Ceci sera l'histoire de votre personnage. Origines familiales, enfance, scolarité, soyez le plus précis possible ! Conseil aux nouveaux joueurs : une histoire très travaillée donnera un personnage plus intéressant pour les autres joueurs, mais aussi pour vous ! Réfléchissez-y bien.
Elle est partie. Une porte fermée, une chambre vide. Plus de lettres, plus de photos, plus de souvenir. Plus un mot. Et pour la première fois en cinq ans, plus de compétition à observer. Plus rien. Elle est partie, et un elfe de maison serré dans mes bras, je contemple le vide qu'elle laisse dans sa chambre. J'ai cinq ans. Je la déteste. D'un coup, d'un seul, d'un mouvement d'humeur qu'au fond de mon petit être je dois savoir justifié, elle a fait disparaître comme par magie mon idéal. Parce qu'elle était mon idéal, elle. Avec son cran, ses cheveux blonds et son regard d'amour. Parce que je ne suis pas un trophée pour elle. Je ne l'étais pas. Peut être que si ça avait été le cas, elle ne serait pas partie ? J'ai cinq ans et elle me manque. Elle manque à maman aussi, je le sais. Même si elle ne l'aimait pas, même si cette anglaise guindée et cloîtrée dans son monde voyait en la petite fille de son mari une menace. Je le sais parce qu'elle me l'a dit. Elle m'a dit un jour que Morgane nous prendrait tout. Mais Morgane nous a tout laissé, et je crois que maman s'en veut.
D'un coup, d'un seul, papa a tout fait disparaître. Comme si elle n'avait jamais existé. Il n'y a plus une seule image d'elle et moi, et je ne retrouve son parfum nulle part. Et puis la maison morte s'éveille. Sous les cris, sous la lutte. Elle s'étire et reprend le combat. Leur combat. Et moi, je serre mon elfe de maison dans mes bras, cette petite créature qui ne se débat pas et qui reste là, à me consoler, bien plus par devoir que par compassion. Tiny n'a pas ce sentiment pour moi. Mais je suis la petite maîtresse. Et sa soumission imbécile à ceux qui se moquent d'elle la pousse à poser ses doigts étrangement longs sur ma joue, à dire à sa petite souveraine de sécher ses larmes. Et elle me propose un gâteau, un gâteau contre une sœur. Troc sordide que j'accepte, parce que j'ai cinq ans. Et que je suis fille unique, maintenant.
Les jours passent et Tiny est toujours dans mes bras. Serrée comme un trésor, chiffonnée comme une peluche. Peluche humaine qui horripile papa. Mais il est trop occupé pour s'y attarder. Je suis petite, je suis fragile. Je suis jolie et plutôt maline, c'est déjà ça. La grâce d'une Von Hart, comme il dit. Maman rétorque qu'il n'a aucun mérite dans la beauté de sa fille, qu'il lui a fallu engrosser une vélane pour que sa première ait du charme. A l'évocation de Morgane, les esprits s'échauffent et les grands crient. Et la poupée Tiny tombe. L'elfe ne bronche pas. Elle lève des yeux immenses sur l'enfant figée et s'éclipse, basse et inutile. Mais les grands, eux, ne baissent pas les yeux. Moi ma sœur, je l'aimais. Je ne sais pas ce que c'est une vélane. Je ne sais pas ce que c'est engrosser. Mais c'est vrai qu'elle était belle, ma sœur. Et je ne crois pas que je pourrais l'être autant. J'ai les cheveux trop noirs, les bras trop potelés. Je suis trop bébé, moi, pour devenir comme elle. Et puis elle n'existe plus, de toute façon. Alors ils devraient arrêter. Ils devraient me regarder.
« Je suis là. »
Je murmure, dans un souffle, la voix fragile et un peu aiguë. Un soupir qui n'attire pas l'attention. Ils se disputent, toujours, dans leur monde. Parce qu'elle est la seule qui compte pour lui. Parce qu'il est le seul à sa hauteur à elle. Et que dans leur délire amoureux, dans leur passion insensé, il n'y a que ça. Il n'y a jamais eu que ça. Je pense que Morgane a commencé à s'effacer quand maman est apparue. Je ne sais pas comment il l'aimait avant, mais je suis sûre que quand maman s'est présentée devant lui, le monde lui a paru plus fade et sa fille aussi. Parce que même moi, la petite, la poupée si douce, je suis terne, pour lui. Il n'y a que l'excellence, il n'y a que la force et la violence de son amour pour elle qui parvient à le maintenir en vie. Et il nous veut à la hauteur aussi. Il épure tout, à sa manière. Il détruit tout, à sa manière. Je sais qu'on ne voit plus personne chez les Rosenwood parce qu'il ne les aime pas. Il dit que les moldus ont le sang gluant, collant comme de la poix. Et qu'il y a de cette cochonnerie dans les veines des Rosenwood. Mais pas maman, et pas moi. Mais les autres... je crois qu'ils sont contagieux, et je ne veux pas avoir le sang qui colle. C'est si dégoûtant !
On ne les voit pas. Il n'y a qu'eux dans leur furie, dans leur maison trop grande, dans leur Londres si gris. Il n'y a qu'eux et les elfes. Eux et Morgane qui est partie. Eux et moi. Juste moi. Je crie.
« Je suis là ! »
Et le silence se fait. Et ils me regardent tous les deux, hébétés. Le silence, c'est étrange. Je n'ai pas l'habitude. Ici, il y a toujours quelqu'un pour lutter, râler, crier. Pour se disputer. C'est maman et papa, c'était papa et Morgane, Morgane et maman. C'est parfois moi qui essaye avec les elfes, pour comprendre. Mais les elfes ne se défendent pas, alors je ne comprends toujours pas. Et tous les deux, ils ne comprennent pas pourquoi je suis là, comme ça, droite comme un i. Mes petits poings serrés et les joues rouges. De peine ou de colère, je ne sais pas. Maman m'ébouriffe les cheveux, impassible. Papa passe une main sur ma joue. Et ils tournent les talons, en silence. Et je reste seule dans le salon. Droite. Je ne comprends rien.
Le temps s'égrène et chaque minute qui tombe me fait grandir. Tiny n'est plus une poupée, et je crois qu'elle m'aime bien. Elle me respecte pour ce que je suis, moins par devoir. Je crois. L'autre elfe est trop grognon pour que je me permette quelque familiarité avec lui, et je sais qu'il fait du mal à Tiny quand elle passe du temps avec moi. Alors pour la venger, j'ai enfermé le vil petit être dans une grosse boîte à chaussures que j'ai coincée sous mon lit en lui interdisant d'en sortir avant que je revienne. Je sais que c'est mal. Mais j'ai six ans moi. Et Tiny est ce qui se rapproche le plus d'une amie. Je ne tolérerai pas qu'on la blesse, parce qu'elle n'est que douceur et justesse. Parce qu'elle est seule avec moi. Seule en compagnie de ceux qui nous entourent. Maman et papa se battent toujours. Ils tentent d'être plus discrets, comme si leur voix ne résonnaient pas dans le hall. Comme si je n'entendais pas les livres tomber dans la bibliothèque, leur couverture de carton claquant contre les murs. Je sais ce qu'ils font. Et je suis là. Parfois, j'en joue. J'ai six ans. J'aime mes parents. Et je suis là, je veux y rester. Je me suis surprise quelques fois à me laisser tomber dans les bras de maman et à lui susurrer qu'elle est ma préférée. Et me pendre au bras de papa en lui demandant d'une voix des plus enfantines.
« Moi, je suis une Von Hart, hein ? »
Je sais que ça envenime la situation. Je les entend crier plus fort, se gargariser de l'amour de leur enfant comme d'une récompense méritée plutôt que d'un besoin inné. Mais quand j'entends les échos de leur combat, enfermée dans ma chambre, je sais qu'ils prononcent mon nom. Et je me sens exister. Je me sens puissante. Pourtant... Oui, pourtant je commence à me lasser. Parce que même s'ils parlent de moi, ils ne me parlent pas à moi. Ils travaillent, ils se disputent, ils s'aiment, parfois. Aussi fort qu'ils se haïssent. Et parfois, je perce leur bulle, j'émerge dans leur monde. Maman dit que je suis la digne fille de ma mère, que je ferais une avocate hors-pair. Papa trouve qu'il faut quelque chose de plus noble. J'ai six ans et parfois, quand maman n'est pas là pour râler parce que je n'ai pas l'âge de faire de la magie, il me fait tenir la baguette en bois d'aulne qu'il a hérité de son père. Je la trouve bien trop grande pour mes mains d'enfants, mais il dit que pour l'excellence, il faut commencer tôt. Il dit que je serai la plus grande des sorcières si je m'entraîne convenablement. Et comme une marionnette, j'esquisse les gestes demandés. Rien ne se produit jamais en dehors de quelques étincelles, bien entendu. Je suis trop jeune, et je ne prononce aucune formule. Mais je me laisse faire, docile agnelle. Et j'attends que maman revienne, qu'elle devine, qu'elle s'égosille. Et je monte dans ma chambre, regarder les heures couler, avec le paquets de dragées surprises triées par ses soins pour que jamais mon palais ne goûte à l'âpreté d'un parfum indésirable.
Je m'habitue, et je rêve les yeux ouverts. Mon regard s'accroche au plafond, je devine leurs mots, un étage en dessous. Et bercée par leur amour malsain, je grandis encore, comme une mauvaise herbe. Au fond, je ne suis pas malheureuse. Je ne le suis plus. Le manque de ma sœur se fait plus doux, plus distant. Il arrive parfois que je tente de reconstituer le puzzle de son visage, que je fouille la maison, quand j'y suis seule, dans l'espoir de retrouver une photographie. Mes parents l'ont rayée de leur vie. Anéantie. Il l'ont fait fuir et elle a disparu à jamais. Parfois, j'essaye de deviner ce qu'elle fait, si elle est heureuse. La plupart du temps, je crois surtout qu'elle n'est plus. Elle n'est que le fruit de ma mémoire, comme un ami imaginaire dont personne ne parle, que personne n'entend, qui s'évapore lorsque l'on grandit. Et j'ai pris quelques années. J'ai huit ans. Les amis imaginaires sont partis depuis longtemps, avec Morgane. Je ne vais pas à l'école moldue, pour éviter que j'y prenne goût comme ma mère, ce qui serait selon mon père une tare Rosenwood dont je n'ai pas besoin. Je m'en moque moi des moldus. Ils n'interfèrent pas dans ma vie, la leur ne me concerne pas. Ma mère m'en parle, parfois. M'explique que je dois avoir l'esprit ouvert, pas comme mon père. Mais chacune de ses tentatives se solde par une dispute entre eux et elle n'insiste pas. Je crois que parfois, elle se lasse aussi. Comme moi. J'étudie à la maison. Avec l'un, avec l'autre, sous l’œil attentionné de Tiny qui prend parfois mon parchemin et me lâche parfois d'un ton qu'elle veut important « Bien. Continuez maintenant maîtresse. » avant d'ajouter dans un couinement, chaque fois « si la petite maîtresse veut bien se donner la peine, la petite maîtresse pourrait écrire encore un peu de ces mots savants qu'elle connaît bien mieux que Tiny ». Et chaque fois je ris. Quand mon père est dans les parage, il entre dans la pièce et d'un air sévère, réprimande la pauvre créature qui me distrait de mon labeur, la laissant s'infliger mille maux jusqu'à ce que je la serre dans mes bras pour l'empêcher de se mutiler. Quand ma mère est présente et que c'est elle qui intervient, elle me crache d'un ton de celle qui sait que je ne devrais pas donner tant d'importance à des êtres inférieurs et m'attacher un peu plus à mon progrès.
Les progrès... Chaque évolution est notée, mesurée, comparée à la précédente. Celui qui supervise le mieux, celui qui est le plus pédagogue, celui à qui je ressemble le plus. J'ai les cheveux de ma mère, les pommettes de mon père. La mâchoire de ma mère, mais mon père y voit du Von Hart au niveau du profil gauche. Mes yeux sont ceux de mon père mais c'est à ma mère que je dois leur couleur. J'ai les mains fines comme ma mère, et mon père me trouve ses épaules. A moi, je n'ai rien. Je suis leur jouet, ballottée entre eux comme pour savoir quel chiffre sortira, qui remportera la loterie. Et au fond, ça ne me fait plus grand chose. Je compte les jours avant Poudlard. Trop nombreux. Parfois, je m'échappe dans Londres. Comme j'ai grandi, je suis plus souvent seule à la maison et j'en profite. Je traîne mes pieds sur les trottoirs tristes de la capitale Anglaise, je me fraie un chemin au milieu des moldus que je crains, par méconnaissance. J'essaye de ne pas être touchée et quand l'un d'eux me frôle, s'étonne de voir une enfant de huit ans seule dans la rue et tente de m'attraper, je fronce les sourcils, l'air sévère, et je m'enfuis. Je suis grande, mais je sais que je n'ai l'air que d'une enfant. Mais dans mon monde à moi, je n'ai pas besoin d'eux, de leur condescendance crasse alors qu'ils ne savent même pas lancer un stupefix.
Je connais les rues autour de la maison par cœur. J'y vagabonde le jour, parfois la nuit en passant par la fenêtre de ma chambre et en me laissant glisser le long de la gouttière. Notre maison est enchantée pour ne pas que les moldus puissent la voir, alors ils ne m'aperçoivent pas là, acrobate minuscule, à trois mètres du sol. Je n'ai jamais eu le vertige (pas comme ma mère, dirait mon père), et c'est un jeu que j'affectionne. J'aime le vent frais qui mord mes joues, mes lèvres, et chaque once de peau découverte tandis que je joue les filles de l'air. Au bas de la gouttière, il y a un buisson. Il a quelques fois freiné ma chute mais le plus souvent, il me permet de me cacher le temps de vérifier qu'aucun de mes parents ne regarde par la fenêtre. Et tout va bien. Tout va pour le mieux. Jusqu'à l'incident.
J'ai huit ans, je suis une sorcière, j'ai peur des moldus. Et je marche la tête haute, comme défiant quiconque de m'aborder. Le plus souvent, les passants m'évitent, regardent ailleurs. Parfois, l'un d'eux s'attarde, se retourne. S'étonne et se détourne. Mais il y a un garçon que j'ai vu plusieurs fois déjà, entre la maison et la rue de la petite école privée pour moldus un peu plus loin. Il est plus grand que moi, d'une ou deux tête. Et lui, tout le monde se moque de le voir marcher seul. Il a un sac sur le dos et un genre de serre tête sur le crâne, d'où s'échappent des grésillements. Parfois, l'objet reste accroché à son cou. Il a toujours un sourire étrange, et il me fixe quand on se croise. Un moldu. Sans intérêt. Il m'appelle « Petite », m'aborde à grand renfort de « Hey là, gamine ! » et je l'ignore. Parfois son bras se tend et sa main se referme dans le vide tandis que je m'éclipse, sous son rire amusé. Je ne sais pas ce qui l'amuse, mais je n'ai jamais cherché à le savoir. Et puis je ne sais pas ce qui lui prend. Il s'approche, silencieux, et cette fois, ses doigts se cramponnent à moi. Ils enserrent mon bras et ma respiration s'interrompt brutalement. Je me débat et il rit. Un rire gentil, je crois. Mais un rire moldu. Un rire étranger. Un rire qui me rappelle quelqu'un sans que je sache qui, parce qu'à la maison il est rare que j'entende ce genre de bruit. Avec un « Hé, caïd... » il tend l'autre main et lorsqu'il pose un doigt sous mon menton, c'est la décharge. Comme un des sorts que j'ai déjà vu mon père lancer sur ma sœur. Ma sœur. Celle qui riait avec moi. Les doigts se détachent malgré eux et il est rejeté en arrière, comme si je l'avais repoussé de toutes mes forces. Mais je n'ai pas bougé. Il tombe sur le bitume de la chaussée et j'entends le crissement des pneus d'une voiture qui pile. Et je cours. Je cours, mais pas vers la maison. Je cours au hasard, je cours au loin, je cours sans m'arrêter. Je cours jusqu'à l'épuisement, jusqu'à ce que mes jambes flageolent et que ma respiration se brise. Je cours jusqu'à trébucher et à tomber, les genoux écorchés sur le trottoir. Je me réfugie dans une de ces cabanes de verre devant lesquelles les bus s'arrêtent sans cesse. Les conducteurs me regardent, haussent les épaules, et les engins redémarrent. Première expérience magique. Premier contact moldu. Et je me laisse entraîner par mes hauts le cœur, m'accrochant aux rebords d'une poubelle comme à une bouée de sauvetage. Je ne sais pas combien de temps mes parents mettent pour me retrouver. Mais même cela, ils ne le font pas ensemble. Et quand enfin nous nous retrouvons tous les trois, on ne s'enlace pas. Ma mère lâche, amère.
« Je t'avais dit qu'elle ne reviendrait pas seule à la maison. »
« Si elle n'était pas ta fille, elle n'aurait même pas mis un pied dehors. »
Et leur rage, leur amour, leur peine, toutes leurs émotions volent entre eux. Pour eux. Au dessus de moi. Je monte dans ma chambre, titubante, ivre de sentiments qui me dépassent, saoule de magie incontrôlée. Et recroquevillée dans mon lit, au milieu de mes draps défaits, je me souviens. Les paupières closes, je la sens de nouveau. Son corps contre le mien, les nuits difficiles. Ses bras qui m'enserrent et son parfum si doux. Son amour débordant. Son amour unique. Son amour disparu. A quoi bon se fatiguer ? Je vais grandir, encore. A côté d'eux, mais plus avec eux. Quand je me réveille le matin, toujours seule, un livre nouveau est posé sur ma table de nuit. Un livre d'étude des moldus. Un mot de ma mère, griffonné à la hâte sur un bout de parchemin, m'invite à lire les trois premiers chapitres avant son retour du travail. Parce que je dois les comprendre pour que plus jamais cela ne se reproduise. On n'en reparlera plus. Et le temps passe, et à la maison, tout est plus calme. Un temps, du moins. On se croise tous mais plus personne ne s'attarde, sauf Tiny. Discrète petite Tiny vieillissante, que je sens fatiguer, maigrir entre mes bras qui l'enlacent parfois.
J'ai neuf ans, puis dix. Puis onze. Je devrais être à Poudlard. Je devrais partir de cette maison de fous où les cris fusent de nouveau, mais quelques heures de retard onze ans plus tôt me privent de ce bonheur. Et assise sur le rebord de la fenêtre de ma chambre, je regarde les moldus en contrebas. Ces ignorants qui ont le nez bas, la vue trop courte. Même s'ils levaient les yeux, je sais qu'ils ne me trouveraient pas. Personne ne me trouve jamais. Ni papa, ni maman. La fragile Tiny m'implore de descendre et comme toujours, je ne l'écoute pas. Et à mon grondement mécontent, ma poupée se tait et disparaît. Je suis docile, j'étudie, je progresse. Je suis l'héritière parfaite des Von Hart, la princesse idéale des Rosenwood. Je courbe l'échine et je souris. Et j'excelle. Je ne le fais plus pour eux. Je ne le fais pas vraiment pour moi. C'est le prix du calme et de la solitude, et je suis consciente que rien ne se gagne sans sacrifice. Alors j'achète au prix forts les nombreuses minutes de tranquillité qui me séparent de ma fuite vers l’Écosse.
J'ai onze ans, presque douze. Et aujourd'hui est le jour d'un de mes derniers apprentissages avant de connaître le collège magique le plus renommé de Grande Bretagne. Malgré la chaleur étouffante qui règne sur l'Angleterre, ma mère a insisté pour que je porte ma cape des grandes occasions quand j'aurais été bien mieux les bras nus, à exposer ma peau mat à l'air brûlant du Chemin de Traverse. Mes deux parents sont là. Et le cauchemar peut commencer. Nous sommes passés à Gringotts et Mon père a retenu ma mère par le bras pour ne pas qu'elle m'accompagne. Ils sont restés en retrait tandis que j'affrontais seule un gobelin terne et peu rassurant. Mais ses grands airs ne m'importent pas. Je sais ce que je veux, je sais ce que je vaux. Je suis une Rosenwood et une Von Hart. Je suis mille choses que j'ai oublié, aussi. Je me suis fait aussi grande que possible et j'ai réclamé le montant exact que mon père m'avait ordonné de récupérer. J'ai recompté chaque mornille, chaque noise. J'ai le montant exact pour les fournitures qui me sont nécessaires pour entrer à Poudlard, selon mon père. Pas d'écart, pas de plaisir. Je dois apprendre la valeur de l'argent.
Alors chaque achat se fait sous sa supervision silencieuse, pour son approbation irritante et que je trouve tellement ridicule. Et puis, dans ces rouages parfaits, il y a le grain de sable. Moi, à onze ans, je ne cherche plus à comprendre. J'obéis, et je laisse glisser le monde autour de moi. Mais au cœur de ces achats chronométrés, il y a l'imprévu. Et cet imprévu, c'est la Ménagerie Magique, c'est Pierrot. Je pense qu'ils ne s'étaient pas posés la question avant maintenant, et la lutte reprend, au beau milieu du Chemin de Traverse. Quelques passants s'écartent, quelques enfants sursautent. Je reste impassible tandis que mes parents s'agitent et s'égosillent. Mon père veut un hibou parce que c'est utile, ma mère un chat parce que j'ai des leçons à tirer de sa grâce. Merci maman. Et dans leur nouveau combat, aucun ne se demande ce que Percy veut. Alors comme ils ne me regardent plus, comme je suis attirée comme par un aimant à l'intérieur de cette boutique bruyante et colorée, je leur échappe. Un élan de liberté qui me conduit au cœur de l'inconnu. Un rapide tour me conduit jusqu'au comptoir où trône une grande cage, et c'est le déclic, le coup de foudre. Derrière les barreaux dorés de leur prison, des petits rats, agiles et agités, font des cabrioles. Ce sont des rats acrobates, si j'en crois le petit écriteau, et l'un d'eux est mon amour. Peut être parce qu'il ressemble à Tiny, peut être parce qu'il est aussi remuant que je suis transparente. Je sors ma bourse, et au diable le calcul. En quelques minutes, je suis de nouveau avec mes parents qui n'ont toujours pas tranché.
« Je vous présente Pierrot. »
C'est le nom d'un clown moldu. Un des trucs que j'ai préféré de ces cours imposés. Et pour la première fois depuis l'incident avec le moldu, je vois mes parents d'accord. Leur colère se dépose sur moi, et je serre le rat entre mes doigts jusqu'à ce qu'un couinement me rappelle à la réalité. Je lui demande pardon en silence et je hausse les épaules. Il me manquera une robe, ou un chapeau, et voilà tout. Peu importe. Je tourne les talons et mes parents restent figés un instant. Je le sais parce que leurs voix ne me suivent pas aussitôt. Bientôt Poudlard. Je soupire. Bientôt la liberté.
Et c'est vrai que c'est un peu ça, Poudlard. C'est un peu ça à peine le Poudlard Express en mouvement. Parce que ses sifflements de machine asthmatique camouflent les recommandations contradictoires de mes parents. Et par Morgane (la grande Morgane, pas ma sœur), cela fait un bien fou. Je me surprends à sourire, et une fille entre dans le compartiment ou je me suis abandonnée. Pierrot fait des cabrioles en se raccrochant à mes cheveux tressés, et je sais que la maison ne me manquera pas. Plus tard, je me hisserai sur le tabouret, ce fameux sièges qui a vu des millions de fesses se presser sur son bois. Je contemplerai la table qui m'accueillera et celles que je ne connaîtrai pas. Et ce sera le début du reste de ma vie.
Je sais que je devrai rentrer pour les vacances, parfois. Je sais que je ne serai jamais aussi joyeuse que cette gamine qui me colle malgré mes tentatives pour la repousser. Je sais que la guerre qui grondera bientôt fera des ravages, et que des gens proches de moi seront touchés. Mais je sais que moi, sur mon fil invisible, les yeux clos, je garderai l'équilibre. Je sais déjà que je ne serai pas de ceux qui choisissent l'étude des moldus en option même si ma mère en serait ravie. Je n'excellerai pas au quidditch, parce que ça ne m'intéresse pas. Je participerai au club de duel. Assidûment, amoureusement. Peut être que je serai populaire mais je dois avouer que j'en doute. En tout cas, ce n'est pas mon projet. J'excellerai dans ce qui me plaît parce que je suis faite comme ça. J'aurais des amis, sans doute, des ennemis aussi, sûrement. Mais pour le moment, je m'assoupis tandis que les roulements du train se font terriblement réguliers. Qui vivra verra. Je suis une île, et peut être qu'autour, il y a un archipel.
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