Caillou, visite et retrouvailles [Benjamin, Gabrielle, Rowan & libre]

16/03/2016

HRP:

Le 28 avril 1997, fin de matinée
Visite des sixièmes et septièmes années à Haveirson

C'est légèrement anxieuse que je finissais de me préparer avant de monter dans le hall rejoindre les autres. Aujourd'hui, nous avions l'autorisation d'aller visiter Haveirson et tout avait été mis en oeuvre pour que nous puissions faire le voyage sans encombre. J'avais prévu d'y rejoindre Rowan, d'une part parce que j'avais quelques petites choses à discuter avec lui mais aussi et surtout parce que cela faisait longtemps que nous nous étions vus et qu'échanger avec lui me manquait ; de plus, j'avais quelque chose à lui transmettre de la part de Hope donc le rendez-vous tombait très bien.
Une dernière touche de parfum sur le cou, un dernier regard dans le miroir pour vérifier que j'étais parfaite et je sortis du dortoir, ma cape sur le bras et mon sac à l'épaule. Dans la salle commune m'attendaient Hope et Alycia, je les serrai contre moi chacune à leur tour et leur adressai un petit sourire.

« A ce soir, mes belles. Soyez sages et ne faites pas de bêtises ! »

Un dernier signe de la main et je partis en direction du grand hall, le ventre étrangement noué. Je savais très bien que nous étions protégés et j'étais tout à fait capable de me défendre seule mais j'avais une étrange appréhension, comme si tout n'allait pas se dérouler comme prévu. Quand je rejoignis Orion, j'hésitai quelques secondes à lui faire part de mes craintes mais je ne voulais pas non plus que mon stress ne déteigne sur lui, aussi je me tus. Groupe par groupe, nous sortîmes du château et, portoloins en main, transplanâmes pour l'académie.

Une fois arrivés, chacun fila de son côté suivant ce qu'il avait prévu de faire et, après un dernier baiser sur la joue de mon jumeau, je partis en direction des jardins anglais - nous avions décidé avec Rowan de profiter du beau temps prévu pour nous retrouver en extérieur et être au calme pour discuter, avant qu'il ne me fasse visiter les parties communes. Quand j'arrivai au point de rendez-vous, à côté d'une jolie fontaine, j'étais en avance et l'endroit était désert - peu importe, au moins je serais tranquille pour profiter de la chaleur du soleil sur mon visage avant que mon ami n'arrive.
J'étais installée depuis deux minutes à peine quand j'entendis des bruits de pas. Pensant qu'il s'agissait de l'héritier Westminbrook, je me redressai dans une position assise plus convenable que celle qui était la mienne plus tôt et tournai la tête vers le nouvel arrivant, un léger sourire sur les lèvres, pour découvrir que ce n'était pas Rowan mais un inconnu. Chacun marqua un arrêt et je fronçai légèrement les sourcils : le visage de l'homme et plus particulièrement son sourire en coin réveillaient quelques souvenirs soigneusement enfouis. Ce n'était pas possible, n'est-ce pas ?

Il sembla me remettre plus rapidement que moi je ne le reconnus car il changea la direction de ses pas pour me rejoindre et, son sourire plus large et plus malicieux que jamais, s'arrêta devant moi, m'obligeant à lever la tête pour que je parvienne à maintenir le regard. Mais qui est-il pour me sourire aussi... familièrement ? Je fronçai un peu plus les sourcils tandis que son sourire s'agrandit encore un peu plus.

« Eh bien, Caillou, tu ne me reconnais pas ? »

Oh non.

Réveil aux aurores... Non, je déconne. Une nouvelle fois le Français se réveilla sur son canapé, entre des vêtements à la propreté discutable et des notes froissées. C'était devenu pour lui un leitmotiv tellement ennuyeux, mais après tout, sa petite vie lui allait très bien; Il essayait de s'en persuader. Tout en retrouvant ses esprit il se traina jusqu'à la cuisine pour y trouver quelque chose à se mettre sous la dent. Ce fut une pomme qui succomba à sa morsure, faute de mieux, et tout en mangeant il retourna dans sa chambre pour s'habiller. Après une demie-heure de rangement, et après s'être rasé, coiffé, et mis de l'aftershave il marcha jusqu'à l'académie, peu habitué à transplaner.

S'il n'avait pas vu l'arrivage de Poudlariens en arrivant il en aurait presque oublié que c'était le jour de la visite. Le Sinistros s'en contrefichait un peu (beaucoup), il offrit simplement un charmant sourire aux jeunes femmes en passant et ne leur prêta pas d'avantage attention; c'est lui qui attirait les adolescentes à lui, en général, a moins que sa belle gueule et sa stature ne fassent plus autant d'effet qu'avant. Mais il en doutait, vaniteux qu'il était. Ses cours ne commençaient qu'après midi mais il songeait à aller voir Chris avant, histoire de s'y rendre avec lui. Il passa donc par les jardins anglais, s'imaginant qu'il n'y aurait personne et qu'il pourrait éviter les questions et les reproches sur le fait qu'il n'était pas venu en cours depuis deux jours.

Benjamin se rendit vite compte qu'il se trompait. Peu après son arrivée, il remarqua qu'une jolie jeune femme était assise sur un banc, non loin. Ce n'était visiblement pas une élève d'Haveirson mais son visage lui était familier. Très familier. Gaby. Le Français ne put s'empêcher d'afficher un petit sourire en coin, malicieux au possible. Une réaction bien étrange après presque une dizaine d'années d'éloignement, mais pour lui, les choses étaient restées les même. Le brun tourna ensuite et s'approcha d'elle, son sourire ne faisant que croître, toute la malice dont il pouvait faire preuve exprimée sur ses lèvres. La Rosier était plus belle que jamais, bien plus que dans ses souvenirs, bien plus que lorsque ils s'étaient abandonnés. Il avait laissée une enfant et il retrouvait une femme... Une boule dans la gorge, il se fit violence pour articuler trois mots et pour conserver son assurance habituelle puis, sans vraiment lui laisser le temps de répondre, il laissa échapper un petit rire suave et empli d'une espièglerie qui se mêlait au bonheur encore inavoué de la revoir.

« Ben Corvin ? Je suis certains que tu te souviens, je le vois dans tes beaux yeux. »

On faisait mieux comme phrase d'approche, mais encore sous le choc, le Français avait perdu de son éloquence. C'était presque irréel, le temps était comme suspendu et l'expression qu'avait Gabrielle était telle qu'il faisait abstraction de tout; même de ses pensées. Reprends-toi couillon ! Lorsque la jolie brune se leva il ne put s'empêcher de la dévorer des yeux, sans perdre son attitude mutine. Le rouge sur ses joues le plaçait en position de force en même temps qu'il le rendait vulnérable, un paradoxe dont il se réjouissait intérieurement. Rapidement il remarqua que son port à elle ne correspondait pas à celui qu'il avait connu, la petite fille avait véritablement disparue, mais il refusait pourtant d'y croire, sachant bien, qu'au fond, elle ne pouvait pas avoir tant changée que ça. Elle ne pouvait pas avoir oublié, et pour preuve, elle ne savait plus où se mettre ni trop quoi faire.

« Toi... Tu... » fit sa jeune et inavouée amie avant qu'il ne reprenne, braquant ses iris kaki dans les siennes, toujours mutin. « Où est passée la petite fille que je portais sur mon dos et qui ne pouvait s'empêcher de parler ? »

16/03/2016

Non. Non non non. Cela ne pouvait pas être possible. Hors de question. Qu'est-ce qu'il faisait là, lui ? ET POURQUOI EST CE QU'IL RIAIT EN PLUS ?! L'esprit en effervescence, je manquai presque de rater ses paroles - Ben Corvin ? Je suis certains que tu te souviens, je le vois dans tes beaux yeux. RAH. Quel... Quel... ARGH. Mes joues s'empourprèrent de leur propre volonté et je leur en voulus de laisser transparaître mon malaise aussi facilement. Si même mon corps me trahissait, où irait le monde ? J'essayai de mettre les choses au point, sans grande réussite ; dans une tentative pour prendre le dessus que je n'avais clairement pas, je me levai et me redressai de toute ma hauteur, le port aussi altier et aristocratique que je le pouvais - en vain, bien entendu. A croire que le ratio entre nos tailles n'avait pas tant bougé, en... sept ans ? huit ans ? de séparation.

« Toi... Tu... » bafouillai-je. Je n'eus pas le temps d'expliciter mes mots qu'il renchérissait déjà, me faisant rougir un peu plus. Je portai une main à mon visage, tentant d'échapper à son regard et, surtout, à son sourire mais rien n'y faisait. Merlin aidez-moi. Inspirant un bon coup, je levai les yeux vers lui et soutins son regard, tandis que je tentai de m'affermir. « La petite fille a grandi, Benjamin. » Même après tant d'années, prononcer son prénom entier et non pas juste « Ben » était étrange et presque anormal. « ... Ben. » me repris-je donc, les joues encore plus rouges - si c'était encore possible. Si quelqu'un me voit dans cet état, c'en est fini de ma réputation.

Je me rassis sur le banc en pierre et intimai à mon ami de faire de même - de cette façon nous étions de la même taille ou presque. Je me tournai légèrement vers lui et mon regard fut directement accueilli par son sourire enjôleur... et presque timide ? En voilà, une nouveauté. Maintenant que le premier choc était passé, j'arrivai enfin à reprendre le contrôle de mes émotions et je sentis avec plaisir mes pommettes se rafraîchir pour retrouver leur teinte d'albâtre habituelle. Je pris le temps de réfléchir quelques secondes, secondes pendant lesquelles il en profita pour s'accouder à la fontaine derrière nous et ainsi mettre en avant sa carrure. Mes joues rosirent de nouveau mais j'essayai de ne pas y prêter attention. Non, à la place, je lançai l'offensive en posant la question qui me tenait le plus à coeur :

« Qu'est-ce que tu fais dans une école de sorcellerie ? Je croyais que tu étais un moldu. Pourquoi ne jamais m'avoir dit que tu avais des pouvoirs ? »

En réalité, cela faisait deux questions et non pas une... Mais il n'avait jamais su compter de toute façon. Ou alors il faisait exprès de faire des erreurs quand c'était à son tour de me chercher quand nous jouions à cache-cache dans le parc. Je chassai la pensée inopportune d'un geste de main imaginaire. Là n'était certainement pas le moment de me souvenir alors qu'il me fallait comprendre.

Ce teint lui avait manqué, cet écarlate qu'il avait déjà vu par le passé et qu'il trouvait choupinou, mais là, sur son visage de femme, il avait une tout autre ampleur. Malgré son aplomb apparent le Français était déstabilisé, touché derrière son masque habituel de mystère et de malice, mais pas seulement. Il reprit néanmoins confiance en la voyant tenter de se dérober à son sourire; sourire qu'il ne put empêcher de s'étirer d'avantage. C'était un jeu implicite, qui était moins déstabilisé sur l'autre.

« La petite fille a grandi, Benjamin. ... Ben. » fit la beauté d'albâtre, ce à quoi il répondit directement et sur un ton d'abord enjôleur puis joueur.
« Pour mon plus grand plaisir... La petite fille était bien trop bavarde. »

Une nouvelle fois il se cachait derrière son humour, cherchant toujours à déstabiliser tous le monde, à faire en sorte qu'ils ne sachent plus vraiment sur quel pied danser sans pour autant les braquer... Mais pour Gaby... Elle ne semblait de toute manière pas avoir entendu, ou bien elle choisit simplement de ne pas répondre, ce qui au passage rassura le Sinistros. Elle s'assit ensuite sur le banc et l'invita à faire de même, cherchant visiblement à reprendre non seulement le contrôle d'elle-même mais aussi de la situation. Il s'exécuta, docilement, sans pouvoir ni vouloir détacher son regard elle après tout ce temps perdu.

Il s'en était toujours voulu pour ça. A lui. Au temps, à ses devoirs, à ses obligations. Il les avait longtemps maudite de lui avoir enlevée Gabrielle. Il lui en avait aussi longtemps voulu à elle de l'avoir laissé comme ça, seul, sans ses sourires innocents, sans ses joues rougies par l'effort et la joie. Il n'avait plus ses rires lorsque il la portait sur son dos et qu'il s'amusait à courir pour lui faire peur et qu'elle l'étranglait presque en lui criant de ralentir, plus son visage angélique qui savait l'attendrir comme personne. Il n'avait soudainement plus eu droit à tout ça, on lui avait cruellement arraché et la crevasse dans son coeur ne s'était toujours pas fermée. Mais aujourd'hui tout avait changé, il faisait table rase du passé, il avait retrouvé son ange, sa lumière, celle qui avait chassé l'insipide de sa vie dans sa jeunesse. Elle était là, si près mais si loin; et son visage désormais si féminin qui le désarmait...

La colère aurait pu prendre possession de lui mais c'est un sentiment bien plus fort qui mit fin à sa torture. Son regard croisa le sien, et pour la première fois il ne savait plus quoi dire, mais il garda cependant, comme d'habitude, un air décontracté sans toutefois être dupe. Ça n'avait pas pu échapper à la Serpentard: elle l’impressionnait même s'il ne l'aurait jamais avoué. Un silence de mort pesa alors sur les deux amis; un silence persistant. Il se disait pour se réconforter que ce n'était pas à lui de parler, et malgré sa position qui semblait vouloir dire qu'il était parfaitement à l'aise et qu'il ne craignait rien, il s'était mis sur la défensive. Qu'allait-t-elle lui demander ? Caillou rougit de nouveau juste avant de mettre fin au suspens.

« J'étudie ? fit-t-il, se croyant malin. Je pourrais te poser la même question, Caillou, mais ça n'avancerait à rien. Ma réponse sera sensiblement pareille que la tienne. Il y avait le secret, mais avant toute chose je ne voulais pas te mettre en danger, tu n'avais pas l'âge de comprendre. Et puis pourquoi t'es partie sans me donner de nouvelles, hein ? reprit-t-il en changeant un peu de ton, troquant sa légèreté contre une dose de sérieux. Pourquoi tu ne m'as jamais envoyé de lettre toi ? ses yeux étaient plantés dans les siens tandis qu'il la mettait dos au mur. Il ne la lâchait pas des yeux, à la fois presque tendre et un brin accusateur. Enfin. Ça me fait plaisir de te revoir dans tous les cas. » conclut le Français avec un sourire sincère. Bien sûr que ça lui faisait plaisir ! Bien plus qu'elle ne pouvait l'imaginer la Rosier.

Ben lui laissait une chance d'esquiver sa dernière question. Il n'était pas sûr de vouloir connaître la réponse, le brun. Elle, elle n'avait pas l'air d'avoir porté la cicatrice de leur séparation. Tant mieux se disait-t-il pour se rassurer, elle n'était encore qu'une enfant et ne devait pas voir la vie sous le même angle que lui, et il lui pardonnait tout... qu'importe. De l'eau avait coulé sous les ponts et il ne pouvait se permettre d'être fragile. Pas même pour elle; et malgré que tout son être réclamait il le faisait taire avec une poigne de fer. Les années qui s'étaient évanouie avaient créée un homme fort, et elle y était pour quelque chose d'une certaine manière. Hors de question qu'elle soit à l'origine de sa chute.

Le Sinistros détourna le regard, toujours accoudé à la fontaine. Ses questions avaient laissés un blanc, Gaby ne s'attendait sûrement pas à une réaction aussi franche, aussi directe, aussi reprit-t-il avant qu'elle ne puisse rajouter quoi que ce soit.

« C'est drôle, j'ai toujours su au fond de moi que tu étais une sorcière. Il marqua une pause et tourna la tête vers elle, revenant arborer son fameux sourire espiègle. Tu te cachais tellement bien étant petite que je pensais que tu usais d'un charme de désillusion. »

16/03/2016

Son trait d'humour me fit esquisser un sourire en coin mais je ne perdais pas mon sérieux pour autant - je voulais comprendre jusqu'à quel point j'étais dans les ennuis. Quand j'étais enfant, il n'y avait que moi et les elfes qui étions au courant pour mon ami et comme j'avais fait jurer aux elfes de ne rien dire, j'étais tranquille de ce côté-là. Jurez-moi de ne jamais révéler à mes parents que je suis amie avec un garçon moldu, d'accord ? J'avais passé trois étés, entre mes neuf et onze ans, à m'amuser comme une vraie enfant, sans histoires de magie ou de conduite à respecter, avec un garçon que je ne connaissais pas. Puis, après ma première année au château, je n'étais plus revenue à Bordeaux. Je n'avais pas envoyé de lettre, non plus. Qu'aurait dit un moldu s'il recevait une lettre écrite sur un parchemin et apportée par une chouette ? Cela avait également été la période où j'avais commencé à changer, à m'assombrir. Ben n'avait pas à subir ça de moi.
Ses questions firent écho à ce que je pensais et je sentis mon coeur se serrer. Je m'en voulais de ne pas avoir donné de nouvelles en tant d'années mais en même temps, je n'aurais pas été celle que je suis aujourd'hui si j'avais tenu une correspondance assidue avec un... né-moldu ? sang-mêlé ? Qu'importe. Je soutenais son regard comme je le pouvais, à la fois rassurée et rendue mal à l'aise par la tendresse que j'y trouvais. Comment peut-il encore m'apprécier après le silence que je lui ai imposé ?

Je ne savais pas quoi lui répondre, sans que cela ne le blesse. La vérité le blesserait. Un mensonge le blesserait également, car il saurait que j'avais menti. Que dire ? Il détourna le regard et je sentis mon coeur se serrer un peu plus. Bravo, Gabrielle. Je cherchais désespéramment quoi répondre quand il reprit la parole, me sauvant la mise par la même occasion. Ses mots me surprirent.

« Vraiment ? » Je me souvenais pourtant clairement avoir mis le feu à un buisson quand je ne parvenais pas à le trouver, lors d'une partie de cache-cache et seule la rapidité d'intervention d'un des elfes avait évité que le petit bois ne parte en fumée, ainsi que Ben. « Je n'aurais jamais pu utiliser un charme de désillusion, j'étais bien trop jeune et inexpérimentée... Et je n'avais pas de baguette. »

Je me perdis dans la contemplation des buissons de fleur, en face de nous. Des roses rouges. Forcément. Pourtant, pour une fois, je ne ressentais pas de haine ou de dégoût à la vue des boutons, juste une sorte d'acceptation. « Je n'ai jamais aimé les roses. » expliquai-je à Ben sans qu'il n'ait rien demandé. Je ne le regardais toujours pas. « J'ai toujours été fière d'être une Rosier mais je n'ai jamais aimé les roses. » Je tournai les yeux vers lui et, redevenant l'enfant innocente que j'étais tant d'années auparavant, lui posai une question qui me tenait à coeur, malgré tout. « Tu crois que c'est normal ? »

Un rire franc s'extirpa de sa bouche. Il n'aurait su dire si son amie était devenue pince-sans-rire avec le temps ou si sa candeur ne l'avais jamais quitté. Peut-être aussi qu'elle refaisait surface en même temps que le reste ? Ça n'avait aucune espèce d'importance. Toujours appuyé contre la fontaine il y trempa le bout des doigts et s'amusa distraitement à faire quelques remous, répondant à la Rosier sur un ton qu'elle connaissait bien. Le ton Ben, juste ce qu'il faut entre l'enjôleur et le sérieux. Lui parler lui avait manqué, et avec elle il n'éprouvait pas le besoin de se mettre en scène, il pouvait être lui... simplement lui.

« Nan, je plaisantais. T'as pas changée Gaby, toujours aussi doucement naïve, comme quand je faisais semblant de ne pas te trouver alors que j'étais passé trois fois devant ta cachette et que je voyais tes pieds dépasser mais que tu croyais dur comme fer être forte à ce jeu. il lâcha de nouveau un petit rire, Et celle que nous appelons rose, sous un tout autre nom, sentirait aussi bon. T'as pas trouvé mieux ? Néanmoins le teint de la belle changea, s'empourprant avant qu'elle ne laisse échapper un léger rire peu convaincant. Rosier n'est qu'un nom, et même si tu es fière de ton patrimoine, il n'a rien à voir avec ça. Et si je me trompe, je serais ravi de connaître ton -ou plutôt votre histoire. Pour ce qu'il s'agit de la normalité... Pourquoi ça ne serait pas normal ? Comme j'te dis, si tu es fière de qui tu es c'est pour les agissements de ta famille, pas pour la signification qu'ont six lettres collées ensembles. »

Ben sourit alors simplement, repensant aux mots qu'il venait d'employer. Étaient-ils correct ? Avait-t-il été maladroit quelque part ? Le doute s'était emparé de lui, la dernière chose qu'il voulait c'était de la blesser, sauf si c'était un bobo au genou et qu'il pouvait venir la sauver comme quand elle était petite. Tout était un peu trop sérieux à son goût, joueur qu'il était, il éclaboussa légèrement Gaby lorsque elle commença à parler; assez pour qu'elle sente sa peau se rafraichir mais trop peu pour la tremper. Son sourire se changea furtivement et il ne bougea pas d'un pouce, attentif à ce qu'elle allait pouvoir dire. C'était son truc ça, mêler le jeu aux choses sérieuses, amadouer et désarmer lorsque la personne est sur le point de le désarmer lui.

Plus loin dans le jardin des élèves passaient. Le Français n'y prêtait pas attention, et ils étaient de toute façon bien trop loin pour susciter un intérêt quelconque de sa part. Cependant leurs éclats de voix troublèrent un peu sa quiétude et lui rappelèrent que Gabrielle n'était pas encore à Haveirson, que leur temps était compté. Foutue école. Pourquoi fallait-t-il qu'on lui enlève de nouveau ? Et lui, pourquoi se permettait-t-il d'entacher ce moment avec des pensées aussi débiles ? Benjamin les chassa de son esprit, le sourire de la princesse d'albâtre comme point d'ancrage.

16/03/2016

Même si j'avais voulu me vexer à cause de son rire, je n'aurais pas pu. Il faudrait qu'il y mette vraiment du sien pour que je prenne la mouche et il était bien un des rares pour lesquels j'acceptais les moqueries, aussi gentilles soient-elles. Son commentaire sur nos anciennes parties de cache-cache me fit esquisser un sourire - ah, je savais bien qu'il faisait semblant ! - mais je rougis à la suite de ses paroles, laissant échapper un petit rire qui ne sembla même pas convaincant à mes propres oreilles. Quelle étrange façon de dire que je sens bon... Le reste de ses mots fit écho à une conversation que j'avais eu avec une certaine personne quelques jours à peine auparavant, conversation que j'aurais voulu oublier à tout jamais, mais cette fois, tout se passa avec douceur. Pas de jugement, pas de rejet.
J'ouvrais la bouche pour répondre je ne sais trop quoi quand il m'arrosa légèrement et cette fois, ce fut un rire sincère qui franchit mes lèvres. Le contact de l'eau fraîche avait eu le mérite de casser la tension qui montait en moi.

« C'est gentil de dire ça, Ben. » Je ne savais pas quoi lui dire d'autre. D'ordinaire, il n'y avait que mon frère pour être vraiment gentil avec moi, la plupart essayaient de récupérer quelque chose de moi en échange de leur prétendue gentillesse. Mais pas Ben.

Je suivis son regard sur le jardin, vers les autres élèves au loin et il me sembla apercevoir la jeune Rosebury, accompagnée par un ancien Poufsouffle si je le reconnaissais bien. Oh. Je me tournai vers Ben. « Je suis désolée, mais j'attends quelqu'un pour la visite de l'école... » L'éclat dans ses yeux se ternit un peu et mon coeur se serra. « Je suis désolée, j'aurais adoré passer un peu plus de temps avec toi mais je dois parler de choses très importantes qui ne regardent que Rowan et moi... » Connaissait-il Rowan, d'ailleurs ? « Je te promets de t'envoyer une lettre quand je rentrerai au château, d'accord ? »

Ses propos n'étaient pas fait pour être gentils: ils étaient fait pour être vrais. Il ne put s'empêcher de sourire à s'en faire mal aux joues. Et puis il se trouva con, tellement niais mais à côté de ça ce n'était pas pour lui déplaire, le français avait simplement peur d'être maladroit et de paraître trop neuneu. Il fallait faire attention, ça ne lui ressemblait carrément pas. De toute manière sa joie retomba rapidement, quasi annihilée par la révélation de la belle Serpentard. Qu'est-ce qui était le pire; savoir qu'il allait devoir se séparer d'elle pour une durée indéterminée ou que ce soit Westminbrook qui lui vole sa Gaby ? Son visage devint immédiatement plus sérieux, le jeune homme ne pouvant masquer sa déception, mais il se passa rapidement une main du front jusqu'à la joue pour dissiper cet air qu'il ne voulait pas qu'elle voit.

Une diversion s'imposait néanmoins. Il n'allait pas lui mentir mais il ne lui dirait pas non plus ce qui l'a ainsi heurté et ébranlé sa bonne humeur. Forçant un petit sourire en coin il reprit, sincère dans ses paroles, le kaki de ses iris braqué sur... Tout. Sauf ses yeux à elle. Ses lèvres restant son point d'ancrage favoris.

« J'étais tellement content de te voir que j'en oubliais que ton temps était limité. entama-t-il. Le fait qu'elle s'excuse deux fois ne l'avait pas pour autant apaisé. Et je comprends tout à fait, ces dernier temps c'est dur pour vous de discuter avec quelqu'un d'extérieur à l'école de manière totalement privée. Il n'était pas con, loin de là, mais il faisait tout comme malgré ses paroles, ne pouvant pour le moment qu'accepter la situation. Le Westminbrook n'était pour lui pas quelqu'un d'innocent. Moi aussi j'aurais aimé passer un peu plus de temps en ta compagnie. Vraiment. Il ramena enfin son regard sur elle, les yeux dans les yeux, se fendant d'un sourire plus doux. Le français reprenait un peu plus confiance en lui; du moins son expression en donnait l'air. Et je compte bien que tu m'envoies des lettres. Je t'en enverrais aussi, mais à une seule condition. Il marqua une courte pause et son sourire se fit plus fin. Quelle gymnastique pour ses muscles faciaux. Que tu accepte mon invitation à sortir dès que tu seras libérée de Poudlard. J'y tiens beaucoup, j'aimerais qu'on discute tranquillement et puis après tout ce sera un peu comme si on fêtait nos retrouvailles. Je veux faire les choses dans les règles de l'art, tu n'es pas n'importe qui. » conclut Ben en élargissant son sourire.

Quel idiot ! Il se serait volontiers passé de son dernier commentaire mais sa bouche avait agit plus vite que sa tête. Trop tard. Il ne baissa pas les yeux, espérant vainement que sa maladresse passerait inaperçue. Connaissant Gaby elle ne la soulignerait certainement pas, mais elle n'en penserait pas moins. C'est ensuite un sentiment étrange qui le plongea dans l'incompréhension et la contemplation de ce visage si dur et si doux à la fois. Comment pouvait-t-elle le rendre aussi débile ? Comment pouvait-t-elle lui faire ressentir deux émotions contraire. Il était aussi rassuré en sa présence qu'angoissé de la réaction qu'elle pourrait avoir ou des jugements qui lui passeraient par la tête. Décidément les retrouvailles ne s'étaient pas exactement passée de la manière dont il l'aurait voulue. Néanmoins le Sinistros se jura que la prochaine fois qu'ils se verraient il serait prêt, hors de question que son cerveau le trahisse.

Les premières heures de la journée s’étaient écoulées avec une lenteur méticuleuse et appréciable ; l’enseignement dispensé par messire Fitzsimmons deuxième du nom, avait su pleinement retenir son attention. Tant bien même que l’état de son amie d’enfance – la douce et affable Amaranthe – persistait à noircir le tableau songeur de cette étude au vert.

Ou au bois, plus exactement, vu qu’ils avaient travaillé sur la souplesse et la constitution de leurs baguettes.

À la fin du cours, le jeune homme s’était échiné à suivre sa rousse comparse jusqu’à ce qu’elle s’extirpa définitivement de son horizon. Bon sang ; il détesta assister impuissance à sa déchéance et son hostilité glaçante. Cette verve soudaine et guère coutumière lui insufflait quelques frayeurs silencieuses, à tel point qu’il finit par porter ses doigts à son front.

Une chose à la fois. La première infante Rosier attendait son arrivée sous des auspices davantage favorables.

D’un pas nonchalant, Rowan quitta l’ombrage bienvenu de la bâtisse pour rejoindre sa cadette. L’extase singulière du printemps, colorée et chatoyante, lui tira un bref égayment alors qu’il percevait au loin la silhouette attendue de la septième année. Et d’un pair de Sinistros dont il reconnaissait aisément les traits.

Sans s’affranchir des convenances, il s’intégra à leur proximité ; inclinant le visage avec courtoisie et amabilité. « Messire Corvin. » Ses iris pâles, d’une gaieté déconcertante, se posèrent ensuite sur son affiliée. « Gabrielle, je suis ravi de te voir. » Et, avec une sincérité réelle, il lui adressa un sourire de connivence. « Comme prévu, je suis à ta disposition. »

16/03/2016

Je vis très clairement que mon rejet - qui n'en était pas réellement un, après tout - l'avait affecté et je m'en voulus un peu. Si j'avais su, je lui aurais demandé à lui plutôt qu'à Rowan... Je secouai intérieurement la tête, chassant cette idée saugrenue de mon esprit. J'écoutais ce qu'il me dit un peu d'une oreille, surveillant les alentours à la recherche de mon ami, quand je l'entendis parler d'invitation à sortir. Je tournai la tête vers lui, les yeux plantés dans les siens. « Tu es sûr de vouloir m'inviter à sortir ? » Ce n'était pas que je ne voulais pas, c'était juste... risqué. Je le laissai douter quelques secondes, avant de lui adresser un grand sourire. « J'accepte avec grand plaisir ! »

L'instant d'après, l'aîné Westminbrook était à nos côtés et nous saluait, avec son habituelle courtoisie. Je lui adressai un grand sourire sincère, heureuse de le revoir après tant de temps et répondis à ses salutations. « Rowan ! Je suis tout autant ravie de te voir. » Un regard à Ben m'apprit qu'il n'avait pas l'air très heureux que mon guide pour la journée soit arrivé et je dus me retenir de lui faire un baiser sur la joue pour le réconforter. Pas devant Rowan ! A la place, je lui adressai un petit sourire discret, avant de lui dire au revoir : « Ce fut un plaisir que de te recroiser, Corvin. » Je le vis légèrement ciller mais ne relevai pas - j'avais un rôle à tenir après tout. « Peut-être se reverra-t-on, qui sait. » Je détournai les yeux du Français pour les poser sur Rowan, attendant patiemment et le coeur un peu serré que le premier parte pour que je puisse discuter tranquillement avec le second. J'espère qu'il ne le prendra pas trop mal...

Ça y est, il était là. Le Français n'avait entendu la réponse de la Rosier que d'une oreille tant la présence de l'aristocrate le frustrait. Il avait néanmoins ébaucher un sourire à l'attention de son interlocutrice, sobre, comme pour ignorer sa question qu'il trouvait assez éloquente, comme un reflet de la honte qu'elle aurait si elle était vue en public avec un sang-mêlé -un né-moldu ?-, un bâtard. L'espace d'un instant il contracta les muscles de sa mâchoire. Était-ce le Westminbrook qui l'avait rendue comme ça ? L'évidence lui échappait tant l'animosité qu'il nourrissait vis-à-vis de l'ex-serpentard l'aveuglait. C'était la faute des Rosier et de leurs règles. Ben tourna la tête vers son confrère et afficha un sourire d'apparat, répondant ensuite avec un « Messire Westminbrook. » des plus respectueux.

Rapidement Gabrielle l'incita à s'en aller, sans préavis, implicitement. Il ne pouvait lui en vouloir mais il cilla et la teinte de ses iris semblait déjà plus terne, et ce n'est pas la flamme de sa colère qui les illuminaient -non. Alors, docilement, il acquiesça. Que pouvait-t-il dire de plus ? Pour ne pas la mettre dans l’embarras il articula une réponse insipide et banale mais qui pourtant était pleine de sens « Pareillement. Amuse-toi bien à Haveirson, et j'espère te revoir très vite Miss Rosier. » Suite à quoi il salua l'héritier d'un signe de tête poli et s'éloigna, frôlant la jeune femme d'assez près pour qu'elle puisse sentir sa peau, ou au moins le contact de ses vêtements sur les siens.

Le Sinistros glissa ensuite les mains dans ses poches sans même se retourner, sortant des jardins d'un pas décontracté et nonchalant mais avec toujours la même image en tête; le visage de Caillou et l'expression qu'elle avait. S'il ne l'avait pas connue il aurait juré qu'elle n'en avait rien à carrer de lui. La gamine s'était endurcie, visiblement. C'était une bonne chose. Ses pensées restèrent donc sensiblement les même tout au long du trajet, avec pour point commun et central la jolie brune.

Au regard luisant d'engouement que sa cadette lui adressa, l'ancien Serpentard répondit avec une gaieté fermement maîtrisée. Celle qui, tout en révélant l'ardeur de sa sympathie, se paraît des atours coutumiers de l'aristocratie sorcière. Les alliances se tissaient aussi vite qu'elle se perdaient, dans le feu des désobligeances et des mésententes futiles des héritiers de la pourpre ; la retenue n'était qu'une énième protection de plus.

Très vite, néanmoins, sa jeune camarade congédia l'amabilité appuyée du dénommé Corvin. Pour toute réponse, Rowan inclina une nouvelle fois le visage ; suivant poliment des yeux le départ du Sinistros, sans réellement comprendre la teneur de ce qui s'était joué ici bas. Le silence perdura quelques secondes, avant qu'il ne s'osa à prendre la parole. « Et bien, je t'écoute. Quels sont tes souhaits ? »

Ses iris pâles et enjouées portèrent de nouveau leur attention sur les traits de Gabrielle. « Il y a beaucoup de choses à visiter dans l'académie, si tu as des préférences, j'ai l'audace de vouloir m'en enquérir. » Un autre sourire s'invita sur ses lèvres ; piqué par cet égayement déconcertant qui ne voulait plus le quitter. Réellement ? « Si nous restons hors de portée des oreilles impertinentes, nous pourrons également évoquer d'autres sujets pendant notre promenade. » Et il perdait, alors, cet éclat de joie pour une ombre d'inquiétude. « Il me semble que tu voulais me parler de certaines choses. »