[Libre] Bourrasques, illusions & château de verre

Il y avait des jours comme ça où le réveil était une chose difficile non pas parce qu’on manquait de sommeil, mais parce que la réalité elle-même était trop laide pour qu’on ait le courage de la regarder en face. La vie de Drago était toujours aussi sombre et triste, son humeur toujours morose. À chaque matin où il ouvrait les yeux, qu’il sorte d’un rêve agréable ou d’un cauchemar, il ne pensait qu’à mourir. Tuez-moi. Achevez-moi. Le déni de la réalité était si fort qu’il pouvait rester des heures dans son lit, sans dormir, juste à se cacher sous les couvertures.

Aujourd’hui, c’était différent. Il avait dû aller en cours, sauver ces apparences craquelées. Le bal de la Saint Valentin avait été une longue suite de joies et de désillusions où même Drago n’avait su garder une contenance parfaite. Il avait encore beaucoup de choses à apprendre. Mentalement, il ne s’enfermait pas encore assez efficacement. Cela ne l’empêchait pas d’avoir besoin de lâcher du lest. Il faisait des efforts incommensurables pour arriver à vivre une vie à peu près normale, c’est pourquoi ce jour-là, après les cours, il salua ses amis et les prévint qu’il allait faire un tour au stade. Ils étaient libres de le suivre, mais il n’avait pas pour autant dit qu’il allait s’entraîner avec eux. Drago avait simplement besoin de l’illusion de liberté qu’on pouvait avoir en étant sur un balai.

Après être descendu à la salle commune pour récupérer son Nimbus, Drago partit en direction du stade, malgré le froid et le vent. Le temps était clair dans cette fin d’après-midi hivernale, et le ciel commençait déjà à s’obscurcir. Ce n’était pas bien grave, le stade s’illuminait le soir quand il était utilisé.

Il passa par les vestiaires, déposant ses affaires et enfilant sa tenue de Quidditch, spécialement conçue pour le protéger des éléments pendant qu’il s’amuserait à faire des loopings dans les airs. Pas besoin de Vif d’Or ou de Cognards : il voulait juste voler. Penser à autre chose. L’espace d’un instant s’oublier.

Avançant à l’extérieur des vestiaires, il enfourcha son balai et tapa un grand coup sur le sol pour décoller. La sensation du vent sur son visage lui arracha un sourire. Il ferait ses devoirs plus tard, il songerait à Harmony, Yvain et aux autres plus tard, il penserait à sa famille, et à sa mission plus tard. Plus tard. Pas maintenant. Maintenant n’existait pas : il était aussi fugace que le vent, aussi intangible que l’air. Le temps s’était arrêté pour Drago, qui décrivait des cercles au-dessus de la pelouse du stade, de plus en plus vite. Le monde n’existait plus.

Flottant dans les airs, il ne s’était bien sûr pas inquiété que quelqu’un ne vienne l’espionner. Il était venu jusqu’au stade pour se détendre, se défouler, ne plus penser à rien : il n’allait pas rester aux aguets en se demandant si oui ou non il avait du public. Pour une fois, ça lui faisait même du bien de ne pas en avoir.

Cependant, c’était sans compter une intruse d’un genre un peu particulier, celui de la stagiaire infirmière qui outrepassait son rôle en lançant des cognards sur des élèves innocents. On aurait pu croire qu’elle avait un Münchausen par procuration — vous savez, cette maladie où l’on blesse pour mieux soigner… Mais Drago ne l’avait bien sûr pas remarquée, et continuait ses circonvolutions en toute tranquilité.

Le cognard le manqua de peu. Il l’entendit grogner un peu trop tard, et le vit passer à quelques centimètres de sa tête. Cela dit, la boule de métal hargneuse n’allait pas tarder à revenir vers lui, c’est pour cela qu’il se défit de son expression choquée et surprise pour vite plonger en piqué vers le sol et espérer semer cette saloperie de balle.

Il remonta en chandelle le plus vite possible en espérant que le cognard ne s’enfonce trop profondément dans le sol pour le suivre, et il se dirigea ensuite vers les portes du vestiaires. C’est là qu’il la vit. C’était elle, l’assistante de Mme Pomfresh, qui avait à la main la batte du crime. La vile !

Rageur, Drago fonça vers elle et descendit de son balai à la dernière minute pour venir s’expliquer :

— Pourquoi vous faites ça ! Vous voulez que je me blesse !? Vous vous ennuyez à l’infirmerie !?

Même s’il déversait sa colère sur Megan, il n’oubliait pas le cognard qu’il n’avait pas tout à fait semé sur sa route. Il l’entendit grogner derrière lui, et s’empressa de se jeter sur la batte de Megan en espérant le repousser de nouveau. Et si, dans la confusion, il n’arrivait pas à se saisir de la batte, alors il se jeterait par terre en espérant éviter la blessure. Il avait déjà assez mangé de cognards au début du mois, merci bien.

Spoiler:

Non, il n’était vraiment pas d’humeur à ce qu’on vienne lui chier dans les bottes alors qu’il n’avait rien fait. Drago descendit de son balai et s’en prit à Megan qui était venue l’emmerder avec un cognard qu’il avait bien failli se prendre dans la tronche. Dépité, le Serpentard ignora les réflexions de cette dernière — enfin il essaya, parce que le ‘Relaxe Malefoy’ était quand même mal passé — et se précipita sur sa batte.

— Si vous voulez une distraction, je peux bien demander à Rogue de vous en trouver une !

Prenant la batte, Drago se retourna et renvoya le cognard d’où il venait, avec toute la rage dont il était capable. Il était bien, il avait juste besoin d’être seul, de se défouler un peu, mais non. Il fallait que le monde soit contre lui. À ce moment précis, Drago haïssait Megan. Encore plus quand elle se permit une autre réflexion.

— Attrapez-le vous-même. C’est VOTRE problème. Pas le mien.

Sans attendre, Drago se dirigea vers les vestiaires, son balai à la main. Frustré de ne pas avoir pu simplement voler tranquille — du moins, pas plus de quelques minutes — il songea à aller simplement s’enfermer dans son dortoir. Non, il y aurait toujours Blaise pour venir lui parler, ou quelqu’un dans la salle commune pour venir le saouler. C’était vraiment trop demander qu’on lui foute la paix cinq minutes ? Sentant les larmes monter, il fit tout pour les ravaler, et se dépêcha de quitter les vestiaires, direction le château.

O’neill ferait ce qu’elle voudrait avec son cognard, Drago s’en… cognait.

HRP: