Les livres s'envolent, les ecchymoses restent

La position d’Isolde était périlleuse. Dangereusement téméraire. Un pied sur l’escabeau qui lui servait de perchoir, l’autre levé en l’air en guise de balancier ; une main accrochée à une étagère et l’autre désespérement tendue vers l’ouvrage convoité par la Phénix. Elle déployait tout son 1,65 mètre pour atteindre ce butin ; et la détermination se lisait sur ses yeux plissés et ses lèvres pincées. Deux livres déjà patientaient sagement sur une table proche ; Isolde s’était ruée à la bibliothèque après son cours de botanique pour entamer ses recherches. Depuis son entraînement à lancer des Patronus avec Quinlan, sa curiosité s’était étendue à un nouveau domaine : les animaux totem. Elle s’était déjà renseignée sur le sujet, quand son meilleur ami, Clemens, lui avait fait part de son désir de devenir Animagus. Elle avait lu presque tous les livres traitant du sujet à Poudlard, et quelques uns ensuite à Haveirson, curieuse de connaître la signification de l’animal de Clemens après qu’il ait atteint son but. Mais ses connaissances étaient restées superficielles quant à la signification des autres animaux. Et maintenant que le sujet la concernait de plus près encore, elle se retrouvait à compulser tous les bibliothèques sorcières et moldues de l’académie à la recherche d’informations.

La soif d’apprendre. C’était un des traits de caractère le plus fort chez la jeune allemande. Elle pouvait se passionner pour énormément de sujets, et dévorer sans répit tout ce qui lui passait sous le nez quand son intelligence était attisée par l’inconnu. La plupart du temps, la botanique faisait office de marotte mais, telle la digne Serdaigle qu’elle était, elle était loin de se limiter à ce domaine. D’autant plus que le sujet la concernait directement maintenant qu’elle connaissait son animal totem. La découverte l’avait un peu décontenancée, mais pas déçue ; elle n’était pas femme à se fier aux apparences. Elle se doutait que la taille du Patronus ne changeait rien à son efficacité ni ne présageait de la force de caractère de la personne ; croire le contraire aurait été terriblement réducteur. Les animaux, tout comme les humains, possédaient une vaste palette de traits et d’humeurs, de forces et de faiblesses. Et tout comme les humains, les plus grands n’étaient pas forcément les plus forts. Après tout, la fourmi était capable de porter des charges colossales par rapport à son poids ; de quoi faire pâlir n’importe quel ours…

Même en équilibre sur un escabeau branlant, la passion se lisait sur le visage à la fois réfléxif et enjoué de la Phénix, comme à chaque fois qu’elle s’élançait dans un nouveau champ de recherche. Ses prunelles noisette brillaient de parcourir l’ouvrage qui se refusait à ses doigts tendus. Mettant un peu plus encore en péril son équilibre déjà précaire, elle se hissa sur la pointe de son pied, prenant appui d’une main sur la bibliothèque.

- Je… vais… t’avoir !

Avec un cri de joie, Isolde réussit enfin à saisir le livre du bout des doigts. Elle tira dessus, mais il était coincé entre ses voisins. Dans une dernière tentative, ses deux mains se joignirent sur la tranche de l’ouvrage récalcitrant et elle tira de nouveau, de toutes ses forces.

Une seconde après, elle valdinguait en arrière alors que le livre volait dans la direction opposée. Avec un cri, beaucoup moins joyeux cette fois, la Phénix tomba de l’escabeau et atterrit sans aucune grâce sur ses fesses, en plein milieu de l’allée. Un deuxième cri s’ajouta au sien ; celui d’une malheureuse brunette qui avait reçu le livre en plein sur le crâne. Isolde tenta aussitôt de se relever pour s’excuser, mais la douleur lui vrilla le bas du dos. Bien joué, elle avait sûrement gagné des belles ecchymoses.

- Ah mes fesses…, gémit-elle en se relevant, se massant les lombaires d’une main. Ça va ? Je suis désolée, tu as mal ? ajouta-elle d’un air contrit à la pauvre victime de sa curiosité matinale.

Penchée sur un soucis d'équation et d'équilibre, Novenka se gratta doucement le front pendant qu'elle réfléchissait avec une certaine appréhension au soucis qui se posait devant elle. Elle leva les yeux vers un livre qui parlait avec peu de précision des cœurs dangereux des baguettes. Pourquoi une plume d'hippogriffe ne pourrait pas se marier à une bois de hêtre. Elle fronça les sourcils et soupira en posant sa tête sur ses bras.
Les évènements de ses derniers jours avaient été éprouvants tout comme la fatigue qui l'accablait. Rowan et le couloir maudit, Dean et le feu s'embrasant, Mia et ses cauchemars, Anton et sa traque, le Comte et ses accusations... La vie à l'Académie était loin d'être ennuyante, il n'y a pas à dire.
Pourtant des moments de simplicité, Novenka n'était pas contre. Ces petits moments de douceur et de planitude. Où nul besoin de se stresser, tout est contrôlé.
Boire du thé avec un petit cake au citron pendant que la neige tombe pour la dernière fois derrière les vitres hautes de l'Académie. Mais voilà, rien n'est simple dans le monde des sorciers et Novenka s'y était accoutumée. Bien que le désarroi fusse en chasse et elle sa proie, elle gardait en mémoire les bons moments de ces étranges aventures. La rencontre avec Rowan, la réconciliation avec Dean, le sourire de Mia, le ton rassurant d'Anton et l'apparition du Comte. Pourquoi ne pas y ...

Un coup lui tomba sur la tête, au point qu'elle s'immobilisa instantanément. Elle jaugea la douleur et se frotta vigoureusement la tête. Comme un rappel à l'ordre, si elle n'avait pas eu la tête posée sur la table, elle aurait éviter cette affreuse douleur. Elle regarda le livre tombé sur elle, et y lu le titre. Un livre de botanique. Chouette, comme si le ciel entendait ses prières, si la plume d'hippogriffe ne marchait pas, peut être que l'une de ces plantes, oui.
Néanmoins, le livre ne fut pas tombé tout seul et le choc qu'elle avait entendu en même temps que le son qui avait résonné dans sa tête n'était pas d'une source imaginaire. Elle tourna doucement la tête vers une camarade de classe de botanique, elle lui sourit avec bienveillance malgré la petite bosse naissante.
La prochaine fois, au lieu de rêvasser, la belle ferait plus attention à son entourage. Isolde était seulement à quelques pas d'elle et elle n'avait rien remarqué.

« Oui tout va bien... Enfin, je pense que j'ai une bosse. » Dit-elle en touchant la petite boule naissante sur son crâne. Mais ça passera... « Par contre, tu as l'air plus mal en point que moi. » Elle se mit à rire en observant la jeune fille qui se massait toujours les fesses. « Je rigole, mais tu aurais pu te faire bien plus mal que cela, se casser le coccyx ça fait très mal. » Elle se retourna sur le livre et lui tendit. « Tu peux me dire quelle plante est puissante à son origine ? Je veux dire sans qu'elle soit transformé par une potion ou un mélange de jus. » Elle tira une chaise près d'elle, oubliant complètement le léger incident et même les politesses. « Imaginons, vois-tu l'effet hippogriffe sur le bois de hêtre est trop bancal, l'équation n'est pas bonne. Existe-il une plante qui soit proche de l'air et de la terre ? » Elle poussa les livres devant elle pour attirer son parchemin face à elles, pour illustrer ses recherches, Novenka avait dessiné les baguettes et les animaux.
Le sourire aux lèvres mais la détermination dans le regard.

Toujours par terre, Isolde se massait doucement le bas de son dos endolori par sa chute. La tête et l’esprit perdus dans ses recherches, elle avait, comme Novenka, porté peu d’atention aux élèves alentours. Sa douleur était purement physique ; Isolde se souciait peu d’avoir l’air ridicule. Au mieux, cela faisait rire les gens, elle compris. Au pire, si on la jugeait pour si peu, elle ignorait simplement la personne. Elle se souciait plus qu’on la juge sur ses origines moldues ou sa sexualité que sur son apparence ou sa propension quasi génétique aux gaffes. Le pire dans cette histoire, c’était qu’elle avait extirpé le mauvais livre. Celui qui était parti dans les airs était un livre de botanique rangé là par erreur, alors que celui sur la signification des oiseaux comme animaux totem était resté bien tranquille sur son étagère.

Heureusement, l’élève heurtée par sa maladresse matinale n’avait pas l’air rancunière. Elle appartenait même à la catégorie “mieux” puisqu’elle se mit à pouffer franchement en voyant la Phénix se masser l’arrière train. Le rire clair et sonore d’Isolde se joignit à celui de Novenka, attirant les regards désaprobateurs des étudiants près d’elle. Avec un sourire complice, Isolde se rapprocha de l’Abraxane.

- Je suis désolée pour la bosse, c’est douloureux ? demanda-t-elle en levant un sourcil inquiet. Elle bougea la tête pour observer le petit dôme qui prenait forme sur le crâne de sa camarade. Un peu d’arnica et ça passera vite. Je suis sûre que le guérisseur en a à l’infirmerie.

Elle laissa un doux sourire flotter sur son visage alors qu’elle observait Novenka. Elle avait une bonne mémoire des visages et elle se souvenait l’avoir vue en cours de botanique. Seulement au dernier cours d’ailleurs, car la brunette était arrivée récemment dans ce cursus. Avait-elle seulement changé d’études, ou était-elle arrivée en milieu d’année à l’académie ? Avant qu’Isolde n’ait pu exprimer ses interrogations à voix haute, l’Abraxane l’inondait de questions. Le sourire d’Isolde disparut pour laisser place à une expression concentrée, et sa main alla machinalement triturer ses bouclettes, comme à chaque fois qu’elle réfléchissait.

- Une plante puissante à son origine… Il va me falloir plus d’indices, parce qu’à priori il y en a pas mal.

Isolde s’assit sur la chaise offerte par sa camarade, mais le contact du bois sur ses fesses douloureuses lui arracha une grimace.

- Je pense que j’aurai un beau bleu, mais j’ai déjà un peu moins mal, ça ne doit pas être cassé. L’état de son coccyx l’intéressait beaucoup moins que la question de l’Abraxane. Une plante proche de l’air et de la terre… Attends que je réfléchisse. Spontanément, je pense à une plante qui s’appelle l’oiseau de paradis, mais j’imagine que le lien que tu cherches n’est pas si évident. Tu as cherché dans les légendes ? Et l’air peut concerner le monde des esprits aussi, non ?

L’imagination d’Isolde s’emballait déjà. L’avantage d’avoir passé sept ans à déchiffrer des énigmes pour rentrer dans la salle commune de Serdaigle était qu’elle ne s’arrêtait jamais au sens le plus évident d’un mot. Dans ce cas précis, Novenka pensait peut-être à l’air dans son acception la plus stricte ; mais élargir son point de vue ne pouvait pas faire de mal, non ? Il fallait dire que de cette capacité à détourner les mots avait découlé l’habitude de s’éparpiller dans tous les sens pour chercher une réponse. Technique enrichissante intellectuellement, mais pas des plus efficaces, il fallait l’admettre. Isolde se focalisa à nouveau sur les mots de sa camarade, pas très sûre de ce qu’elle cherchait finalement.

- Tu veux dire quoi exactement par “proche de l’air et de la terre” ? Une plante qui s’élance très haut dans le ciel, une plante avec des feuilles particulièrement aérodynamiques, une utilisée par les oiseaux ? Une plante qui ait des propriétés qu’on associe à l’air et à la terre ? Je connais pas grand chose à ce sujet.

Sa phrase était à peine finie qu’elle se levait pour chercher un ouvrage satisfaisant sa curiosité. Se hissant sur la pointe des pieds, elle parcourut du doigt les rayonnages qui traitaient des éléments terrestres.

- Tu cherches un bois ou n'importe quelle plante ?

Elle lança un regard au livre sur les animaux totem qui l’attendait sagement sur son étagère. Elle reprendrait ses recherches plus tard ; impossible de résister à ce qui se présentait déjà comme une énigme à résoudre… Et l’esprit d’Isolde était toujours ouvert aux énigmes, surtout quand elles concernaient la botanique.

Novenka posa son regard bleu azur sur le doux visage de sa compère Phénix, à peine la question posée que le visage de la jeune femme s'était illuminé : comme si les questions de la yougoslave avait fait naître un engouement certains pour les énigmes compliquées. Novenka n'était pas très à l'aise avec la logique, encore moins quand il s'agissait d'une logique implacable, l'esprit volatil et l'imagination débordante, oui... La concentration, non. Ce petit côté Poufsouffle l'avait toujours poursuivit.

Elle oublia les douleurs, les accrocs, se concentrant sur leur nouvelle destinée. Cette baguette. La baguette unique. La botanique était l'art le plus brut, le plus en harmonie avec la vie, l'espoir. Une baguette qui représente cet état d'esprit en alliant l'air qui sert à respirer et la terre qui sert à nourrir.
Néanmoins, la remarque d'Isolde sur les esprits de l'air la figea instantanément. Elle n'y avait jamais songé, Ô grand jamais.
Novenka se tapota doucement la lèvre du doigt, réfléchissant. Un tel esprit enfermé dans une baguette ne serait-il pas trop puissant ? Ne souffrirait-il pas de cet emprisonnement ?

« Ce serait une belle idée, l'esprit. Mais pour vivre enfermé, immortel, dans un baguette... n'allons-nous pas la rendre plus faible ? Moins libre ? » Elle marqua une pause. « Je ne veux pas que ces esprits se sentent démunis d'un bien qui leur appartient. Surtout l'air. »

Novenka posa le coude sur la table et mit sa joue dans sa paume. Elle se mit à réfléchir, rapidement. Quel genre de bois pourrait palier le tout à la curiosité ? Elle se souvint avec précision chaque dire de Gregorovitch, la multitude de parchemins en vrac avec les notes qu'elle écrivait le soir avant de dormir. Un léger sourire à ces souvenirs nostalgique puis elle claqua des doigts en montrant Isolde du doigt.

« C'est ça ! Le pin ! Le pin est un excellent bois qui associe son sorcier à quelqu'un de curieux et mystérieux. Donne à ce sorcier, la puissance nécessaire de la liberté d'un oiseau et d'une force terrestre... Cette baguette serait... »

Elle se stoppa instantanément. Parler de ses baguettes étaient strictement interdit, du moins pas aux personnes que l'on connait à peine. Isolde avait beau être parfaitement joviale, avenante, prévenante... Etait-elle digne de confiance ? Elle avait, de toute façon, déjà trop parlé.

« ... Magnifique. »

La jeune yougoslave se mordit doucement la lèvre inférieure, toute excitée. Elle gribouilla quelques mots sur son parchemin, et elle leva sa plume face à Isolde.

« Maintenant faut le cœur. Donc nous revenons à mon problème initiale. Y a-t-il une plante suffisamment puissante pour se sentir indépendante ? Libre comme l'air, forte comme la terre ? Mère nourricière ou charogne ? Le sol cogneur de Poudlard est-il l'unique arbre ? De la magie coule dans sa sève, même une fois coupé ? »

On se serait cru dans un cours de botanique mais Novenka était, tout à coup, très concentrée. Intrépide, curieuse. Et bizarrement, heureuse de partager ce moment avec la douce Phénix.

Isolde regardait avec un sourire l’Abraxane se laisser prendre par la fièvre de la recherche. Elle connaissait trop bien cette expression de cerveau soudainement mis en ébullition par un point de vue nouveau, pour l’avoir vu des centaines de fois sur ses anciens camarades à Serdaigle. D’ailleurs, elle se demandait à quelle maison Novenka avait appartenu. Spontanément, elle aurait parié sur les bleu et bronze, mais c’était encore un peu tôt pour juger.

La réponse de Novenka la fit plisser des yeux, trahissant que les deux jeunes femmes n’étaient pas sur la bonne longueur d’ondes.

- En fait je pensais plutôt à des plantes qui sont traditionnellement associées au monde des esprits, pas forcément celles qui en contiennent. Par exemple, les plantes que respirent les chamans pour se mettre en transe et entrer en contact avec le monde spirituel, tu vois ?

Isolde devait l’avouer, elle n’y connaissait rien en confection de baguettes. Ni en essence de bois ; elle savait en reconnaître quelques unes, en utiliser d’autres pour des potions, mais c’était malheureusement tout. La jolie brune lui posait une colle, et Isolde peinait un peu à trouver de quoi résoudre son énigme. Mais au contraire de la décourager, cela lui donnait encore plus envie d’aider l’Abraxane. Quelle Serdaigle serait-elle pour refuser de répondre à une énigme concernant sa matière de prédilection ? Un peu perdue dans ses recherches mentales, Isolde sursauta en entendant Novenka claquer des doigts. Et son visage s’illumina à son tour, contaminé par l’enthousiasme de sa camarade.

- Et bien je suis contente de voir que ma présence t’inspire ! dit-elle en singeant une petite révérence. Elle reprit vite son expression concentrée cependant, à la nouvelle question de la brunette. Mais force était de constater que la Phénix avait du mal à suivre le fil de ses pensées. Si Novenka cherchait le coeur de la baguette, il ne pouvait pas s’agir d’un bois… Et l’unique arbre pour quoi ? Le saule cogneur n’était pas le seul à présenter des propriétés magiques, loin de là. La brunette devait se laisser emporter par ses idées, et Isolde serait bien mal placée pour le lui reprocher, alors elle se concentra plutôt sur les propriétés recherchées. A son petit niveau d’apprenti botaniste, elle s’était surtout penchée sur les propriétés pratiques des plantes, à savoir celles utilisables en potion ou en phytothérapie. Mais évidemment, sa curiosité l’avait portée plus loin que les enseignements basiques de Poudlard. Aussi les indications de Novenka lui évoquaient vaguement quelques plantes ; mais la Phénix avait besoin de confirmer ses idées.

- Je crois que je connais une plante qui pourrait convenir !

Sans plus attendre, elle fila vers l’étagère voisine et la parcourut rapidement des yeux, jusqu’à en retirer le livre convoité avec un petit cri de victoire. Elle revint à pas vifs vers Novenka en feuilletant l’ouvrage et se rassit près d’elle.

- Tiens regarde celle-là, lui dit-elle en pointant une gravure sur la page ouverte. Le dessin représentait une plante qui s’étirait d’une trentaine de centimètres vers le ciel, et de presque le double dans le sol. Une douzaine de fines petites branches s’élançaient de la tige centrale, chacune portant à leur extrémité une grappe de feuilles argentées fermée comme un bouton de rose. Elle s’appelle la Chantelune. Le jour, elle reste fermée, et ses racines s’enfoncent un peu plus dans la terre. Et la nuit, les feuilles s’ouvrent et se déploient vers la lune. Elles s’étirent en fait, jusqu’à ce qu’elle dépassent les obstacles et aient une pleine vue sur la lune. Un peu comme si elles voulaient l’attraper. La gravure ne le montre pas, mais les tiges sont comme… élastiques. Elles peuvent être vraiment très longues, si elles doivent par exemple monter haut pour dépasser des arbres. Et quand il y a du vent, les tiges vibrent et créent un bruit qui ressemblent à de la harpe. C’est de là que vient son nom, parce qu’on dirait qu’elle chante une sérénade à la lune. Je n’ai jamais entendu parler de cette plante utilisée comme coeur de baguette, mais c’est peut-être possible… En tout cas, elle ressemble assez à ce que tu cherches !

Isolde se recula un peu dans son siège, un léger sourire sur les lèvres, laissant ses yeux vagabonder au delà de la pièce.

- J’en ai vu une fois, en Ecosse, cet été. C’est une plante qui peut pousser un peu partout, et on la trouve très rarement en groupe. Et elle ne plante profondément ses racines qu’une fois qu’elle a trouvé une place qui lui convienne. Je l’ai entendue chanter, c’était très doux, apaisant… Isolde ferma une seconde les yeux, se remémorant l’éclat des feuilles sous la lumière argentée… avant d’être secouée par un grand frisson au souvenir, beaucoup plus désagréable, de l’attaque qui avait suivi cette nuit-même. L’attaque perpétrée à son encontre par des Moldus, qui faisait malheureusement écho à la situation actuelle.

Elle secoua la tête et offrit de nouveau une mine joviale à l’Abraxane, chassant cet épisode douloureux de son esprit.

- T’étais dans quelle maison à Poudlard ? Je ne crois pas qu’on se soit croisé, je me souviendrais sûrement d’une autre passionnée de botanique ! Tu suis les cours de spécialité, non ? Je crois t’y avoir déjà vue.

Novenka observa le doux visage d'Isolde. La belle Phénix semblait tout à fait prête à l'accompagner dans ses recherches, s'y engageant avec une passion pour les plantes, ce qui était remarquable chez la jeune femme. Il n'était pas difficile d'attribuer sa réflexion et ses explications à la maison Serdaigle. Non pas que Novenka était une mauvaise élève, loin de là, mais plus que les autres, elle devait étudier plus longtemps. Souvent distraite, ça n'avait pas été toujours un franc succès. Mais comme un bon professeur, Isolde ne la jugea pas et rattrapera ses erreurs en lui expliquant clairement ce qu'elle entendait. Néanmoins, le petit coup de réflexion qu'elle eut eu avec une expression faciale reconnaissable fit sourire Novenka. La trahison des traits de la belle Isolde qui accompagnait l'incompréhension de la réponse de la belle yougoslave. Elle avait eu la même question sur un esprit de la lumière en cours de potion, Cassandra lui avait gentiment dit qu'il ne ressentait rien, mais cette information avait du passer au placard plus rapidement que son inquiétude pour la santé des êtres qu'elle considérait comme vivant.
Novenka fit un signe de tête approbateur.
Pour être tout à fait honnête, elle n'avait jamais pris la peine d'explorer les plantes en relation avec le monde des esprits. C'était pour elle, un monde occulte, sur lequel l'Homme n'avait pas d'emprise. Mais Isolde semblait sûre d'elle, du moins particulièrement informée sur le sujet alors elle l'écouta. La jeune abraxane n'était pas suffisamment informée encore sur le monde botanique, et elle espérait vite rattraper son retard avec les cours du professeur Fitzsimmons. Isolde était le parfait parallèle entre les deux étapes, elle lui permettrait d'en apprendre davantage avant d'arrivée naïve au cours de botanique.

Après quelques réflexions sur le sujet d'un bois. Novenka se rappela la propriété du pin. Le Pin était un bois que Gregorovitch affectionnait particulièrement, les sorciers curieux et mystérieux étaient de ceux qui pourraient faire avancer le monde magique.
Leur offrir dès leur première année d'école la baguette idéal aspirait au sorcier une carrière bien brillante.
Alors qu'elle avait claquer des doigts pour résoudre son problème de bois, elle fit le léger tressautement de la Phénix. Cela la fit sourire et ce sourire devint encore plus chaleureux quand la jeune femme s'inclina en révérence amusante.
Isolde affirma connaître une plante qui pourrait coller avec l'énigme, elle se leva aussitôt se dirigeant vers une allée, alors Novenka parla un peu plus fort pour faire écho aux première réflexion de sa nouvelle amie.
Elle se gratta doucement la tête où la bosse avait commencé à poindre. Elle plissa le nez mais se concentra parlant suffisamment fort pour qu'Isolde l'entende de l'autre coté.

« Pour en revenir aux plantes que les chamans respirent... ils les brûlent non ? Leurs pouvoirs sont-ils aussi puissants sans que l'on ait besoin de les brûler ? »

Isolde semblait cependant plonger dans sa recherche, revenant avec un livre à la main. Curieuse, Novenka regarda la dite fleur en fronçant légèrement les sourcils pour se concentrer. C'était une très belle fleur et les propriétés étaient similaires à celles du tournesol, si on exemptait les racines qui s'enfonçaient dans le sol. Quand Isolde s'élança dans une explication qui ressemblait à un conte de fée. Ne regardant plus le livre mais bel et bien le visage d'Isolde, elle ne put s'empêcher de sourire en y lisant l'expression de la passion. Ce qu'elle décrivait comme une plante magique, était presque féérique. Le bruit de la harpe était tout simplement un délicieux mélange entre le mystère et la curiosité. S’imprégnant de la terre pour grimper vers le ciel.
Novenka n'avait pas eu beaucoup de plante à disposition chez Gregorovitch, la seule plante qu'elle ait eu était un branche du Saule Cogneur, et la baguette avait sacagé la maison... Elle avait fini par être punie et corvée de latrines.
Elle prit gentiment le livre dans ses mains pour y regarder la gravure, si la racine était réellement élastique alors le cœur de la baguette serait un parfait foyer, elle ne se briserait pas facilement.
Isolde répondit à sa question silencieusement, elle espérait pourtant que la plante soit plus facilement trouvable. Elle croisa les jambes en réfléchissant alors qu'Isolde continuait de vanter les mérites de cette douce plante.

« Tu voudrais m'accompagner si je décidais d'aller en chercher une ? Même si ce ne sera pas évident. » Elle avait porter son regard sur elle, la main sur menton tandis que l'autre tenait le livre fermement ouvert sur sa cuisse.

Néanmoins, Isolde avait l'air perdue dans ses pensées et en revenant à elle, elle posa d'autres questions qui n'avaient rien à voir avec son interrogation. Elle lui sourit et posa le livre à côté de son parchemin, prenant une plume, elle écrivit le nom du livre et de la page, soignant son écriture pour la Chantelune. Tout en écrivant, elle lui répondit avec beaucoup d'amour et de nostalgie.

« J'étais à Poufsouffle ! De superbes années, ma meilleure amie de l'époque : Tonks, m'a fait faire plein de bêtises mais ce sont d'excellents souvenirs. Je devrais songer à prendre de ses nouvelles... Elle me manque. » Elle finit d'écrire et laissa son parchemin se rouler sur lui même, posant sa plume dans l'encrier. « Et toi, ma belle ? J'aimerais dire que tu étais à Serdaigle ou de ma maison, mais comme j'ai vingt-quatre ans, je pense que je ne t'ai pas croisée. Quel âge as-tu ? »
Elle se tourna vers Isolde, et lui sourit, le coude posé sur son genou et le menton dans la main. « Effectivement, je suis les cours de spécialités, mais que depuis peu, après un entretien avec le professeur Fitzsimmons, il m'a gentiment acceptée auprès de lui. Je veux innover l'Artisanat magique. Et pour ta part, je suppose que c'est une vocation depuis longtemps ? J'ai vu ton regard s'illuminer, c'est très attendrissant. Oh, et je t'ai demandé tout à l'heure, si partir en quête de la Chantelune te plairait. » De toutes ces petites quenottes, la belle Novenka sourit à la belle Isolde.

Malheureusement pour Novenka, Isolde n’en savait pas beaucoup plus qu’elle au sujet des plantes associées aux esprits. La Phénix n’avait pas suivi les cours de divination à Poudlard, et elle avait seulement glané quelques informations au hasard de ses lectures. Elle connaissait tout de même ce qu’Amaranthe lui avait raconté des traditions amérindiennes. Elle regarda d’un air un peu coupable Novenka toucher la bosse toute fraîche sur son crâne, avant de lui répondre, un peu démunie par sa question.

- Je connais un peu les techniques des chamans amérindiens, mais à part ça mon savoir est assez vague… Ils les brûlent, oui, puis respirent la fumée produite, pour se mettre en transe ou y voir l’avenir. Mais ils en font également des potions, des baumes, comme nous. Je pense qu’ils attribuent des pouvoirs spirituels à des plantes que nous utilisons également, mais qu’en bons occidentaux, nous avons oublié ou dénigré cette dimension. La sauge, par exemple, est utilisée en phytothérapie, mais elle sert pour plonger les gens dans des songes chez les amérindiens. Mais pardon, je m’éloigne de la question ! Je pense que les différentes préparations dévoilent différentes propriétés ; lorsque que nous faisons bouillir ou sécher un végétal, ses effets ne seront pas les mêmes.

Isolde se laissait à son tour entraîner par ses idées et son habitude de dérouler à voix haute le fil de ses réflexions. Elle sourit, et passa une main distraite dans ses cheveux avant de tendre le livre à sa camarade. La Chantelune ressemblait à une fleur de ces contes auxquels la jeune Allemande était si attachée, et elle mit un soin particulier à essayer de transmettre cette idée en la décrivant à Novenka. Isolde avait toujours aimé enchanter la nature par des histoires de ce genre. Tant de plantes avaient à leurs sujets des anecdotes drôles, merveilleuses ou juste étranges, qu’il serait dommage d’oublier...

Perdue dans ses souvenirs écossais, Isolde n’entendit pas la proposition de Novenka. La brunette lui rappelait énormément Fanny, son ancienne copine du temps de Poudlard, par son enthousiasme, son côté passionné et légèrement décalé. Il ne lui manquait que l’humour taquin et parfois un peu cynique. Et les souvenirs qu’elle lui racontait en ravivèrent également chez la Phénix, qui se laissa aller à un peu de nostalgie. Malgré les brimades qu’elle avait vécues et les difficultés familiales qui pointaient déjà leur nez, la vie lui semblait tellement plus douce à cette époque…

- Ah, j’aurais presque parié pour Serdaigle pour toi ! J’y étais, et en effet je doute qu’on se soit croisé. J’ai seulement 18 ans. Elle se sentit un peu gamine soudainement, mais essaya de chasser cette impression, certaine que ce n’était pas l’intention de Novenka. Tu devrais lui écrire, je suis sûre qu’elle aussi aimerait avoir de tes nouvelles, dit-elle d’une voix douce. C’est vrai que je ne t’avais pas encore croisée aux cours de botanique ! Ils te plaisent ? Et oui c’est une vocation, j’adore les plantes depuis que je suis petite. C’est ma grand-mère qui m’a initiée, elle avait un petit potager où elle faisait pousser des plantes médicinales. Et Mme Chourave est une femme passionnante, alors j’en ai pas démordu à Poudlard. Je suis en stage avec elle d’ailleurs ! Et toi, ça fait longtemps aussi que tu t’intéresses aux baguettes ?

A la question renouvelée de l’Abraxane, Isolde leva un sourcil étonné, mais sa passion du voyage était d’un coup attisée. Novenka semblait sincère et sérieuse, à en juger par son regard. Un voyage à la recherche d’une plante, avec une passionnée comme elle ? Elle était décemment incapable de refuser. Si elle le pouvait, elle aurait couru jusqu’à sa chambre pour préparer son sac et partir sur le champ.

- Oh oui, bien sûr ! Avec plaisir ! J’adore voyager, tu me prends par les sentiments là ! s’exclama-t-elle, les yeux brillants comme ceux d’une enfant à Noël.

A vrai dire, en plus du danger induit par le contexte politique actuel, la Phénix n’avait pas très envie de retourner sur le lieu de son attaque. Mais si ses souvenirs étaient bons, la Chantelune qu’elle avait vue n’était pas du côté du Loch Ness. Elle sortit aussitôt son carnet de botaniste pour s’en assurer.

- La retrouver sera peut-être un peu difficile, mais pas impossible ! dit-elle en brandissant le carnet. J’ai tout noté là-dedans. Elle ouvrit le livre relié de cuir vert brillant à la première page, qui représentait une carte de l’Europe. Neal lui avait appris à ajouter ce sommaire amélioré, semblable à celui de son propre carnet, pour faciliter le classement de ses plantes, et Isolde y avait ensuite ajouté sa touche. Elle avait plutôt opté pour dédier une page à chaque continent, au lieu de deux pages pour le monde entier, afin de favoriser la lisibilité. Grâce à ses compétences en enchantements, elle avait également rendu l’ouvrage waterproof et résistants aux taches, chose utile quand on dessinait la plupart du temps en extérieur. Elle avait également rendu chaque page détachable, ce qui permettait de comparer des plantes et d’observer facilement plusieurs croquis en même temps. La Phénix était assez fière de cet ouvrage, loin d’être parfait mais qui commençait à être bien fourni. Elle fouilla des yeux l’Ecosse, puis pointa sa baguette sur le minuscule croquis de la Chantelune. Aussitôt, la page désirée se trémoussa dans le carnet, qui se feuilleta automatiquement pour la dévoiler. De nombreuses petites annotations dans l’écriture fine et pointue d’Isolde étaient lisibles en dessous du dessin.

- Ah, voilà ! 5 km à l’ouest, puis 3 km au nord de Kirriemuir, comté d’Angus, Ecosse. J’avais pas de matériel pour noter les coordonnées exactes…

Loin de la bibliothèque, son esprit flottait déjà entre sa chambre et l’Ecosse, comptant l’argent qu’elle pourrait mettre dans ce voyage tout en en réservant assez pour se payer son balai, réfléchissant à leur moyen de transport et au logement. Elle tourna un visage ravi vers la belle Abraxane.

La passion était palpable chez Isou, quand Novenka se souvint de la ferveur avec laquelle elle avait traité le sujet des plantes dans les peuples aborigènes, Isolde avait fait preuve d'un passion inégalable. De ce pourquoi Novenka se battait depuis toujours, on oubliait d'où l'on venait... Oublier. Ce mot était une trahison au savoir humain, et les connaissances employées à de mauvaises fins, Isolde avait mis le doigt dessus, des propriétés existent chez nous mais chez les autres aussi. Il n'y a pas que nous. Et c'est pour cette raison que j'aimais voyager, découvrir. Pour cette raison que j'étais fermement contre l'opinion des extrémistes et accablait le Ministère de bien des maux.
Si le monde pouvait réfléchir comme ces deux jeunes femmes, peut-être trouveraient-ils bons d'exploiter les connaissances de chacun plutôt que d'en avoir peur... La technologie, la magie... Ce n'est pas incompatible. Peut-être que nos manières sorcières ramèneraient sur Terre les moins modestes des moldus. Accablé par la soif du savoir, un savoir trop grand qui un jour dépassera le stade de théorie. Manger par la vanité.

Revenant à l'instant présent, Novenka sourit à la mention de l'ingénue. Oh, elle appréciait particulièrement être affiliée à la maison Serdaigle, la maison des biens pensants, des réfléchis, amoureux du savoir... Quoi que légèrement introvertis, ce qui ne semblait être nullement le cas de la jeune phénix. Elle rit un peu quand Isolde avoua son âge. C'est souvent l'effet qu'elle avait sur les étudiants, Novenka ayant repris tardivement ses études étaient sûrement l'une des plus vieilles étudiantes. Mais elle ne s'en formalisait pas, sa candeur jouait en sa faveur dans ces cas là. Tout au plus Isolde était en première année quand Novenka était en septième, elle aurait pu la croiser jeune enfant, mais elle avait les ASPICS et surtout une TONKS intenable. Les souvenirs nostalgiques, plongeait la jeune brune dans un sentiment de tristesse. Lors de leur séparation, Novenka avait fait le choix de partir... Tonks est restée fidèle à ses terres et en bonne étudiante était devenue métamorphosage. Sa passion était retranscris par Isolde qui elle même ne pouvait s'empêcher de rayonner à la mention de sa matière.
Ce qui la fit doucement sourire c'est la façon douce de lui dire qu'il serait préférable d'écrire. Tonks avait employé le même ton quand Novenka et son frère s'était fâchés.

Et voilà que la douce Phénix repart dans l'explication de la botanique. C'est plus fort que Novenka, elle lui sourit de toutes ses dents, gloussant légèrement. La mention de grand mère, elle posa sa main sur celle d'Isolde avant de la retirer presque aussitôt. Compatissante, Mamie Nova avait été une grande source d'inspiration pour la jeune yougoslave.
Elle lui parla de Chourave aussi, cette petite dame toute mignonne qui était d'une gentillesse sans précédent, directrice de sa maison.
Les baguettes, cette grande histoire d'amour, comme un coup de foudre.

« Et bien, pour tout t'avouer, ce n'est pas depuis si longtemps. J'ai rencontré Gregorovitch en République Tchèque, et je suis devenue son apprentie par la suite. Il m'a initiée et je suis tombée amoureuse. Des baguettes, évidemment, se rattrapa-t-elle. »

Parce si bien Gregorovitch avait été proche d'elle, actuellement un seul homme hantait ses pensées : Rowan Westiminbrook. Alors qu'il ne donnait toujours aucun signe de vie. Peut-être ne voulait-il pas simplement la connaître. Elle soupira mais continua d'écouter Isolde avec grand intérêt, au moins, elle n'aurait pas à y penser.
Isolde fut ravie à l'idée de devoir partir en road trip pour trouver la Chantelune, ça fit plaisir à Novenka. Terriblement. Elle lui attrapa le bras, terriblement intéressée.
Tout à coup la conversation tournait en un plan de voyage ahurissant, terriblement amusant. De nouveaux paysages, un but. « J'adore les voyages, Isolde. Je suis une folle amatrice de photographie, je pourrai immortaliser tout ça! Ce serait fantastique! » Elle reporta son attention sur le carnet qui était ouvert et écoutait les instructions et indication de la jeune phénix. Elle leva aussitôt le menton, pensive.

« Allons-y pour les grandes vacances. Qu'en penses-tu ? Un voyage d'une ou deux semaines. On pourrait même partir à plusieurs ! »

Elle frappa dans ses mains, toute heureuse à cette perspective. « Un voyage organisé avec des amis... » Peut-être que d'ici là, Rowan pourrait en être. « Rien de compliqué, juste du camping sauvage. »Elle imaginait bien l'aristocrate dans ce genre de situation, si bien qu'elle se mit à rire. « Pardon, c'est juste qu'un ... ami, ne supporterait surement pas d'être dans une telle situation. » Puis elle se remit à rire. « Mia non plus d'ailleurs, et encore moins Anton. »

Qu'il était bon de rire, de s'évader. Contagieuse.
Elle sortit un bout de parchemin, et écrivit son nom de famille. Elle lui tendit et lui fit un clin d’œil.

« Si on veut organiser ça, autant que tu saches écrire mon nom, il n'est pas évident. Tu es partante ? Il faudrait qu'on puisse trouver un sac assez petit mais sans fond pour y mettre la nourriture... Puis, il faudrait donc organiser notre itinéraire, aussi. Tu connais donc la région ? »

Parties dans des plans de voyage, Novenka était inarrêtable.

Si Isolde se sentit un peu comme une gamine en apprenant l’âge de Novenka, cette impression s’effaça rapidement. L’Abraxane n’était ni pédante ni infantilisante, heureusement. Se retrouver la plus âgée au milieu de tous les étudiants de l’académie devait être un peu étrange pour elle. Se retrouver dans une école tout court en fait, si elle était sortie du système scolaire depuis Poudlard. Mais Novenka semblait plutôt bien s’adapter à la vie haveirsonnienne, et puis elle avait gardé une ingénuité qui la préservait d’un trop grand décalage avec les autres élèves. Isolde lui aurait donné 20 ans tout au plus.

Novenka affichait un grand sourire à chaque parole de la Phénix, encourageant cette dernière à continuer ses récits. Il en fallait déjà peu en temps normal pour faire parler la jeune allemande, mais si quelqu’un l’écoutait aussi volontiers, elle pouvait papoter pendant des heures. La pression de la main de Novenka l’interrompit une seconde. Avait-elle aussi une grand-mère mentor qui avait initié sa passion pour l’artisanat magique ? Elle aurait aimé entendre l’Abraxane le lui raconter, mais cette dernière rebondit plutôt sur son apprentissage. La Phénix était assez impressionnée d’apprendre qu’elle avait travaillé avec le fameux Grégorovitch.

- Wow, Gregorovitch ! Il a facilement accepté de te prendre en apprentissage ? Ça a duré combien de temps ? Tu as voyagé avec lui ?

Isolde comptait elle aussi trouver un apprentissage, une fois ses études à Haveirson achevées, aussi le parcours de Novenka l’intéressait beaucoup. Mais son attention fut bientôt détournée vers un projet qui accapara tout son esprit. Isolde n’était pas femme à refuser un voyage, et elle aurait presque sauté de joie devant l’enthousiasme de Novenka. Lui attrapant le bras à son tour, elle ouvrit des grands yeux émerveillés à la mention de ses talents de photographe.

- Oh, tu me montreras tes photos ? T’as des talents cachés alors ! T’as beaucoup voyagé ? T’es allée où ?

Elle acquiesça vivement à sa proposition. Isolde travaillait au Parker’s pour s’offrir un balai, mais aussi pour avoir de quoi voyager l’été prochain. L’idée de partir avec une passionnée de botanique était plus que tentante, même si elle ne connaissait pas encore vraiment l’Abraxane. Bon, au pire, elle aurait le temps d’apprendre à la connaître d’ici-là, et de changer d’avis ! Isolde avait plutôt une bonne intuition pour les gens, et une petite voix lui disait que Novenka était digne de confiance.

- J’ai des amis qui seraient très intéressés ! Je sais pas si tu connais Chris Hamilton, à Sinistros ? J’ai déjà voyagé avec lui, je suis sûre qu’il serait partant ! Et puis on pourrait demander au professeur Fitzsimmons ! Ce serait super avec lui, il pourrait nous apprendre plein de choses ! C’est un vrai baroudeur, il est habitué à faire ce genre de voyage !

Isolde ne savait pas de quel ami l’Abraxane parlait, mais elle rit un peu à son tour en imaginant Rowan dans une tente de camping. Mais, après tout, elle l’avait déjà vu participer à un combat de boue, alors peut-être qu’il ne serait pas opposé au camping sauvage ? Elle proposerait l’idée à Clemens aussi, bien curieuse de connaître sa réponse. Son meilleur ami n’était absolument pas intéressé par les plantes, mais la perspective de vacances ensemble le séduirait peut-être. Et alors, Quinlan viendrait sûrement aussi… Ils allaient vite se retrouver à quinze à ce rythme ! Par contre, si Novenka parlait de l’Anton qu’elle connaissait, elle n’était pas folle de joie à l’idée de passer une semaine avec lui. L’Abraxan avait été si méprisant envers elle et Clemens lors de leur brève rencontre qu’il lui avait passé l’envie de le connaître mieux.

Avec une expression toujours plus enjouée, Isolde observa Novenka écrire son nom, avant d’afficher une moue franchement intriguée en le lisant.

- Siéslac ? Sieuslac ? C’est ça ? C’est un nom slave ? Isolde ne voulait surtout pas avoir l’air de se moquer, sachant à quel point il pouvait être difficile de porter un nom étranger. Le sien avait le mérite de ne pas être trop difficile à prononcer pour les anglophones, mais Clemens avait subi quelques brimades à ce sujet.

- Je suis carrément partante ! D’un geste vif, elle prit une plume dans son sac et reproduit le patronyme de sa camarade. Comme ça, c’est bon ? demanda-t-elle. Et si tu veux le mien, c’est Mayer. Isolde Mayer. Elle ajouta son nom à côté de celui de sa camarade. Se penchant à nouveau, elle tapota son sac en bandoulière. J’ai déjà un sac sans fond, ajouta-t-elle avec un clin d’oeil. Quand je pars en randonnée, je modifie les bandoulières pour le porter sur mon dos, et c’est parfait !

Elle tira le parchemin à elle et se gratta distraitement la tête avec sa plume.

- Si on part une semaine ou deux, on peut faire un bon petit tour en restant dans les villes de l’est de l’Ecosse ! Viens, on va chercher une carte !

Attrapant son sac et son carnet, Isolde s’élança dans les rayons à la recherche d’un atlas, entraînant Novenka avec elle. Une fois le livre trouvé, elle s’assit à la table la plus proche et l’ouvrit à la page de l’Ecosse. Les côtés écossaises s’étalaient sous ses yeux, comme une invitation au voyage. Isolde en avait bien envie, là, maintenant. Quitter cette académie et se perdre quelques jours dans la nature sauvage, seule et surtout loin des dangers… Elle secoua doucement la tête.

- On pourrait commencer par aller à Aberdeen ! Un ou deux jours au bord de la mer… Et puis ensuite, la côte, avant de rentrer dans les terres. Kirriemuir est juste à côté d’un parc national magnifique ! Il y a de quoi voir. Pour dormir, on peut camper, un peu en dehors des zones touristiques pour être tranquille. L’été dernier, je logeais dans un petit hôtel ou dans ma tente et je transplanais dans la région pour visiter des lieux différents sans avoir à changer de coin où dormir tous les soirs. Après, on pourrait descendre et visiter d’autres villes. Tu préfères voir la ville ou les campagnes ? Il y a des villes typiques très jolies, tu pourrais faire des supers photos !

La surprise à propos de Gregorovitch la fit sourire, c'était la réaction que la plupart des gens avaient quand elle évoquait le maître des fabricants des baguettes magiques. Dans une rire amusé et presque nostalgique, Novenka lui répondit de manière succincte : « C'est l'effet que ça fait à tout le monde. Et non, ça n'a pas été facile. C'est une longue histoire, mais disons que je l'ai rencontré par hasard, qu'il a mauvais caractère et qu'il m'a fallu deux ans pour avoir sa confiance pour apprendre partiellement ce qu'il voulait bien m'apprendre. Mais c'était incroyable, j'ai vécu 3 ans avec lui en République Tchèque dans un tout petit village. » Il fallait dire que Gregorovitch était bien plus terrible que la réputation qui lui succédait, plus que méfiant et très secret. Il était néanmoins très aimant et respectueux, quoi que l'on puisse en penser et malgré ses difficultés à le montrer. C'était sûrement le plus beau souvenir qu'elle avait, même si la fin de ce voyage fut difficile à accepter. Aussitôt jetée de son atelier, on lui avait appris récemment qu'il avait déménagé sans rien en dire, un soir d'hiver peu de temps après le départ de la yougoslave. Il devait cacher quelque chose... Novenka ignorait quoi, et devait malheureusement vivre avec ces seules incertitudes.
Elle releva doucement le menton quand elle lui parla de son appareil photo, Novenka en était folle, complètement dingue. Elle avait trois ou quatre albums photos dans son bureau qui lui plairait de partager avec la Phénix à la voix si douce et enjouée. « Avec plaisir, Isolde ! Je te montrerai les clichés que j'ai fait... J'en ai un spéciale cuisine étrangères. » Elle se mit à rire et poursuivit. « J'ai fait une partie de l'Europe de la France à l'Allemagne en passant par la Belgique, puis la Suisse et la République Tchèque où j'ai passé le plus de temps, et toi, pour autant t'y intéressée, tu as du beaucoup voyager. »

L'enthousiasme de Novenka avait été contagieuse, mais celui d'Isolde le surpassait sans trop de difficulté. Elle débitait très rapidement, bavarde à souhait et Novenka ne put s'empêcher de sourire à chaque interrogation, éclat de voix et des sourires de la belle. Elle tiqua sur le nom de Chris et frappa dans ses mains quand elle eut fini de parler, intégrant le professeur Fitzsimmons qui venait tout juste de l'accepter dans son cours pour les spécialistes.
« Bien sûr que je connais Chris Hamilton, c'est un de mes meilleurs amis !, dit-elle en sautant sur place, à Poudlard nous nous étions promis de voyager ensemble, malheureusement nous n'avons pas encore eu cette occasion. » Et un éclat dans le regard : « Et je suis tout à fait d'accord avec toi pour entraîner le professeur de botanique dans cette aventure ! »

Après avoir écrit son nom sur le bout de parchemin pour aider Isolde à l'écrire correctement, vu qu'il n'était pas facile à écrire ni même à prononcer. Elle se mit à rire quand elle bloquait sur la prononciation qui n'était pas si mauvaise au final. Novenka prit le temps d'articuler son nom, tentant de ne pas rouler son anglais comme son accent l'en empêchait habituellement de le faire : « Ci-seu-lak. Pense à Moe dans les Simpsons. Il s'appelle Moe Cieslak, enfin je ne sais pas si tu connais ce dessin animé pour adulte moldu. Il est très drôle, un peu satyrique. » Et elle réfléchit, le mot slave était souvent employé quand il s'agissait de personne venant de l'est, un peu comme européen ou chinois. Comme une fierté dans la voix, elle bomba la poitrine : « Tout à fait, notre famille est de Yougoslavie, mais elle a immigré en Angleterre il y a une trentaine d'années. »
Il était sûre que pour des anglo-saxons, la prononciation de Mayer était plus facile. Novenka allait surement rouler le r et ne voulait pas faire cet affront à Isolde donc elle se contenta de le lire et de hocher la tête. C'était surtout le prénom Isolde qu'elle trouvait très joli et atypique. Bien que son propre prénom était tout aussi atypique pour les anglais.
Elle porta un regard au sac de la belle. Incroyable, cette Phénix et ancienne Serdaigle avait l'ingéniosité et la prévention des femmes sorcières d'action et d'aventure. Elle sourit avec chaleur, toujours, encore, le plaisir d'une telle perspective ne la quittant nullement.

Elle acquiesça une nouvelle fois et fut entraînée dans les allées de la bibliothèque silencieuse jusqu'à trouver l'Atlas en question. Novenka s'installa à côté d'Isolde et écouta attentivement ce que la guide de voyage, toute trouvée on ne pouvait nier l'évidence, proposait comme itinéraire. Novenka adorait la mer, encore plus que la montagne ou la campagne. Les étoiles pleins les yeux, elle suivait le doigt d'Isolde qui dessinait le plan d'une excursion toute somme très intéressante.
Elle leva de nouveau le regard sur Isolde, songeuse : « Je n'ai pas de préférence, j'aime tout dans un pays que je ne connais pas bien. Rencontré même les habitants de ces dites villes pourraient être très enrichissants, tu ne penses pas ? On pourrait même manger dans quelques restaurants locaux ? »
Elle ne perdait pas le nord, cela allait sans dire.
« Ce que tu proposes est magistral, ce serait une excellente excursion qui ravira les plus baroudeurs. Je pense qu'on peut mixer les deux, faire des nuits à la belle étoile et dans les hôtels quand le jour de la visite s'y prête ? Il faut aussi prévoir un ou deux jours pour la Chantelune. Et il va sans dire que je vais bombarder de photos, aussi bien les paysages que notre groupe. »
Elle sortit de nouveau le parchemin et écrivit les villes dites par Isolde avant de sauter une ligne et d'écrire le nom des éventuels participants : Isolde, Novenka... Déjà. Puis Chris, Professeur Fitzsimmons... Mia, Anton... Elle hésita un moment mais se retint d'écrire le nom de Rowan.
« Qui veux-tu que nous invitions en plus ? Tiens. » Elle lui donna la plume pour la laisser écrire les noms.
Il était important de savoir combien de baroudeurs allaient se retrouver dans cette aventure sortie tout droit de l'imagination des deux jeunes filles. La botanique était surement à l'origine de tout cela...
Les plantes y a que ça de vrai.