Teach me everything you know (Panda)

Installée à la bibliothèque depuis quelques heures, Hazel notait sur un parchemin tout ce qu'elle avait compris sur la situation. Enfermée depuis deux jours, elle avait interrogé de nombreux élèves, et même de ces gens du Ministère. Objectivement, elle comprenait. Ils n'avaient pas de mauvaises intentions, et qu'auraient-ils pu faire ? Dire la vérité ? Certes, cela semblait être la meilleure solution, mais à quoi cela aurait-il mené ? Y aurait-il eu des étudiants à Haveirson ? Si le château avait un plan, alors c'était quelque chose de suffisamment spectaculaire pour chercher à comprendre. Et ils n'avaient pas laissé les étudiants livrés à eux-même. Avaient-ils pu tromper le bâtiment avec leur camouflage de polynectar ? Elle en avait questionné quelques uns, et certains s'étaient révélés plus loquaces que d'autres. Les plus nombreux, ayant certainement moins de peine à s'identifier aux étudiants trompés ou s'étant fait des amis malgré leurs missions, se confiaient. Peu sur leur doute, beaucoup sur leur volonté de servir, de protéger, d'aider. Cela, elle le comprenait. Et puis elle-même avait menti, pour un but bien plus égoïste en plus. Alors de quel droit pouvait-elle juger ?

Elle avait fait de son mieux pour mémoriser le plus d'informations possibles et maintenant, assise à une table dans la bibliothèque déserte, elle classait ces données, les compilait en fichiers. Elle classait les informations se rapportant à des événements passés par date sur un parchemin, par lieu sur un autre. Sur un troisième, elle notait les ressentis, les regroupant par témoin. Les idées se répétaient, mais il était ainsi plus facile, si de nouveaux indices lui parvenaient, de les traiter. Studieuse, elle s'appliquait. Penchée sur son parchemin, la plume bien serrée entre ses doigts fins, elle oubliait le temps qui filait, la fatigue et la faim. Lorsqu'elle ne sut plus quoi ajouter à ses listes, elle s'étira puis frotta ses doigts, tentant de chasser les millions de fourmis imaginaires qu'elle sentait glisser sous sa peau. Elle se leva, laissa son sac sur sa chaise, les livres qu'elle avait utilisé pour y rechercher d'éventuels précédents dans l'histoire de la région et s'empara simplement de sa baguette et de ses quelques feuilles de parchemins. Elle vérifia que Gorgonzola était toujours endormi dans l'une des poches intérieures de son fourre-tout et quitta la bibliothèque.

Il fallait qu'elle trouve Chris. En plus d'être une personne de confiance, il était aussi apprenti journaliste. Son esprit logique devrait l'aider, et il pourrait lui dire si ses différentes listes étaient réellement utiles et ce qu'elles lui inspiraient. Elle questionna quelques étudiants qui pour la plupart haussèrent les épaules, peu désireux de perdre leur temps. Comme s'ils avaient tellement mieux à faire, comme si tout le temps à leur disposition leur servait beaucoup ces derniers temps. Elle soupira. Elle était certaine de l'avoir aperçu de loin, la veille au soir. Et si quelques sorciers lui dirent qu'il n'était certainement pas prisonnier avec eux, Hazel n'avait pas l'intention de se laisser décourager. Elle crut le voir au loin, au détour d'un couloir et gloussa de contentement, commençant à s'agacer de n'arriver à rien jusqu'ici.

« Chris ! »

Le garçon ne l'entendit pas et Hazel s'élança, lui prit le poignet pour qu'il ne lui échappe pas. Elle rit doucement, accrocha son regard et, radieuse souffla.

« J'ai cru que je n'arriverais pas à te mettre la main dessus, tu vas bien ? »

Elle le lâcha, passa une main dans ses cheveux pour y remettre un peu d'ordre et lui fit la bise, plaquant un baiser sur chacune de ses joues, s'attardant un peu quand ses lèvre passèrent à proximité de celles du garçon. Ce souvenir lui revint, de cet instant fragile sur le terrain de quidditch. Ils avaient froid, ils étaient sans doute un peu malade et peu logiques, mais son coeur avait manqué un battement, et cette sensation lui revint. Elle s'éloigna et afficha un nouveau sourire, large et aussi amical que possible. S'il avait eu pour elle les mêmes inclinations qu'elle avait à son égard, il aurait agi, fait un pas vers elle. Il lui aurait proposé de prendre un verre, il l'aurait attiré à lui, aurait fait n'importe quoi. Il lui aurait montré qu'elle l'attirait autant qu'il lui plaisait. Mais alors qu'ils avaient parlé de nombreuses fois de se voir, de passer un peu de temps ensemble, de profiter d'un peu d'intimité, ils n'en avaient jamais trouvé l'occasion et elle s'était fait une raison. Malgré ce qu'il l'avait laissée imaginer, elle n'était qu'une amie. Rien d'autre. Mais peu importait, à ce moment. Elle déglutit et reprit la parole.

« J'ai pris des notes sur ce qui se passe, ce que peuvent savoir et veulent dire les autres à Haveirson. J'ai classé de différentes façons... »

Elle lui montra très brièvement les parchemins, et leva les yeux vers lui.

« J'aurais besoin de ton esprit de journaliste en devenir pour m'aider, tu veux bien ? Et puis aussi… Je voulais… Enfin je sais que tu connais du monde à Poudlard. Je voulais savoir comment ils allaient, comment tu allais. »

Ce n'était pas possible, il devait bien y avoir une sortie quelque part ! A quoi bon nous enfermer si aucune sortie n'existait ? Dans le but de nous regarder mourir, de faim ou emporté par la folie ? Vu les pouvoirs que l'entité semblait posséder, c'est à dire le contrôle intégral du château, elle aurait plus vite fait de rapprocher les murs pour écraser tout le monde, ça serait se donner moins de mal et gagner du temps. Non, en tout logique, si les prisonniers d'Haveirson était encore en vie, c'est qu'on avait besoin d'eux pour une raison ou une autre. Mais laquelle ? C'était là une des questions qui persistaient dans son esprit. Son instinct lui soufflait que quoi qu'ils en disent, les hommes du ministère n'était pas étrangers à cette situation. Ils avaient infiltrés et trompés les élèves durant une année entière pour les observer et les analyser, alors pourquoi cela ne serait pas une nouvelle sorte de test ? Changement de condition, création d'une cause commune apparente pour faire passer la pilule et enclenchement de la phase numéro deux de l'observation. Peut être souhaitaient-ils observer leur réaction face à la nouvelle d'une trahison et d'un enfermement forcé ? Le journaliste en herbe ne voyait pas bien à quoi cela pourrait servir, mais d'un autre côté, il n'avait pas bien compris les raisons de leur manège de cette année. Mais si ses études de journalisme lui avaient bien apprit quelque chose, c'était qu'il ne fallait pas faire confiance aveuglément à ceux détenant le pouvoir et d'opposer son esprit critique à chaque vérité qui nous est imposée. Ne pas comprendre tout ça était très frustrant pour lui, presque autant que d'être enfermé ici alors qu'il devrait être dehors, libre. Certes il avait passé l'année dans ce château, mais il pouvait aller et venir à sa guise et c'était dans le cadre de l'année scolaire. Mais à présent, plus rien ne devrait le retenir ici, du moins jusqu'à la rentrée !

C'est pour toutes ces raisons que, parallèlement aux recherches prévues avec les groupes et ses homologues de Phénix et Abraxan, il menait sa propre enquête dans son coin. Avec un peu de chance, cela pourrait lui fournir quelques pistes à mettre en commun plus tard. Jusqu'ici il revenait chaque fois bredouille mais comme disait sa mère, Chris pouvait se montrer plus têtu qu'une mule lorsqu'il le voulait ! Fouiller le château à la recherche d'une sortie, c'était justement ce qu'il était en train de faire. Explorer pour la deuxième fois de la semaine les combles et le grenier poussiéreux du second étage, check. Il n'avait rien trouvé depuis des jours en dehors de cet étrange pendentif serti d'une pierre bleuté en forme d'embout. Allez savoir pourquoi, il sentait que l'objet avait de la valeur et depuis qu'il l'avait trouvé, il ne cessait de l'observer pour en percer ses secrets. Et vu que c'était assez peu utile, il alliait ça à la recherche dans divers ouvrages d'objets magiques. Il était donc là, poussiéreux et se dirigeant vers un autre lieu à inspecter, le pendentif entre les mains quand Hazel l'attrapa. Par réflexe, il fourra l'objet dans sa poche et sans s'en rendre compte, laissa un grand sourire s'épanouir sur ses lèvres. Elle était radieuse, il ne pouvait s'empêcher de le penser. Mais il ne devait plus y penser, maintenant que c'était plus que compromis.

- Désolé, j'étais perdu dans mes pensées. Je vais bien et toi ?

Il lui fit la bise quand elle s'avança vers lui et ne manqua pas d'être troublé par la proximité de leurs lèvres. Ce n'était pas voulu et il se faisait certainement des idées à force d'y faire attention, mais elles semblaient étrangement proches des siennes. Comme ce jour, au terrain de Quidditch... Mais à ça non plus, il ne devait plus y penser. Ne pas se souvenir de ce moment si particulier, sous la pluie, collé à elle, leurs lèvres liées par un baiser d'abord timide pour ensuite devenir fougueux. Ne pas y penser car il lui était apparu clairement qu'elle l'avait pas la suite évité durant toute une semaine, regrettant certainement ce dérapage et considérant peut être cela comme une erreur de parcours. Mais quelle erreur ! Ce n'était pourtant pas faute de l'avoir cherché, mais elle était resté introuvable. Elle n'était même pas venue en cours, c'était dire à quel point elle devait s'en vouloir de s'être laissé aller ! Puis les examens étaient arrivés, occupant la majeure partie de son temps, l'attaque, l'enfermement... Il n'avait pas eu un instant pour mettre les choses à plat avec Hazel et peut être un peu peur de sa réponse, aussi. Mais à présent le malaise semblait d'être dissipé et il aurait été idiot de remettre ça sur le tapis. Une franche et platonique amitié, voilà ce qu'elle attendait de lui et voilà ce qu'il allait lui offrir. Car c'était une fille géniale et que même en amitié, il voulait la garder. Mais pour ça, il devait se concentrer sur ce qu'elle disait et non pas rêvasser de ce qui aurait pu être. Car elle était là pour lui parler de l'enquête et rien d'autre. Il examina les notes de la jeune fille et ne put qu'admirer la rigueur avec laquelle elles étaient tenues. Lui de son côté se contentait de... eh bien rien à dire vrai. Tout était dans sa tête, en désordre et faisant irruption à l'occasion ou lorsqu'il cherchait à s'en souvenir.

- Le moins que je peux dire c'est que c'est très complet ! Je ne savais pas que tu t'étais autant penché sur l'affaire.

Il se permit de feuilleter les différents témoignages, les annotations et observations. C'était là une mine d'or qui, couplée à ses propres recherches, pourrait peut être faire bouger les choses.

- Je ne sais pas si mon esprit va beaucoup aider mais c'est avec plaisir que j'accepte !

Puis elle évoqua les faits s'étant déroulé à Poudlard et il fit de son mieux pour ne pas laisser sa mine s'assombrir.

- J'ai eu la chance d'être dehors lorsque les portes se sont scellées, alors j'ai au moins pu les voir. Ils vont bien, même si le corps et l'esprit ont subit des dégâts. Mais ils vont s'en sortir et c'est déjà une chance comparé à d'autres. Mais être privé de leurs nouvelles m'inquiètes, à dire vrai. Et toi ? Je n'ai pas eu de nouvelles concernant Eleonora. J'espère qu'elle va bien ?

Il s'en voulait un peu de ne s'être concentré que sur les personnes de qui il était vraiment proche, mais si certains appelleront ça de l'égoïsme, c'était surtout une franche inquiétude selon lui. Et à présent qu'il s'en rendait compte, il s'inquiétait aussi pour la préfète Poufsouffle.

Elle l'avait trouvé. Et en sa présence, il lui semblait impossible que les choses ne s'arrangent pas. Elle pouvait tenter de se convaincre que son indifférence ne la troublait pas, il était difficile, quand elle voyait son visage, d'oublier les baisers qu'elle aurait voulu y déposer. Il se tenait devant elle et elle se sentait adolescente, comme lorsqu'elle avait bêtement le béguin. C'était ça, avec Chris. Ça et un peu plus, peut être. C'était comme tenter de tuer les bouillons d'une marmite d'eau en appuyant sur le couvercle. Même si l'on ne les voyait plus réellement, même si l'on entendait un peu moins les claquements sonores des bulles qui éclataient, ce bouillonnement ne disparaissait pas. Et pis encore, il suintait entre le couvercle et la marmite, il se répandait, il restait. Il collait. Pourtant, Chris avait été clair. Ou plutôt, il ne l'avait pas été. Il n'avait rien été. Ils s'étaient rapprochés par un concours de circonstances et ils étaient devenus amis. Puis ils avaient glissé. Sous la pluie diluviennes, leurs lèvres s'étaient croisées, leur bouches s'étaient découvertes. Et c'était si bon !

Mais elle était fiévreuse, et elle était presque certaine que lui aussi. Et puis c'était elle qui avait commencé. C'était elle qui la première, avait caressé sa peau d'un semi baiser. Alors il y avait répondu. Ils étaient jeunes, ils n'avaient aucune raison de ne pas se faire plaisir. Cela n'engageait à rien. Après cela, la fièvre l'avait clouée au lit plusieurs jours d'affilés et de retour à Haveirson, Chris semblait assez occupé sans qu'elle ne l'encombre. Il n'avait pas le temps, probablement pas l'envie. Et elle compris qu'elle avait mal interprété. Être amis, c'était bien aussi, non ? Au moins elle ne le perdait pas. Mais ce n'était pas le moment de se complaire dans des regrets, dans des hypothèses et des désirs inavoués. Elle passait à autre chose. Même si son parfum lui faisait tourner la tête, même si son sourire lui laissait croire, l'espace de quelques secondes, qu'il partageait ce sentiment. Merlin qu'elle avait envie de lui ! De se blottir dans ses bras, d'embrasser sa peau, de ne plus réfléchir. Non. Haveirson. Juste Haveirson.

Il était dans ses pensées. Elle eut un petit rire et sa main se précipita devant sa bouche, comme pour le retenir, pour ne pas qu'il s'échappe. S'il y avait bien quelque chose qu'elle ne pouvait pas lui reprocher, à lui comme à n'importe qui d'ailleurs, c'était ça.

« Oui, je comprends. Cela m'arrive assez souvent aussi. Je me sens comme une lionne en cage, mais ça va, merci. »

Elle tendit à Chris les papiers sur lesquels elle avait travaillé depuis le début de la journée et son regard se fit un peu anxieux tandis qu'elle l'observait, plongé dons ses notes. Le sérieux avec lequel il semblait considérer son travail la flatta, et elle resta absolument silencieuse, malgré l'impatience qui se faisait sentir. Complet. C'était effectivement une bonne façon de décrire la chose, c'était l'essence même de son projet. Elle hocha la tête, relisant quelques mots ici ou là, grimaçant en remarquant une faute d'orthographe au milieu d'une phrase. Pourvu que son parchemin n'en soit pas truffé, qu'il ne la prenne pas pour une idiote…

« C'est gentil. Et je suis certaine que tu me seras d'une grande aide, comme toujours. On ne peut pas dire que je me sois plus penchée sur l'affaire que d'autres, je me suis contentée de parler aux gens, de trier ce qui avait de l'intérêt et ce qui en était dépourvu, et d'en laisser une trace. Nous savons tous quelque chose, d'une importance minime ou même capitale, peu importe. On ne peut jamais connaître le dessin d'un puzzle si tout le monde prend une pièce et part avec, en la gardant à l'abri des autres. C'est ça l'idée. Un répertoire de ce que l'on sait déjà. J'aime faire ça en plus, ça me détend. »

Classer des données, ce n'était pas un problème. Ce qui était plus compliqué, mais nécessaire, c'était de les exploiter. D'en tirer quelque chose, de comprendre qu'un élément manquait ou qu'un autre n'avait aucun lien avec le mystère d'Haveirson. Et pour cela, elle avait besoin de lui. Mais son intérêt personnel n'était pas la seule chose qui l'avait poussée à rejoindre le Sinistros, à l'accaparer un peu. Elle n'avait pas eu l'opportunité de le voir depuis les événements qui avaient secoué Poudlard et tout le Monde Magique. Elle se souvenait encore très distinctement de la détresse de Benjamin, lorsqu'il était rentré à la colocation le lendemain matin. Puis lorsqu'il avait prononcé le nom des morts, d'une voix brisée et aimante, avec la douceur et l'amertume d'un baiser d'adieu. Elle se souvenait de sa propre tourmente quand elle s'était affolée pour son amie, sa protégée, sa jonquille. Et elle savait que Chris, comme beaucoup d'autres étudiants, y avait passé de longues années. Elle avait vu quelques sorciers pleurer, depuis qu'elle s'était malencontreusement précipitée dans cet immense piège. Ils pleuraient la mort d'amis, l'état préoccupant de parents, d'un frère, d'un sœur… Chris était comme eux, lié au château. Souffrait-il ? Et ses amis ? Sa réponse la rassura partiellement et elle caressa le bras du garçon, emplie d'un doux sentiment de compassion.

« Eleonora va bien, oui. Je n'ai pas pu la voir à travers notre miroir à double-sens et je n'ai pas pu non plus lui rendre visite encore. J'avais l'intention de faire une fois repartie d'Haveirson, mais je croyais que cela ne prendrait que quelques heures. Elle me manque. Et j'en ai marre d'être ici, sans mes affaires, sans rien. J'avais prévu de l'emmener voir un ballet, pour fêter ses BUSEs. Je me moquais qu'elle les réussisse ou non, même si je n'ai jamais douté d'elle. Je voulais juste qu'on passe du temps ensemble parce que la quarantaine de Poudlard nous avait éloignées et qu'elle est… ellee est ma famille, en quelque sorte. Mais c'est idiot. »

Elle se redressa, soupira et se força à sourire. Un sourire tremblotant d'abord, puis assuré, quoiqu'un peu forcé. Elle n'avait pas besoin de l'ennuyer avec ses tracas. Elle avait raté un ballet, d'accord. Combien ne pourraient assister aux funérailles d'un être aimé ? N'était-ce pas plus important, d'ailleurs, de se concentrer sur autre chose que leurs frustrations ? Comme sur ce qui les maintenait enfermé ici ? Elle haussa les épaules.

« Tu allais dans les combles ? Tu veux que l'on cherche des indices ensemble ? »

Elle l'observait avec intérêt. Elle admirait secrètement les traits qui trahissait la concentration pendant sa lecture. Elle remarquait que sa barbe était un peu plus longue que cette fois, sur le terrain de quidditch. A son contact, elle s'était laissée porter dans ses souvenirs, ce qui n'avait rien de prudent. Elle notait la teinte un peu plus mat qu'avait pris sa peau, ses yeux un peu fatigués. Elle était fatiguée de cette attirance à sens unique, comme des cailloux lancés dans l'eau. Rien ne revenait. Elle ne s'était pas très bien débrouillée, il fallait l'avouer. Il était maintenant trop tard pour lui avouer ce qu'elle aurait aimé de lui, et leur relation semblait stable. Alors elle se raccrochait à cette idée que ce n'était déjà pas mal, au lieu de demander plus, comme elle l'aurait voulu. Elle ne voulait pas beaucoup plus, elle n'était pas de ces filles qui souhaitent qu'on leur décroche la lune. Elle voulait simplement… Qu'il soit là ? Qu'il s'attache ? Qu'il comprenne. Mais qu'il comprenne quoi ? Elle n'en avait aucune idée. C'était peut être cela qui était le plus surprenant. Elle avait toujours su. Elle savait qu'elle ne voulait rien de Quinlan, qu'un électrochoc pour la sortir d'une nuit embrumée. Elle savait que James n'était pas le problème, pas la solution non plus. Que voulait-elle avec Chris ? Que savait-elle ?

Elle avait envie de se laisser glisser dans ses bras. De déposer des baisers dans la paume de sa main, de sentir la chaleur sur ses lèvres. De mêler ses doigts à ceux du garçon, que leurs regards s'embrassent. Rien de plus. Rien d'autre que cela n'était nécessaire. Elle s'était laissée aller sous la pluie sans idée précise. Elle s'était laissée avaler par la fièvre sans y repenser. Et en le regardant être trop loin, elle avait développé ce dont elle ne voulait pas. Ce qui l'encombrait, l'embarrassait. Ne lui était d'aucun secours ou d'aucun intérêt. Des sentiments. Puis il parla et elle sursauta. Lui aussi souffrait de l'enfermement, c'était évident. Il voulait toujours ce qu'il ne pouvait avoir. Comme elle avec lui. Elle sentit qu'elle était sur le point de le lui avouer et le rouge lui monta aux joues. Pas de ces jolies teintes dont on dit qu'elles donnent bonne mine. Non. Un rouge cramoisi, intense. Les pommettes en feu, l'estomac à l'envers, les poumons écrasés et l'oesophage entortillé. La totale. Elle bafouilla, nerveuse.

« Je suis comme ça aussi. »

Est-ce que c'était idiot ? Oui. Est-ce qu'il comprendrait ? Par Merlin, elle espérait que sa mère avait raison quand elle disait que les hommes comprenaient vite mais qu'il fallait leur expliquer très longtemps ! Et maintenant, quel était le plan ? Ah oui. Haveirson. Les mystères. Non, pas de l'amour ! Les mystères du château, les… oh puis zut. Elle était irrécupérable. Alors il était plus prudent de se taire et de se concentrer sur les quelques pages de parchemin qu'il avait entre les mains. Elle apprécia son opinion, qu'elle prit comme un compliment. L'unité. C'était ce qu'ils n'avaient pas l'air de comprendre, tous. Peu importait que les personnes du ministère n'aient pas été francs. Ils étaient tous dans le même bateau. Peut être qu'ils les manipulaient encore, peut être que ce n'était qu'une sorte de test. Mais la meilleure façon d'y mettre un terme, c'était d'oublier les différends. Et ça, ce travail qu'elle avait placé en haut de sa courte liste des choses à faire, c'était les fondations. Elle avait d'autres plans. Peut être naïfs, peut être inefficaces. Mais elle resterait fidèle à elle-même.

Et elle l'était en se moment même, s’épanchant sans retenue, profitant de l'oreille attentive que lui prêtait Chris. Elle était troublée.Bien sûr, elle avait de la chance. Elle avait des amis ici. Elle n'avait pas encore vu Nora mais il lui semblait avoir croisé Ben dans le hall. Elle avait Chris, Elena, Isolde… Elle s'était fait tant d'amis en quelques mois, et la plupart d'entre eux étaient coincés avec elle. Et pourtant, elle se lamentait de l'absence d'Eleonora. Alors oui, elle comprenait Chris. Il était difficile de se contenter de ce que l'on avait quand on pouvait désirer quelque chose d'inaccessible, et s'escrimer à tenter de l'obtenir en vain.

Il lui avoua avoir déjà parcouru les combles, recherché ce que personne n'avait trouvé avant lui, mais sembla partant pour recommencer avec elle. Elle lui offrit un large sourire et lui prit la main, s'élançant vers les combles avec lui. Elle réalisa son geste et par nervosité, serra un peu plus son emprise. Idiote.

Elle se demanda s'il sentait ses doutes, ses hésitations. La façon dont elle le regardait et la lueur dans ses yeux, qu'elle peinait à camoufler et qui n'avait rien d'amical. Bien sûr, elle tâchait d'être naturelle, de ne rien laisser paraître de la tension qui l'habitait, des sentiments qui faisaient bondir son coeur dans sa pauvre poitrine. Pourquoi lui ? Qu'est ce qui la poussait chaque fois à aimer le mauvais ? Pas que Chris soit quelqu'un de mauvais, qu'il soit désagréable ou quoi que ce soit du genre mais… Alors qu'elle n'avait pas réussi à s'abandonner avec James qui pourtant n'attendait que cela, qu'est ce qui chez Chris la retenait quand il n'attendait pas la même chose d'elle ? Les mots qu'il avait prononcés tournaient en boucle. Elle aussi, voulait toujours ce qu'elle ne pouvait avoir. Et  il était ce qu'elle ne pouvait avoir. Est-ce que s'il était plus ouvert à l'éventualité d'une relation, cela changerait quelque chose ? Serait-il alors trop accessible ?

Elle le regarda avec curiosité, tâchant de répondre à cette question muette. Comment pouvait-on ne pas vouloir tout ce qu'il pouvait offrir, quoi que ce soit? L'observant, elle lui trouva un air songeur. Il lui allait bien, certes, mais Hazel hésita. Lui demander à quoi il songeait pourrait être une bonne solution pour chasser ses propres pensées de son esprit, mais ce serait avouer qu'elle le regardait en douce pendant qu'il lisait et c'était un peu trop étrange. Avoir rougi suffisait à l'embarrasser, elle n'avait pas besoin qu'il sache qu'elle ne le quittait plus des yeux. Finalement, la meilleure solution fut de bouger. Elle se saisit de sa main et l’entraîna derrière elle, décidée. Ne pas traîner, ne pas réfléchir. Et surtout, marcher vite. Parce que si elle ralentissait, s'il parvenait à son niveau, alors lui tenir la main aurait juste l'air absolument déplacé. Finalement, la voix du sinistros vint couvrir le bruit de leurs pas et elle sourit. Elle lâcha sa main et fit volte face, marchant à reculons tandis qu'elle répondait.

« C'est un vrai calvaire. Trouver une chambre n'a pas été compliqué le premier soir. On m'a proposé une chambre libre, chez les Abraxans. Sauf que la fille à qui appartenait le lit est arrivée hier, et du coup, il a fallu choisir une autre chambre. Mais j'ai à peine déposé mes affaires qu'on est venu me chercher parce qu'encore une fois, il y avait eu des arrivées. Je suppose que je pourrais demander à un enseignant de me loger, ou même mettre un matelas dans une chambre occupée, mais c'est suffisamment difficile pour tout le monde. L'enfermement, l'ignorance, l'incompréhension… Personne n'a en plus besoin d'avoir quelqu'un d'inconnu ou presque qui dort sur le sol. Si l'on est trop nombreux, à dormir presque les uns sur les autres, alors ça va rapidement devenir très compliqué. »

Elle rit et haussa les épaules, trébucha contre une pierre et rattrapa son équilibre de justesse. Malgré tout, elle ne cessa pas son manège, préférant faire face à Chris tant qu'ils discutaient. Elle se contenta juste de jeter un peu plus de coups d’œil par dessus son épaule, tâchant de mieux observer l'itinéraire. Quand elle fut certaine que rien ne la déstabiliserait pendant un petit moment, elle reprit.

« Apparemment, j'aurais une chambre définitive ce soir. Enfin, jusqu'à ce que ça se termine quoi. Tu te souviens de June ? Elle était chez Sinistros, une petite rousse, les cheveux très très longs. Elle fait partie des langues-de-plomb et c'est assez bizarre parce que sa propre fille est aussi à Haveirson et ne savait pas, donc forcément… Enfin je comprends totalement que sa fille lui en veuille, et ce serait ma mère, je crois… Enfin tout le monde sait que je n'ai plus aucune relation avec mes parents parce qu'ils ont menti. Quoi qu'il en soit, June – qui est en fait une Mary, s'en veut plus que les autres, je crois, sans doute à cause de sa fille et on discute beaucoup. Donc elle m'a dit qu'elle m trouverait une chambre d'ici ce soir. Et des vêtements aussi, parce que ouais, tout est à Avalon. Ici j'ai… Ma baguette, du parchemin, ma plume, Gorgonzola – tu sais, ma souris – et j'avais quelques bonbons aussi, mais ils ont disparu dans la première demie-heure d'enfermement. Ah et j'ai mon retourneur de temps aussi, parce qu'il a trop de valeur pour que je le laisse où que ce soit. »

Elle sortit l'objet de son décolleté pour le montrer à Chris, comme pour souligner ses propos, et le dissimula de nouveau sous sa robe. Elle faisait de son mieux pour garder sa possession secrète, comme si elle était en faute, ou par peur qu'on ne le lui prenne. Elle hésita un peu, puis considéra qu'elle avait été assez bavarde pour le moment et tourna les talons pour constater qu'à force de palabres, ils étaient arrivés à destination. Elle saisit l'échelle, commença à grimper et lorsqu'elle posa la pointe du pied sur le barreau du milieu, elle se ravisa et descendit précipitamment. Ecarlate, pour ne pas changer, elle bafouilla.

« En fait je… enfin tu devrais monter avant. Je crois. Parce que bon, enfin, tu sais… Je sais que c'est pas très malin d'aller crapahuter en robe mais on n'arrive déjà pas à me trouver une chambre alors quelque chose de secondaire comme des vetements… et puis je n'ose pas trop de monter non plus. Quoi qu'il en soit, même si je sais bien qu'on est juste amis maintenant et tout... »

Elle baissa les yeux, avec l'impression que des flammes allaient dévorer ses joues.

« Bah ça me met quand même un peu mal à l'aise que tu puisses voir sous ma robe. Désolée. »

En même temps, maintenant qu'elle y pensait, même entre amis la situation pouvait être gênante. Sauf avec Ben, parce qu'il était asexué pour elle mais... enfin Chris... C'était ridicule. Elle était ridicule. Pourquoi était-elle ridicule devant lui en particulier ? Ridi… ouais, bref.

Chris aurait été bien gêné si Hazel lui avait demandé à quoi il pouvait bien penser, là maintenant. Car même si en surface il s'intéressait aux notes de la jeune femme, en profondeur, il ne pensait qu'à leur escapade au terrain de Quidditch, sous la pluie battante. Aux baisers partagés, à la douceur de ses lèvres. Au manque qu'il éprouvait les concernant et à son envie de les retrouver. Heureusement, une fois ses pieds en marche et tiré par sa main, elle lui offrit une distraction à ces pensées en se retournant vers lui pour lui parler. Chris adapta son rythme au sien pour ne pas lui rentrer dedans -bien que ça ne l'aurait pas dérangé- et se concentra sur les mots qu'elle prononçait. Maintenant qu'il y réfléchissait concrètement et qu'elle lui décrivait les difficultés rencontrées, il réalisa à quel point elle avait pu avoir du mal à trouver un lieu où dormir. S'il avait su et que les circonstances avaient été autres entre eux, cela aurait pu être si simple... En se collant un peu, ils auraient très bien pu tenir dans son lit. Mais à la vue de leur relation de nouveau amicale, il aurait été totalement déplacé de faire une telle proposition, alors Chris se retint malgré les mots qui brûlaient d'envie de franchir ses lèvres. A la place, il hocha la tête et se contenta de répondre :

- Je pense que c'est surtout dans ces moments là qu'il faut se serrer les coudes et s'entraider quand on le peut, même si cela peut être un peu pesant selon certains. Compliqué ou non, on a pas bien le choix de toute façon.

Il laissa échappé un timide rire et passa la main dans ses cheveux, plus par gêne que par nécessité. Tout avait semblé si simple qu'il lui semblait à présent étrange de devoir faire attention à ses mots, ses gestes et d'être gêné au moindre petit écart. A force de marcher à reculons, la jeune fille fini par rencontrer un obstacle et failli perdre pied mais avant même que Chris puisse s'élancer pour la rattraper, elle se rattrapa. Dommage, cela aurait été une bonne excuse pour la sentir contre lui. Mais elle repartie de plus belle et il continua de suivre en l'écoutant. June. Oui, il se souvenait d'elle. Bien qu'ils n'aient jamais été bien proche, Chris s'était fait un devoir de parler avec chaque membre de sa confrérie pour répondre au mieux à leurs besoins et surtout, les représenter comme ils le méritaient. June. Il la revoyait encore, timide dans un coin. Maintenant il comprenait mieux pourquoi, elle était trop occupée à récolter les informations. Le portugais avait réellement vécu ça comme une trahison et était loin de se sentir prêt à pardonner ou oublier. D'autant plus qu'elle avait une fille à qui elle avait menti pour faire ça. Qui pouvait faire passer son allégeance pour son travail avant celle pour sa famille ? C'était totalement incompréhensible pour lui qui avait été élevé dans un pays où les valeurs familiales étaient très fortes.

- Si jamais ça ne se fait pas et que tu as besoin d'une chambre en tout cas, n'hésite pas. Que ce soit chez les Sinistros ou dans une autre confrérie, avec l'aide d'Isolde et de Novenka, on trouvera ça, c'est certain.

Elle lui parla de Gonrgonzola et Chris se fit la remarque qu'il aurait très certainement servi d'apéritif à Patrol si ce dernier en avait eu l'occasion. Enfin, elle lui montra le retourneur de temps. Ce n'était pas la première fois qu'il le voyait mais il était toujours autant étonné par la puissante que renfermait un objet si petit. Avait-elle essayé de l'utiliser pour s'empêcher de s'enfermer à Haveirson ? Si c'était le cas en tout cas et puisqu'elle était là en face de lui, ça n'avait pas du être très concluant. En tout cas, il comprenait qu'elle l'emmène partout. Il en était de même pour sa réplique de ceinturon et le pendentif qu'il avait trouvé.

Une fois au pied de l'échelle, elle s'attaqua à l'escalade et très vite, le cerveau de Chris cessa de fonctionner. De là où il était, il pouvait voir sous sa robe. Bien sûr, par respect, il détourna les yeux dès qu'il réalisa ce qu'il se passait mais trop surprit, il lui avait bien fallu quelques longues secondes. De toute évidence, Hazel s'était rendu compte de la possibilité que cela arrive car déjà elle se laissait tomber au sol, écarlate. Chris était lui aussi bien rouge, ne sachant pas si elle avait vu qu'il avait lui même vu. Elle bafouilla et une fois qu'il eut terminé, Chris prit malgré lui le relais.

- Non.. enfin oui ! Je comprend totalement, ne t'en fais pas. C'est normal d'ailleurs, j'aurais du... passer le premier. Entre amis, ce sont des choses qu'on évite en effet. Et puis... oui, oui. Je vais monter. On va faire ça comme ça. C'est mieux !

Merlin qu'il se sentait mal ! Elle aussi était de toute évidence gênée, comme toute fille qui aurait prit le risque qu'un ami voit ses sous-vêtements. D'autant plus s'il existe un passif avec cet ami en question et qu'elle ne voulait plus y penser ou que cela se reproduise. Il baissa la tête et avança vers l'échelle, trop vite pour sembler naturel. Il grimpa à l'échelle aussi rapidement que possible pour cacher sa gêne dans l'obscurité des combles. Une fois en haut, il s'allongea sur le dos, les yeux rivés vers la charpente. Il fallait qu'il se reprenne, ça n'allait plus. Ce n'était pas la première qu'il vivait une situation compliquée, il devrait être capable de la gérer ! Oui, c'était ça. Il allait se reprendre et agir comme il devrait. Hazel tardant à faire son arrivée, du moins lui semblait-il, il passa sa tête dans l'encadrement du passage pour voir où elle en était. Juste là, sous ses yeux, à quelques dizaines de centimètre de lui, se tenait la jeune assistance. Et son décolleté, sur lequel il avait une vue plongeante sans l'avoir vraiment voulu. Il disparut aussitôt de l’encadrement, espérant qu'elle ait été trop concentrée sur son ascension pour le remarquer.

Une fois qu'elle aussi eut atteint le sommet, Chris se releva en faisant bien attention à ne pas se cogner le crâne sur le plafond bien bas et s'épousseta. A croire que personne ne venait faire le ménage, par ici. Toujours trop gêné pour regarder la jeune fille dans les yeux, il se garda de lancer un lumos qui, bien que non vital, aurait éclairci un peu la pièce.

- Fais attention, le bois est fragile à certains endroits, surtout vers le fond. Les cartons là bas sont, de ce que j'ai eu le courage de regarder, d'anciens papiers concernant le château. J'ai même trouvé des plans datant d'avant les rénovations mais pour la plupart, ils sont devenus illisible.

Au diable le trouble et tout ce qui allait avec. Hazel faisait de son mieux pour ne plus penser au terrain de quidditch, à ses sentiments, à ses envies. De toute façon, s'ils avaient dû en parler, alors ce serait fait depuis bien longtemps. Il ne souhaitait visiblement pas s'attarder sur le sujet, laisser cette journée particulière dans un coin de sa mémoire, ne rien attendre de plus. Et pour ne pas qu'il ne s'éloigne, pour ne pas compromettre ce qui lui semblait être un début prometteur d'amitié, elle avait laissé le temps filer. Elle qui pouvait en contenir quelques petites heures, revivre les choses, reprendre le temps. Elle avait attendu, et c'était bien trop tard pour revenir en arrière. Bien trop tard pour espérer, pour demander. Quand le moment était passé, il était inutile de s'accrocher. Tout ce qu'elle risquait, c'était de le mettre mal à l'aise, de perdre son amitié. Qu'il en préfère une autre plus facile, moins ambiguë. Elle devait lâcher prise. Abandonner. Le faire vraiment, avec autant de conviction qu'elle le pensait quand elle craignait de dire un mot de trop.

Malgré ses efforts, elle restait distraite. Elle parlait tout en réfléchissant, se félicitant de ne pas prononcer les mots qui s'inscrivaient en silence dans son esprit, et elle ne décrochait totalement que lorsqu'il lui parlait, comme si chaque fois, la bulle éclatait. Il n'avait pas tout à fait tort. Faire preuve de solidarité était primordial dans de telles circonstances et pourtant, de nombreux étudiants s'étaient repliés sur eux même ou se concentraient en petit groupe, s'isolant des autres, oubliant que la communauté était plus forte. Nombre d'entre eux étaient inquiets pour leur famille, déstabilisé par l'idée de l'attaque de Poudlard, blessés par l'imposture de ceux qu'ils avaient considéré comme des amis, et qui n'étaient en fait que des marionnettistes à leurs yeux. Il était difficile de faire comprendre à une majorité de sorciers enfermés ici que malgré tout ce qui pouvait les séparer, agir ensemble, pour le bien de tous, était la priorité. Beaucoup de choses avaient été faites pour tenter de sortir, ou ne serait-ce que pour communiquer avec l'extérieur. Mais ils ne parvenaient pas à tout savoir, et certains actes étaient répétés plusieurs fois quand d'autres idées n'étaient pas exploitées. Est-ce que c'était toujours comme ça, en cas de crise ? Hazel ne posa pas la question, n'en connaissant que trop bien la réponse.

« Je n'ai pas envie de déranger. Si mon effort peut éviter à plusieurs personnes d'en faire… Enfin ta proposition est adorable. En vrai, j'ai une solution de repli, mais je n'ose pas vraiment. Rupert… enfin le professeur Larkin n'est pas à Haveirson, et je suis certaine, du moins je crois, qu'il comprendrait que je m'installe dans ses appartements. Mais il pourrait aussi arriver, et puis je n'aime pas l'idée de m'installer chez mon boss sans même avoir eu l'occasion de lui en parler, tu vois ? Nous verrons bien. »

En attendant, elle préférait se concentrer sur leur expédition, sur les combles, sur les barreaux de l'échelle qu'elle ne voyait pas à travers les… pans de… sa robe ! Elle était en robe ! Et oubliant totalement ce détail, elle n'avait rien trouvé de mieux à faire que de précéder un garçon dans une petite séance de grimpette. Cette idée sonnait mal. Sa culotte était visible. Elle était terriblement stupide comme fille ! Honteuse, se maudissant, elle redescendit bien plus vite qu'elle n'avait commencé à monter, espérant que la hauteur qu'elle avait atteint ne suffisait pas à dévoiler ses dessous. Elle était rouge, il était rouge, ils étaient rouges tous les deux. Ils étaient jeune, et sans doute un peu idiot, encore à un âge ou des histoires de culotte pouvaient les rendre muets. Il avait vu, c'était certain. Elle en était certaine du moins. Même si… peut être avait-il simplement compris qu'il risquait de pouvoir voir ? Non. Il avait vu.

Perdue dans un combat mental, Hazel mit un certain temps à réaliser que Chris n'était plus là et qu'à son tour, il fallait qu'elle rejoigne les combles. Alors, elle se cramponna de nouveau au bois de l'échelle et monta, un barreau après l'autre, concentrée sur sa tâche. Et un mouvement attira son attention. Là où, au dernier coup d'oeil, il n'y avait rien, un visage venait d'apparaître, puis de s'éclipser bien trop vite pour qu'elle ne puisse réagir. Et elle se mit à douter. Il n'avait pas l'air plus à l'aise qu'elle. Etait-il possible qu'elle se soit fait des idées ? Ou simplement qu'il ne soit pas capable de savoir ce qu'il voulait réellement ? Hazel soupira. Cette excursion en plein territoire arachnide, entre des pâturages de moutons de poussière et des montagnes de cochonneries conservées là Merlin seul savait comment, s'avérait bien plus complexe que prévu. Il allait falloir qu'elle face un geste. Qu'elle dise un mot. Ils n'avaient parlé de rien, et elle commençait à penser que c'était une très mauvaise idée. Parler, ça n'avait jamais tué personne. Enfin si mais… pas dans ce contexte. Elle écouta les conseils de Chris, ses commentaires, et sortit sa baguette.

« Lumos. Tu sais, je pense que ça peut valoir le coup quand même. Certains sorts peuvent nous aider à les restaurer, mon amie Dora travaillait dans une bibliothèque, elle en connaît peut être ? Enfin si elle est là. Et puis avec le nombre de prisonniers, de langues de plombs, de gens dont nous ne savons pas encore tout à fait qui ils sont ni ce qu'ils font… Peut être qu'on pourra nous aider. »

Elle lui sourit et tourna les talons. Commencer chacun de son côté, ça ne pouvait pas être une mauvaise idée. Elle déplaça un carton qui s'ouvrit par le fond et dont le contenu tomba au sol dans un nuage de poussière, éternua, jura et s'excusa de son vocabulaire, le tout machinalement. Elle devait trouver un truc. N'importe quoi ! Derrière une pile de parchemins vierges et jaunis, elle trouva une petite boite, verrouillée magiquement, qu'elle mit de côté pour ne pas l'oublier en partant. Puis elle demanda, sans cesser ses recherches.

« Est-ce que je te mets mal à l'aise ? »

Un auror, John Dorian, ami de longue date son père pour qui Chris avait beaucoup de respect lui avait dit un jour, alors qu'il avait un coup dans le nez et tentait de faire l'éducation sentimentale du jeune garçon que selon son expérience, lorsque deux amis ratent une opportunité décisive de devenir plus que ça, ils avaient exactement 48 heures pour concrétiser cela. Qu'autrement, l'un des deux (souvent elle, d'après JD) allait trop y réfléchir, ne se laissant plus guider par ses pulsions et que dans ces cas là, les hommes finissaient à tout jamais bloqué dans la "Friendzone". Chris n'avait jamais prit ces mots au sérieux malgré son respect pour l'ami de son père. Mais ces paroles lui étaient revenues en tête le lendemain de ce merveilleux jour sur le terrain de Quidditch et depuis, elles ne lui semblaient que de plus en plus réaliste. Bien sûr, il avait donc essayer de faire comme conseillé, avoir une explication avec elle. Mais Hazel était restée introuvable bien plus de 48 heures. Et à son retour, elle comme lui avaient fait mine que rien ne s'était vraiment passé, continuant comme ami. C'était donc ça, la friendzone. Mais il espérait bien que JD avait tort sur au moins le dernier point. Car il ne voulait pas passer le reste de sa vie dans celle d'Hazel. Encore fallait-il qu'il trouve le courage de lui en parler, de vaincre sa peur de paraitre ridicule à remettre sur le tapis une histoire très certainement révolue dans l'esprit de la jeune assistante. Peut-être était-il considéré comme une erreur de parcours avec qui on reste proche car au fond, on l'apprécie, mais à l'unique condition qu'il garde le silence sur leur passé ? Risquait-il de la perdre en ouvrant la porte derrière laquelle se cachaient tous les fantômes de leur brève mais intense histoire ? Toutes ces questions et bien d'autres encore étaient constamment ressassées dans sa tête sans jamais qu'il parvienne à y trouver de réponses. Enfin si. Il avait choisi de la jouer safe. Ne pas demander plus que ce qu'elle voulait bien lui donner pour ne pas risquer de la perdre. L'avoir en amie était toujours mieux que de ne plus l'avoir auprès de lui. Alors, inlassablement, il tentait de se conformer à ce choix.

Chris prônait la solidarité et, depuis toujours, la tolérance propre aux Poufsouffle. Mais là, dans ce contexte, il faisait une entorse à ses convictions. Oui, il était solidaire, mais ne le serait pas avec tout le monde contrairement à Hazel. Il restait persuadé que ceux qui leur avait menti depuis des mois, les langues de plomb, continuaient de pratiquer cet art du mensonge aujourd'hui encore, leur faisant croire qu'ils étaient tous d'un seul et même côté pour mieux faire passer la pilule. Un mensonge pour en faire oublier un autre, voilà ce que c'était selon Chris. Il ne savait pas ce qu'en pensait Isolde ou Novenka, mais il n'accepterait pas de partager ses informations avec eux et encore moins en inclure dans son groupe de recherche. C'était peut être une erreur, mais il ne voulait plus se faire avoir par eux pour d'obscures raisons cachées.

- Je comprendre beaucoup mieux pourquoi le professeur Wenlock Larkin t'as choisi toi comme assistance. Si tu travaille autant pour lui que pour obtenir ces informations, le chanceux ne doit plus avoir grand chose à faire ! Un peu d'humour pour détendre l'atmosphère, peut être ? Et puis à bien y regarder, c'était vrai.

Hazel n'avait pas tort concernant les archives. En tant que bon reporter en devenir, il avait d'abord pensé à les étudier en détail pour tenter d'y trouver un indice quelconque bien évidemment. Mais après avoir vu l'état des ouvrages, à peine lisibles, il s'était dit qu'ils devaient remonter au moins à la construction du château il y a des dizaines d'années de cela et que rien ne pourraient les sauver de se transformer en poussière au moindre contact. Mais peut être que si quelqu'un ici savait comment les remettre en état... Oui, ça pouvait être un filon à suivre.

- Tu as certainement raison. Quelque chose pourrait se cacher là dedans, des plans indiquant des sorties secrètes ou que sais-je encore concernant les mystères de ce domaine.

Alors qu'il continuait d'imaginer ce que pourraient bien renfermer ces documents plus vieux que son propre père tout en parcourant la piège à la recherche de Merlin seul pouvait bien savoir quoi, une question le désarçonna totalement. Bafouillant allègrement, il tenta de formuler une réponse.

- Je.. Bien sûr que n.. Pourquoi tu dis ça ? Tu...

Même lui n'y croyais pas alors comment aurait-elle pu gober sa tentative de rester calme ? Il fallait se rendre à l'évidence. Malgré tous ses efforts pour donner l'illusion de rester détendu en sa présence, il n'offrait qu'une piètre performance. Poussant un profond soupire comme quelqu'un devant passer au aveu l'aurait fait, il se reprit. Elle s'en rendait compte, à quoi bon mentir encore ? Autant tout déballer et voir ce qu'il se passerait. Au pire... il allait la faire fuir.

- Pour dire vrai, j'ai du mal à savoir comment agir avec toi. Enfin non. Je sais comment je devrais agir bien sûr, mais j'ai du mal à m'y tenir. Je suis facilement troublé depuis ce qu'il s'est passé... tu sais, au terrain. Même en faisant attention à éviter, je continu d'avoir ça en tête. Ce qui fait que je me comporte si étrangement. Excuse-moi.

Il ne s'inclina pas vers elle en présentant ses excuses comme le faisait les asiatiques, mais c'était tout juste. Il s'en voulait de ne pas être capable de garder ses états d'âme pour lui, comme il avait pourtant toujours réussi à le faire. Il s'en voulait de l'embêter avec ça. Il n'avait jamais eu ce problème avec Lena ou Jessica. Mais là, il était bien trop attaché semblait-il.