Des mots perdus.

C'est un rêve flou et quelque peu floconneux, légèrement perturbé d'une couche neigeuse légère, bien qu'omniprésente. Les personnes s'entremêlent et vivent, crient et s'en vont du rêve en dépit du bon sens, en délit de cohérence. Une tête se dissipe, puis encore une. Le décor vole, perdure le flot de neige, toujours. Les lieux bougent, les personnes se croisent et quittent le temps et l'endroit. Ne reste que cette couche de neige éternelle. Les heures défilent vers le lever du soleil et rien ne fond, simplement les têtes et lieux, viennent et s'en vont.

Curieuse chose qu'est le rêve. Surtout lorsque, en détour de quelques cheminements sinueux, celui-ci explique inconsciemment  qu'une personne est plus que ce que l'on en voit, que notre coeur, ou tout notre être, définit cette personne comme un bonheur entier, un bout de quotidien que l'on se veut de voir, de côtoyer, pour éviter d'en ressentir une peine douloureuse. Le rêve met en exergue, selon différents moyens, des vérités prostrées sous les ténèbres, qu'il explique de ses formules, ses chemins éthérés, ses visions nébuleuses et ses idées disloquées.  

Le rêveur se doit d'en tirer les conclusions, les mots implicitement évoqués, mis en évidence de détours explicites. Le moment venu, où le rêveur pose ses yeux sur les vérités enfouies, il doit en comprendre le sens et ce que conte le folklore, chercher le fil rouge derrière les ombres des péripéties burlesques que distille le rêve, emprisonné vers les limites de l'inconscience.
Le rêveur est le sorcier, et le rêve lui est destiné. Le sorcier joue de tours pour disséquer ombre et lumière et entrevoir le nom qui ressort de ces tempêtes de personnes et d'idées, ce violent n'importe quoi duquel il doit extirper pour seule vérité le contenu réel du rêve, l'obsession, son pourquoi.

Elle. Belle. Celle. Oui c'est elle, qui est le sujet de ce songe, le pourquoi de ce rêve, l'être expliqué minutieusement pour le montrer sous un jour évident pour le sorcier, qu'il voit, enfin, qu'elle est bien présente, peut-être depuis longtemps, prête pour le recevoir. C'est cette déduction qui vient en réponse des questions et du fouillis du rêve, se déposer comme un coussin neigeux pour mettre sur un flot d'émotions un seul et même nom, un dessin de cheveux roux et d'yeux bleus qui bouleverse tout.

Le coeur du sorcier s'élève et entonne un nouvel éloge. Les personnes du rêve s'éclipsent et demeure en évidence ce qu'elles ont dissimulé de ses yeux. L'unique présence, lovée sur le début et le milieu de ce rêve commun, qui porte son nom pour fin et commencement. N'est dissimulé que ce que l'on ne voit ou ce qu'on refuse de voir, puis on ouvre les yeux.
Les personnes se brisent. Les tourments deviennent de simples décors et le décor dévoile l'évidente vérité. Il ouvre les yeux pour quitter son sommeil.
Le sorcier s'en relève, de ce long et délicieux rêve, quelques mots fébriles pendus sur les lèvres : Je me rêve pour toi, Isi...