Des retrouvailles impatientes. | Azphel Lamar

Je ne saurais dire si c'est l'impatience qui parle mais aujourd'hui, je suis plus heureuse qu'un autre jour. Je sais que je vais le revoir, lui parler, l'accabler de mes problèmes... En savoir davantage sur sa naissante amourette que j'espère, cette fois, sérieuse. Je suis toute excitée de sortir de la routine habituelle que me donnait l'école et les soucis qui s'y apparentaient. J'allais tout oublier ou presque le temps d'un après-midi. Ça allait me donner l'occasion de me plaindre à foison. J'allais enfin pouvoir dire ce que je pensais de tous ces garçons autour de moi et obtenir son avis quant à son ami Anton qui était manifestement dans de beaux draps. J'aurais aimé dire que c'était bien fait pour lui mais je n'arrive pas à me résoudre à lui en vouloir davantage... Je dois m'assurer qu'il va bien. Il me manque.

Qu'importe, ce n'est pas à l'ordre du jour. Aussi, c'est en rejetant ma couverture à mes pieds que je me lève d'un bond sur mes deux pieds. Mes camarades dorment encore pour la plupart mais je ne me gène pas pour allumer les lanternes. Je farfouille dans ma malle à vêtements et j'y sors un pantalon marron foncé, une chemise blanche et un cardigan beige. Après une toilette, je m'habille de mes vêtements qui se veulent plus près du corps chaque fois que je grandis.
Je me trouve plutôt jolie, et je m'affuble d'un léger maquillage après avoir séché et coiffé mes longs cheveux bruns. Je mets ensuite des bottes en cuir noirs avec ma cape de la même couleur. J'enfile pour une fois une paire de gants beiges et je me regarde une dernière fois dans le miroir. Je devrais porter une écharpe mais mon si joli minois serait caché derrière celle-ci. Je l'abandonne alors sur la malle et je fais rapidement mon lit avant de monter les escaliers jusque dans la grande salle pour y grignoter un petit déjeuner. Je ne veux pas trop manger, j'aimerais que l'on puisse déjeuner ensemble. Aussi, je prends autant de nourriture sur la table que possible et j'engloutis le tout dans un petit panier en osier préalablement pris dans ma chambre. J'enferme dans des boites du bacon, du pain et dans un thermos je fais couler le chocolat chaud. Je prends deux muffins et je m'enfuis vers le grand hall. Je m'arrête devant le professeur Rogue qui me regarde un moment avant d'incliner la tête et de s'en aller. Il restait mon professeur préféré. J'aimerais être aussi inexpressive et condescendante. Haineuse et fière de ma maison.

Je cours jusqu'aux carrosses qui n'attendent que moi, d'autres élèves se sont hissés dessus et c'est en silence que le voyage se fait jusqu'à Pré-Au-Lard.
Je descends la première et je me rue en courant jusque devant la Cabane Hurlante. Il n'y avait personne et c'est ici que j'ai reçu le premier baiser d'Anton. Du moins, que je lui ai soutiré mon premier baiser. Notre premier. Hi, je rougis à cette simple pensée et je m'assois sur un rocher en attendant mon grand-frère, Azphel.
Je pose le panier en osier sur la neige presque fondue et qui ressemble plus à de la boue qu'à de la neige en soi. Et je croise les jambes en regardant la cabane qui hurle au loin de son bois trop pourri. Il n'y a pas de fantôme là-dedans, juste un étudiant en perdition. Pascoe. Je me demande comment il va.
Je n'ai pas le temps de me poser plus longtemps la question, mon rendez-vous arrive et je me précipite dans ses bras sans un mot, l'enlaçant de mes bras frêles et posant ma tête sur son torse chaud. Ce genre de contact m'avait manqué.

Le mois de février avait semblé bien long, sans revoir Alycia. Mais enfin, l'attente allait être comblée et il allait pouvoir retrouver l'étreinte de ses bras, sa voix critique. Ils allaient refaire le monde et s'échanger leur quotidien, sans rien oublier. Elle était la seule, sa confidente, plus encore que ne l'était Anton. Aly était irremplaçable et malgré son caractère bien trempé, son appartenance plus qu'assumée à Serpentard, il l'aimait profondément. Elle avait toujours été là quand il avait eu besoin et réciproquement, et si le fait d'avoir quitté Poudlard les avait éloigné un peu, cela n'avait pas remis en cause leur profond attachement l'un à l'autre.

Ce jour était frais, couvert d'une timide couche de neige qui disparaissait sous les pas des élèves turbulents. Pré-au-Lard était joli dans son blanc manteau et faisait le bonheur des étudiants de Poudlard venus en nombre pour leur sortie. Azphel s'était habillé chaleureusement, des chaussures montantes et un jean noir, un pull en laine épais et une écharpe de soie crème autour du coup. Sur ses épaules il avait enfilé un épais blouson en cuir marron et refermé la fermeture éclair que de moitié, laissant apparaître son écharpe tombante.

Le lieu de rendez-vous fixé était la cabane hurlante et Azphel se dirigea vers elle avec un peu de nostalgie sur les lèvres. Haveirson était clairement intéressant et l'académie réservait de belle rencontres et opportunités, mais Poudlard recelait de magie et féérie et l'entièreté du château et de ses environs avaient toujours été un enchantement permanent pour lui.
La couche de neige se ramollissait sous ses pas, si bien qu'il avait l'impression de marcher sur de l'eau et de s'enfoncer dedans. C'était assez désagréable mais en définitive pas important. C'était le genre d'inconfort qui le rendait ensuite joyeux à l'idée de retrouver l'académie et de profiter d'une douche bouillante et du plaisir s'éterniser en dessous, ce qu'il ne manquerait pas de faire en rentrant.

S'approchant du lieu de rendez-vous, avec la cabane hurlante en décor, il aperçut Aly assise sur un rocher, un panier à ses pied. Elle se retourna vers lui quand il s'approcha et se leva pour venir lui sauter dans les bras. Il l'étreignit fortement, laissant sa joie de retrouver sa sœur éclater, savourant la chaleur de ce contact réconfortant, qui lui faisait oublier un peu de l'hiver et beaucoup de tracas. Il se sépara d'elle pour déposer une bise sur sa joue avant de la contempler. Aly était belle et son sourire était rayonnant. Il savait que c'était parce qu'ils se retrouvaient enfin. Lui aussi souriait, réellement ravi de retrouver sa compagnie qui l'aidait à occulter tout ce qui l'empêchait de dormir. Ils s'assirent côte à côté sur la rocher et il glissa sa main dans celle ganté d'Aly. La connaissant, le panier devait contenir quelques victuailles pour qu'ils mangent un bout ensemble.

- Ouah, ça me semble tellement loin la dernière fois qu'on s'est vus soeurette ! lui dit-il avant d'incliner la tête contre son épaule. Haveirson c'est bien, mais tu me manques.

Le sorcier posa son regard sur la cabane qui avait quelque chose d'effrayant. La couche de neige accentuait l'impression dérangeante qu'il en avait.

- Même ce tas de bois grinçant me manque je crois ! Passant du coq à l'âne, il poursuivit : Je t'avais vue à la soirée de Saint-Valentin, mais tu avais l'air occupée avec les Serpentards alors je me suis pas incrusté. Sinon, ça doit remonter à janvier. Le temps passe vite... dit-il pensivement, regardant la neige qui fondait sous leurs pieds. Il a du t'arriver mille choses... Comment ça va, depuis ta lettre ?

Il avait relevé la tête de son épaule pour chercher dans ses yeux tout ce qu'elle cachait. Même s'il savait qu'elle se confierait à lui sans soucis. De sa main, il balaya une mèche de cheveux qui tombait devant le visage de la sorcière. Il la regardait avec des yeux aimant et attendris, il la regardait comme sa petite sœur qu'il aimait.
Le froid de mars lui mordait un peu la peau, mais la présence d'Aly lui procurait une chaleur intense et un bonheur indescriptible.

Je suis si heureuse de sentir à nouveau son odeur, je l'inspire avec envie comme une drogue oubliée depuis si longtemps. J'ai les larmes aux yeux. Me rappeler que je ne suis pas faite que de haine est tout de même un certain soulagement. Azphel freine ma démence, l'éloigne de mon cœur meurtri. Oublions ces idées macabres et évoluons parmi les bons vivants. Les biens heureux. Après tout, même les ténèbres avaient le droit d'avoir un moment de détente, et ce moment de détente sera dans ses bras.
C'est toute heureuse que je lui prends également la main, j'ai l'impression d'être enfin devenue importante aux yeux du monde, d'être aimée mieux que je ne le devrai. S'il n'avait pas pris la place de grand-frère, je l'aurais volontiers pris comme petit-ami. Il avait, néanmoins, cette bonté d'âme qui ne m'intéressait pas dans mes projets... Il n'est que l'homme qui m'empêche de sombrer dans une véritable léthargie de démence. Celui qui me réveille, et qui me remet sur les rails de la réflexion. Il est mon mentor, mon cœur battant, mon gardien. Mon grand-frère bienveillant.
Quand nous nous asseyons, je fixe un long moment le visage sans défaut de mon frère. Il est si séduisant que je comprends mieux que personne la passion de sa nouvelle histoire d'amour.

Je le laisse poser doucement sa tête sur mon épaule et je tiens fermement sa main dans la mienne, fixant la cabane du regard comme il le faisait. Me tenant droite, comme un piquet. Ne changeant ma stature digne d'une dame pour rien au monde.

« Tu me manques aussi. »

Je ne suis pas froide mais j'ai toujours eu du mal à parler. Il me manquait tellement qu'au fond, je lui en voulais d'être parti si loin de moi. Je serre sa main plus fort encore, lui transmettant tous mes sentiments d'amour pour lui. Ce n'est pas facile depuis qu'il est parti, je me faisais plus d'ennemi que d'amis.
Avec mon autre main, je lui touche le front traçant une ligne parfaite d'un bout à l'autre. Sa peau me manquait, son odeur, sa présence.
Le bal de la St Valentin. Il s'en était passé des choses à ce bal, fort heureusement je me suis faite une nouvelle amie qui m'a rendue la soirée plus agréable. Entre Drago et son impolitesse, entre Anton et son intervention désabusée, entre Jeremiah et notre éloignement, entre l'arrogance et la fierté de mes confrères de maison... Entre Blaise et Mara. J'avais été bien occupée, en effet.

« J'ai eu pas mal de mésaventures durant ce bal, je suis désolée de ne pas être venue près de toi, j'aurais sans doute passé une meilleure soirée. »

Je laisse un silence s'installer après la petite question, je ne savais plus où me situer. Je suis tiraillée entre la rancœur et le pardon. La première larme, une vraie, silencieuse glisse doucement sur ma joue froide. Je fixe toujours la cabane. Pourquoi était-ce si dur à vivre ? Étais-je trop jeune pour supporter de tel poids ?

« Je veux savoir qui est le elle de sa lettre... Je sais que tu le sais. De qui dois-je me méfier ? Qui dois-je haïr ? Pourquoi n'est-il pas comme toi ? »

Je retire ma main de la sienne pour placer mes deux mains sur mon visage où le masque rigide et froid est tombé.

« J'aurais du t'aimer, toi, depuis le début. Pourquoi lui... Le pire est que je suis tiraillée par son méfait vis-à-vis du Seigneur des Ténèbres... Je suis si inquiète pour lui. Je veux le détester, Az. Le haïr de toutes mes forces... Alors pourquoi ça fait si mal ? »

Je finis par me tourner vers lui et de l'enlacer dans mes petits bras profitant de sa douce chaleur. Le trou béant est une douleur insupportable. Il serait tellement plus simple de détester Anton pour ce qu'il m'a fait subir avec cette lettre.
J'avais vécu tellement de choses, fais tellement de choses. Je n'ai pas fini de pleurer.

« Je... J'ai embrassé un Gryffondor. Je l'aime bien... Mais c'est tout. Un Poufsouffle me tire de ma léthargie aussi. Mais c'est un Poufsouffle... J'ai rencontré un Haveirsonien dans la cabane, il était très étrange mais il m'a marquée... Zabini me manque en quelque sorte... Drago est une fumée que je n'arrive pas à attraper avec les mains... Anton est une véritable obsession pour mon esprit. Pourquoi je me prends la tête avec tout ça... J'aurais du t'aimer, Az, t'aimer comme on aime un homme et non un grand-frère... Regarde où cela me mène aujourd'hui. »

J'enfouis mon visage dans son lourd manteau et j'oublie l'espace d'un instant que je suis l'être sans sentiment. Je laisse mon cerveau se reposer pour sortir ce que mon cœur rêve de hurler. Je finis dans un silence entrecoupé de reniflements hideux.

Aux contacts appuyés qu'elle manifestait, Azphel compris tout le bien qu'il apportait à Alycia. Il était un peu son exutoire, en même temps que son ours en peluche, et était déjà près à subir tous ses câlins et ses gestes affectueux. La tendresse suffit parfois à guérir des maux, ou à défaut, à les alléger de leur poids assourdissant. Et apaiser Alycia lui importait à lui un certain réconfort. Il avait toujours privilégié le bonheur des autres au sien, surtout celui des personnes qui comptaient réellement pour lui, la jeune Serpentard largement en tête.

Leur relation était indescriptible. Elle s'était bâtie autour d'une amitié profonde, rapidement devenue complicité et à chaque fois qu'ils étaient séparés, il ressentait un manque flagrant, un empressement à l'idée de la retrouver. D'aucun aurait dit que c'était de l'amour. Probablement. Un amour amical, quelque chose d'aussi fort qu'indestructible, mais quelque chose qui faisait assurément du bien, comme la douceur de ses doigts, la mollesse de ses bras dans lesquels il se réchauffait le coeur, ou encore ses baisers tièdes et aimant.

Il ne lui en voulait pas pour la soirée de Saint Valentin, lui même s'était exclu du groupe de Serpentard et esseulé dans un coin de la salle ; sa soirée à lui avait cependant bien terminé. Les mots suivant d'Alycia étaient à la fois durs et sensibles, un mélange de peine et de doute. Pourquoi Anton n'était pas comme lui ? Si, ils se ressemblaient pourtant, surement qu'Azphel n'avait pas toujours été un parfait exemple avec certaines femmes. Qui était l'autre ? Dur de lui dire, de tourner le couteau dans la plaie béante qui s'ouvrait sur le coeur de la Serpentard.

Il recueillit Alycia dans ses bras quand elle exprima sa colère, son amour de lui, son incapacité à Haïr Anton. Il laissa les secondes accomplir leur devoir, refouler les sanglots, calmer les colères. Répondre à Aly était compliqué. Il ne se sentait pas capable d'assumer le rôle de poids qu'elle lui donnait dans la balance de ses sentiments douloureux. Elle aurait dû m'aimer ? Rôle bien difficile à tenir, réponse impossible à donner. Trop de paramètres, de peur, de sentiments. Aly était sa soeur de coeur, il se devait d'être son conseiller. Le sorcier déposa un baiser sur la chevelure brune enfouie dans son manteau, n'ayant pas la force de la relever, surtout pas d'affronter son regard et de laisser entrevoir le sien, les tiraillements qui s'y trouvait et les questions.

- Si tu ne peux le haïr, c'est surement que tu as des sentiments pour lui, dit -il d'une voix doucereuse. Je ne sais que te dire. Je lui en ai vaguement parlé, il m'a avoué avoir été con avec toi, avoir surement été trop loin et amèrement le regretter. Il m'a promis d'essayer d'arranger les choses.. Est-ce que cela veut dire qu'il y aura une chance pour vous ? Je ne sais pas. Peut-être que oui, ou que non. Si ça se termine il n'y a que le temps qui t'aidera à l'oublier, tu le sais... Au moins tu es à Poudlard et tu n'as pas à te confronter à sa présence au quotidien, c'est déjà ça... Le elle, je ne sais pas exactement, mais je sais qu'il a des regrets, et pour moi, ça veut dire qu'il tient à toi.

La neige était boueuse et fondait en même temps que la carapace d'Alycia... une couche éphémère que le temps fini par briser. Azphel était un peu pareil, mais avec plus de forces. Il avait l'avantage d'être rarement tombé amoureux et de s'être préservé des peines du coeur, des tourments de l'âme. Mais il devinait que pareille situation ne serait pas sans conséquences sur lui. Il espérait naïvement ne jamais avoir à connaître de chagrin de coeur.

- Je t'aime Aly, dit-il dans un souffle cristallisé par le froid. Je regrette de ne pouvoir guérir tous les maux, je peux juste t'offrir un peu de chaleur.

Disant cela, il resserra ses bras autour d'elle.

- Je suis curieux de savoir quel étudiant d'Haveirson tu as rencontré ? Poudlard te tourmente trop ma belle, je t'ai rarement vue si peinée. J'aimerais t'avoir près de moi à Haveirson, nos conversations seraient plus régulières, je me sentirais mieux que de te voir dans cet état. Toi qui es si belle, si forte, si intelligente. L'Amour ne devrait être que force, en aucun cas faiblesse.

La fatigue de pleurer et les confusions intérieures s'arrêtent en même temps que les mots rassurants de son grand-frères touchent son cœur. Serait-ce donc une bonne idée de lui avouer sortir avec un Poufsouffle ? Azphel n'était pas du genre à faire grande cérémonie des maisons des autres. Il sortait avec tout ce qu'il bouge, touchait à tout ce qui avait un minimum de courbes féminines. C'est amusant en soi, c'était drôle à suivre. Mais j'ai cru comprendre sa lettre qu'une femme hantait ses pensées. Et c'était aussi ce qui m'intéressait.
Pour le moment, je reste la tête enfouie dans son manteau, je suis bien au chaud, un peu comme une grosse couette dans laquelle l'on est emmitouflée un jour d'hiver intense.
Je sèche doucement mes larmes, et me redresse en les épongeant avec mes gants.

« Je t'aime aussi, Az. »

Je renifle bruyamment avec de hoqueter un peu. Je me frotte les yeux laissant le maquillage couler légèrement sous mes yeux, je rigole en même temps que mon menton tremble encore.

« On va penser que c'est toi qui m'a faite pleurer. Ce serait dommage, as-tu un mouchoir ? »

Je souris mais mon vague à l'âme est toujours bien présent. J'ai mal au cœur, tout comme j'aimerais que les choses aient été plus simple. Je regarde mon grand-frère un long moment, perdue dans un dédale de sentiment. Je suis toujours très méfiante quand il s'agit de dire des choses qui me portent vraiment à cœur. Et malgré ses mots concernant Anton, je suis dubitative. Je me mouche et je regarde un moment la cabane.

« J'ai du tourner la page. En fait, je suis actuellement avec le poufsouffle dont je t'ai parlé précédemment. Ce n'est pas vraiment secret, c'est tout récent, je n'en parle pas vraiment. Il a quelque chose que les autres n'auront jamais... J'ai l'impression d'être une autre à son côté. Une autre Alycia, plus joyeuse et chaleureuse. J'ai l'impression que ma folie s'estompe, mais quand je m'éloigne... tout redevient sombre. Glacial. Compacte. Sans saveur. Est-ce ça que l'on qualifie d'amour ? C'est ce que tu ressens pour la jeune femme de ta lettre ? »

Je sors doucement le parchemin roulé qu'il m'avait envoyé quelques jours plus tôt. Je lui tends pour qu'il puisse relire ses mots s'il le souhaitait. Je lui souris et me replonge doucement dans ses bras pour m'y bercer, je donne un coup de pied dans le panier en osier. Je l'ai complètement oublié. Je me redresse et le ramasse en le posant entre nous. Je sors ma baguette et dans des formules simples, deux gobelets se remplissent de chocolat chaud tandis que les boîtes de bacon et œufs brouillés s'ouvrent doucement pour flotter à leur tour dans les airs. Je prends mon chocolat qui me brûle doucement de sa chaleur conservée dans le thermos. Je jette un œil en coin à Azphel et je souris coupable.

« Oui, je l'ai pris à l'école. On ne m'en voudra pas de vouloir prendre le petit-déjeuner en extérieur. »

Je ris gentiment et finit par laisser mon gobelet en suspend, prenant un bacon dans la boîte face à moi.

« Alors je t'écoute, qui est-elle ? »

Je ne voulais pas que l'on passe notre temps à parler de mes larmes. C'était toujours comme ça avec moi, je pleurais dans les bras d'Az, je me plaignais. J'annonçais ma décision, mes mots étaient durs ou froissés après avoir été mielleux et cassés. Ensuite je passais à autre chose, comme si tout cela n'était qu'un songe. Je veux en apprendre davantage sur la vie de mon frère, au diable le reste. Anton pourra se rattraper comme il veut, cela ne changera rien à ma position prise. J'ai besoin de bonheur, j'ai besoin d'évoluer et de grandir... Même si mes convictions restent intactes et noires de ressentiments.
Oubliant mes tracas avec les garçons, ma culpabilité pour avoir jouer avec eux. Je me concentre davantage sur Aaron, occultant ce qui pourrait pourtant m'aider à gravir les échelons de l'aristocratie de sang pur.

Azphel resta un moment de marbre devant à la tristesse d’Alycia, pantois face à la faiblesse des mots qui ne peuvent pas tout soigner. Il se contentait de la garder blottie dans ses bras, à l’abris des agressions extérieures et des chagrins plus violents.  La Serpentard n’aimait surement pas la position dans laquelle elle se trouvait, vulnérable et atteinte par les coups de la vie. Il savait sa grande force ébranlée, il savait aussi la réconforter juste en étant là et c’était ce qui comptait.



« On va penser que c'est toi qui m'a faite pleurer. Ce serait dommage, as-tu un mouchoir ? »
Azphel sortit un mouchoir de sa poche et le tendit à la sorcière.

- Peu importe ce que croient les gens, on sait tous les deux que je te ferais jamais pleurer. 



Il déposa un autre baiser sur son front, affectueux, et perdit son regard vers la Cabane alors qu’Aly faisait de même. Puis sa soeur se ressaisit, reprit la parole et évoqua un homme… le Poufsouffle dont elle lui avait parlé ? Qui était-ce ? La lueur bienveillante du regard d’Azphel s’estompa au profit du doute et de la suspicion. Il aurait voulu voir la personne en chair et en os, voir ce qui se dégageait de ce garçon, voir s’il semblait mériter Aly…

Elle paraissait le croire en tout cas, puisqu’elle évoqua son rayonnement en sa compagnie, et le regard d’Azphel s’adoucissait quelque peu sur le visage de sa soeur. Etait-ce ce qu’il appelait l’amour, ce qu’il ressentait pour Isia ? Il se contenta d’ouvrir la bouche et de choisir, faute de mieux, de contempler minutieusement la Cabane grinçante plutôt que de répondre.



Alycia avait apporté avec elle le parchemin qu’il lui avait envoyé, l’arrachant à son admiration de la Cabane hurlante. Les mots qu’il y avait inscrits étaient éloquents et témoignaient de la force de ce qu’il ressentait pour la rousse. Il relut sa lettre, deux, trois fois, alors qu’Alycia, par des gestes calculés de sa baguette, faisait sortir un petit déjeuner copieux du panier qu’elle avait apporté, remplissant deux gobelet d’un chocolat chaud fumant.



« Oui, je l'ai pris à l'école. On ne m'en voudra pas de vouloir prendre le petit-déjeuner en extérieur. » dit-elle pour s’innocenter de la culpabilité.



Azphel s’empara de son gobelet et le garda un long moment entre ses mains avec l‘impression de détenir quelque chose d’inestimable par ce temps neigeux. Le sorcier s’empara d’oeufs brouillés dans la boîte alors qu’Alycia lui demandait qui était la fameuse sorcière de sa lettre. Dès l’instant où elle le lui avait ressortie il avait deviné qu’il n’échapperait pas à un interrogatoire scrupuleux de la sorcière. Il feignit un moment ne pas avoir entendu, et s’occupa à déguster ses oeufs, à se réchauffer de son chocolat. Il prit finalement ses responsabilités et se tourna vers elle.



- C’est une amie à Abraxan… Je dis « amie », parce que j’aurais pas pensé qu’elle pourrait être plus… Je me rappelais d’elle à Poudlard.. Et puis, tout s’est passé rapidement, le soir de la Saint Valentin. On a réellement discuté pour la première fois je crois ! Et l’on s’est retrouvé plus tard ce soir là dans la forêt qui jouxte Haveirson - totalement par hasard ! jugea-t-il utile de préciser. Il reprit son gobelet pour tremper ses lèvres dans la chaleur liquide. Et voilà, on a discuté jusqu’à l’aube… On s’est embrassé et je crois qu’elle me plait vraiment, et que c'est réciproque. Mais y a un hic… Le regard d’Azphel s’était assombri et posé inutilement sur le panier de victuailles. Isia - c’est son prénom - est issue d’une famille aristocratique qui est attachée à…. une certaine forme de tradition. Elle est tenue, par un Serment inviolable, de se lier magiquement à un autre. Du coup… dit-il en suspendant sa phrase, je ne sais pas, on ne sait pas. Tout aurait été plus simple si on ne ressentait rien mais plus le temps passe et plus je suis convaincu que c’est réciproque et que ça prend de l’ampleur. Il s’est passé même plus quelques jours après.. en fait, on a été mis dans la même chambre elle et moi à Haveirson, ce qui n’aide en rien, même si au moins on peut profiter de l’un de l’autre.



Le regard d’Azphel avait complètement fuit celui d’Aly. Il savait sa situation atypique et en balance, et devinait qu’une personne qui l’entendait tel qu’il l’expliquait aurait sans doute des dizaines de questions à poser. C’était Alycia, il ne lui en voudrait pas, mais à défaut de se dérober, il s’échappa à son regard pour souffler, pour penser à autre chose.



- Pour le moment, on en parle à personne, ça ne doit pas se savoir. Tu es une exception, parce que ton avis m’importe, lui dit-il en retrouvant son regard.

Le silence qu'il fait, et ce pesant à mesure que je trifouille mon panier me gêne. Est-ce là quelque chose de honteux ou difficile à avouer quand l'on sait qu'il a écrit, je ne sais combien de sentiments amoureux et très mielleux dans sa lettre ? Non pas que cela me dérange, même si je n'en suis pas plus sensible, mais je ne comprends pas cette gêne tout à coup. Je feins de ne pas patienter avec une once d'énervement, je mords le bacon, je bois en même temps que lui, je regarde même tout autour de moi pour me divertir le temps qu'il lise et relise encore cette lettre qu'il a écrite avec ses mots. Ses propres mots.
Je bouillonne, je suis encore sous le coup de mes émotions et de la complexité des relations que j'entretiens avec un peu trop de garçons, même si j'ai fini par suivre un chemin - totalement différent de ce que j'aurais imaginé au départ -, je suis encore perturbée par les mots et les gestes des autres. Pas que je les apprécie, mais parce qu'ils ont une signification particulière... qu'ils jouent tous un rôle dans ma vie, d'une façon ou d'une autre, je ne peux pas les jeter comme on jette un vieux mouchoir. J'ai besoin d'eux. Quitte à en blesser certains, je suis juste accabler par la culpabilité. Et ce sentiment là me dérange plus que n'importe quel autre sentiment désagréable.
Je n'avais pas de sentiment avant, à part pour Azphel, pour qui mon amour n'était pas en lien avec ce que je recherche. C'était unique, fraternel, pas besoin de m'en accommoder. Là, là c'est différent, j'ai peur qu'Aaron me juge. Et je déteste ça parce que...

Je tourne vivement la tête vers Azphel alors que mon gobelet survole ma jambe. Je fronce les sourcils, l'écoutant d'une oreille. Je relâche ma baguette et désincante mes sorts. Je regarde mes boîtes et je vérifie le ciel. J'attends patiemment avec une pointe d'angoisse. Je me répète plusieurs fois : Je ne suis pas devant des moldus, je ne suis pas devant des moldus... Le Ministère a d'autres chats à fouetter que McWood qui fait des sorts de lévitations à Pré-au-Lard... Puis je me retourne à nouveau vers Azphel qui  m'a posé une question, je cligne plusieurs fois des yeux et je souris en coin de manière à paraître sûre de moi, alors que ce n'est pas le cas. Je n'ai pas tout entendu. Mais je devais faire la petite soeur parfaite, alors autant prendre les éléments dont on se rappelle pour en faire une sorte de résumé et de se laisser hasarder sur un avis que l'on a pas.

« Quel avis ? Tu sais que je ne juge pas, Azphel. La seule chose que je peux déterminer c'est que ton sérieux est étrange alors que l'on sait que tu n'es pas du genre à vouloir te poser. Es-tu attiré par le fait de pas pouvoir l'atteindre ou l'aimes-tu vraiment ? ... Non, oublie, qui est l'homme avec qui elle doit se lier ? »

Bien que je n'en ai pas grand chose à faire, je ne veux pas non plus qu'Azphel se voile la face juste pour les beaux yeux d'une femme qui ne semble pas faite pour lui. Du moins, qui ne lui soit pas destinée. Je bois une gorgée du chocolat chaud en gardant un œil hagard sur le ciel blanc et menaçant.
Et je n'ai pas tort de dire qu'il est menaçant, de légers flocons commencent à tomber avec douceur sur le sol. Je soupire, et me rapproche de sort à me coller au flanc d'Azphel. Les boîtes rangées dans le panier, j'en prends une comme une simple moldue pour me servir à nouveau en bacon. Je déteste être associée à cette race immonde.

« Si je peux donner mon avis, ce serait en connaissance de cause. Aaron, par exemple, est le genre de relation que je tiens secrète. Je ne mens pas, je ne m'en dérobe pas, je l'assume en soi mais je ne le divulgue pas. Qui cela intéresse de toute façon... Ne serait-ce pas plus simple que tu vives cette relation sans te prendre la tête ? Le serment inviolable la lie par le mariage, c'est cela ? Est-ce que cela englobe les sentiments, le toucher ? Je ne pense pas. Tu ne l'as pas demandé en mariage, si ? Alors profite, plutôt. Se prendre la tête, ça craint. »

Blaise a raison, je parle trop. Je souris, je n'ai pas l'habitude de parler aussi familièrement mais je trouvais ça approprier et amusant. Je sais que se prendre la tête ça craint, même plus que l'on ne peut le croire. Je n'aime pas cela, moi qui d'habitude ait un contrôle sur tout. Je pose ma tête sur son épaule en gardant le gobelet entre mes mains et le bacon sur les genoux. Je regarde le lointain alors que la neige continue de se poser avec délicatesse sur sa couverture défraichie, je reste néanmoins attentive au moindre hululement. C'est bon d'être à la maison.

Du coin de l'oeil, Azphel voyait bien qu’Aly s'impatientait, prenait son mal en patience en cherchant à s'occuper les mains. C'était typique d'elle, dès lors qu'elle souhaitait avoir une réponse à quelque chose, son esprit se focalisait dessus et la condamnait au supplice. En même temps, parler d'Isia n'était pas une habitude pour lui, pourtant en griffonant le morceau de parchemin qu'il venait de rendre à la sorcière, c'est bien ce qu'il avait cherché, ses avis, ses critiques ou son réconfort. Ils étaient là l'un pour l'autre, ce qu'Aly en penserait était intéressant.



Et pour ne pas changer de l'ordinaire, la Serpentard avait raison. Azphel médita les réponses de la sorcière et hocha vivement la tête, ce n'était pas dans ses habitudes à lui d’entrevoir une relation concrète, encore plus quand celle-ci semblait être aussi fermée que ce qu'elle était avec Isia. Anton penserait plus ou moins la même chose, l'affirmerait peut-être même avec plus de détachement.
 Il préférait les conseils de sa petite soeur plutôt que son meilleur amis sur ce coup-là.
Il sentit Aly qui venait se blottir près de lui et il força leur contact. Il regrettait que Poudlard et Haveirson les empêchent de se voir plus souvent et de profiter de l'autre et surtout des conseils et critiques, même acerbes parfois. Il n'y avait à l'académie personne qui équivalait Alycia en importance, et c'était là bas ce qui lui manquait le plus. Poser des mots dans des carnets ne l'aidait pas à se faire un avis clair et Anton restait limité, d'abord parce qu'il avait choisi de ne pas lui parler clairement de son histoire avec Isia et ensuite parce que son ami avait d'autres chats à fouetter.



Le sorcier passa son bras autour des épaules de la Serpentard, remettant au passage une longue mèche de cheveux bruns de la sorcière en place.

- Tu as raison, encore, soupira-t-il. Au début, je me demandais ce qu'il y avait entre elle et moi, si c'était pas qu'une simple attirance. Je sais maintenant que non, je le ressens au manque que j'ai d'elle et au plaisir de la retrouver.. Est-ce que ça aboutira ? je ne sais pas, je pense que la situation ne devrait évoluer avant longtemps. Je crois que ça pèse sur ses épaules à elle aussi, je me demande si un jour elle fera le choix de m'abandonner ou si elle entreprendra tout pour me garder... Mais j'essaie de ne pas trop y penser, de profiter. Quant à celui avec qui elle "doit" se lier, je ne le connais pas ou alors je le sais pas. Mais je crois que c'est un héritier de bonne famille, surement un aristo'.



Azphel n'avait rien contre les sorciers issus de l'aristocratie, même s'il se sentait totalement étranger à leur univers et complètement décalé par rapport à certaines coutumes vieillottes. L'Abraxan acceptait tout le monde par nature, même s'il comprenait de plus en plus que le monde autour de lui avait tendance à exclure cette vision des choses.



- Ne t'en fais pas, nous ne sommes pas sans nous toucher, ricana-t-il après une pause, sinon je ne pense pas qu'elle aurait été si présente dans ma lettre ! C'est compliqué mais nous nous voyons. Qui est donc cet Aaron ? Parle moi un peu de lui que je sache qui est ce garçon qui a réussi à donner quelques sourires à Alycia McWod.



Azphel rigola franchement, pour lui montrer qu'il la taquinait. Néanmoins, il était soucieux d'en apprendre plus sur cet énième sorcier à tenter d’attirer sa soeur dans ses bras. C'était un nom de plus qui n'avait pas intérêt à blesser la Serpentard, ou ça risquait de très mal finir pour lui. Azphel avait un tempérament plutôt calme et conciliant, mais plus les années passaient et plus il sentait monter en lui une certain colère, qui avait tendance à s'accentuer dès lors qu'on s'en prenait à quelqu'un qu'il aimait ou quand il se trouvait  face à une grande injustice. Il sentait que viendrait un jour où il ne se contrôlerait pas et où tout sortirait. Il se demandait à quel point les choses dégénèreraient ce jour-là.

Mon frère semble sûr de lui et de son choix, malgré toute l'assurance de sa voix, j'y décèle néanmoins une certaine inquiétude qui en dit long sur les sentiments sincères qu'il ressent. Ce n'était pas habituel, mais un Azphel sérieux n'était pas déplaisant, bien au contraire. Bien que parler d'amour ne soit pas véritablement ma tasse de thé, je suis soulagée qu'il ait trouvé chaussure à son pied, même si cette chaussure était étroitement lié par un sort à une autre chaussure en désaccord parfait avec cette dite chaussure.
Je fronce les sourcils en visualisant l'image des chaussures et je me demande depuis combien de temps je suis aussi avisée sur les histoires d'amour. Je tourne doucement la tête vers son visage si accablé par l'inquiétude. Des choses terribles se préparent, une histoire d'amour ne devrait pas être le cadet de ses soucis, ou alors il y avait quelque chose dont il ne voulait pas me parler.
Les aristocrates étaient en effet de ceux à se marier sur des mariages arrangés, ce ne serait pas étonnant. Mais il y a toujours moyen de s'en sortir d'une manière ou d'une autre... Ou alors il passera sûrement à autre chose avant que cette possibilité ne soit envisagée.

Je plisse le nez quand il me demande des informations sur mon petit-ami, je savais que je n'y couperais pas. Je soupire en le poussant avec mon épaule. Je ne peux rien lui cacher alors autant entrer dans le vif du sujet.
Je souris et le tape avec le point.

« Wood, Wod ça veut rien dire. Prononce mieux mon nom si tu ne veux pas que je te change en poussière. » Je me mets à rire en gardant malgré tout une attitude rigide. Un rire oui, mais pas de maladresse, toujours une justesse. « Il s'appelle Aaron Newton Powell, il est en cinquième année à Poufsouffle. Bien que je déteste sa maison... Il est spécial. Je me sens ... vivante avec lui. C'est drôle quand chaque jour j'ai l'impression que je vais mourir. »

Je croise les mains sur mes cuisses et je regarde la Cabane au loin. Je ne me suis pas rendue compte que mes sentiments étaient si profonds. Avec tout ce que je vais devoir faire, ne suis-je pas en train de le mettre en danger ? Ne me tournerait-il pas le dos si je lui annonçais être du côté des mangemorts... Même Azphel l'ignore, bien que mon penchant pour les ténèbres ne soit un secret pour personne tout comme ma haine des moldus.
Je vais devoir les protéger tous les deux contre le mal qui grandit en moi.
Je ne sais pas ce que je ferai si Azphel devait me tourner le dos. Je pense que je perdrais une part de mon humanité. Je pose mes yeux verts sur son visage si doux et familier et j'y pose une de mes mains glacées. Je suis le contour de sa barbe de trois jours qui le rend plus homme, et je penche la tête sur le côté en le contemplant en silence.

« Je t'aimerai toute ma vie, Azphel. Ne l'oublie jamais. »

Et je murmure une nouvelle fois le mot jamais avant de laisser glisser ma main dans le vide, le regard perdu et triste. Je tente de faire bonne figure et je souris légèrement.

« Aaron me rend heureuse, et j'espère qu'il acceptera ma part d'ombre. »

Car contrairement à tous ceux qui me tournent autour, personne n'est en mesure de me faire sourire comme il le fait. Car contrairement à tout ceux desquels je tourne, personne n'est en mesure de pouvoir me faire dire je t'aime et me soutirer des sentiments autre qu'égoïste.
Blaise, Drago, Anton... Anton. Personne ne m'a plus blessée que lui, mais Aaron a pansé cette plaie avec un amour que je ne définis pas.

Aly, pour le soulagement d’Azphel, avait choisi d’arrêter ses questions sur Isia. Il devinait à ses regards et les expressions de son visage qu’en elle bouillaient des doutes, mais elle devait estimer que le temps était venu de répondre elle aussi aux questions qu'il se posait, et de lui laisser un peu d’intimité. C’était appréciable, même si le sorcier devinait qu'elle n’en attendrait pas moins en retour, qu'intérieurement elle ne le souhaitait pas trop intrusif. Cela faisait partie des codes de l’amitié passés sous silence, des choses qui se faisaient naturellement quand deux confidents étaient aussi proches qu’Azphel et Alycia.



Le fameux Aaron était donc de Poudlard, un an de plus qu'elle, de Poufsouffle, informations assimilées et enregistrées. Azphel n'en demeurait pas moins méfiant, voir Aly « tomber amoureuse" si peu de temps après la souffrance qu'elle avait ressenti avec Anton, c'était compliqué. Il avait du mal à ne pas penser, en fait, que le Aaron en question avait surement abusé de son chagrin pour récolter ses beaux yeux. Et un mec qui ferait ça à Aly risquait de passer un sale quart d'heure quand l’Abraxan l’apprendrait. Anton c'était différent, c'était son bro, son ami de toujours. Mais un morveux de quinze ans ? Il avait intérêt à faire très attention à ce qu'il allait faire avec Alycia s'il tenait à ses dents.

Azphel laissa son regard courir sur les courbes de bois de la cabane, songea que ses pensées violentes ne lui ressemblait pas, ne ressemblaient pas à la personne qu'il souhaitait devenir. Sa relation avec Aly était si particulière qu'il ressentait de la jalousie et beaucoup méfiance envers les garçons qui partageaient sa vie.


Les instants qui suivirent firent naître des sentiments bien opposés chez le sorcier. Il avait laissé Aly dans son silence, acceptant le pacte silencieux qu'ils avaient conclu de ne pas en demander trop sur leurs amours, mais elle revint vers lui étrangement. Sa main glacée sur sa joue déclencha un frisson dans tout son corps, mais il l’acceptait sans soucis. c'est ce qui suivit qui le dérangea davantage, l’expression profonde dans les yeux d'Alycia, la fermeté de ses traits qui montrait qu'elle était tout à fait sérieuse

« Je t'aimerai toute ma vie, Azphel. Ne l'oublie jamais. »

Quelque chose en Azphel se bloqua. Ses membres, son coeur peut-être. La phrase ressemblait à un adieu, ou du moins des mots destinés à le préparer à quelque chose d'imminent et qu'il n'aimerait pas forcément. Elle étouffa le mot jamais une deuxième fois, avant de laisser son regard perdu se dérober. Les lèvres d’Azphel hésitèrent et s’ouvrirent. Il allait dire quelque chose, il devait répondre quelque chose. Il ne sût pas quoi dire. La phrase d’Aly ressemblait à une séparation, à une peur virale de le perdre, ce qui normalement n'avait aucune raison d’arriver. La phrase qui suivi lui bloqua la parole, accentua la désagréable impression qu’Aly lui annonçait quelque chose de terrible, alors que ça ne restait que de simples mots d'une déclaration d'amitié…


« Aaron me rend heureuse, et j'espère qu'il acceptera ma part d'ombre. »

Pourquoi la serpentard parlait-elle de sa part d'ombre comme cela, pourquoi avait-elle peur de le perdre ? De les perdre ?
Bien sûr qu’Aly était la Serpentard parfaite, qu’elle était ambitieuse et qu'il l'avait toujours connue ainsi, qu'il savait qu’elle avait un penchant pour la magie noire… Mais…
Mais c'est tout, n’est-ce pas ?

Elle n'aime pas les moldus. Moi je les aime, ma mère est moldue, elle le sait.


Azphel avait toujours su, que lui, pouvait ou risquait un jour de faire une bêtise, de s'en prendre à quelqu'un, soit par trop plein de colère, soit parce qu’on aurait touché à quelqu'un qu'il aime (Anton et Aly en tête). Il savait que ça risquait d’arriver, et qu'un jour il serait confronté à sa part d'ombre. 
Mais pour lui, Aly était l’exacte inverse, et il avait toujours cru qu'elle se verrait confrontée à la part de Bien en elle... Il avait toujours cru, qu'à son contact, elle changerait en bien…

Ses deux dernières phrases résonnaient comme le constat évident de son échec. 



Les yeux rivés sur les toits de Poudlard au loin, ses lèvres s’entrouvrirent, crispées :


- Je suis sûr qu’il t’acceptera telle que tu es. Il faudrait être fou pour ne pas aimer Alycia McWOOD. (il insista bien sur son nom, pour se détendre plus que pour la faire rire).

Je t’aime comme tu es, dit-il en réussissant timidement à replonger son regard dans le sien.



Les mots sonnaient vrais, mais son coeur tremblait qu’ils ne se fanent trop tôt.

Personne n'était sans savoir que je vivais exclusivement dans l'ombre et n'aimait que peu me laisser bercer par la lancinante lumière. De ces pseudos héros qui pensent que tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, sauf les vrais sorciers qui ont un brin de fierté pour leur intégrité. Renier ainsi ses origines et vivre dans la peur du monde moldu... C'est d'un triste, non ce n'est pas triste, c'est seulement pathétique.
Lord Voldemort a beau avoir assassiné nombres de sorciers et sorcières qui luttaient contre lui, ce n'était que pour la noble cause. Celle de redorée le blason d'une ligné d'être supérieurs, qui vaut mieux qu'une race qui veut exterminer celle qui aurait du dominer le monde. Et au lieu de cela quoi ? Nous nous cachons de ce monde ? Imposture, lâcheté. Voilà tout.
Ces manifestations anti-sorciers, les débordements et la Guerre Sorcier-Moldu. Ces pro-Dumbledore qui se ligue même contre nous, sorciers. Traître à leur sang, à leur intégrité, aucune fierté... Je n'ai que du dégout pour ce genre de personnage.

Néanmoins, je lis dans le regard d'Azphel une tristesse plus profonde, comme embrumé par mon ombre et ma noirceur qu'il a du ignorer depuis si longtemps. Je n'ai jamais mis de côté une part de bonté, si j'étais avec Aaron ce n'est pas par intérêt mais bien parce que je ressens quelque chose de profond pour lui, quelque chose d'inconnu. Une intensité nouvelle dans ma vie, qui pourrait peut-être m'aider à y voir plus claire dans ma haine. Mais ce n'est pas tâche facile, car la rancœur me mange depuis si longtemps alors que l'envie de pouvoir s'accroit à mesure que ma rancœur me dévore.
Je sens bien que l'heure n'est plus à déjeuner, ma tasse est vide et mon ventre est douloureusement noué.
Les mots qu'il me dit me touche mais pas assez, je ressens une gêne ou une réticence à mon égard.
Je ne suis pas réputée pour être la meilleure amie de tout le monde bien au contraire, même mes amis avaient du mal à me supporter longtemps. Ai-je des amis ? ...

Je ramasse ce qu'il reste sur le sol et je ne peux m'empêcher de plonger mes yeux tristes dans ceux bouleversés de mon aîné. Le masque tombe et le chagrin m'accable.

« Tu te fourvoies. Tu ne l'accepteras pas si un jour j'agis mal... Je ne dis pas que je le ferai. Mais n'oublie pas que je n'ai pas changer mon opinion... Tu sais que ma mère me déteste autant que je la déteste. » Je ravale un sanglot, le menton tremblant, je m'efforce de garder ma dignité. « C'est tour récemment que j'ai appris qu'elle participait aux manifestations anti-sorciers. J'imagine qu'elle fait comme moi, je n'existe plus à ses yeux comme elle n'existe plus maintenant... Je serai sans pitié. »

Je prends le panier en osier dans mes mains, accompagnant mes mots durs d'un geste de la main évasif. Je remets une mèche de cheveux rebelle derrière mon oreille, et laisse couler une larme le long de ma jour. J'aurais aimé avoir une mère qui m'aime... Mais elle est comme les autres, fourbe, avide de pouvoir... Faible et lâche.

« Je ferais mieux de rentrer, c'était un plaisir de te retrouver, Grand-frère. »

Les derniers sont prononcés difficilement comme si c'était la dernière fois que j'allais les prononcer. D'une promesse intenable, d'une caresse éphémère sur un visage... Le vent accompagne ma démarche lente. Je veux juste m'endormir un peu, oublier ces sentiments dévastateurs.
L'amertume de la vérité si longtemps dissimulée. Je vais bientôt agir et rejoindre ses rangs, mais je suis prise d'un élan de lâcheté, car ce n'est aujourd'hui que je vais lui avouer.
Je marche lentement pour, dans l'espoir, qu'il me rattrape et me sert une dernière fois dans ses bras. A quinze ans, est-ce normal d'être aussi accablée par le tourment d'une vie à décider ?
D'une conversation légère, nous voici sur des révélations trop douloureuses. Il aurait été plus simple de lui raconter la première fois qu'elle avait embrassé Aaron, oubliant, durant ce bref instant, la terrible certitude d'un coté si obscure.

C’était comme tout un monde qui se mettait en branle, des dalles sous les pieds d’Azphel qui se fissuraient au moindre de ses pas. Le visage, les sanglots étouffés, les traits d’Alycia déformaient l’image qu’il avait d’elle. Ses émotions trahissaient une évidence, une ombre, enfouie au plus profond d’elle, s’embrasait et s’élèverait un jour. Jamais le sorcier n’avait eu pareille certitude la concernant, jamais il ne s’était imaginé pressentir qu’Alycia McWood enlacerait de ses bras le côté obscur de la magie…

Pourtant, le doute s’élevait en lui, telle une flamme qui tendait à devenir brasier.


La Cabane hurlante dans le fond, semblait crier sa peine elle aussi, grinçant de manière sinistre, les échos du bois se mêlant au chant léger du vent ambiant. Azphel se questionnait, sur ce qu’il avait fait pour Aly, ou ce qu’i n’avait pas fait justement. Pouvait-il encore inverser la tendance, repousser la noirceur qu’il sentait venir en sa soeur de coeur comme une évidence ? Elle ne pensait pas qu’il l’aimerait toujours. Aveu horrible et cinglant, témoin du coeur si fragile de la jeune fille, mais pourtant si sombre… Elle se trompait, il pourrait lui pardonner bien des choses tant elle était importante à ses yeux, mais c’était difficile de le lui dire maintenant, alors qu’elle tout autant que lui, semblait deviner un changement imminent, comme un événement funeste qui viendrait ébranler leur relation.


Le panier en osier avait regagné les mains fragiles d’Alycia. C’est ainsi que se terminait leurs retrouvailles, des sous-entendus qui menaçaient l’avenir de leur relation et un départ précipité ? Non, ce n’était pas ce qu’il souhaitait, ce n’était pas ce qu’ils souhaitaient. Leur histoire valait beaucoup mieux que ça, ils n’étaient pas devenus si proches l’un de l’autre par hasard, et il connaissait tout des ambitions d’Aly. Bien sûr, si elle devait réellement devenir si sombre que la conversation le laissait penser, ce ne serait pas simple… Mais qu’y avait-il de simple, en ce moment, dans la vie d’Azphel ? 



Alycia se levait après une trop brève étreinte, après un moment trop court. Finalement, il se décida à la rattraper, lui pris la main avant de la serrer contre lui. Leurs moments étaient toujours trop courts, qu’ils soient heureux ou douloureux, comme celui-ci. Ses avis lui manquerait toujours, autant que ses critiques, ses larmes et ses sourires. Après une longue étreinte, Azphel avait retrouvé le sourire et plongeait ses yeux émeraude dans le regard de la brune, tendrement.


- On se revoit bientôt ma belle, quoi qu’il nous arrive dans nos vie, d’accord ?



C’était une promesse, pas une question.