la jeune fille à l'echarpe serpentard (Daphné grengrass)

Une semaine. Huit jours et deux heures. Anna avait mal un peu plus chaque heure, les chances qu’il revienne s’amenuisaient-elles avec les jours ? Certainement. Elle était arrivée en avance au lieu de rendez-vous et attendait Daphné Greengrass, sa fiancée. Elle espérait que celle-ci eut de l’avance mais cela avait peu de chance de se produire.

Elle avait commandé un simple verre d’eau, se servant de l’arrivée prochaine de la jeune ploudlardienne pour reporter ce moment. Elle n’avait ni faim, ni soif. Rien. En réalité déglutir était devenu douloureux. Tout l’était. Terriblement.

L’étudiante qui était d’habitude plus coquette, avait une mine affreuse dont elle se moquait éperdument. Ses yeux rouges étaient secs d’avoir trop pleurés. Ses ongles laissaient voir des traces de blessures, rongés qu’ils étaient. Ses cheveux emmêlés avaient été coiffés à la hâte par une queue de cheval sensée cacher la misère.

Machinalement elle grattait le bois de la table, tentant d’enlever une tâche ancrée depuis bien trop longtemps pour disparaître à présent. Mais cela lui permettait de concentrer son cerveau sur des petites choses et ainsi elle avait quelques secondes de répit.

La nuit qui venait de se dérouler avait été semblable à toutes les autres. Elle ne dormait plus qu’une heure de temps en temps, heure dont elle se réveillait en sursaut. Sans savoir quand tout cela s’arrêterait. Elle avait pensé à rentrer, mais comment l’expliquer ? Et s’il était revenu ? Mais il ne reviendrait plus.

Son seul espoir fou avait été cette jeune fille. La réponse reçue avait laissé un vide. Elle n’en savait pas plus visiblement. Pourquoi était donc là ? Elle ne savait pas trop. Sûrement par espoir fou, mais qui restait un espoir tout de même. Son poing se crispa. Si….

Pour la première fois de sa vie, Anna pensa qu’elle aimerait voir des gens mourir. Puis elle se rendit compte de l’horreur de sa pensée et la rejeta.

Rowan.

Où es-tu ?

Reviens.

Je t’…

Une froide sensation se fit alors dans son estomac, comme un trou noir. Elle ferma les yeux. Une seconde. Deux secondes. « Le monde tourne. Tout va bien. » Une litanie. Elle rouvrit les yeux.

Bon sang qu’est-ce qu’elle avait mal. Elle repensa à sa conversation avec Clemens quelques mois plus tôt. L’amour. Plus jamais.

Elle attendit que la porte s’ouvre sur cette écharpe serpentard.

Samedi 25 janvier 1997

Plantée devant son reflet, Daphné enroulait l’écharpe aux couleurs de sa maison autour de son cou, dégageant ses boucles blondes de son étreinte. Rowan avait disparu, et la situation était suffisamment inquiétante pour qu’une femme qui avait gagné son affection la contacte. Lissant une dernière fois le col Claudine de sa robe grise, elle se demanda si tout cela était véritablement une bonne idée. Elle ne détenait aucune information, ne pouvait qu’émettre des hypothèses sur ce qui avait pu pousser Rowan à ne plus donner de nouvelles – et elles étaient toutes lugubres. Ce rendez-vous ne lui apporterait rien, à part peut-être une satisfaction à sa curiosité.

Mais cette Anna était celle que Rowan avait choisie, si Daphné avait correctement lu entre les lignes. Rien que pour cela, elle se devait de tenter de lui apporter un soutien inébranlable. Et, peut-être, cette entrevue lui permettrait d’apaiser l’angoisse latente qui la réveillait parfois au milieu de la nuit depuis qu’elle avait reçu sa lettre ; son fiancé n’était pas de ceux qui disparaissaient dans la nature sans prendre le temps de prévenir ses proches.

Et elle n’avait pas croisé Neubach de la semaine. Ce n’était pas rassurant non plus.

Accrochant la broche d’argent de son épaisse cape noire, dissimulant ses mains et sa bague – la bague des Westminbrook – à l’aide de gants épais, Daphné prit le chemin de Pré-au-Lard sans hésitation. Par réflexe, elle glissa sa baguette dans sa manche, même si elle doutait que ce geste soit utile – mais cela n’était vraiment pas le moment de penser à cela.

Jetant un coup d’œil à sa montre, elle s’arrêta juste avant de pousser la porte. Plus qu’une minute. C’était suffisant. Inspirant profondément, s’habillant de sa neutralité habituelle et enfermant le plus loin possible ses angoisses dans son coffre, elle se recomposa avant de finalement entrer dans les Trois Balais.

Anna attira tout de suite son regard, même si elle ne l’avait jamais rencontrée. Elle était la seule à guetter la porte avec le désespoir qu’elle avait pu ressentir dans sa lettre, et son port, sa tenue… Daphné s’approcha d’elle de sa démarche altière, fendant la foule avec détermination, et s’arrêta auprès de la table.

« Mademoiselle Delflandre ? Je suis Daphné Greengrass. »

Une fois qu’elle lui offrit la confirmation de son identité, Daphné se glissa en face d’elle. Retirant ses gants et son manteau, Daphné gardait ses prunelles brunes braquées vers elle, sans faillir – Anna était une des personnes les plus importantes pour Rowan. Elle se devait donc de lui accorder toute son attention, car le lien qui liait son fiancé et la femme en face d’elle en entraînait forcément un autre – entre Daphné et Anna, cette fois-ci.

« Pouvez-vous m’expliquer ce qu’il se passe ? »

Anna n’en avait peut-être pas conscience, mais pour la Serpentard, la loyauté qu'elle et Rowan partageaient s’étendait bien plus loin qu’à leurs deux personnes.