Cours DCFDM : Sortilèges informulés

Il s’était levé d’un bon aux environs de sept heures, le corps tremblant de rêves licencieux et de songes extatiques. Ceux qui, en percevant la frêle silhouette à peine réveillée de sa précieuse alliée, s’étaient violemment empourprés de gêne et d’intérêts. Et sa conscience n’était pas encore remise de tous ces détails, que le septième année avait littéralement fuit la salle commune de Serpentard.

Bon. Là-dessus, il n’était carrément pas parfait ; raison de plus pour passer sous silence les pensées franchement cocasses qui l’assaillent de bon matin. Genre. Harmony. Vêtue de... Ouais. Non. Continuer sur ce chemin s’avérait être tout sauf une bonne idée.

Par chance – malchance, selon d’autres – lui et ses compères avaient de quoi se distraire l’esprit d’ici peu : un cours de défense contre les forces du mal. Sous l’égide avisée – d’accord, pas vraiment – du grand Severus Rogue. Un professeur si partial et aimant envers ses chères petites têtes blondes... Ok. Personne ne se laissait prendre trois secondes par ça. Impossible.

Bref, après s’être coiffé rapidement dans les toilettes, Yvain avait filé à l’enseignement à la fois redouté et attendu par la plupart des élèves de Poudlard. Non sans un sourire envers ses pairs, il s’installa au troisième rang. Ah. Oui. Ne pas oublier. Sa joie se mua progressivement en dégoût face aux représentations morbides accrochées un peu partout. Ça en devenait presque malsain, en fait.

Les premières informations qui échappèrent à leur sombre aîné lui rappela intérieurement quelques histoires ; celles formulées à voix basse par son père au coin du feu, sur les maléfices employés lors de ses missions. En l’état, il ne perdait rien à avancer une réponse, non ? La voix tremblante et angoissée, tel qu’on s’attendait à la trouver chez lui. Le joyeux et bon Yvain.

Seulement, il se retint de justesse ; mieux valait attendre qu’un quelconque audacieux s’intéresse à la question. Plutôt que lui. D’entrée de jeu.

C'est à peine réveillée ─ ou pas forcément lucide, qui sait ─ que la blonde déboula dans la salle déjà assombrie par les soins de leur directeur de maison. Il était difficile, voire impossible d'apercevoir la moindre source de lumière extérieure. Pourtant ; la salle, parfaitement éclairée, laissait les élèves reconnaître la silhouette droite & froide de Severus Rogue. Du toujours très joyeux professeur de Défense Contre les Forces Du Mal. Cette pensée suffit à Charlie pour la faire sourire, cette dernière prenant stratégiquement place ni trop près, ni trop loin du persécuteur.

Parce que ; cette matière était l'une des rares qu'appréciait la Serpentard. Alors se faire remarquer ou ne rien entendre ne lui apportait aucune connaissance, et donc ne l'aiderait pas. Pour une fois qu'elle était motivée, mieux valait ne pas la décourager.

Elle déposa sans aucune délicatesse son sac, et prit place à une table non-occupée, écoutant attentivement les paroles prononcées par le directeur de Serpentard visant bien évidemment à froisser la maison des rouges & or. Charlie sourit, arrogamment ; même si c'était quand assez faible. Mais bon, c'était dans ses habitudes de ne pas voler très haut dans ses insultes.

Puis, vînt rapidement la question principale du cours ; les sortilèges informulés. Bien sûr, c'était au programme, que l'adolescente avait pour une fois lu en intégral. La réponse était évidente. Mais elle ne prendrait certainement pas la parole la première. Tenant trop à sa réputation ; il suffisait de dire quelque chose de travers, pour se faire écraser par leur grand professeur. Il ne la manquerait pas. Alors elle se tut, attendant qu'un élève plus courageux intervienne. Avec un peu de chance, ce serait un Gryffondor.

Le professeur Rogue, en dépit de ses méthodes d’enseignement parfois douteuses, était sans doute son professeur préféré. Sans doute parce que c’était son Directeur de Maison, et qu’il s’agissait d’un titre important, d’un rôle qu’il avait toujours rempli avec beaucoup d’intérêt ; car si Daphné était assez lucide pour déceler le favoritisme qui pesait sur la maison des Serpents lorsqu’ils étaient dans un cours commun avec les Gryffondor, elle préférait s’attarder sur l’attention accrue qu’il leur portait lorsque les élèves de sa maison venaient requérir leur aide.

Le mouvement de tête – gracile, qui fit glisser ses boucles blondes sur son épaule – qu’elle lui adressa n’était pas une simple salutation ; car pour elle, le professeur Rogue avait toujours représenté les valeurs de la Maison qu’il dirigeait, refusant de laisser tomber les Serpents qui venaient réclamer son aide. Elle avait été une d’entre eux, et il n’y avait aucun doute sur le fait qu’elle ne serait pas dans cette salle aujourd’hui – qu’elle n’aurait plus aucun espoir à nourrir quant à son avenir – s’il n’avait pas été là. C’était une façon de montrer le respect profond qu’elle éprouvait pour lui.

Prenant place aux côtés de sa meilleure amie, elle sortit ses affaires avant de faire nonchalamment rouler sa baguette entre ses doigts, s’habituant peu à peu à ce bois et ce cœur nouveaux, difficiles à manier et à comprendre – laissant son esprit s’attarder quelques instants sur la convocation qu’elle avait reçue cinq jours plus tôt, et sur ce qu’elle allait faire à ce propos ; car elle craignait de l’évoquer de peur que Blaise ne s’y brûle, ne réagisse de façon démesurée face à quelque chose qu’elle pouvait – qu’elle devait – réussir à gérer sans qu’il ne s’y implique. Les raisons de cet interrogatoire n’étant pas spécifiées, il lui fallait se préparer au pire, et le pire pouvait être assumé par elle seule.

Elle écouta les explications de Prendergast d’une façon distraite, son regard attiré par les images qui s’étalaient sur les murs, lugubres et de mauvais augure, à la manière dont les hiboux qui apportaient la Gazette du Sorcier étaient de plus en plus semblablement à de sinistres corbeaux ; aussi tragiques que la situation actuelle, sans aucun doute.

Une règle à observer lors des cours de Severus Rogue : il est nécessaire d'éviter les premiers rangs, si Drago Malefoy n'est pas présent pour vous garantir la bienveillance de l'austère professeur - en admettant qu'il convienne, bien sûr, de désigner de cette manière le rictus sec qu'il concéderait éventuellement à vous accorder à l'occasion d'un de ses plus beaux jours et de votre réponse la plus brillante.

En l'occurrence, Blaise n'apercevait pas Drago Malefoy  - ou bien sa chevelure opaline se trouvait noyée parmi l'assemblée disparate alors qu'il balayait distraitement du regard la lugubre salle de classe. Car l'endroit était lugubre, définitivement lugubre ; les murs étaient ornés de tableaux sinistres ;  les représentations minutieuses de corps torturés, déformés par une indicible souffrance, écorchés de blessures purulentes - ses yeux s'en détournaient avec dédain.  Dubitatif, vaguement narquois, il se souvenait des pudiques paroles de sa cousine Megan - tu n'aurais jamais imaginé que le professeur Rogue puisse paraître amical, s'était-elle amusée en évoquant celui qu'elle considérait comme un ami et un mentor. Il lui semblait pourtant impossible d'arracher au visage blême de leur enseignant le moindre sentiment ; et mis-à-part l'ironie fielleuse qui teintait les apostrophes dédaigneuses ponctuellement offertes aux Gryffondors, l'expression de Rogue demeurait aussi lisse qu'un masque de cire. Blaise s'en amusait, souvent - arracher une observation moqueuse à sa sinistre silhouette, à sa composition figée, emprunte d'austérité, était un exercice ludique, quoiqu'à l'égard du directeur de maison il partageait avec ses camarades vipérins la déférence solennelle qu'exigeait le respect, implacable et infaillible.

Aussi, Blaise le salua sobrement d'un mouvement du menton alors qu'il s'enfonçait dans la salle, la démarche désinvolte, crâne et l'air un peu insolent.  C'était aux intrépides et téméraires Gryffondors qu'il laissait les premiers rangs ; il était présomptueux, mais pas irraisonné, et pas complètement inconscient.

Pas tout le temps, en tout cas.

A l'intention de Charlie et de Daphné, enclavées à proximité l'une de l'autre parmi les élèves, il offrit avant de s'asseoir à leur côté un sourire arrogant signifiant sa fierté de se trouver présent, à l'heure ; ou bien sa fierté, simplement, car le pli du col de sa chemise était vraiment remarquable et il portait le cachemire à merveille.  

Pourtant, il se trouvait bientôt à écouter leur professeur - silencieux et attentif. Celle dont la voix mal-assurée soumettait sa réponse portait le blason pourpre des Gyffondors, et se trouvait assise au dernier rang - Prendergast ; il connaissait ce nom scandaleux, car l'héritier Zabini était averti aux noms scandaleux, les patronymes morbides qui éveillent les attentions avides et impudiques. Il posa sur elle son regard avant de détourner son attention sur l'homélie de Rogue.