Percy - When all is said and done

Je suis une île perdue au cœur d'un archipel. J'aurais pu être mille choses, j'aurais pu m'inscrire dans le prolongement d'un continent. Je n'en suis pas capable. Je n'en éprouve pas le désir non plus, à vrai dire. J'ai toujours aimé être isolée, parce que peu importe ce qui ravage les autres territoires, un océan m'en protège. Sur mes berges ne s'échouent que quelques épaves, parfois une bouteille lancée à la mer, d'un autre îlot. Je crois qu'il en a toujours été ainsi en vérité. Je pense que la seule différence est qu'aujourd'hui, j'y prête attention. Je m'aventure près des marques de l'existence d'autrui et je m'imprègne de leur présence. Aussi doux que dangereux, pour moi. Je ne pense pas avoir changé. Je crois que je me suis affaiblie, et endurcie à la fois. Je sais que ça n'a aucun sens, mais je crois qu'aujourd'hui, je comprends que ce n'est pas sensé en avoir.

J'ai eu une famille, en théorie. J'ai eu un père, une mère, une sœur. Le problème, c'est qu'il semble qu'eux n'aient jamais eu de Perséphone. Je ne suis qu'un détail, un accessoire. Et lorsqu'il est temps de fuir, on ne s'encombre que du principal. J'ai très vite appris à ne pas offrir mon affection à n'importe qui, et surtout à ne pas m'ancrer. Je n'avais besoin de rien, de personne. Parce que l'affection que l'on peut avoir pour autrui n'est qu'un paillasson, et que tous mes proches se sont essuyés les pieds dessus sans remord. J'étais indépendante. Non, j'étais l'indépendance. Et cela m'allait très bien comme cela. Je n'avais pas besoin de compagnie, je me suffisais à moi même. Mes plans, mes plaisirs, mes enjeux. Pas de risque, pas d'amour. Si cela semble idyllique, du moins pour moi, c'est aussi d'une naïveté sans égal. Je me suffis toujours à moi-même, bien sûr. Je n'ai pas besoin du soutien, de la participation d'autrui à mes projets et à mon quotidien. Mais pour une poignée d'entre eux, j'ai  besoin d'avoir conscience de leur présence. Heureusement, ces personnes ne sont pas nombreuses.

Bien sûr, j'ai toujours su me faire des amis. Des relations, plutôt. Tisser des liens, méticuleusement et avec une certaine volonté détachée. Je sais dire ce qu'il faut et je parle peu. Je suis l'oreille. Les gens aiment ça. Et malgré tout, je suis capable d'humour, de constater la beauté d'un moment échangé, même si je ne sais pas quoi en faire, que je ne vois pas l'intérêt de le garder. Je sais me positionner si j'estime que le jeu en vaut la chandelle, que l'injustice est trop grande ou que la personne semble trop belle pour pâtir de la bêtise humaine. Enfin, c'est ce que je vous aurais expliqué il y a quelques temps. Maintenant un autre paramètre entre en compte : l'amour. Doucereux, déloyal.  

Il paraît que j'étais docile. J'ai souvent entendu ce mot. J'étais le trophée de l'un, l'arme d'un autre. Je me moquais de ce que l'on faisait de moi, tant que ça n'allait pas totalement à l'encontre de mes principes et que cela payait ma tranquillité. La bataille de Poudlard a changé ça. Les évènements se sont assurés que jamais plus ma tranquillité se ferait sans combat, que jamais plus je n'accepterai de m'effacer du monde et de me défaire de ses enjeux. Ma neutralité est morte. Pourtant, je ne suis pas du côté du bien, du mal. Ni de Carwood, ni des mages noirs. Je suis tombée du côté des miens, de ceux que je considère comme tels. Et quand je contemple le monde brûler dans l'indifférence la plus totale, je ne tolérerai pas qu'une flamme vienne lécher leur âme. J'étais funambule, en équilibre sur mon fil. Jusqu'à ce qu'on m'en fasse descendre sans douceur. Je ne sais plus comment remonter dessus. Je me suis attachée, et j'ai perdu l'équilibre.

Un jour, on m'aimera. De façon folle, de façon douce. On me tendra la main pour y remonter et contempler de nouveau les autres se débattre sans moi. Mais je crois que plus jamais je n'oublierai comment redescendre. C'est peut être ça, la clé. Je suis une île dans un océan qui en est rempli.