la foule.

Quelle grave erreur que de se glisser dans la populace. En effet, une jambe apparue inopinément sur mon trajet, et mon torse percuta l'épaule d'un élève aussi qui fini la tête dans son assiette et qui, au passage, renversa un pichet de jus de citrouille. Les dominos, c'étaient cool, mais pas quand j'étais impliqué. Discrètement, je me relevai comme si de rien n'était et allait discrètement m'asseoir à côté de Jareth, que j'avais repéré de loin.

-Passe moi le pain s'te plaît Lui disais-je rapidement avant d'insister plus bas. Fais comme si j'étais là depuis longtemps

À mesure que la bribe rêche du sablier s'insinuait graduellement au sein de son bulbe sous-jacent, l'iris céruléenne de mes prunelles cernées, elles, lorgnaient non sans gêne l'armada fulminant d'estomacs rugissants. Accolé à la surface vitrifiée de cette table en bois massif, j'esquissai d'un geste leste et assuré ma main afin de mieux soutenir mon menton qui menaçait de crouler à tout moment ; la cerise sur le gâteau serait de se croûter en présence de cette tourbe foisonnante. La honte ! Comme si ma chute de tantôt n'était pas suffisante, il fallait que je parvienne à me ridiculiser davantage … Prends ça dans les dents fichu Karma. Jareth le véloce a plus d'un tour dans sa besace. Ce n'est pas au vieux sin- « ZBAF ! » Sitôt, je me retrouvai avec une table entre mes dents mal agencées. Tout compte fait, l'idée d'adopter une autre posture me parut incontestable. Chose que je fis cahin-caha après m'être rehaussé, droit comme un I. Qu'est-ce que je pouvais être godiche parfois.

« Passe moi le pain s'te plaît. » M'ordonna une voix familière. « Fais comme si j'étais là depuis longtemps. »

Hein ? Depuis combien de temps était-il là, lui. Pourquoi et comment. Le gars était parvenu à se faufiler jusque là sans même que je ne m'en rende compte. D'une œillade torve qui lui était vraisemblablement tout assignée, je palpai machinalement mes poches à présent retroussées. « Walkman, boules puantes, bombabouses, poudre à vomir ... » L'inventaire du parfait truand, s'il en est. Bon, au moins il ne m'avait rien chapardé. C'était toujours ça de pris. Attends une minute, qu'est-ce qu'il a dit ? C'est quoi cette histoire à la noix … La corbeille à pain m'est hors de portée alors que lui peut l'atteindre en un tour de main. J'ai pas la gueule d'un elfe de maison tout de même. Si ?

« Euh. Ouais ! Bien sûr. » Rétorquai-je d'une voix cassante et mielleuse tandis que je courbai l'échine afin de saisir ladite corbeille tant convoitée. « Voilà ! Et surtout, étouffe-toi.» Ajoutai-je sur la même lancée, à mi-voix, mes derniers propos dissimulés sous une quinte de toux inopinée.

Sous prétexte d'être à Gryffondor, le gars se croyait tout permis. Je soufflai du nez pour témoigner de mon indignation. Qui plus est ce n'était pas la première fois que ce garçon me cherchait des poux dans la tête. Quelle sangsue ! Ce n'était pas l'envie qui me manquait de le canarder de boules puantes mais avec Rogue dans les parages il valait mieux s'abstenir et filer droit. Puis je n'allais pas gaspiller mes précieuses munitions pour ce bellâtre de pacotille.

« BON ! Je vais rejoindre un pote ! Salut. » Lui dis-je tout en me redressant mais c'était sans compter sur l'intervention de notre réputé Professeur qui me fit signe de garder place sous peine de retirer des points à ma maison. « Bon, euh. Mh. Faudrait pas contrarier le vieux Rogue tout de même. »

Le jeune Serdaigle avait le nez plongé dans un bol de soupe. Ce n’était pas son mets favori mais la soupière avait été le seul plat à sa portée et il s'en était servi par dépit, n'osant lever les yeux vers les visages des élèves plus âgés qui l'entouraient. Les douces effluves brûlantes avaient cependant eues le mérite de réchauffer son visage. Il devait avouer qu'elles sentaient même rudement bon. Il plongea sa cuillère dans le liquide ambré et touilla lentement. Bien que la grande salle ait connu des repas réunissants plus de convives, les conversations autour de lui allaient bon train. Il laissa ses oreilles divaguer, plus par ennui que par réelle curiosité. Les cours, les dernières nouvelles, le dernier match de l'équipe de Quidditch d'Irlande ... Les préoccupations des écoliers sorciers ressemblaient à s'y méprendre à celle des moldus, même si les deux ne parleraient sans doute pas d'un balai avec la même ferveur...

Il sortit sa cuillère du bol et souffla longuement sur le liquide fumant avant de la porter à ses lèvres. La soupe était aussi bonne que ce que laissaient présager les reflets veloutés à sa surface. Il s'agissait d'un potage de légumes mais il ne sut les nommer. Comme toute la nourriture qu'il avait consommée depuis son arrivée à Poudlard, tout avait un goût nouveau, indescriptible, qu'il ne reconnaissait pas. Cela n'avait rien à voir avec les repas frugaux qu'il prenait lorsqu'il était encore à Londres. Ses pouvoirs magiques l'avaient déjà sauvé à bien des égards, même s'il n'avait jamais eu à les utiliser à proprement parler. Un petit sourire naquit sur son visage. À cet instant il ne s'imaginait plus vivre ailleurs qu'ici. Il leva finalement les yeux sur les autres tables. De là où il se trouvait il pouvait voir celles de Gryffondor et de Poufsouffle. Il laissa ses pupilles s'attarder sur les décorations de chacune des maisons : un lion pour Gryffondor et un blaireau pour Pouffsoufle. Sa connaissance des différentes confréries et de ce qu'elles représentaient se résumait à quelques bribes de conversation attrapées au vol lors de la cérémonie de répartition. Il ne savait pas non plus d'ailleurs ce qu'avait vu le choixpeau en lui qui l'avait fait le diriger vers Serdaigle. Il posa les yeux sur la banderole de la maison bleue et bronze. Ses grandes ailes déployées, l'aigle qui leur servait d'effigie était majestueux. On pouvait lire la détermination dans ses pupilles effilées telles deux petites dents mordorées. Le jeune magicien se demanda ce qu'il pouvait bien avoir en commun avec le bel animal...
Un mouvement attira son attention près de la porte.
Un élève à la robe de sorcier sang et or venait de s'assoir en bout de table. À celle de Poufsouffle plus précisément. Ses yeux firent un rapide va et vient entre les couleurs des autres étudiants et celui-ci. Il semblait avoir glissé un mot a l'oreille de son voisin. Se connaissaient-ils ? Il observa discrètement leur petit manège. Ils semblaient trop occupés par leur propre échange pour se soucier du petit Serdaigle qui suivait la scène. Après avoir passé la corbeille de pain à son compère, le Poufsouffle esquissa un mouvement pour se lever.
Son geste fut tué dans l'œuf par un aboiement caverneux en provenance de la table des professeurs. Rogue venait d'interdire au jeune "Eccles" de quitter sa place. Chad posa son regard sur le visage de ce dernier. Leurs yeux se croisèrent dans une œillade volatile, les pupilles vertes du Serdaigle ayant fuis celles, céruléennes, de son aîné avec empressement.

Sa soupe n'essayerait pas de le dévisager, elle.

L'était bizarre Jareth. J'sais pas, il avait un truc qui faisait que ça tronche était encore plus déformé que d'habitude. Déjà il soufflait du nez, on aurait dit un buffle. Enfin ,j'avais pas vu beaucoup de buffle dans ma vie, mais pour le peu que j'ai croisé, ça ressemblait à peu près à ça. Après, Jareth c'était pas un buffle, il lui manquait beaucoup de poils pour ça. Quoi que, il pouvait très bien être un animagus buffle. Oh lala, ça s'rait rigolo ça, voir Jareth se transformer en buffle en plein milieu de la Grande Salle et enfoncer ses cornes dans le ventre de Roguinoushay. Oh ouais, comme avec Mimi Geignarde : 10 points sur les membres, 25 sur le ventre, 50 le bas ventre et 100 points la tête.

J'étais trop génial moi parfois. Mais du coup, vu comment c'était calme, j'pouvais pas tenter de le viser. Fallait que j'agisse discrètement pour créer le chaos, et ensuite j'pourrais attaquer notre prof-chéri. Héhéhé. J'attrapai un bout de pain que j’engouffrai rapidement parce que j'crevais la dalle, pis j'en pris un autre que je découpai en petits morceaux en faisant attention de ne pas me faire chopper par Rogue. Je les mis dans ma main que je passais sous la table avec ma baguette dans l'autre. Quelques Waddiwasi murmurés me permirent d'en envoyer un maximum rapidement. J'espérai juste que la source ne serait pas reconnaissable. Mes bouts de pains percutèrent la tête de quelques personnes, et moi je fis mine d'être en train de manger en totale innocence. Bon, fallait juste attendre que les esprits s'échauffent. Au pire, si ça ne venait pas, je serais toujours là pour filer un coup de main.

Ah lala, j'adorais être à Poudlard.