"De la route aux grands charmes de la promenade"

Elle arrivait au loin, ses mèches cuivrées chatoyantes dans l'air frais, que le temps avait laissé glisser sous ses oreilles – elle les avait coupés et par ce symbole renouait avec le vivant. Amaranthe ressemblait beaucoup à sa mère. Ou était-ce ce qu'il souhaitait voir dans cette démarche assurée alliée à un sourire timide ? Il ne pouvait lui trouver des traits similaires à une parenté qu'il ne connaissait pas.
Il était étonné d'apercevoir quelques pas plus loin la silhouette féline. Le chat était-il un animal fantastique ? Cela lui rappelait des bribes de conversation d'une soirée arrosée. Quinlan avait également un chat étrange, qui semblait juger tout humain dont il croisait le regard. Pour un animal typiquement indépendant, la manière de suivre sa maîtresse de ce spécimen était étrange.
Il traversa l'esprit étriqué de Rupert l'idée de s'insinuer dans les pensées félines – comprendrait-il son raisonnement ? Cette science de la pensée qu'il parviendrait bientôt à maîtriser – les entrainements avec le jeune Westminbrook lui avaient permis d'atteindre un niveau satisfaisant à l'offensive mais il n'avait jamais pu renverser la situation de sorte à exercer ses défenses – fonctionnait principalement par images, par des visions projetées : comme si l'on voyait par l'oeil de l'attaqué. La vision des chats n'était pas la même que celle des humains, croyait-il.
Il avait déjà plus ou moins fait l'expérience avec Kaïros. Le contrôle que cela lui conférait lui permettait parfois de suivre son chien sur plusieurs mètres. En même temps, un lien de confiance tel s'était tissé entre eux, que l'animal n'opposait aucune résistance à une quelconque intrusion. Elle lui paraissait normale. C'était ainsi que Rupert s'était entraîné. Parfois, quand il croyait avoir perdu son chien dans le bois, l'enchantement lui permettait de le retrouver. Et, depuis peu, de le faire tourner les yeux dans sa direction. Car, il était de loin un piètre botaniste et ne s'y retrouvait que par un sens de l'orientation forgé par les nombreux trajets en balai et, il y avait de ça déjà bien longtemps, des escapades dans la Forêt interdite. Et donc, souvent, ses expérimentations manquaient d'utilité.

Enfin, il se demandait si le chat se braquerait – bien sûr, il serait capable de dépasser sa résistance, mais la question était intéressante. Comment pensait un chat ? Par images également ? Seraient-elles déformées, différentes de sa réalité – comme les perceptions du braque de Weimar ? Comprendrait-il son langage ? Non, il en doutait. A moins que ce ne soit transcrit par images. Cela n'avait rien à voir avec l'animagisme ou la magizoologie. C'était juste une effraction.

Il sourit largement à Amaranthe qui vint le saluer par une accolade. Eh bien ! Tant mieux, cela dit. Il la serra brièvement dans ses bras – le geste lui paraissait tout naturel car de leur contrée il était une norme. Ça, ou le salut de loin. Il n'y avait qu'Antoine pour lui faire la bise, par le fait d'une tradition teintée de plaisanterie immature.
« Amaranthe ! Je suis content de te voir. » déclara-t-il de sa voix chaleureuse. « Je vais plutôt bien, ça va. Entre les cours et le déménagement de ma fille, je m'occupe. Et toi alors, dis-moi : comment vas-tu ? »

Il éprouvait pour elle une tendresse qu'il ne savait trop qualifier. Il la connaissait trop peu pour se sentir investi d'une mission paternelle et était trop âgé pour agir comme un frère – plutôt comme l'oncle un peu étrange qui blague souvent et vous soutient parfois, quand il le faut. En tous les cas cette relation était mâtinée d'un élan protecteur.
« Je t'ai amené des scones ! » lâcha-t-il, joyeux, montrant son sachet. Sa fierté avait l'éclat du gamin réussissant son premier Wingardium Leviosa. « Je les ai faits moi-même. Comme c'est l'heure du goûter, j'me suis dit que tu aimerais en manger un. Enfin ils sont pour toi, si t'as pas faim maintenant, garde les ! J'suis pas encore comme ces grands-mères qui forcent leurs petits-enfants à finir leur assiette et reprendre du dessert ! » Sa vanne le fit rire. Il avait appris récemment le terme « détendre la pâte ». Il aimait à croire qu'il excellait en la matière, pour ce qui était de l'atmosphère sociale.