[Centre spécialisé] A lil' visit from an old friend is always welcome [Charlie]

Le lieu était froid & les murs étaient d'un gris affreusement triste.

Si ce « n'était pas une prison », avait affirmé le jury lors du verdict pour Lilianor, la ressemblance marquante vous faisait frissonner lorsque vous dépassiez l'immense portail de ferraille, noir. L'Américaine dénotait sur l'ensemble monotone, avec sa chevelure dorée, néanmoins raccourcie depuis peu, et ses bottines rouges fluorescentes. Ses yeux traînaient un peu partout, cherchant elle ne savait trop quoi – ou plutôt, elle voulait savoir dans quoi logerait son amie pendant le prochain mois. Peu de personnes étaient dehors, profitant du soleil présent, et, il semblait y avoir un périmètre qui encadrait toute la zone, les pensionnaires ne semblant pas s'éloigner plus que ça. Et ils voulaient vraiment faire croire que cet endroit n'était pas une prison.

D'abord, ce qui avait le plus frappé Charlie, était cette agaçante sensation de malaise lorsqu'elle avait pénétré à l'intérieur du bâtiment, dont les gardiens n'étaient que peu nombreux mais semblaient efficaces et concentrés. Elle était au milieu de deux d'entre eux lors de sa traversée vers les salles de visite ; l'un était un caucasien plutôt maigrichon, dont le crâne était nu & la tenue impeccable ; l'autre possédait une peau métissée & avait l'allure certaine d'un videur de boîte de nuit.

Au bout de l'énième virage, dans les couloirs silencieux, ils la firent entrer dans une pièce dont le mobilier était infime, après lui avoir fait cracher son chewing-gum dans une poubelle. Ils voulaient qu'elle fasse quoi avec un bonbon ? Qu'elle bouche les trous de nez de Lilianor pour l'asphyxier ? Sérieusement, ils abusaient un peu. Trônaient au centre de la pièce une table et deux chaises, qui faisait étrangement penser à une salle d'interrogatoire. Seuls les tableaux un peu spéciaux qui faisaient flipper cachaient un peu l'ambiguïté de l'utilisation de la salle, et il n'y existait aucune vitre transparente où l'on pouvait y voir qu'à sens unique, mais bien une vrai fenêtre où les rayons de soleil donnaient un peu de chaleur à la pièce, où l'on voyait flotter la poussière étouffante.

Ouais, on repassera sur la déco.

Puis la porte s'ouvrit sur l'hôte de la maison ; ses cernes sombres trahissaient sa fatigue importante, et, si elle ne s'abusait pas, elle avait maigri. Pas beaucoup, mais tout de même. Ce n'était pas flagrant, seulement les creux dans ses joues habituellement rosies par le maquillage manquaient de vitalité, et ses gestes étaient lents, presque saccadés, & elle tremblait légèrement. Son sourire rencontra celui de Charlie.

« Ouais, je suis là. » répondit-elle, sur un ton plus ou moins égale. Même si ce dernier trahissait une légère animosité. Une certaine méfiance. Lilianor avait été accusée parce qu'elle avait combattu aux côtés des mages noirs. De Voldemort. Il était impossible de justifier les actes qu'ils avaient commis lors de l'affrontement ; qu'elle avait commis.

Alors la tâche de ne pas s'énerver, de pardonner, était encore plus compliquée.

Car elle avait été dans le camp de ceux qui avaient essayé de les tuer, elle, Blaise, et tous les autres élèves et, ils avaient réussi, avec certains ; qui avait défiguré le visage impassible de Daphné ; qui avait blessé grièvement son frère. Son frère jumeau. Et il ne se passait plus un moment sans qu'elle se dise qu'elle aurait du être à ses côtés. Qu'elle aurait du être la personne à se prendre ce sort à sa place, et elle aurait du être cette personne à se faire écraser par les débris. Pas lui. Pas Yvain. « Comment tu vas ? » demanda-t-elle sobrement, prenant place sur l'un des siège en fer.

Ouais, une tâche définitivement très compliquée.

C'était difficile.

A la façon dégoûtée qu'elle avait d'entendre les paroles de Lilianor, elle ne put retenir un long soupir de mécontentement. C'était difficile. Oh, Charlie pouvait deviner à quel point ça l'était, enchaînée à ses murs grisonnants & froids ; à devoir se lamenter sur son juste sort, finalement. A devoir rester pendant deux pauvres mois – d'accord, ça empiétait sur ses vacances scolaires, pauvre d'elle – dans une "cellule" plutôt confortable. Elle pouvait sortir et déambuler plus ou moins librement dans le dédale des couloirs sinistres, elle pouvait prendre l'air sous un soleil brûlant, elle détenait son instrument favori, et elle avait ses vêtements personnels dans une armoire. C'était difficile. D'être loin de ses proches, de sa sœur. Molly devait peut-être beaucoup en souffrir ; mais pas Lilianor. Ce n'était qu'un vil mensonge pour se faire pardonner pour ses actes de terreur.

C'était vraiment difficile. Pauvre Zyskowski. Qu'elle était à plaindre !

« Tu m'étonnes » lâcha-t-elle alors, un peu trop familièrement compte tenu de la réponse de son amie désorientée. Affaiblie. Et par Merlin ce qu'elle n'aimait pas ça ; elle avait envie de la baffer, dans l'espoir de la réveiller, tandis que son esprit était encore recouvert de quelques cicatrices invisibles. Sa pseudo souffrance & sa désolation la mettaient en rage. De quoi se plaignait-elle, hein ? D'avoir été enfermée suite aux différents coups portés face aux élèves de Poudlard ? Elle n'avait que ce qu'elle méritait, bon sang. Et ce n'était pas le style de Charlie d'aller la prendre dans ses bras pour la réconforter. Elle n'était pas sa mère – par Merlin, merci - ; si elle voulait baigner dans une fausse dépression au lieu de se ressaisir, et bien soit.

Charlie ne serait pas là pour la repêcher.

Maintenant, elle se mettait à pleurer, semblable à un chat des gouttières ; seule, abandonnée, délaissée. Charlie n'en pouvait plus. Elle se leva précipitamment, abandonnant le regard de pitié de l'autre blonde, chassant de son esprit l'envie fulgurante de la frapper, là, tout de suite.

Elle n'aurait pas dû venir.

Elle pensait aveuglément qu'elle ferait abstraction de sa fureur, de ses principes, et qu'elle ferait davantage confiance à sa loyauté & à l'amour qu'elle pouvait porter à chacun de ses amis. Mais plus à Lilianor. Ce n'était plus dans ses cordes ; elle-même devait se reconstruire. Deux personnes à la fois, ce ne serait pas impossible ; mais elle ne voulait pas essayer. Pas pour elle. S'en était fini, de cette confiance aveugle, de ses promenades insolentes dans les couloirs de Poudlard, et des rires qu'elle pouvait pousser lorsqu'elle ridiculisait un élève. Et elle regretta aussitôt de s'être embarquée dans cette visite amicale. De toutes évidence, Lilianor ne voulait pas faire d'effort.

Parfait.

« Bien sûr. » Charlie allait sûrement mieux qu'elle. Et puis quoi encore ? Ce n'était que pure calomnie. « Daphné a été défigurée par Greyback – tu sais, l'un de tes pote Mangemort ; Avec Blaise on a du essuyé des attaques de l'autre folle dingue, celle qui est encore en liberté, tu sais, hmm .. » elle fit mine de réfléchir, posant un doigt sur son menton. « Bellatrix Lestrange ! Tu dois la connaître non ? Mon frère, aussi, a failli mourir sous les attaques de tes potes – tu te plains de pas pouvoir voir Molly pendant deux pauvres mois, mais arrête de te plaindre un peu Lilianor ! Imagine un peu si Steven était mort à cause de ce putain de sort, ou sous ces putains de gravas ! Mais non, t'inquiètes, nous on reste fidèle à nos convictions, à Serpentard ; Yvain est mort » Sa voix tremblota légèrement, elle inspira un grand coup et continua son monologue « sous ce sortilège, et Stanislas, lui, l'a tiré à temps avant que les pierres ne me l'enlèvent. Et toi, t'étais où, hein ? » demanda-t-elle, ne s'énervant en aucun cas. Elle n'avait pas le droit à sa colère. Elle ne la méritait pas. Charlie passa ses mains sur son visage et fixa son ancienne amie, stupéfaite. « C'est bon ? T'as fini de chialer ? Moi aussi j'aimerai bien m'abandonner à mon triiiiiste sort, mais tu vois, j'ai autre chose à foutre. Sinon j'aurai atterri à Poufsouffle. » Siffla-t-elle, crachant son insulte comme un coup de poignard.

Charlie leva ses deux yeux au ciel, exaspérée, tandis que ses bras maigrichons se croisaient sur sa poitrine qui se levait et s'abaissait dans un mouvement agité.

Sous sa chevelure d'or, blessé par un manque d'entretient cruel, se dévoilait sa peau blanche comme la neige ; le soleil ne devait pas être l'un de ses allié récemment, tout comme la lumière ne l'avait jamais été durant ces dernières années passées à Poudlard. Lilianor avait toujours été dans la pénombre, vantant les mérites des aristocrates et de leur richesse aveuglante, et déblatérant des propos « racistes » & « culottés » en présence des nés-moldus. Mais elle n'avait jamais dévoilé sa zone d'ombre, jusqu'à la bataille, allant jusqu'à confier sa vie aux mains des Mangemorts.

Et, ce ne fut pas directement la pâle couleur de l'enveloppe charnelle de son amie qui la bloqua, mais bien la marque de l'ancienne déchirure écœurante sur le dessus de son oreille. Pourtant, Charlie resta braquée. Elle ne gagnerait pas en se lamentant sur les choses qui lui ont été faites.

« Tu veux peut-être que je te montre la tronche de Daphné ? Ou bien l'entaille en pleine cicatrisation sur le crâne de Steven ? » répondit-elle sur un ton qui sonnait désagréablement à l'oreille, et sur une haine que l'on ne lui connaissait que peu ; celui qui faisait son apparition lorsque sa colère était réellement justifiée, dans les battements déroutant de son cœur.

Elle ne lui faisait plus confiance ; pire, elle la détestait.

« Si tu voulais pas voir « ce genre de choses » fallait être évacuée avec tous les autres, imbécile. Au lieu de juste les prévenir. Tu pensais que les Mangemorts souhaitaient changer le monde en faisant de longs & beaux discours ? Ce sont des putains de tueurs, Lilianor, tu croyais qu'ils auraient un semblant de pitié pour une gamine ? » S'emporta-t-elle, avant de passer deux mains sur son visage bouillant de colère. « Ouvre les yeux, c'est pas un conte de fée. »

Elle se détourna un peu, offrant son dos & échappant au regard insistant de son amie – pouvait-elle encore la considérer comme telle, dorénavant ? Charlie n'avait pas l'esprit assez calme pour songer à ce genre de choses, tout ce qui comptait actuellement était de régler ses comptes. Et, si elle avait quand même confier son inquiétude à Hope, quelques jours avant sa visite dans ce « centre spécialisé », ses craintes demeurèrent justifiées.

Elle ne pouvait pas pardonner à Zyskowski, quelles que soient ses motivations.

Puis brusquement elle se retourna, les sourcils relevés, incapable de contenir un rictus mauvais. Vraiment ? C'était bien audacieux de citer ce nom là, tâché par la trahison qu'elle avait offerte à ses amis lors de cette nuit ancrée dans les mémoires, éclairée par le flambeau vivant qu'était devenue la Grande Salle suite aux affrontements. Alors que le géant fonçait en direction des deux Serpentard, Gabrielle avait perdu la compassion & la confiance de Charlie qu'elle aurait éventuellement pu obtenir à l'annonce de son décès.

« Cette pétasse a tenté de me buter. » Cracha-t-elle, ses paroles empreintes d'un dégoût sans pareil. Mauvaise pioche, Lili. « Elle mérite ce qui lui est arrivé. Et je pense que si elle était pas morte toute seule, je l'aurai étranglée de mes propres mains. » La blonde laissait ses émotions la contrôler ; à quoi bon essayer de les refouler, ça ne faisait que la consumer un peu plus à chaque tentative. « Ah donc je devrais m'estimer heureuse de ne pas l'avoir perdue ? Du moment qu'elle est blessée, et moralement détruite, c'est bon, la vie est cool ? » sa voix montait, inconsciemment. « Yvain était mon ami ! Si ce n'est plus ! J'en ai rien à foutre que tes potes Mangemorts soient morts, y compris Alycia, tu comprends ! Il est mort par votre faute ! » Ses cris résonnaient dans la pièce, alors que ses veines gonflaient & se distinguaient sur son cou au moindre mot. « Arrête de t'apitoyer sur ton sort ! T'es en vie, merde ! Et t'as écoper d'une misérable peine par rapport à tes actes ! »

Des excuses, même si elles ne le ramèneraient jamais, étaient la moindre des choses, pensait-elle. Se répétait-elle. Lilianor avait toujours prouvé sa valeur, et elle valait beaucoup mieux que ça, en tout cas, Charlie l'avait toujours cru. Elle s'était efforcée de l'imaginer, pendant ces cinq ans de cohabitation dans la même maison, dans la plus prestigieuse des maisons, alors qu'elles avaient pris l'habitude de rire aux éclats côte à côté ; ou qu'elles s'alliaient pour terroriser ou martyriser un élève un peu trop prétentieux.

Charlie n'arrivait pas à la lâcher, ni à l'abandonner. Elle avait envie de croire que la blonde aux yeux fatigués, marqués par des cernes creuses, et animée par une peine & une faiblesse n'était pas son amie. Alors elle ne s'attendait pas à ce que Zyskowski retourne son problème contre elle. Et Grant, acharnée & têtue, blessée aussi, n'appréciait pas.

« Bien sûr que oui, et tu le sais parfaitement. » C'était une question bien stupide, puisque Charlie donnerait sa vie pour chaque membre de sa famille ; pour Steven ; pour sa maman ; pour ramener son papa. « Mais pas celles de mes amis. Et c'est là que t'as vraiment merdé, Zyskowski. »

Et si elle nous avait prévenus. Cette phrase tournait en boucle dans sa tête, comme un refrain tortueux. Tellement de vies auraient pu être épargnées, et des événements auraient pris une toute autre tournure. Peut-être que cette petite fille serait encore en vie ; que Daphné aurait encore sa peau agréablement recouverte d'un fond de teint et non de cicatrises de griffes de loup-garou ; qu'elle ne se serait pas faite autant de soucis pour son frère, alors qu'il occupait un matelas blanc à St Mangouste ; que Yvain ne serait pas dans un cercueil, enseveli sous terre.

« J'ai essayé de me mettre même quelques secondes dans ta tête, et je sais que le schéma aurait été différent. Parce que j'aurai fait confiance à mes amis, je les aurai prévenus de la menace imminente. Parce qu'ils sont comme une deuxième famille pour moi. Et parce que toi, t'as réfléchi avec tes émotions, ironique sachant que tu les contrôlais plutôt bien, et pas avec ta putain de cervelle. On aurait pu t'aider. Mais là tu vois, j'ai juste envie de te défoncer. Parce que tu nous as tous trahis. » termina-t-elle, amèrement.

C'en était fini de leur amitié.

Elle ne savait même plus quoi dire pour se défendre ; elle était fautive, elle le savait. Elle l'avait toujours su. Alors il s'agissait maintenant d'admettre ses erreurs. Cependant, Lilianor semblait autant apte à coopérer que Charlie l'était à la pardonner. « Yvain a sauvé la vie de Steven. Il a fait la part des choses entre ses amis et ses idéaux. Est-ce que tu peux en dire autant ? » balança-t-elle calmement, énervée qu'elle puisse retourner cette personne-là contre elle.

Charlie ne connaissait pas l'alignement de Yvain ; elle avait deviné celui de Lilianor, lors de l'annonce de son procès ; elle avait appris celui de Stanislas quelques mois plus tôt, dans le dédale pesant du manoir Karkaroff. « ça ne change rien entre nous » avait affirmé son meilleur ami, après un débat diplomate sur la question, et elle sut que ce fut le cas lorsqu'elle découvrit l'héritière Greengrass, le visage sali par la poussière et par son propre sang, dans ses bras. Stanislas n'avait jamais attaqué d'élèves ; il ne s'était pas non plus retourné contre ses plus proches amis. Et c'était une chose de défendre son camp, mais s'en était une autre de trahir.

Alors elle réfléchit lentement, pesant la gravité des actes odieux de son amie. Mais sa décision était déjà prise ; elle l'avait été à la seconde où elle avait pénétré à l'intérieur de cette salle.

« Oui. » répondit-elle, à peine émue par les larmes aux creux des yeux de Lilianor. « J'en faisais partie, comme tu dis. » et c'était une aussi triste que rassurante réalité de découvrir qu'elle perdait maintenant une autre personne chère à ses yeux ; elle avait déjà tant perdu. Mais elle ne reviendrait pas sur sa décision, aussi difficile sera-t-elle à assumer. « Tu m'as confondue avec toi ; je ne règle pas mes comptes en tuant des personnes, même si elles le méritent. » Ses genoux fléchir alors sous le regard tortueux de Grant, mais cette dernière ne cilla même pas. Elle était plus dégoûtée par la faiblesse de Zyskowski qu'elle faisait preuve de pitié à son égard.

Et pourtant, elle hésita. Ce serait un tel régal que de lui foutre son poing en pleine mâchoire, et cette pensée obscure traversa son esprit. Elle l'avait déjà fait ; contre Kvelgen, en début d'année, dans un affrontement hostile ; dans la Grande Salle, contre Tiller, pour défendre l'Australienne.

Elle savait maintenant que le Serdaigle avait toujours eu raison sur la nature de la jeune femme.

« Tu le mérites même pas. » balança-t-elle en balayant la pièce du regard, les mains sur les hanches. Surtout que des gardes attendaient patiemment à l'entrée, et qu'agresser une criminelle emprisonnée n'était assurément pas une idée ingénieuse. Elle posa une dernière fois ses pupilles sur l'autre blonde, celle qu'elle avait toujours comptée parmi ses meilleurs amis, dont les agissements étaient toujours aussi difficiles à avaler, et se dirigea rapidement vers la porte. Elle n'avait plus rien à faire ici. « Mais t'inquiètes pas ; on se retrouve à la rentrée. Et, je n'oublie pas. »

Elle posa ses doigts vernis sur la poignée, indécise. Et si elle faisait une erreur ?... Et si elle était capable d'oublier tout ça, et d'aider Lilianor à se relever, à se reconstruire ? Non. C'était trop tard. Elle soupira, dos à la détenue, et sortit de la pièce le cœur lourd, mais tout autant empli de haine.