Dette, survie et bordel | Libre à tous

Le 11 mai 1997, à 9h.

Il avait voyagé en compagnie de sa grand-mère, jusqu'à ce que les autorités compétentes de Poudlard viennent à eux pour se charger de la suite des choses. Autant dire qu'il s'était fait chier comme un rat mort durant le reste du trajet. Par la culotte de Voldemort, ce que ça pouvait être long d'être seul en compagnie d'un adulte. Long, emmerdant et épuisant.

Ouais. Vraiment. En plus, il avait pas spécialement récupéré de son court repos. Sa santé était crasseuse – putain, ce que sa mère avait hurlé en le pesant, tant il avait maigri – autant que son moral. Le seul truc potentiellement rassurant, c'était les notes gribouillées à la va-vite sur un parchemin déchiré. Des instructions de sa propre main – fallait pas déconner, il savait identifier son écriture – qui l'avaient ramené auprès des siens.

Et maintenant à Poudlard. À Blaise. Merde. Ça, c'était vraiment l'indication complètement dingue. Zabini est ton allié. Sa dette est payée. Fais-lui confiance. La première fois qu'il l'avait lu, Yvain s'était étranglé. Genre, vraiment. Qu'est-ce qu'il avait foutu pendant plusieurs semaines au point de s'attacher l'amitié de son ancien tortionnaire ?

Non. Mieux valait ne pas y penser. Sinon il ressentirait cette saloperie de mélancolie. Ce connard de vide. Brr. Rien que d'y penser, paf, ça lui courait dans le cœur et les veines. Vivement qu'il croise ses potes.

D'un pas lent et hésitant, le septième année s'avança dans le hall. Ses mains tenaient fermement ses valises. Un brin anxieux. Dire que les examens étaient dans un mois... Il allait devoir uniquement se concentrer sur ses révisions. Quel bordel.

30/03/2015

Un jour de stage qui s’annonçait plutôt ordinaire pour Isolde. Elle ne s’attendait pas à voir beaucoup d’élèves au cours de mme Chourave, au vu de la récente désertion de Poudlard par une partie des élèves. Elle ne pouvait pas vraiment les blâmer, au vu des récents évènements, même si elle restait au fond d’elle persuadée que l’école et ses protections restaient le lieu le plus sûr du Royaume-Uni pour beaucoup de gens. Aucun Moldu ne passerait jamais les portes du château, et les Mangemorts en étaient encore relativement éloignés… mais elle comprenait. En temps de quasi guerre civile, avoir ses proches près de soi était plus rassurant que de les savoir à l’autre bout du pays, sans moyen d’agir rapidement.

Avant de se rendre au cours qu’elle devait animer ce matin-là, elle avait décidé de faire un détour par la bibliothèque, à la recherche d’un livre de botanique introuvable à Haveirson. Elle voulait profiter du nombre réduit d’élèves pour proposer des activités plus ludiques, et avait opté ce matin pour la fabrication de divers baumes et mixtures destinés à améliorer la concentration et la mémoire, en vue des examens. Son sac était rempli d’huiles essentielles, d’extraits de plantes et de flacons de toutes tailles, commande de sa maîtresse de stage tout juste rapportée de chez l’apothicaire.

Traversant le hall à grand pas, elle passa sans le reconnaître devant un grand élève maigre chargé de lourdes valises. Faisant un pas en arrière, elle lui adressa un sourire.

- T’as besoin d’aide avec ça ? demanda-t-elle, sa baguette déjà levée prête à faire léviter les lourds bagages.

Et puis, soudain, elle ouvrit des yeux ronds. Non… Merde, c’était vraiment lui ?

- …Yvain ?

Pas de doute, c’était bien lui. Mais qu’est-ce qu’il lui était arrivé pendant ce mois pour transformer son visage habituellement jovial en un masque de fatigue et de mélancolie ? Ses mouvements étaient lents et pénibles, loin de ceux de l’Yvain joyeux et dansant qu’il lui avait donné à connaître. S’approchant un peu plus, elle lui saisit doucement les épaules et planta son regard inquiet dans le sien.

- Qu’est-ce qui t’es arrivé ? Je me suis inquiétée, ça fait des semaines que je t’ai pas vu en cours !

Mince, ça sonnait un peu trop comme des reproches, ce qui était loin d’être son intention.

- Tu te sens comment ? Tu vas bien ?

Dimanche 11 mai 1997 - Le Hall de Poudlard aux alentours de 9h du matin.

La fin de l'année approchait à grand pas, à présent, si bien qu'il ne restait qu'un mois avant les examens de fin d'année. Ainsi, comme chaque matin, Hope s'était levée tôt pour travailler. Elle venait de déjeuner dans la grande salle et, ses livres sous le bras, elle s'apprêtait à monter aux étages supérieurs pour réviser dans la bibliothèque. Il n'y avait que peu de monde dans les couloirs, à cette heure-ci, et elle fut ainsi d'autant plus surprise de voir un jeune homme seul, dans le Hall de Poudlard, avec ses valises posées à ses pieds. Elle n'y aurait d'habitude pas porté plus d'attention que cela, ne s'intéressant que bien trop peu aux autres élèves de Poudlard, mais pourtant, elle porta à ce garçon bien plus d'intérêt que de raison ; il lui semblait étrangement familier. Et soudain elle comprit, comme une évidence qui la frappa de plein fouet. Ses grands yeux bleus s'écarquillèrent d'un seul coup, tandis que la surprise et l'étonnement pouvaient se lire sur son visage. Etait-ce bien lui ?

Yvain. La jeune fille n'avait plus aucun doute, à présent qu'elle avait observé le nouvel arrivant avec plus d'attention. Pourtant, la silhouette qui se dessinait devant elle n'avait rien de semblable avec ce qu'elle avait gardé en mémoire. Le garçon qui se trouvait là, face à elle, n'avait rien de comparable avec le jeune homme qu'elle connaissait pourtant depuis toujours. Et si elle le connaissait trop bien pour avoir oublié les contours de son visage, le reste de son corps semblait ne pas lui appartenir. Les traits tirés par la maigreur, le teint bien trop blafard pour être naturel et les cernes, aussi, qui se dessinaient sous ses yeux, tandis que ses joues s'étaient creusées... il lui semblait presque voir saillir les os du jeune homme au travers de ses vêtements bien trop amples. Bon sang ! Que lui était-il arrivé ?

Qu'il était maigre. « Yvain... », murmura-t-elle lorsqu'elle le reconnut enfin. Son coeur se serra en le voyant ainsi et, alors qu'elle ne se trouvait qu'à quelques pas de lui, elle lâcha ses livres pour se jeter à son cou, sans même faire attention à la personne qui se trouvait déjà près de lui. Comme elle pouvait être heureuse de le revoir ; heureuse et soulagée. Mais le voir ainsi, le visage émacié et le corps si maigre... cela lui brisait le coeur. Alors il est vrai que ce n'était pas dans ses habitudes d'être aussi expensive. Même avec Yvain qu'elle connaissait pourtant si bien - ou toute autre personne proche d'elle - Hope ne faisait jamais de démonstration affective, à plus forte raison en public, elle qui était toujours si distante vis-à-vis des autres. Et cette fois-là elle n'aurait peut-être pas dû non plus, sans doute, mais elle n'avait même pas réellement réfléchis à ce qu'elle faisait, bien trop heureuse de revoir un visage familier. Elle se détacha toutefois bien vite de lui, un peu gênée de se montrer si familière. « Je suis tellement contente de te revoir, Yvain », dit-elle comme pour s'excuser, cette fois d'une voix bien plus maîtrisée mais, pourtant, profondément sincère. Elle n'osa pas lui demander d'explication, bien que ses yeux horriblement inquiets parlaient pour elle, à plus forte raison car elle remarqua la personne qui se trouvait à côté d'eux. Isolde Mayer. Hope ne la connaissait pas énormément, mais elle était l'assistante du Professeur Chourave. « Bonjour, Mademoiselle Mayer », dit-elle respectueusement.

21/11/2015

J'ai décidé de reprendre du poil de la bête, même si j'avais perdu beaucoup de poids. Et même si l'angoisse ne me quittait plus. Je ne suis pas toute seule. Je ne l'ai jamais été d'ailleurs, je m'en persuadais mais voilà tout. En ce dimanche, je ne voulais qu'une chose... Me détendre. Je le méritais. Plus que n'importe qui... La Gazette de la veille avait eu raison de moi.
Deux rumeurs à mon sujet... McPhee, c'était presque inattendu. Là au moins, elle aurait beaucoup de mal à faire comme si de rien n'était. Elle sera obligée de l'accepter, et même si elle s'en défend... Ils n'écouteront qu'à moitié. Ma vengeance est belle et réussie. J'en suis heureuse.

Alors je m'en vais de la bibliothèque après avoir potassé sur la défense contre les forces du mal. Je suis plutôt renfermée, je ne le cache pas. Avec tous les soucis qui m'accablent, j'oublie parfois qu'un autre monde existe en parallèle du mien, mais à quoi bon chercher à en faire partie quand je suis potentiellement toujours en danger. Cela n'étonnera personne que je fasse passer ma petite personne avant tout le monde. Ca a toujours été ainsi après tout.
Je suis fière d'avoir retrouvée la fierté et la dignité perdues de ces derniers temps.

Après un rapide coup d’œil aux couloirs, je me rends compte qu'il n'y a pas grand monde. Le dimanche, les élèves préféraient procrastiner dans leur salle commune ou réviser. Il ne reste plus qu'un mois avant les épreuves, on se doit d'être parfaits, je suppose. Je suis déjà parfaite, donc je ne m'en fais pas.
Je me dirige vers les escaliers et j'attends une bonne minute qu'il se décide à se mettre face à moi pour que je puisse descendre. Alors même qu'il bouge, je continue de descendre avant qu'il ne change à nouveau de direction.
C'était une perte considérable de temps, je me suis toujours demandé pourquoi on ne les stoppait pas et pourquoi on ne construisait pas d'autres escaliers là où ça manquait. Les mystères de la magie me direz-vous, mais avouez que ce n'est pas évident de se rendre en cours quand un escalier décidé, parce qu'il a une conscience hein ?, de ne pas vous y conduire.

Arrivée dans le hall, un garçon très maigre avec des valises alors que l'assistante de Chourave se presse vers lui aussitôt rejointe par Hope. Hope... Je lève les yeux au ciel. Par Merlin, elle ne pouvait pas rester sagement dans la salle commune... Non, mademoiselle avait décidé de bouger dans tous les sens, et ce n'était pas facile de la suivre. Loin de là.
Alors je la rejoins, comme une ombre faisant une grimace. De toute façon, personne ne me prête d'attention, ce n'est pas plus mal. Je fronce les sourcils en regardant le jeune homme quand Hope prononce son prénom.
Yvain, ça ?

Alors que le silence se fait entre ses retrouvailles, je ne peux m'en empêcher.
« Tiens, on te disait mort dans la Gazette, hier. »
Manquant de tact, certes, mais je doute qu'Yvain ait vraiment envie que l'on s'appitoie sur son sort. Quoi que.
« J'espère que tu comptes manger quelque chose, t'es pas vraiment... »Je fais une moue, cherchant le mot... « Potable ; il manque quelques paillettes multicolores, je te promets qu'on dirait un mort-vivant. C'est à peine si on te reconnait. Tu pourras toujours faire un remake de Thriller dans la salle commune pour fêter ton retour. »
Je me mords la lèvre pour m'empêcher de rire, même si nous avons eu nos différents, ce qui avait entraîné une ignorance de son côté et du mien, je comprenais bien le manque d'appétit quand les tracas s'amassaient, et pas moindre ces tracas. Je ne voulais pas être sarcastique, juste peut-être le faire sourire ? Et même si ça ne marchait pas, qu'importe au final.
Je lève un sourcil, restant néanmoins légèrement derrière Hope. Puis mon regard se pose sur son visage sévère, c'est sûr qu'elle n'apprécie pas la blague, je le sais. Je soupire et je regarde l'assitante. « Mademoiselle, dis-je à Miss Mayer pour détourner Hope de moi, inclinant respectueusement la tête comme Hope avait fait peu de temps avant. »

21/02/2016

Yvain ?

Croisé aussitôt la porte de la Grande Salle franchie, après mon petit déjeuner. Il était là, avec ses valises, debout dans le Hall. Les jointures de ses mains désormais osseuses étaient blanchies par la force avec laquelle il agrippait les poignées. Où était-ce par le poids de ses bagages, qu’il ne pouvait plus supporter ? Ses phalanges, nettement visibles, saillaient et je ne me risquai pas à lever les yeux vers son visage que j’imaginais déjà décharné. Pas tout de suite, pas encore ; la joie de le retrouver ne devait pas être supplantée par l’horreur de sa condition physique.

Yvain. Les yeux rivés par terre, j’aperçus d’autres pieds qui vinrent s’approcher de lui. A peine était-il rentré que tout le monde se jetait déjà sur lui, me dis-je, amusé, alors que le pauvre n’avait pas pu faire un pas dans le Château. Je me demandai ce qu’il ressentait en ce moment : le fait d’être rejoint par deux, non, trois maintenant, amis aussitôt arrivé le mettait-il en joie ? Aurait-il préféré rester seul le temps de retrouver ses marques dans le Château ? Etait-il gêné de cette attention ou, au contraire, l’appréciait-il comme la marque d’affection qu’elle signifiait ? Je me tordis les pouces. Je mourais d’envie, pour tout avouer, de le soulever dans mes bras et de le faire valser, si la bienséance me l’avait permis. Malheureusement, la présence de trop nombreux témoins m’en empêchait et m’avait même empêché, jusque-là, d’aller ne serait-ce que le saluer.

Je me risquai à lever les yeux vers les présences incommodantes et ravalai aussitôt mes jérémiades. Alycia, Hope et une jeune femme que je ne connaissais pas. Je haussai les épaules intérieurement et posai le regard par inadvertance sur mon ami.

Yvain, tu n’es plus que l’ombre de toi-même. Ses joues décharnées, ses cheveux ternes, son regard vide et son sourire disparu me serrèrent le cœur. Son visage émacié trahissait une anxiété et une détresse profondes dont lui seul pouvait se sortir ; je me doutais que nul autre que lui ne pourrait lui faire remonter la pente, mis à part peut-être l’aide précieuse de quelques autres privilégiés – dont je ne faisais assurément pas partie, me rappelai-je avec tristesse.

Finalement, au bout d’une éternité, sans chercher à savoir s’il m’avait déjà aperçu, je m’approchai lentement, précautionneusement, comme s’il risquait de partir de nouveau si j’étais trop brusque, et saluai mon ami et la presse d'un signe de tête mesuré.

« Bonjour, Yvain. Mesdemoiselles. »

16/03/2016

La dernière lettre d'Yvain serrée dans mon poing, je regardais anxieusement par une fenêtre du premier étage, tentant de le voir arriver. Comment allait-il ? Je savais qu'il n'avait pu manger à sa faim, qu'il avait dû braver maints dangers pour accomplir ce qu'il était parti faire mais tout ce qui m'importait, c'était qu'il soit de retour, bien vivant. Enfin, je l'aperçus, ses valises à la main, approchant des portes d'entrée. Yvain ! Ravie de retrouver celui que je considérais comme mon frère de coeur, je me retournai, prête à le rejoindre au pas de course, me retrouvant nez-à-nez avec une première année de ma maison qui me regardait avec de grands yeux. J'eus un mouvement de recul.

« Qu'est-ce que tu veux ? » Les mots claquèrent, le ton sec. Ce n'était pas le moment de me déranger. La petite me dit qu'elle avait perdu son rat et je ne pus retenir un soupir. « Viens par-là... » Nous partîmes donc à la recherche du rongeur mais comme nous croisâmes Johnson, la préfète Serpentard, je lui confiai la gamine, prétextant des choses bien plus urgentes à faire - ce qui n'était pas faux.

Débarrassée de mon poids mort, je filai à toute vitesse vers le hall, là où j'espérai que mon frère de coeur se trouvait toujours et je le vis, entouré de ce que je reconnus comme Hope, Alycia, Orion et une inconnue. Les derniers escaliers dévalés, je volais sur les derniers mètres plus que je ne courais et finis par rejoindre le petit groupe où je me jetai sur Yvain, l'engloutissant dans une étreinte d'ours et bousculant au passage Alycia et la troisième jeune femme que je ne connaissais pas. Aucun regret. Je restai serrée contre lui quelques secondes, ses côtes appuyant douloureusement contre les miennes et sentir ses bras autour de moi me rassura. Il est là. Je me reculai un peu, le tenant par les épaules et ignorant totalement les autres personnes, l'observant avec la plus grande attention. Il est maigre.

« Tu m'as manqué, Yvain. » lui dis-je. « J'espère que tu as réussi ce que tu étais parti faire et que cela en valait vraiment la peine... » Puis je me souvins que j'avais bousculé des personnes à mon arrivée et me retournai vers mes victimes, auprès desquelles je m'excusai : « Je suis désolée, je me suis un peu laissée emporter... » Je jetai un regard vers mon ami, comme si j'avais peur qu'il ait disparu entre temps. « L'émotion, vous comprenez. »

Ah. Ouais. C'était fichtrement étrange, ce silence soudain et un peu déconnecté du monde dans le grand hall. Certes, le dimanche matin était rarement le moment de prédilection pour une esbroufe pas possible, mais quand même. Entre le bordel et le néant, y'avait un peu plus de variance que ça... Non ? Peut-être. Dans sa tête, c'était pas loin d'être le cas, pour le coup.

Des trous, des petites vides, et une sensation perpétuelle d'avoir loupé un pan de sa vie. Le genre de creux dans le crâne à vous coller des sueurs froides et des impressions horripilantes de déjà-vu.

Ou des cauchemars, aussi, hein. Tant qu'on y était. Pas de raison de les éviter, de toute façon.

Une silhouette familière passa en un mouvement ample devant ses yeux, l'obligeant à diriger son regard vers elle. Isolde. La douce assistante de botanique. Qui s'immobilisa abruptement, comme percutée par la vision – pas très glorieuse, OK, il le savait – du septième année, avant de venir lui prendre les épaules. Wowh. Ça faisait du bien, un peu de tendresse.

Yvain esquissa alors un sourire. « Isolde ! » Le vrai. Celui qui dit merci sans oser le dire réellement. Pas par fierté. Mais par pudeur. Putain. Lui, pudique ? Ça devenait vraiment grave dans sa tête, là. « Je me sens... Bizarre. » C'était peu de le dire. « Je sais pas comment te le dire, mais je crois... » Il n'eut pas le temps de terminer sa phrase qu'un éclair sombre et fugace le percuta de plein fouet. Hope. La petite Westminbrook.

Les bras du Serpentard tapotèrent brièvement le dos de sa cadette, non sans une expression davantage bouleversée. Bordel. Combien de temps avait-il été absent ? « Moi aussi. Même si j'ai l'impression d'avoir percuté un carrosse de géants avec mon crâne. » Bon. Niveau blague réussite, on repassera.

Une autre personne se démarqua des ombres, McWood. Immédiatement, une phrase lointaine et salement trop tangible vint secouer sa conscience. Avertissement. Oh. Merde. Oui. Pourtant, ce qu'elle lui balança n'avait rien d'une déclaration de guerre. Logique en même temps ; ils n'avaient jamais eu d'opposition avérée. Ni de dispute. Juste de l'indifférence.

On te disait mort. Il écarquilla légèrement les yeux, plus surpris que terrifié par cette annonce. D'ailleurs, c'est le seul truc qu'il parvint à retenir de tous les propos taquins énoncés par la brune. « Ah. Ouais. Mort, carrément. Cela dit, c'est certain que les paillettes ne manqueraient pas là-haut. » Pourtant, quelque chose en lui le secoua. Et insuffla un peu d'agitation dans ses iris. « Harmony ne le croit pas, hein ? » Harmony. Évidemment.

La voix d'un autre proche vint le distraire. Orion. Bloqué dans sa retenue habituelle. Distant. Blessé. Oh putain. Il l'avait écarté de tout ce merdier, en se refusant à lui envoyer de ses nouvelles. Seuls de rares serpents avaient été concernés, en vrai. Mais pas Orion. Pas une seule fois. Jamais. Merde. « Orion ! » Ok. Il s'était un brin écrié pour le coup. Enfin. Ça commençait à faire beaucoup, quand même. Tout cet amour balancé à sa gueule.

Alors qu'il avait disparu on-ne-sait-où pour on-ne-sait-quoi. Coucou la culpabilité bien sympathique et collante comme une sangsue.

Et là, BAM, nouvelle bousculade. Gabrielle. Qui lui parla d'une histoire au summum du chelou ; réussir ce qu'il était parti faire. Pour toute réponse, Yvain lui adressa un regard interrogateur. Vide. Inquiet. Dans lequel on lisait très clairement : je ne sais pas de quoi tu parles. Enfin, plus exactement, je ne sais plus de quoi tu parles. Un doute franchement horrifié. Par le string troué de Voldemort, pourquoi il ne se souvenait de RIEN ?

D'accord. Nerveusement, ça n'allait plus. D'un geste un peu maladroit, il choppa de ses deux mains le maximum de monde pour un énorme câlin. Oui. Une étreinte grosse, tremblante et pleine de remords. « Putain, vous m'avez tous manqué. »

30/03/2015

Isolde avait très envie de faire un bon gros câlin des familles à Yvain. De le serrer dans ses bras jusqu'à ce qu'il retrouve un semblant de sourire, de lui permettre de se reposer un peu sur quelqu'un, littéralement. Parce qu'il semblait en avoir terriblement besoin, là. Mais son statut de stagiaire la retenait d'exprimer son affection en plein milieu du hall. L'étreinte des épaules du jeune homme était un peu trop froide à son goût, mais pas à celui d'Yvain visiblement. Il lui renvoya un sourire, différent de celui qu'elle connaissait. Pas d'espièglerie, ni de jeu ; juste de la reconnaissance d'être arrivé au bon moment. Elle lui sourit en retour, sans pouvoir complètement faire disparaître la lueur d'inquiétude qui perçait dans son regard.

Son sourire s'élargit quand la petite Hope se jeta dans ses bras, suivie de Gabrielle. Bon, au moins il ne manquait pas de soutien à l'école. Le Serpentard avait l'air sincèrement perdu, comme un enfant abandonné déposé devant Poudlard. Ou alors il avait vécu un évènement si traumatisant qu'il l'avait aussitôt enfoui pour se protéger ? Et parti faire quoi ? Mince, elle le connaissait vraiment mal, plus qu'elle ne le croyait. Elle se retint de lancer un regard sévère à Alycia pour sa pique bien trop sarcastique à son avis, mais Yvain ne sembla pas mal la prendre. Elle eut à peine le temps de répondre aux saluts de tout le monde...

Et puis finalement, un gros câlin était bienvenu. Isolde se laissa attraper et lui rendit de son mieux son étreinte, un peu coincée entre Hope et Alycia. C'était la première fois qu'elle faisait un câlin à un Westminbrook, tiens. Elle enlaça le jeune homme de son mieux pour essayer de réduire ses tremblements qui lui serraient un peu le cœur.

- Tu nous a manqué aussi ! T'as mangé ce matin ? Un petit-déj devrait te faire du bien ! Tu veux que j'aille te chercher quelque chose ?

La cafétéria en libre service d'Haveirson était beaucoup plus pratique que celle de Poudlard en cas de petit-creux imprévu, mais Yvain avait eu la bonne idée d'arriver à l'heure du petit-déjeuner, comme en témoignaient les effluves de chocolat chaud et de bacon grillé qui s'échappaient des grandes portes ouvertes. Seulement la perspective de s'asseoir au milieu d'élèves bruyants n'était sûrement pas très engageante pour lui et son mal de tête. Et puis, c'était un peu son rôle aussi, en tant que stagiaire, de veiller à ce que les élèves aillent bien, non ? De toute façon, elle était bien incapable de jouer les insensibles. Le souhait d'Yvain aussitôt entendu, elle fila en direction de la Grande Salle, et revint en lui mettant doucement sa commande dans les mains. S'écartant un peu, elle fouilla son sac pour en sortir une petite fiole transparente.

- Tiens, pour ton mal de tête. C'est de la menthe poivrée. Masse quelques gouttes sur ton front, ça te soulagera, ajouta-t-elle d'une voix douce en lui tendant le flacon.

Dimanche 11 mai 1997 - Le Hall de Poudlard aux alentours de 9h du matin.

Mais qu'avait-il pu se passer pour que Yvain revienne dans un tel état ? Terriblement inquiète, la petite Westminbrook posait un regard anxieux sur lui, tandis qu'elle examinait son visage avec beaucoup d'attention. Ca lui serrait définitivement le coeur de le voir ainsi, lui qui était pourtant si vif et enjoué. C'était comme si toute sa vivacité s'était évaporée ; comme si ce n'était plus tout à fait Yvain qui se trouvait là. Pourtant, c'était bien le jeune homme qu'elle connaissait depuis son enfance. La curiosité de Hope l'emportait souvent sur bien des points, mais pourtant, cette fois, elle n'était pas certaine de vouloir en savoir plus à propos de ce qu'il lui était arrivé ; elle avait bien trop peur de ce qu'elle pourrait apprendre. Lui qui était toujours si pétillant, il donnait l'impression de n'être plus que l'ombre de ce qu'il avait été. Et ça la terrifiait.

Mais tandis qu'elle le contemplait, une jeune fille s'était approchée d'eux. Alycia McWood se trouvait là, juste un peu en retrait par rapport à Hope, qui ne se rendit toutefois compte de sa présence que lorsqu'elle fit référence aux nouvelles qui avaient été relatées dans le dernier numéro de la Gazette du Sorcier ; Yvain supposé être mort. D'un seul coup, Hope se tourna vers Alycia, choquée qu'elle dise une telle chose, à plus forte raison à cause de l'état catastrophique dans lequel revenait Yvain. Elle en profita d'ailleurs pour lui jeter un regard des plus désapprobateurs, et elle fronça les sourcils. Ce n'était vraiment pas le moment. Elle ne dit cependant rien à la jeune fille, mais son regard était lourd de sens. « On connaît tous le peu de fiabilité de la Gazette du Sorcier, de toute façon », lâcha platement Hope, tout en accompagnant ses paroles d'un haussement d'épaule. « A partir du moment où cela fait augmenter les ventes, tout est bon à prendre pour noircir les pages du magazine ». Et, soudain, elle repensa brièvement à ce qu'ils avaient eu le culot de publier sur elle... avant de se dire qu'il valait mieux ne pas trop s'attarder sur le sujet, en fait. Jusqu'à présent elle avait eu la chance de ne pas avoir de remarques à ce propos, et elle espérait bien que ça continuerait : alors, autant faire profil bas !

Fort heureusement pour elle, d'ailleurs, Yvain ne tarda pas à reprendre la parole. « Harmony ? Oh... ». Et, d'un coup, Hope hésita un peu sur ce qu'elle pouvait répondre, essayant toutefois de ne pas trop montrer ses doutes. Elle se reprit néanmoins bien vite, et parla d'une voix calme et assurée. « Non, bien sûr que non, Yvain. Harmony ne croirait jamais de telles sornettes, c'est évident ». Ou du moins, bien qu'elle n'en soit pas tout à fait certaine, c'était ce que Hope espérait de tout coeur. Harmony Sharen était également à Serpentard et en quatrième année, tout comme Hope. Ainsi, les deux jeunes filles partageaient le même dortoir et étaient très proches. Cependant, la jeune Westminbrook devait reconnaître qu'elle n'était pas tout à fait certaine de ce qu'elle affirmait. Evidemment, elle avait parfaitement eu vent de ce qui se disait dans la Gazette du Sorcier, et elle devait bien reconnaître que, aux vues de ce qui était avancé, elle s'était fait un sang d'encre pour le jeune homme. Toutefois, jamais elle n'avait osé aborder le sujet avec Harmony. Ainsi, peut-être s'avançait-elle trop, mais il était parfaitement hors de question, pour Hope, de répondre quoi que ce soit d'autre.

Et, tout juste quelques minutes plus tard, arrivèrent Orion et Gabrielle. Cette dernière s'était d'ailleurs à son tour jetée dans les bras d'Yvain, et Hope ne comprenait que trop bien l'émotion de son amie. Mais les paroles de Gabrielle semblèrent inquiéter un peu le jeune homme. Confus, perdu, le regard d'Yvain montrait son incompréhension et Hope, à son tour, leur lança un regard plein d'interrogations. Mais elle n'eut pas le temps de se poser plus de questions à ce propos, car Yvain décida de faire un câlin groupé à tout le monde. Il était heureux de les voir tous, et ça faisait plaisir à voir. Car tout ce que Hope voulait, à cet instant, c'était qu'il se remette le plus vite possible. Et peu importe où il était allé, ou ce qu'il avait fait, rien de tout cela n'était important.

Hope serra un peu plus fort Yvain contre elle, tandis qu'elle était coincée entre Alycia et Isolde. « Ne disparaît plus comme ça, sans donner de tes nouvelles, Yvain, d'accord ? Plus jamais ! Tu nous as fais terriblement peur ! » Et, cette fois, on pouvait sentir un petit peu de reproche dans la voix de Hope. Non pas qu'elle le sermonnait, pas du tout ! Mais avec tout ce qui se passait actuellement à l'extérieur, la disparition de Daphné, et tout le reste... Hope avait bien failli mourir d'angoisse. Mais en vérité, sa phrase était plus proche de la supplication que du reproche. La prévenance d'Isolde Mayer était tout simplement adorable. A peine le câlin était-il terminé qu'elle s'était précipitée dans la Grande Salle pour revenir avec ce que Yvain lui avait demandé. Elle lui tendit également une fiole de mente poivrée, pour son mal de tête. Hope ne connaissait pas beaucoup la jeune fille. Elle savait seulement qu'elle était stagiaire à Poudlard en Botanique, mais sa gentillesse ne passait pas inaperçue. « Tu dois certainement être fatigué... tu veux peut-être te reposer ? », demanda-t-elle d'une toute petite voix. Yvain venait tout juste d'arriver et Hope ne voulait absolument pas le laisser. Toutefois, elle se devait de poser la question.

Ils l'observaient tous avec une attention si singulière, si puissante et agréable, que le septième année n'arrivait plus à contenir sa joie. Vraiment. Il souriait, pleinement, à tous ; de cet air fébrile qui lui manquait cruellement dans la fatigue et l'abattement de sa chair. De ce bonheur soudain et fulgurant sous la douceur évidente que tous déployaient en sa présence. Et, bordel, il y avait beaucoup de monde qui se souciait de sa santé !

Ou de son retour. Un peu comme Blaise quoi – bien qu'il ne l'ait pas encore aperçu. Pour le moment.

Les paroles d'Isolde s'enchaînèrent à une vitesse folle pour son cerveau encore boiteux. Enfin. Il en avait saisi l'essentiel ! « Je veux bien un petit truc... » Et déjà, sa tendre camarade filait à toute allure vers la grande salle. Franchement, tout cet amour pour lui, c'était... Complètement fou.

Ça lui faisait autant plaisir que ça le mettait mal à l'aise. Lui, pendant plus d'un mois, il avait disparu. La tête prise puis vidée par un truc impossible à deviner. À se souvenir. Le néant dans toute sa splendeur macabre et aliénante ; un manque perpétuel qui s'enfonçait profondément dans sa chair. Dans son sang. Dans son âme, en fait.

Tandis que l'ancienne Serdaigle partait en chasse de nourriture, le septième année posa son regard sur la silhouette de Hope. Les mots lâchés durant l'étreinte générale pincèrent sa conscience. Merde. Ils s'étaient tous inquiétés, jusqu'à se ronger d'un peur innommable. Quel con, sérieux, d'avoir disparu de la circulation pour... Pour quoi déjà ? « Promis. Pardon, Hope. Je le ferais plus. » Étrangement, il y avait là-dedans une vive assurance. Il n'allait plus disparaître. Tout du moins, il s'efforçait d'y croire. De ne pas se troubler d'une autre possibilité.

Pourquoi voudrait-il prendre la poudre de cheminette une nouvelle fois ? Aucune raison. Non. Franchement.

Isolde revenait ; avec des mets délicieux, disons-le. Ni une, ni deux, Yvain se mit à engloutir cet apport bienvenu. « Merchi. » Et s'il mâchait en même temps que sa voix vibrait de reconnaissance, il ne s'agissait certainement pas d'un manque de politesse. Il avait juste faim ; presque en permanence ces derniers jours. Comme si remplir le vide de son estomac parviendrait à estomper la sensation sinueuse et déroutante du néant.

C'est là que sa brune amie tira de son sac une fiole. Menthe poivrée. Oh. OH. Bonne idée. « Merci... » Bon. Mec. Ne pleure pas. Même si tu en crèves d'envie. « … Tellement merci, Isolde. Et à tous, en fait. C'est... Cool de pouvoir vous retrouver en vie ici. » Avec tout le chaos du monde magique, c'était clairement peu de le dire.

Hop, une nouvelle bouchée. Ses iris se portèrent une énième fois vers la quatrième année de Serpentard. « On pourrait trouver un coin où s'asseoir, non ? » Se reposer, oui. Tous ensemble, encore mieux, non ? « En fait, j'ai tellement l'impression d'être à la ramasse, c'est fou. »