Révisions et rêveries... [ Alizée Dioune ]

Une journée ensoleillée s'annonçait, les premiers rayons de soleil filtraient déjà par la fenêtre et venaient se poser délicatement sur le visage de Kelsey, allongée sur son lit, les yeux fermés. Ce bain de lumière lui fit doucement ouvrir les yeux afin de ne pas être éblouie brutalement. Elle amena une main au niveau de son visage pour protéger ses yeux bleus des rayons infrarouges et ultraviolets. Elle jeta un coup d’œil par la fenêtre, le ciel était bleu et sans nuage. Ce beau temps faisait presque oublier les dernières péripéties du monde sorcier. Quelques oiseaux guillerets chantaient, manifestant leur joie de vivre dans ce monde. Ils avaient bien de la chance de ne rien connaître des problèmes qui le soulevaient quotidiennement. Ils n'avaient pas à s'en préoccuper après tout, n'étant concernés que par leurs prédateurs ou le réchauffement climatique éventuellement.

Il devait être neuf heures environ. Kelsey s'était réveillée aux aurores et avait entendu, peu de temps après, plusieurs de ses camarades se préparer et quitter la pièce. Lorsque celles-ci étaient parties, elle s'était habillée à son tour en silence afin de ne pas réveiller les éventuelles personnes qui dormaient encore, puis elle était retournée s'allonger, bouquinant un livre qu'elle avait ramené de la maison. Plongée dans sa lecture, il était difficile de la déconcentrer. Pour autant, lorsque d'autres sorcières commencèrent à discuter à leur réveil, elle avait posé son livre sur la commode et avait fermé les yeux, manière de dire « ne me dérangez pas » . La porte avait claqué un certain nombre de fois, lui indiquant qu'il ne devait y avoir dorénavant qu'une ou deux personnes au sein de la pièce.

S'asseyant au bord de son lit, la sorcière balaya le dortoir du regard et vit une autre élève qui dormait profondément, malgré la luminosité de la pièce. Bien, au moins elle ne risquait pas d'être dérangée, sa camarade se trouvant dans les Bras de Morphée. Les autres élèves de 6ème année devaient être dans la salle commune ou devaient se balader dans le château, seules une ou deux options étant enseignées en ce moment même. Forcément, cette atmosphère silencieuse convenait parfaitement à la demoiselle. Celle-ci poussa néanmoins un soupir sachant qu'elle devait rejoindre la bibliothèque. Ce n'était pas le but à atteindre qui la dérangeait, mais le trajet. Elle n'était pas une personne désagréable, loin de là, mais la compagnie et la parole ne lui étaient pas nécessaires tous les jours et à certains moments elle cherchait même à les éviter. Cela dit, il y avait de rares personnes dont la présence soudaine ne l'embêtait pas, qu'elle appréciait même. Mais le hasard ne fait pas toujours bien les choses et ce n'était pas rare qu'elle croise une personne qu'elle n'appréciait pas les jours où elle avait particulièrement besoin de solitude. C'était le cas d'Oliver, son cousin et sans doute le sorcier qu'elle haïssait le plus à Poudlard. Son arrogance et son attitude à l'égard des moldus et sorciers issus de ces derniers lui étaient tout bonnement insupportables. Étant plus intelligente que lui – n'y voyez là aucune prétention, même un troll était plus intelligent que lui – et plus douée en magie, il lui était aisé de le remettre à sa place lorsqu'elle l'apercevait s'en prendre à un autre élève. Autrement, elle l'ignorait ou le rabaissait avec une réplique cinglante. N'ayant ni courage, ni intelligence, ni tolérance, ni sagesse, il était surprenant que le Choixpeau Magique lui ait trouvé une place dans l'une des quatre maisons, Serpentard en l'occurrence. Par défaut, peut-être, d'en trouver une autre lui correspondant mieux.

Kelsey se leva et s'approcha de la fenêtre pour admirer l'horizon. Elle allait souvent dans la forêt qui se dressait aux abords du château pour y trouver un modèle de dessin, qu'il s'agisse d'un animal sauvage ou d'un végétal original. Appréciant la beauté de la nature, cette vision la fit sourire. Elle n'était vraiment pas faite pour vivre en ville, qui rimait avec pollution, bruit, déchets, circulation. Tout ce dont elle avait horreur. Le village où ses parents vivaient se rapprochait davantage de la campagne et lui convenait parfaitement. Le chant des oiseaux, l'odeur des champs et de l'herbe fraîchement coupée, l'abondance de végétation, le calme des villageois et la présence de nombreux animaux domestiques faisaient partis des choses simples de la vie, banales, mais elle les appréciait fortement. Toutes mettaient les sens en éveil ; la vision, l'odorat, l'ouïe. Beaucoup de gens ne se rendaient pas compte de la beauté des éléments les plus simples et c'est lorsqu'ils perdaient l'un des sens qu'ils se rendaient compte de leur valeur. Comme en amitié ou dans le domaine de la santé. On ne se rend compte de la valeur des choses que trop tard. Mais elle n'était pas comme ça, elle connaissait la chance qu'elle avait et sa philosophie de la vie était pure. C'était ce genre de vie qu'elle souhaitait de toute manière, où le respect de toute vie devait être la norme. Un lieu totalement isolé serait aussi une éventualité, quitte à vivre en ermite dans la forêt. De quoi avait-elle réellement besoin ? Quand elle aurait son élevage de dragons – elle était déterminée – , la compagnie de ses créatures lui suffirait et la comblerait.
Elle pensa soudainement à l'un de ses voisins, M. Kent, qui gérait une écurie où elle travaillait de temps en temps. Cela lui manquait un peu durant l'année scolaire, même s'il y avait de quoi faire à Poudlard. Elle se promit d'y faire un tour la prochaine fois qu'elle retournerait à Essex.

Revenant à la réalité, elle s'éloigna de la fenêtre. N'ayant cours que l'après-midi, elle avait décidé de réviser en attendant. Elle ne souhaitait pas prendre de petit déjeuner aujourd'hui, bien qu'il s'agissait du repas le plus important de la journée. Elle prit quelques affaires, sa plume, des parchemins et ses dernières notes du cours Histoire de la Magie pour être plus précise, et quitta le dortoir discrètement. Elle parvint à la salle commune où se trouvaient une vingtaine d'élèves. Certains étaient plongés dans un livre, d'autres discutaient, d'autres encore s'entraînaient à jeter de petits sorts. Plusieurs d'entre eux saluèrent Kelsey, salutation qu'elle leur rendit avec politesse. N'ayant rien à faire dans la salle, elle s'en éloigna et emprunta un premier escalier, qui fut relativement sage. Après quelques escaliers et couloirs traversés – sans connaissances croisées – , elle parvint enfin devant la bibliothèque.

Elle pénétra dans l'enceinte en se faisant le plus discrète possible et, comme obsédée par son but, se dirigea vers la section destinée aux livres ayant pour thème l'histoire de la magie et des sorciers sans prêter attention aux personnes se trouvant là. Parcourant du regard une étagère, elle saisit un gros livre à la couverture marron d'un auteur connu pour son intérêt envers l'histoire de la Magie. Il développait beaucoup certaines périodes en particulier dans son bouquin, dont l'une avait été le dernier sujet du cours de Kelsey. Celle-ci souhaita alors compléter ses notes pour sa culture personnelle et pour optimiser la réussite à ses examens. Son caractère studieux était exemplaire, il lui arrivait même d'aider des camarades ou des élèves plus jeunes dans leur travail.

Elle posa son regard sur sa droite où se trouvait une table libre et éloignée d'autres tables. Elle s'y installa tranquillement et chercha le chapitre qui l'intéressait. Une fois trouvé, elle commença sa lecture et sa prise de notes.

Kelsey était totalement plongée dans son livre d'histoire, au point que les bavardages et murmures qui se propageaient autour d'elle lui étaient imperceptibles. Heureusement d'un côté, car appréciant le calme, elle avait du mal à tolérer les papotages dans un lieu tel que la bibliothèque, destinée à travailler. Il y avait bien d'autres endroits plus propices pour se raconter les commérages. Encore les chuchotements ou les discussions à propos d'un travail de groupe ça passaient, mais combien de fois elles entendaient des élèves parler à voix haute de leur vie sentimentale ou de la dernière tenue qu'ils ou elles avaient achetée. Elle ne comprenait pas qu'on puisse ainsi embêter tout le monde pour des choses aussi futiles. Et elle ne s'était jamais gênée de faire la remarque à ce genre de personnes si Irma Pince ne l'avait pas déjà fait, sous les regards approbateurs de certains et foudroyée du regard par d'autres. Qu'importe. Cela faisait partie du respect d'autrui. « La liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres ».

Elle trempa sa plume dans son encrier et griffona quelques mots sur le parchemin qui était placé devant elle. Cela faisait environ une heure qu'elle travaillait et elle ne ressentait ni la lassitude ni l'ennui, bien au contraire. Elle aurait pu passer la journée ici, au milieu de tous ces livres anciens à l'odeur particulière et, pour certains, aux caractéristiques étranges et originales. Entre ceux qui semblaient animer d'une vie, ceux avec des images animées et ceux qui se rangeaient tout seul, comme dérangés de ne pas se trouver à leur place, il y avait de quoi faire des observations amusantes. Et ce n'était pas tout. Après tout, Poudlard était une école de Magie, rien de surprenant à ce que les livres possèdent eux aussi des sortes de pouvoir. Celui qu'avait choisi Kelsey n'avait rien de trop surprenant, si ce n'est des images animées, il n'en était pas moins extrêmement intéressant à ses yeux.

Dévorée par la curiosité, elle lisait chaque phrase avec une grande attention. Avec les livres, il n'y avait pas besoin de parler et pourtant ils transmettaient des informations bien plus intéressantes que bon nombre de gens. Sur ce point, on pouvait faire une sorte de parallèle avec les animaux – autre que l'Homme – . Bien entendu, ces derniers étaient des êtres vivants, pourvus d'une âme et de sentiments, rien à voir avec les bouquins. C'est sur le fait qu'on avait pas besoin de leur parler qu'était la similitude. Les animaux pouvaient comprendre certains individus mieux que leurs propres proches et on avait pas besoin d'entendre une réponse de leur part pour partager des moments d'une grande complicité. Juste de la confiance et de l'affection. Chien, chat, cheval, lapin, Moke, Crabe de feu, Licorne, Phénix. Magique ou non, petit ou grand, mammifère ou non. Tous étaient passionnants aux yeux de Kelsey et elle préférait leur compagnie à celle de la plupart des gens. Il y avait des exceptions, mais elles étaient rares. Aucun sentiment négatif ne la traversait lorsqu'un animal s'approchait d'elle, au contraire de ce qu'elle pouvait ressentir lorsqu'un humain cherchait à lui parler quand elle n'en avait pas envie. Il n'y avait nulle méchanceté dans son comportement ; c'était tout simplement dans son caractère. Cela ne faisait pas d'elle une mauvaise personne, une misanthrope finie, ou quelqu'un avec qui on ne pouvait sympathiser. Bien au contraire, elle était dotée d'une bonté d'âme, d'une pureté innocente et d'une générosité sans faille. Elle était toujours présente pour les personnes en souffrance, à condition que celles-ci soient respectueuses de toute vie. C'était cela qui comptait pour elle. Jamais elle ne dévoilerait un secret qu'on lui aurait confié, sauf si une vie autre que la sienne était menacée peut-être, et encore, elle s'arrangerait pour emmener ce mystère dans sa tombe et pour sauver la personne qu'on menacerait. Tout ça pour dire qu'il fallait accepter la différence. Être différent des autres ne faisait pas forcément d'une personne quelqu'un de malveillant. Et c'est ce que beaucoup de sorciers et de moldus devaient comprendre d'ailleurs, pour régler les différends qui les opposaient. Entre leur propre « espèce » et entre les deux mondes. Si Kelsey, dans le futur, pouvait aider les êtres humains, quels qu'ils soient, dans l'acceptation de ce point de vue, elle le ferait. Par tous les moyens.

Elle tourna une autre page du manuel, prenant quelques notes au passage. Elle plaça ensuite son parchemin rempli de notes de côté, en prenant un nouveau. Elle ne lésinait pas sur l'encre et puisqu'il s'agissait de notes pour ses cours, personne ne pourrait lui faire de remarques à ce sujet. Elle commença à lire cette nouvelle page faisant partie du chapitre consacré au 17ème siècle, siècle où avait d'ailleurs été rédigé le Code International du Secret Magique, destiné à cacher le monde magique aux yeux des Moldus. On était en plein dedans depuis des mois, avec la découverte du monde magique suite à ce fameux combat...  Mais Kelsey n'en était qu'aux années 1620 dans son bouquin.

Elle commença à lire un point abordé dans son dernier cours mais de façon plus détaillée. Avec entrain et soif de connaissances, elle écrivit deux ou trois phrases intéressantes. Soudain, une voix familière l'interpella. Pour autant, elle ne leva pas la tête. Elle n'ignorait pas volontairement cet appel, en fait elle était toujours autant absorbée par sa lecture et son attention ne lui fit pas prendre conscience de la personne qui s'adressait à elle. Un concert aurait pu débuter en plein cœur de la bibliothèque qu'elle n'aurait pas bronché. Ce fut un mouvement qui la ramena brutalement sur Terre – façon de parler – ; quelqu'un venait de poser ses livres sur la table. En s'installant à ce bureau, la jeune Gryffondor avait remarqué qu'il n'y avait qu'une chaise – quel avantage ! – , de ce fait aucun élève n'aurait choisi cette table pour y travailler sachant que la place était prise et qu'il y en avait beaucoup d'autres, à moins que ce soit une connaissance. Et c'est ce raisonnement qui lui fit lever la tête. Pendant cette fraction de seconde, un tumulte d'émotions traversa l'esprit de Kelsey. Agacé, agité, crispé, dérangé, embarrassé. Puis lorsqu'elle reconnut la personne qui se trouvait face à elle, elle retrouva son côté calme et posé. Un léger sourire se dessina même sur ses lèvres.

« Bonjour Alizée », dit-elle amicalement.

Il s'agissait d'Alizée Dioune, une élève de 5ème année de Poufsouffle. Elle l'avait rencontré ici même, dans la bibliothèque, les deux élèves ne s'installant jamais loin l'une de l'autre, toujours par hasard. Un jour, lorsque Kelsey était en 4ème année, Alizée lui adressa la parole. Au début Kelsey, bien que trouvant l'élève de Poufsouffle sympathique, préférait travailler seule et ne pas être en sa compagnie, puis avec le temps, elle finit par apprécier la jeune fille au look particulier – ce qui n'a joué en rien sur sa réticence, puisqu'elle respecte les goûts de chacun – . Bien qu'elles aient un caractère opposé sur certains points, elles ont remarqué des loisirs ou rêves en commun, à savoir la lecture, le dessin et l'utopie d'un monde parfait.

Elle s'en voulut quelque peu d'avoir éprouvé des sentiments négatifs à l'égard de son amie, même si c'était avant de la reconnaître. Alizée faisait partie des rares personnes dont je vous ai parlé avant pour Kelsey, c'est-à-dire celles qui ne l'importunaient pas et dont elle appréciait la compagnie. Sur le court terme cela dit. Elle n'avait jamais eu à partager un très long moment à ses côtés et rien ne disait qu'au bout d'un temps, le besoin de solitude ne se ferait pas ressentir. Mais elle ne se posait pas la question, ce n'était pas encore l'occasion de vérifier cette hypothèse.

Alizée fouilla dans un paquet de bonbons et en tendit une poignée à l'élève de Gryffondor.

« T'en veux ? Ça va te motiver pour les devoirs... hihihi » lui proposa-t-elle gentiment.

Kelsey n'avait jamais vu la Poufsouffle de mauvaise humeur. C'était plutôt une personne dynamique, joyeuse et pleine de vie. Appréciant ce type de bonbons, elle les accepta, davantage par gourmandise que par motivation. Elle n'en avait pas besoin, ce n'était pas une corvée ce travail pour elle. Elle la remercia, toujours avec un sourire.

« Merci beaucoup, c'est très gentil. »

Elle n'ajouta pas un mot, remarquant que son interlocutrice baladait son regard, à la recherche d'une chaise. Kelsey se tourna, il y en avait une de libre quelques mètres plus loin. Elle se leva doucement et lui passa sa chaise par dessus la table.

« Tiens, il y en a une autre derrière, je vais la chercher. », lui dit-elle.

Elle joignit les actes à la parole et chercha la chaise. Elle s'installa à nouveau et rapprocha ses affaires d'elle pour faire de la place.

« Comment vas-tu ? » demanda-t-elle poliment à Alizée.

Elle se surprenait elle-même d'être aussi loquace – tout est relatif – alors que deux minutes auparavant elle était plongée dans ses études.

Kelsey allait visiblement devoir attendre quelques minutes avant de pouvoir s'immerger à nouveau dans son manuel. Cela dit elle pouvait s'accorder quelques minutes de discussion, ce n'était pas ça qui allait lui faire rater les examens. Qui plus est elle n'avait pas croisé l'élève de Poufsouffle depuis deux ou trois semaines, au moins. C'était une occasion de prendre de ses nouvelles. Si cela avait été une personne avec laquelle elle n'avait pas spécialement envie de discuter, la jeune sorcière ne se serait pas gênée de le dire ou aurait tout simplement changé de table.

Elle venait de passer sa chaise à Alizée et avait pris celle se trouvant derrière elle. Elle fut à la fois amusée et déconcertée quant à la réaction de son amie. Cette dernière avait fait les gros yeux, se jetant presque sur la chaise comme s'il s'agissait d'un objet pesant des tonnes et qui menaçait de détruire la bibliothèque en cas de chute. Tout au plus, la chute aurait provoqué du bruit, un sursaut chez les plus cardiaques et éventuellement un bougonnement de la part de Mme. Pince. Elle ne comprenait pas cette panique soudaine. Une fois que le meuble avait touché le sol, Alizée avait poussé un soupir de soulagement. Elle s'assit et leva son poing vers le ciel d'un air triomphant, geste accompagné très vite d'un petit rire nerveux. Oui, la fille aux cheveux colorés avait un côté étrange et amusant.

Après qu'Alizée se soit installée, Kelsey mangea un premier bonbon. Elle n'en achetait pas souvent, bien qu'elle était assez gourmande de ces confiseries. Qu'il s'agisse de friandises moldues ou magiques d'ailleurs. Dragibus, ours en gélatine, fraise tagada, chocogrenouille, malice réglisse, dragées surprises de Bertie Crochue - quoique pour eux, il fallait davantage de méfiance ! - et d'autres bonbons de ce genre, elle ne se faisait pas prier quand on lui en proposait. Elle n'en abusait pas pour autant. La seule nourriture dont elle pouvait exagérer s'avérait être les churros. Un vrai délice ! Dès qu'elle allait dans une fête foraine ou dans des foires, l'une des premières choses qu'elle faisait était de s'en acheter. Ils étaient bien vite dégustés. Sa mère lui en préparait de temps en temps quand elle rentrait - ou bien elle s'en faisait quand elle en avait le temps - et il lui arrivait même de lui en envoyer par colis. Il était possible que le paquet n'arrive pas dans son intégralité, Harold ou le hibou chargé de la mission ayant une petite faim.

Elle avait de la chance puisque son respect pour les elfes cuisiniers du château - et de manière générale - lui valut un privilège. En effet, il n'était pas rare qu'ils lui en préparent régulièrement. Elle passait alors aux cachots pour les prendre ou allait directement dans la cuisine, étant toujours la bienvenue. En deuxième année elle avait sympathisé avec l'un des elfes et suite à cela, celui-ci lui avait indiqué l'entrée des cuisines. Kelsey se garda bien depuis de la dévoiler à d'autres élèves. Elle estimait que ce n'était pas à elle de décider qui pouvait y aller ou non ; de toute façon on ne lui avait demandé que deux ou trois fois, après que des élèves l'aient vu revenir avec de la nourriture dans les mains.

Mâchonnant le bonbon, la Gryffondor porta son attention sur sa camarade, qui ne tarda pas à répondre à sa question.

« Ouais ça va !!! Pourquoi ça n’irait pas ??? Merci !!! Et toi ?? Quoi de beau ? »

Quel ton dynamique ! On aurait pu croire que c'était une hyperactive. De ce côté, elle était à l'extrême opposé de Kelsey. Elle aussi pouvait se montrer dynamique, mais ces circonstances étaient rares, son caractère calme inhibant cette partie d'elle. Elle avait fini par apprécier la compagnie temporaire d'Alizée alors cela ne la dérangeait pas. Ce qui la gêna fut son manque de discrétion. En fait, elle avait parlé normalement, sans chuchoter et d'autres élèves se trouvant un peu à l'écart devaient l'avoir entendu. Nul doute cependant qu'elle ne l'avait pas fait volontairement, n'étant pas le genre de personne à causer du tort à autrui. Kelsey ne comptait pas lui faire directement la remarque, elle allait lui répondre à voix basse tout simplement, sans doute que son amie l'imiterait. Si elle n'appréciait pas quand les autres le faisaient, elle n'allait certainement pas agir de la même façon. Elle avait horreur de la philosophie « Fais ce que je dis, pas ce que je fais » .

« Je vais bien merci. Pas grand chose de neuf, je révise les examens. »

Son amie sembla ailleurs pendant quelques instants et la Gryffondor n'était pas sûre qu'elle est entendue sa réponse, mais ce n'était pas important. Elle la vit balayer son regard sur les livres posés devant elle. Kelsey y posa ses yeux un instant à son tour pour juger de leur intérêt. Il s'agissait surtout de ses manuels de cours, tous étaient intéressants mais pas aussi complets que certains qu'on pouvait trouver au sein de la bibliothèque.

« J’ai troooooooop de devoirs, c'est affreux, je ne sais pas comment je vais m’en sortir, c'est juste horrible. » soupira Alizée.

Elle posa sa tête sur la table, traduisant son cruel manque de motivation. Finalement, elle se décida tout de même à ouvrir son agenda après une ou deux grimaces de mécontentement. Kelsey voulut lui donner un peu de courage. Souriante, elle s'adressa à elle d'un ton amical.

« Allez, courage. Ce n'est qu'une période, les examens arrivent bientôt. Tu pourras profiter des vacances ensuite. »

Elle s'empressa ensuite de rapprocher à nouveau son livre complet d'histoire, prête à se remettre au travail.

« Si jamais tu as besoin d'un coup de main, fais moi signe. » proposa-t-elle à la Poufsouffle.

Elle trouverait toujours le moyen de se libérer une heure ou deux dans la semaine pour l'aider si nécessaire, puis cela lui offrirait une autre opportunité de révision, sous une forme différente. Ses yeux bleus se dirigèrent à nouveau sur les phrases du bouquin et elle reprit sa lecture, son attention se divisant entre ses études et son amie. Elle n'allait pas être aussi concentrée qu'avant mais cela ne l'empêchait pas de pouvoir faire deux choses à la fois et de prendre des notes correctes. D'ailleurs elle commençait déjà à écrire de nouveaux mots sur son parchemin, ayant relevé une information intéressante.

La motivation sembla s'emparer d'Alizée, qui se redressa sur sa chaise et s'étira les bras, tout en baillant. Ces bâillements n'exprimaient pas la motivation en tout cas !

« MOTIVATION !!! Allez, je peux le faire ! » dit-elle énergiquement.

Kelsey la vit lire les consignes d'un exercice qu'elle avait à faire. Elle sourit et se replongea dans son livre, prenant un bonbon au passage. C'est au bout d'une minute que la Poufsouffle répondit à sa proposition d'aide.

« Hein...Euh non non , ça va, je m'en sors. »

À peine eut-elle répondu qu'elle était repartie dans son travail. La sorcière blonde afficha à nouveau un sourire, satisfaite de voir sa camarade se tuer à la tâche. N'étant pas susceptible, ce n'était pas ce genre de réaction qui allait la vexer. Quelques minutes s'écoulèrent en silence. Kelsey était passée à la page suivante de son manuel, ayant déjà rempli le recto de son second parchemin. Quel livre intéressant ! Elle avait du mal à s'en détacher et elle songeait même à l'emprunter.

« Désolée pour tout à l’heure, je voulais pas perdre l’idée que j’avais en tête. »  s'excusa soudainement Alizée en relevant ses yeux vers son interlocutrice.

La Gryffondor ne réagit pas immédiatement, à fond dans son livre. Ce fut comme un sursaut lorsqu'elle saisit que son amie lui avait adressé la parole. Délaissant enfin son bouquin, elle releva la tête à son tour.

« Ne t'en fais pas, c'est tout à fait normal » la rassura-t-elle.

La voyant poser son crayon sur la table, elle se douta que la jeune fille aux cheveux colorés ne s'apprêtait pas à reprendre immédiatement son travail.

« Et notre projet de monde meilleur ? Il en est où du coup ? »  demanda cette dernière en riant et en se tapant dans les mains.

Quelle élève rigolote dans sa façon de faire ! Sa gaieté et son entrain étaient vraiment communicatifs. Ces qualités associées à sa gentillesse et les loisirs qu'elles avaient en commun avaient largement contribué au fait que Kelsey l'apprécie. De manière générale elle préférait les personnes calmes et discrètes mais on explique pas toujours notre attachement à certaines personnes et notre aversion pour d'autres. Par ces qualités, on pouvait déduire le caractère respectueux d'Alizée et ça, c'était le plus important aux yeux de Kelsey. Celle-ci ne pouvait s'entendre avec les mauvaises personnes, avec un fond de méchanceté.

Cette utopie d'un monde parfait les avait rapprochée également. Un jour, l'une des deux avait parlé de son souhait de voir les guerres cesser et la paix régner sur la Terre, entre les deux « mondes » notamment. L'autre avait alors exprimé le même désir. Par la suite, elle avait discuté un certain nombre de fois de ce sujet, délirant même parfois dessus, restant sérieuses d'autres fois. Mais Kelsey avait conscience que cela n'était qu'un rêve et que la probabilité qu'il se réalise était inférieure à 0,1 % . Tout au moins dans les prochaines décennies à venir, siècles peut-être même. Déjà entre leur propre communauté, moldus et sorciers se massacraient entre eux, alors entre les deux « mondes » … Il suffisait de voir les répercussions actuelles. Les moldus étaient-ils prêts à changer leur conception de la vie et à cohabiter avec des êtres différents ? Déjà de par leur histoire, les exterminations de peuples différents avaient été fréquentes. L'argent, le pouvoir et la religion chez les moldus, la pureté du Sang chez les sorciers, rendaient les humains maléfiques. À croire qu'ils naissaient mauvais et que certains divergeaient pour devenir des âmes « pures » et dotées d'une bonté sans pareille. Heureusement ce n'était pas le cas et de vrais héros existaient encore. Il suffisait de les trouver. Les médias mettaient tellement en avant les atrocités qu'il devenait parfois difficile de garder foi en l'humanité.

C'était un cercle sans fin de toute manière. Si tous les êtres abominables étaient éradiqués, pourrait-on affirmer que tôt ou tard, un nouveau personnage aux sombres desseins et à l'âme plus noire que les ténèbres  ne prendrait pas le relais ? C'était difficile à concevoir. De toute manière ce n'était pas à l'heure actuelle que cette théorie pourrait se confirmer. La paix, hélas, demeurait utopique.

« Je pense qu'on peut encore attendre, malheureusement. » soupira Kelsey.

Alizée s'était montrée joyeuse en lançant cette discussion ; la réponse de Kelsey, elle, corroborait la réalité et de ce fait, était plus déprimante qu'autre chose. Ne souhaitant toutefois pas plomber l'ambiance, elle s'empressa d'ajouter une remarque plus positive et amusante.

«  Mais voyons, on a déjà un bon début : notre naissance pardi ! Nous sommes si exceptionnelles que le monde ne peut que devenir meilleur en nous ayant à ses côtés ! »

Elle rit doucement, afin de ne pas déranger les autres dans leur travail. Bien entendu, elle plaisantait. Elle n'était pas du genre arrogante ou prétentieuse, sachant qu'elle ne représentait qu'un grain de poussière dans l'immensité de l'Univers.

Kelsey remarqua que l'attitude de sa camarade changea suite à sa réponse. Sans doute n'était-elle pas celle qu'elle espérait mais la Gryffondor s'était montrée réaliste. Par les temps qui couraient, il était difficile d'apercevoir les rayons de soleil à travers le brouillard des ténèbres. Celui-ci était trop épais, trop sombre, et disséminé au quatre coin de la Planète. La paix qu'elle espérait tant n'était pas prête de voir le jour, encore fallait-il que ce concept même ait une certaine réalité. Il s'agissait plutôt d'un rêve utopique. Quand bien même une trêve s'installait entre deux ou plusieurs pays, en creusant profondément on pouvait aisément s'apercevoir que ce n'était qu'hypocrisie ou par intérêt tiré des deux partis. Rien de sincère, rien d'honnête et au premier écart de conduite, les tensions renaitraient de leur cendre, ces mêmes cendres qui étaient là depuis le début, telles celles d'un Phoenix. Inlassablement et éternellement. La véritable harmonie, obtenue dans le respect de toute vie, ne pouvait exister au vu de la nature humaine ; égoïste, perfide et profiteuse. C'était bien triste. C'était le point de vue de Kelsey et elle respectait l'opinion de chacun, cependant certains devaient être bien naïfs ou ignorants de la réalité pour croire à une amélioration rapide et sincère. Ce n'était pas à elle de leur faire des leçons de morale, peut-être essayaient-ils simplement d'échapper à toutes ces barbaries immondes dont l'humain était responsable, vivant dans le déni de la réalité presque. D'un côté, ils avaient raison de garder espoir. L'espoir était le moteur de nos rêves et de notre survie. Quand bien même Kelsey connaissait l'obstacle quasi insurmontable à dépasser, elle était prête à tout pour rendre ce monde meilleur. Un individu représente peut-être qu'une goutte d'eau mais si d'autres âmes pures se rejoignaient à cette cause, ils formeraient un ruisseau, puis une rivière, grandissant en fonction de leur importance, jusqu'à devenir un océan. Cela était une aspiration bien prétentieuse, toutefois il fallait bien qu'elle naisse dans l'esprit de certains Hommes afin que le monde ne plonge pas davantage dans le chaos et la destruction. Surtout que dans l'histoire de la Terre, à de nombreuses reprises il s'agissait d'un individu avec des pensées et opinions différentes de celles de son peuple qui était à l'origine de grand changement ; Copernic avec l'héliocentrisme, Rosa Parks dans sa lutte contre la ségrégation raciale, Newton pour ses avancées scientifiques, sont des exemples parmi tant d'autres. Dans le monde des Sorciers aussi, on pouvait en citer.

Alizée parvint petit à petit à retrouver le sourire, retrouvant sa gaieté légendaire. Kelsey n'allait pas une seconde fois lui plomber le moral, certes elle l'avait fait involontairement la première fois, cependant elle savait ce qu'elle devait dire ou non pour que cela n'arrive plus, bien que son amie soit du genre très optimiste. Plus qu'elle encore. D'un ton dynamique, l'élève de Poufsouffle proposa une nouvelle idée amusante : lancer un programme afin de propager leur dessein. Bien entendu, les deux sorcières plaisantaient là-dessus, afin de se redonner mutuellement le moral ou de dédramatiser pendant quelques instants la situation, malgré la lucidité évidente de Kelsey à propos de la réalité.

« Un programme dis-tu... On pourrait déjà avoir un article dans la Gazette des Sorciers, j'obligerai mon père à l'éditer ! » déclara la Gryffondor avec un petit rire.

Elle avait déjà eu l'occasion une fois, au détour d'une conversation, de dire à son amie que son père était journaliste pour ce célèbre journal sorcier. Ce métier avait ses avantages et ses inconvénients ; elle était parfois au courant plus tôt de certains événements mais les stéréotypes que certaines personnes pouvaient avoir du métier rendaient ces dernières désagréables. « Les journalistes se mêlent de ce qui ne les regarde pas » , « les journalistes veulent juste des informations, ils se moquent s'il y a eu un drame » , ... Les stéréotypes étaient à la base des individus, chacun en avait, des bons comme des mauvais. Il fallait juste parfois les dépasser afin d'apprendre à connaître une personne ou un groupe différents, ce dont les humains, sorciers et moldus, semblaient incapables de faire.

HRP:

Le silence revint entre les camarades alors qu'Alizée griffonnait sur une feuille de brouillon. Kelsey en avait l'habitude ; d'un coup la Poufsouffle était toute guillerette, à la limite de l'euphorie, et la seconde d'après elle se taisait et semblait plus calme, bien qu'une légère agitation était toujours perceptible. Par moment, elle avait malgré tout du mal à savoir si son amie était sérieuse ou non et totalement consciente de la réalité. Cela dit, ce n'était pas une critique. La naïveté pouvait être dangereuse certes, mais quelque part, elle pouvait être une qualité. Qualité qui, comme l'innocence, se perdait très jeune la plupart du temps - ne naissant même pas chez certains individus - . Heureusement, la majorité des enfants venait au monde avec cette caractéristique. Rêveur et pur. Jusqu'à ce que certains se retrouvent plongés dans les profondeurs et les ténèbres.

La Gryffondor attendit patiemment ce que son amie préparait. Celle-ci lui faisait signe par moment, ce qui lui décocha un sourire amusé. Elle n'avait plus l'esprit dans ses livres maintenant mais peu importe, elle pouvait bien s'éloigner un peu des révisions. Après quelques minutes, enfin le silence fut rompu.

«  Oui bonne idée !!! Je pensais aussi à monter un club au sein du château afin de redonner un peu de couleur à l'intérieur de celui-ci » lança Alizée avec dynamisme.

Kelsey lâcha un rire étouffé, ne souhaitant pas perturber les autres élèves présents. En soi, bien que c'était à prendre à la rigolade, ce n'était pas une mauvaise idée. Il était certain que la popularité et le sérieux de l'école en prendraient un coup, mais cela manquait de couleur, c'était terne. Comme la vie actuellement. C'était cela, le problème. Les murs du château, les tableaux et la décoration n'avaient rien à voir au final. C'était une métaphore de la situation, tout simplement. L'éclat joyeux dans certains regards, le sourire dessiné sur les lèvres, la bonne humeur, tout ça ne durait pas. Ils n'existaient même plus pour quelques élèves. Au contraire, la peur, la tristesse et le désespoir avaient envahi bon nombre d'esprits. Pour autant, il ne fallait pas se laisser abattre. Tôt ou tard, les choses s'arrangeraient. Avant qu'une nouvelle terreur survienne, certes. Dans l'histoire de l'humanité, il en avait toujours été ainsi.

Malgré tout, Alizée semblait laisser sa joie s'exalter plutôt que de se noyer dans la mélancolie. Et elle avait raison. En vivant dans la peur et la tristesse constantes, on s'interdisait de vivre. Les Ténèbres gagnaient alors, par forfait. Bien que c'était difficile, il fallait parfois s'accrocher et faire en sorte que les choses aillent mieux, tout en restant lucide bien entendu. Kelsey elle-même tentait de se convaincre de cela. Pourtant, elle aussi avait connu des périodes difficiles où elle n'arrivait plus à garder la tête haute. L'agression lors du banquet de Poudlard, les attentats de Sainte-Mangouste ou encore l'attaque envers l'Orphelinat de Liverpool et le massacre de pauvres enfants qualifiés de bizarre dans le Comté de Carmathenshire... Tous ces drames l'avaient beaucoup secoué. Ils renforcèrent malgré tout son envie de paix, d'un monde vivant en harmonie. Prête à tout pour y parvenir, elle savait que ce n'était qu'utopie. Pourtant Il fallait que chacun garde espoir et que tous ceux aspirant à ce souhait se battent pour cette noble cause. Ainsi seulement l'utopie pourrait éventuellement devenir réalité.

Alizée dessina quelque chose en quelques mouvements habiles. Elle le tendit ensuite à sa camarade pour lui montrer son chef d'oeuvre. Kelsey s'en empara et le regarda avec attention et amusement.

«  T'en penses quoi ? Avoues que ça serait top sur le panneau d'affichage ! » demanda l'élève de 5ème année.

La Gryffondor posa la feuille sur la table et prit un air savant.

« Hmm... Intéressant » , murmura-t-elle en se caressant le menton. « Ça nous ferait une bonne publicité en effet... Sympa les couleurs également ! D'ailleurs, Dumbledore pourrait prendre exemple de ta chevelure pour décorer un peu le château avec des couleurs vives. »

Elle rit doucement et le plus discrètement possible.

« Tu as vraiment une imagination débordante ! » poursuivit-elle d'un ton amical.

HRP: